Rétoactivité oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 27 février 1992

N° de pourvoi : 89-20301 89-20538

Publié au bulletin

Rejet.

Président :M. Cochard, président

Rapporteur :M. Berthéas, conseiller apporteur

Avocat général :M. de Caigny, avocat général

Avocats :MM. Choucroy, Vuitton, la SCP Rouvière, Lepître et Boutet, M. Delvolvé., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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Vu leur connexité, joint les pourvois N°s 89-20.301 et 89-20.538 ;

Sur le moyen unique du pourvoi N° 89-20.301 formé par la société Jet services :

Attendu que la société Jet services et ses filiales ayant fait appel, pour assurer le transport rapide de colis sur tout le territoire français, à des artisans, chauffeurs de taxis ou ambulanciers, ou à des commerçants loueurs de véhicules, qualifiés de sous-traitants, les caisses primaires compétentes ont décidé d’assujettir ces personnes au régime général de la sécurité sociale et ont notifié, de 1984 à 1986, des décisions en ce sens ; que la société fait grief à l’arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, (Lyon, 26 juillet 1989, N° 3 482-88) d’avoir maintenu ces affiliations, alors, d’une part, que les juges du fond ne peuvent trouver dans les contraintes liées à la nature même de l’activité exercée l’indice d’un lien de subordination ; que l’ensemble des contraintes relevées par la cour d’appel, à l’exception du contrat d’exclusivité, étaient uniquement liées à l’activité nouvelle et spécifique de “ transports rapides “ ; qu’en conséquence, la cour d’appel, en se fondant sur ces seuls indices inopérants à caractériser le lien de subordination, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 311-2 du Code de la sécurité sociale et L. 121-1 du Code du travail ; alors, en outre, qu’en déduisant des faits qu’elle a constatés que l’activité exercée dans le cadre d’un service organisé excédait de manière évidente les obligations du sous-traitant par rapport à l’entrepreneur principal, la cour d’appel, qui se fonde sur des motifs inopérants, a insuffisamment motivé sa décision et violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que la cour d’appel n’a pas recherché ni constaté que l’existence d’une clause d’exclusivité ôtait au transporteur le libre choix de sa clientèle autre que celle liée à l’activité de la société, ce qui seul aurait pu justifier le lien de subordination ; qu’elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard des mêmes articles ;

Mais attendu qu’après avoir exactement rappelé que le sous-traitant garde suffisamment d’indépendance vis-à-vis de l’entrepreneur principal pour que les obligations qui pèsent sur lui ne soient pas constitutives d’un lien de subordination, les juges du fond constatent que les personnes concernées ne se trouvaient pas en réalité dans cette situation, qu’elles percevaient une rémunération fixe et régulière, versée mensuellement en fonction d’un taux kilométrique, qu’elles étaient astreintes au respect d’une discipline interne à l’entreprise et soumises à des sujétions nombreuses et importantes, non seulement quant à l’horaire et l’itinéraire, mais aussi en ce qui concerne la présentation extérieure du véhicule et son contrôle et qu’elles étaient liées à la société par une clause d’exclusivité ; qu’ayant déduit de l’ensemble de ces circonstances que, quelles que soient la qualification juridique des conventions conclues entre les parties et les stipulations qu’elles contenaient, les intéressés se trouvaient intégrés dans un service organisé par la société qui était leur employeur au sens de l’article L. 311-2 du

Code de la sécurité sociale, les juges du fond ont, à bon droit, décidé, sans encourir la critique du moyen, que ces personnes devaient être assujetties au régime général de la sécurité sociale ; qu’ils ont ainsi légalement justifié leur décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi N° 89-20.538 formé par les caisses maladie régionales :

Attendu que les caisses maladies régionales des travailleurs non salariés, auxquelles les chauffeurs concernés étaient affiliés, font grief à l’arrêt attaqué d’avoir jugé que l’assujettissement de ceux-ci devait prendre effet à la date des notifications des décisions prises en ce sens par chacune des caisses primaires en cause, alors que, si le statut social d’une personne est d’ordre public et s’impose de plein droit, dès lors que sont réunies les conditions de son application, la décision administrative individuelle qui résulte de l’adhésion d’un assuré à des régimes autonomes d’assurance maladie et vieillesse de non-salariés s’oppose, quel que soit son bien ou son mal fondé, à ce que l’immatriculation au régime général puisse mettre rétroactivement à néant les droits et obligations nés de l’affiliation antérieure, de sorte que viole les dispositions de l’article L. 311-2 du Code de la sécurité sociale l’arrêt qui considère que l’assujettissement au régime général s’impose dès que sont remplies les conditions constitutives de celui-ci et qui décide qu’en l’espèce ledit assujettissement doit prendre effet à la date des notifications des décisions prises par les caisses, alors même qu’il était constant et indiscuté que les intéressés avaient été immatriculés et avaient cotisé pendant la période considérée à un régime de travailleurs non salariés ;

Mais attendu que le principe de non-rétroactivité rappelé par le moyen fait seulement obstacle à ce que le travailleur affilié à un autre régime de protection sociale soit assujetti au régime général pour une période antérieure à la date de la décision de la caisse primaire ; qu’il n’est porté aucune atteinte à ce principe lorsque, sans avoir d’effet rétroactif, la décision d’affiliation met pour l’avenir la situation de l’intéressé en conformité avec les textes régissant son statut social ; que la cour d’appel a, dès lors, à bon droit, décidé que les chauffeurs au service de la société devaient, pour cette activité, être affiliés au régime général à compter de la date des notifications des décisions prises en ce sens par les caisses primaires de rattachement, quand bien même l’exercice des voies de recours en aurait suspendu la mise en application ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois

Publication : Bulletin 1992 V N° 141 p. 86

Décision attaquée : Cour d’appel de Lyon , du 26 juillet 1989