Gérant succursale assujetti non

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 19 mai 2010

N° de pourvoi : 09-42614

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Collomp (président), président

Me Hémery, Me Odent, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Reims, 6 mai 2009), statuant sur contredit de compétence, que M. X..., antérieurement salarié de la société CMUC (supermarché Champion) aux droits de laquelle se trouve la société Champion supermarchés France (CSF), a pris en location-gérance, le 20 mars 2002, un supermarché appartenant à la société Prodim et sis à Reims, où il était exploité sous l’enseigne “Marché plus” ; que M. X... a constitué en 2003 une société dénommée Armony dont il était le gérant et qui, après résiliation des contrats conclus entre la société Prodim et lui, a signé : - avec cette dernière, au début de l’année 2003, un contrat de location-gérance, un contrat de franchise “Marché Plus”, une convention de prestation de service “SVP Social”, ainsi qu’un contrat de concession de logiciel et de maintenance du logiciel ; - avec CSF un contrat d’approvisionnement dit “type proximité” ; que la société Prodim ayant dénoncé le contrat de location-gérance le 20 janvier 2006, la société Armony a saisi la juridiction commerciale ; qu’agissant à titre personnel, M. X... a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes, prétendant qu’il avait été en réalité lié par un contrat de travail aux sociétés CSF et Prodim, constituant toutes deux un seul et même employeur ;

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt d’avoir décidé que la juridiction prud’homale était incompétente, alors, selon le moyen :

1°/ que M. X... soutenait que la conclusion avec deux personnes juridiques distinctes, d’une part d’un contrat de franchise Marché Plus et d’un contrat de location gérance avec la société Prodim, d’autre part d’un contrat d’approvisionnement avec la société CSF, ne pouvait éluder l’application, à son profit, de l’article L. 781-1 du code du Travail, dans la mesure où ces deux sociétés, toutes deux filiales à 100 % de la société Carrefour, avaient des activités complémentaires et entretenaient des liens très étroits, de sorte qu’à l’égard de M. X..., elles devaient être considérées, au sens du texte précité, comme une seule et même entreprise commerciale ; qu’en se bornant à énoncer que ces deux sociétés filiales de la société Carrefour étaient autonomes pour écarter l’application de l’article L. 781-1 2° à l’égard de la société CSF, au motif qu’elle n’en remplissait pas les conditions en ce qui concerne la fourniture d’un local et l’imposition des conditions de vente et d’exploitation, sans rechercher si la société CSF et la société Prodim ne devaient pas, eu égard à leurs liens, à la complémentarité de leurs activités, à l’indissociabilité des contrats respectivement signés par chacune avec la société Armony gérée par M. X..., être considérées à l’égard de ce dernier comme une seule entreprise commerciale au sens de l’article L. 781-1, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte, devenu l’article L. 7321-2 du code du travail ;

2°/ que le juge, saisi par le gérant d’une société titulaire d’un contrat de gérance et d’un contrat de franchise qui invoque à son profit les droits qu’il tient à titre individuel de l’article L. 781-1 2° du code du travail, doit rechercher s’il en remplit, en fait, les conditions d’application, sans s’arrêter aux stipulations des contrats ; qu’en se bornant à énoncer, s’agissant de la condition relative aux prix imposés, que la société Prodim pouvait se prévaloir de l’article 3-1-5 du contrat de franchise selon lequel M. X... pouvait adapter la politique de vente tarifaire proposée sans rechercher si, ainsi que ce dernier le soutenait, dans les faits, il ne lui était pas impossible de modifier les prix des produits en raison, en amont, de leur étiquetage par le système informatique maîtrisé par le fournisseur, et, en aval, des contrôles et pressions du fournisseur informé, en temps réel, des prix pratiqués, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 781-1 2° du code du travail, devenu l’article L. 7321-2 du même code ;

3°/ que le juge, saisi par le gérant d’une société titulaire d’un contrat de franchise qui invoque à son profit les droits qu’il tient à titre individuel de l’article L. 781-1 2° du code du travail, doit rechercher s’il en remplit, en fait, les conditions d’application, sans s’arrêter aux stipulations des contrats ; qu’en jugeant que le respect, par M. X..., des normes voulues par la société Prodim n’étaient que l’application pure et simple du contrat de franchise liant la société Armony, dont M. X... était le gérant, à la société Prodim quand, nonobstant les stipulations de ce contrat, la cour constatait ainsi que M. X... exerçait, en fait, son activité selon les conditions imposées par la société Prodim, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l’article L. 781-1 2°, devenu l’article L. 7321-2 du code du travail ;

Mais attendu qu’aux termes de l’article L. 781-1. 2° devenu L. 7321-2 du code du travail, les dispositions de ce code qui visent les apprentis, ouvriers, employés, travailleurs sont applicables aux personnes dont la profession consiste essentiellement à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule entreprise industrielle et commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise ; qu’il résulte de ce texte que dès lors que les conditions sus-énoncées ne sont pas, en fait, réunies, quelles que soient les énonciations du contrat, les dispositions du code du travail sont inapplicables ;

Et attendu que la cour d’appel qui, après avoir procédé aux recherches prétendument omises et constaté, sans s’arrêter aux stipulations des contrats, que l’intéressé, lié à deux entreprises distinctes, ne se voyait pas fournir de local ni imposer ses prix de vente et ses conditions d’exploitation par la société CSF, mais seulement conseiller des prix par la société Prodim qui n’avait ni autorité ni pouvoir de contrôle sur lui dans l’exécution de son travail, a pu en déduire que les conditions d’application de l’article précité n’étaient pas remplies et qu’en conséquence la juridiction prud’homale n’était pas compétente pour connaître du litige ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Hémery, avocat aux conseils pour M. X... ;

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

II . – Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré mal fondé le contredit formé par M. X... à l’encontre du jugement du Conseil de Prud’hommes de REIMS du 18 juin 2008, d’avoir confirmé le jugement déféré en ce qu’il a constaté qu’aucun contrat de travail n’existait ou n’avait jamais existé ni n’était démontré entre les sociétés PRODIM et C.S.F. et M. X..., et en conséquence d’avoir renvoyé M. X... et la SAS PRODIM devant le Tribunal de Commerce de CAEN pour les relations entre la SARL ARMONY et la SAS PRODIM relatives au contrat de location-gérance, d’avoir renvoyé M. X... et les SAS C.S.F. et PRODIM à mieux se pourvoir pour le litige relatif aux contrats de franchise et d’approvisionnement, et d’avoir condamné M. X... à payer à la SAS PRODIM et à la société C.S.F. la somme de 1.000 euros chacune au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, AUX MOTIFS QUE « sur l’application de l’article 781-1 (2°) du Code du Travail :

Que ce texte prévoit que les dispositions du code du travail sont applicables aux personnes dont la profession consiste essentiellement à vendre des marchandises ou denrées de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise ; que les quatre conditions prévues par ce texte doivent être réunies cumulativement ; qu’en l’espèce, M. X... a conclu des contrats distincts avec PRODIM et avec C.S.F. qui sont des entreprises autonomes filiales de la société CARREFOUR ; que la société C.S.F. était chargée de l’approvisionnement en marchandises alors que la société PRODIM s’engageait à transmettre un savoir-faire visant la politique commerciale, la gestion et l’administration, la publicité sans rapport avec la fourniture de marchandises destinées à la vente ; que l’article du Code du Travail susvisé n’est pas applicable à C.S.F. qui ne fournissait aucun local à M. X... et ne lui imposait ni ses prix de vente ni ses conditions d’exploitation ; que la société PRODIM peut se prévaloir de l’article 3-1-5 du contrat de franchise pour soutenir que M. X... pouvait adapter la politique de vente tarifaire proposée ; qu’aucun prix ne lui était imposé par le franchiseur, qu’ainsi en présence de prix seulement conseillés par PRODIM une des conditions prévues par l’article L.781-1 (2°) du Code du Travail fait défaut ; que la société PRODIM fait valoir à juste titre que si le franchisé doit respecter des normes proposées par le franchiseur, il ne s’agit pas d’un lien de subordination entre l’un et l’autre mais de l’application de clauses synallagmatiques résultant du contrat de franchise : M. X... ne conteste pas avoir reçu en contrepartie de ses obligations, les prestations –enseigne, méthodes de commercialisation, assistance technique – promises par le franchiseur ; que l’obligation de M. X... de respecter les normes voulues par le franchiseur constitue la simple application d’un contrat de franchise librement consenti ; que M. X... n’était pas soumis dans l’exécution de son travail à l’autorité et au contrôle de PRODIM qui n’avait pas le pouvoir de sanction des manquements du franchisé ; qu’il convient de rappeler encore que :

 M. X... était libre d’embaucher et de licencier le personnel et de réguler ainsi ses charges salariales : que les salariés qui ont été imposés à la société ARMONY à la suite de la signature du contrat de location gérance devaient seulement être repris par le locataire gérant en application de l’article L.723-12 ;

 M. X... avait la liberté de choisir son horaire de travail et ses congés sans en rendre compte à PRODIM ;

 M. X... ne rapporte pas la preuve que la société PRODIM lui a imposé :

 les matériels et logiciels informatiques,

 les caisses enregistreuses –système TEC-

 le recours à une société d’expertise comptable ou une assurance désignées par le franchiseur,

 le recours à une société chargée du suivi de l’hygiène ou de la qualité ;

qu’ainsi M. X... n’établit pas que les conditions de l’article L.781-1 (2°) du Code du Travail sont réunies tant à l’égard de la SAS PRODIM que de la SAS C.S.F. ; que dans ces conditions il convient de confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de REIMS en ce qu’il s’est déclaré incompétent ;

qu’en application de l’article 96 du Code de Procédure Civile il y a lieu de renvoyer les parties devant le tribunal de commerce pour les relations entre la SARL ARMONY et la SAS PRODIM relatives au contrat de location-gérance et de les renvoyer à mieux se pourvoir pour les relations de la SARL ARMONY avec la SAS PRODIM et la SAS C.S.F. relatives au contrat de franchise et au contrat d’approvisionnement ; qu’il convient de faire droit aux demandes présentées par PRODIM et C.S.F. au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile en limitant les sommes allouées à 1.000 euros pour chaque société ; » (arrêt p.8 et 9)

1°) ALORS QUE M. X... soutenait que la conclusion avec deux personnes juridiques distinctes, d’une part d’un contrat de franchise MARCHÉ PLUS et d’un contrat de location gérance avec la société PRODIM, d’autre part d’un contrat d’approvisionnement avec la société CSF, ne pouvait éluder l’application, à son profit, de l’article L.781-1 du Code du Travail, dans la mesure où ces deux sociétés, toutes deux filiales à 100 % de la société CARREFOUR, avaient des activités complémentaires et entretenaient des liens très étroits, de sorte qu’à l’égard de M. X..., elles devaient être considérées, au sens du texte précité, comme une seule et même entreprise commerciale ; qu’en se bornant à énoncer que ces deux sociétés filiales de la société CARREFOUR étaient autonomes pour écarter l’application de l’article L.781-1 2° à l’égard de la société CSF, au motif qu’elle n’en remplissait pas les conditions en ce qui concerne la fourniture d’un local et l’imposition des conditions de vente et d’exploitation, sans rechercher si la société CSF et la société PRODIM ne devaient pas, eu égard à leurs liens, à la complémentarité de leurs activités, à l’indissociabilité des contrats respectivement signés par chacune avec la société ARMONY gérée par M. X..., être considérées à l’égard de ce dernier comme une seule entreprise commerciale au sens de l’article L.781-1, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte, devenu l’article L.7321-2 du Code du Travail ;

2°) ALORS QUE le juge, saisi par le gérant d’une société titulaire d’un contrat de gérance et d’un contrat de franchise qui invoque à son profit les droits qu’il tient à titre individuel de l’article L.781-1 2° du Code du Travail, doit rechercher s’il en remplit, en fait, les conditions d’application, sans s’arrêter aux stipulations des contrats ; qu’en se bornant à énoncer, s’agissant de la condition relative aux prix imposés, que la société PRODIM pouvait se prévaloir de l’article 3-1-5 du contrat de franchise selon lequel M. X... pouvait adapter la politique de vente tarifaire proposée sans rechercher si, ainsi que ce dernier le soutenait, dans les faits, il ne lui était pas impossible de modifier les prix des produits en raison, en amont, de leur étiquetage par le système informatique maîtrisé par le fournisseur, et, en aval, des contrôles et pressions du fournisseur informé, en temps réel, des prix pratiqués, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.781-1 2° du Code du Travail, devenu l’article L.7321-2 du même code ;

3°) ALORS QUE le juge, saisi par le gérant d’une société titulaire d’un contrat de franchise qui invoque à son profit les droits qu’il tient à titre individuel de l’article L.781-1 2° du Code du Travail, doit rechercher s’il en remplit, en fait, les conditions d’application, sans s’arrêter aux stipulations des contrats ; qu’en jugeant que le respect, par M. X..., des normes voulues par la société PRODIM n’étaient que l’application pure et simple du contrat de franchise liant la société ARMONY, dont M. X... était le gérant, à la société PRODIM quand, nonobstant les stipulations de ce contrat, la Cour constatait ainsi que M. X... exerçait, en fait, son activité selon les conditions imposées par la société PRODIM, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l’article L.781-1 2°, devenu l’article L.7321-2 du Code du Travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Reims , du 6 mai 2009