Importance du service organisé

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 9 janvier 2019

N° de pourvoi : 17-24023

ECLI:FR:CCASS:2019:SO00014

Non publié au bulletin

Cassation

Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L.1221-1et L. 8221-6 du code du travail ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X..., immatriculé au registre du commerce et des sociétés en qualité d’entrepreneur individuel, a conclu le 21 février 2005 une convention de prestations d’enseignement avec la société Campus privé d’Alsace exploitant une activité d’école privée ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale de demandes au titre d’un contrat de travail ;

Attendu que pour dire que les parties n’étaient pas liées par un contrat de travail, l’arrêt retient que l’intéressé a présenté des factures d’honoraires mensuelles ou bi-mensuelles, qu’il ne démontre pas avoir reçu des directives de la part de la société, le contenu de ses interventions étant dicté par les référentiels de l’Education nationale, que les horaires de ses interventions n’ont été retenus dans les plannings qu’avec son accord et que la signature des feuilles de présence ou les convocations aux conseils de classe se rattachent à son activité, sans aucune influence sur l’existence d’un lien de subordination ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté, par motifs propres et adoptés, que la direction de l’école déterminait les horaires des cours, et des examens, que l’enseignant qui exerçait dans les locaux de la société, devait participer à des réunions, aux conseils de classe et à la surveillance d’examens, remplir un cahier de textes, communiquer ses plans de cours et que le travail s’effectuait au sein d’une équipe et d’un service organisé, ce dont il résultait que l’intéressé exécutait une prestation de travail dans un lien de subordination, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de l’ensemble de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 27 juin 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Metz ;

Condamne la société Campus privé d’Alsace aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Campus privé d’Alsace et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par Mme Z..., conseiller doyen faisant fonction de président, et par Mme Jouanneau, greffier de chambre présente lors de la mise à disposition de l’arrêt le neuf janvier deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR rejeté le contredit formé par M. X... et d’AVOIR désigné le tribunal de grande instance de Strasbourg, chambre commerciale, pour connaître du litige opposant M. X... à la société Campus privé d’Alsace ;

AUX MOTIFS QUE dans le cas présent, M. X... était, au moment où ont été conclues et exécutées les relations contractuelles, inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité de profession libérale en matière de formation continue d’adultes, disposant d’un numéro Siret ; que la présomption de non-salariat peut certes être combattue par la démonstration de l’existence d’un contrat de travail mais il convient de constater qu’en l’espèce, l’intéressé a présenté des factures d’honoraires mensuelles ou bi-mensuelles, que les sommes correspondantes étant assujetties à la TVA et que, si ses prestations s’inscrivaient dans l’organisation des salles disponibles et des horaires des étudiants, pour autant, il ne démontre pas avoir reçu des directives de la part de la société Campus Privé d’Alsace, le contenu de ses interventions étant dicté par les référentiels de l’Education Nationale ; que les horaires de ses interventions n’ont été retenus dans les plannings qu’avec son accord, après qu’il ait lui-même proposé des dates de disponibilité ; qu’ainsi que l’a relevé le Conseil de prud’hommes, la signature des feuilles de présence ou les convocations aux conseils de classe se rattachent à son activité, sans aucune influence sur l’existence d’un lien de subordination ; que le jugement qui a écarté l’existence d’un tel lien sera donc confirmé ;

Et aux motifs adoptés des premiers juges qu’ en l’espèce, il est établi que M. X... était inscrit au registre du commerce et des sociétés, en qualité d’entrepreneur individuel -profession libérale code d’activité 8559A correspondant à la formation continue d’adultes ; qu’il a facturé ses prestations horaires à la société Campus privé d’Alsace de 2010 à 2013, laquelle a déclaré ses honoraires ; qu’il cotisait au RSI ; que pour contrer la présomption simple de non-salariat, M. X... se prévaut de divers faits qui plaident, selon lui, en faveur d’une relation caractérisée par un lien de subordination ; que ces éléments ne sont pas probants ; que la détermination des horaires de cours et des examens incombe à la direction de l’établissement qui est tenue de coordonner l’utilisation des salles et les disponibilités des enseignants et des élèves ; de surcroît les horaires de cours étaient fixés en fonction des disponibilités de M. X... ; que la définition des programmes à enseigner dans un référentiel s’explique par la nature des examens d’état préparés au sein de l’établissement, qui était tenu de respecter les programmes fixés par l’éducation nationale ; que les convocations au conseil de classe se rattachent normalement à l’activité d’enseignement et sont destinés à la bonne évaluation des étudiants ; qu’il en est de même de la signature des feuilles d’émargement pour contrôler la présence des étudiants ; que s’agissant des “instructions reçues”, les demandes faites par mail sont relatives à des demandes d’ordre administratif ou organisationnel, comme la participation à des réunions ou conseils de classe et la surveillance d’examens ; les demandes de remplir un “cahier de textes”, outil à disposition des étudiants, et de communication des plans de cours, relèvent également de l’activité d’enseignant, laquelle se place dans le cadre d’une équipe et d’un service organisé ; que par contre, il n’est nullement justifié ni que M. X... ait reçu des instructions précises sur le contenu de son enseignement, ni qu’il ait fait l’objet d’un contrôle de ses interventions, ni qu’il ait été sanctionné pour un manquement à une obligation particulière ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que la preuve d’un lien de subordination caractérisant la relation salariée n’est pas rapportée par M. X... ;

1°- ALORS QUE l’existence d’un contrat de travail ne dépend, ni de la volonté manifestée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur ; qu’est salarié celui qui effectue son travail dans un lien de subordination, lequel est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d’un service organisé constitue un indice majeur du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail ; qu’ayant constaté, par motifs propres et adoptés du jugement, que la direction de l’école déterminait les horaires des cours et des examens, que M. X..., enseignant, devait respecter les programmes fixés par l’éducation nationale, qu’il devait participer à des réunions, aux conseils de classe et à la surveillance d’examens, qu’il devait remplir un cahier de textes, communiquer les plans de cours, que l’activité de M. X... s’inscrivait ainsi dans le cadre d’une équipe et d’un service organisé et en écartant cependant l’existence d’une relation salariale entre M. X... et la société Campus privé d’Alsace aux motifs inopérants que M. X... n’a pas justifié avoir reçu d’instructions précises sur le contenu de son enseignement ni avoir fait l’objet d’un contrôle de ses interventions, ni avoir été sanctionné pour un manquement à une obligation particulière, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article L.1221-1 du code du travail ;

2° ALORS de plus que M. X... a fait valoir, en en justifiant, qu’il travaillait dans les mêmes conditions que ses collègues qui bénéficiaient du statut de salarié : préparations des cours, enseignement, suivi pédagogique des étudiants, réunions, conseils de classe, examens, travaux de corrections, participations au jury, etc., ensemble d’activités exercées sous l’autorité de la direction de l’école ; qu’en ne s’expliquant pas sur cet élément déterminant du caractère subordonné du travail d’enseignant de M. X..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.1221-1 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Colmar , du 27 juin 2017