Rédacteur de revues

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 11 mars 2010

N° de pourvoi : 09-65209

Non publié au bulletin

Rejet

M. Loriferne (président), président

SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 18 novembre 2009), qu’à la suite d’un contrôle portant sur la période du 1er février 2000 au 31 décembre 2001, l’URSSAF de Paris et de la région parisienne a notifié à la société Revue du vin de France (la société) un redressement résultant notamment de la réintégration dans l’assiette des cotisations du régime général de la sécurité sociale des rémunérations versées à MM. X..., Y..., Z... et A... qui avaient collaboré à la confection de la revue éditée par la société ;

Attendu que celle-ci fait grief à l’arrêt de rejeter son recours sauf en ce qui concerne une prestation d’animation effectuée par M. X... en qualité de travailleur indépendant alors, selon le moyen :

1° / que les auteurs d’oeuvres littéraires relèvent en principe du régime d’assurance maladie des artistes auteurs ; que ni la nature régulière de l’activité d’auteur d’articles publiés dans le cadre d’un service organisé par une revue, ni la nature forfaitaire de la rémunération versée en contrepartie par ladite revue, ne sont de nature à exclure le rattachement audit régime ; qu’aussi, en retenant ces circonstances pour dire que les quatre auteurs rémunérés par la société Revue du vin de France devaient être affiliés au régime général des salariés, la cour d’appel a violé les articles L. 382-1 à L. 382-6 du code de la sécurité sociale ;

2° / que le lien de subordination caractéristique du contrat de travail justifiant une affiliation au régime général de la sécurité sociale suppose l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en l’espèce, pour retenir l’existence d’un tel lien entre les auteurs et la société Revue du vin de France, la cour d’appel a affirmé que les auteurs auraient été soumis à une « ligne directoriale » ; qu’en procédant ainsi par voie de simple affirmation sans préciser de quels éléments elle déduisait l’existence d’une telle contrainte dont l’existence était contestée par l’exposante, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 311-2 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que s’agissant de déterminer si les personnes en cause, pour leurs activités au profit de la société, devaient être affiliés au régime général en application de l’article L. 382-1 du code de la sécurité sociale ou assujettis au même régime en qualité de salariés au sens de l’article L. 311-2 du même code, les juges du fond, qui ont relevé qu’ils collaboraient régulièrement à la revue par la rédaction d’articles ou de chroniques en qualité d’experts en vin, que cette activité faisait l’objet d’une rémunération forfaitaire et devait s’inscrire dans une ligne éditoriale, tout écart à celle-ci ou tout manquement aux consignes données pouvant être sanctionnés par l’arrêt de cette collaboration, en ont justement déduit que cette collaboration correspondait non à l’activité d’auteur d’oeuvres littéraires visée au premier des textes précités mais à un travail salarié subordonné au sens du second ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Revue du vin de France aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille dix. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Revue du vin de France

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit fondé le redressement opéré par l’URSSAF de PARIS relatif à la rémunération versée par la société REVUE DU VIN DE FRANCE au cours de la période du 1er février 2000 au 31 décembre 2001 à Messieurs Bernard X..., Michel Y..., Bernard Z... et Eric A... sauf en ce qui concerne la prestation d’animation de Bernard X... qui a agi à cette occasion en tant que travailleur indépendant (facture 2102 du 5 mars 2001) ;

AUX MOTIFS QU’« il ressort des constatations effectuées par l’inspecteur de recouvrement de l’URSSAF-lettre du 22 octobre 2002 que la SAS REVUE DU VIN DE FRANCE édite une revue mensuelle sur le vin, et fait appel à ce titre à des ‘ collaborateurs’apportant leur concours aux fins de rédaction d’articles, et de rubriques mensuelles paraissant dans ce magazine ;

que pour ces activités, la société a rémunéré Pierre B..., Bernard X..., Bernard Z..., Eric A..., Michel Y... en droits d’auteur ;

que l’inspecteur avait retenu :

 une participation régulière à la revue-la co-rédaction d’articles avec les salariés de l’entreprise-une rémunération forfaitaire-un service organisé ;

que contrairement à ce que soutient la société, l’inspecteur n’a pas procédé par voie d’affirmation générales, ainsi qu’il infère de son compte rendu pages 4 et 5 ;

par exemple :

 M. X...

participation à 19 numéros mensuels de septembre 1999 à novembre 2001, rubriques ‘ cahiers choisis’guide des vins 2001 et 2002, rédactions d’articles,

2000 … 21 976 euros

2001 … 36 727 euros

 M. Y...

participation aux 11 numéros de novembre 1999 à novembre 2000 (...)

2000... 5 519 euros

 Bernard Z...

participation aux 17 numéros de novembre 1999 à juillet 2001 rubrique ‘ pour ou contre’

mots croisés

2000 … 3 012 euros

2001... 2 730 euros

 M. A...

participation à 12 numéros (...), rédaction d’articles, enquêtes, revues de presse

2000... 668 euros

2001 … 8 180 euros …

SUR LES ELEMENTS DE FAIT :

sur le cas de Monsieur Bernard X... :

que cette cour a pu consulter les revues publiées de février-mars-avril-mai-

juin-juillet et août-septembre-octobre-novembre décembre 2000-

janvier-février-mars-avril-mai-juin-juillet et août-septembre octobre-novembre-décembre 2001 ;

que le nom de M. X... est cité à chaque numéro-soit 20 numéros-comme ayant participé au comité de dégustation, (mention reprise dans l’ours de la revue) ;

que l’intéressé est présenté-photo à l’appui-dans un feuillet central comme un expert de la revue du Vin de France-soit dans 19 numéros ;

Qu’il est donc inopérant pour la société de faire plaider que les dispositions du contrat de cession de droits ne sont que la déclinaison des dispositions de droit commun du contrat d’édition telle que prévus par le CPI, alors qu’il ne peut échapper au lecteur que l’intéressé apparaît comme un collaborateur mis en avant sciemment par la revue à chaque publication et que même si l’on s’en tient s’agissant des rémunérations à celles alléguées par la société, force est de constater que M. X... a perçu 12. 829 euros brut pour 2000- et 36. 368 euros pour 2001, ce dont il résulte une collaboration constante rétribuée par des redevances quasiforfaitaires et ce, contrairement aux explications données par la société appelante qui cite le cotisant qui se défend d’avoir eu une collaboration régulière (pièce numéro 8) ;

que peu importe la qualification donnée par les caisses, sauf en ce qui concerne la prestation facturée consistant en l’animation d’une dégustation de vin lors d’un séminaire organisé par la société PHILIPS et qui elle, relève en effet d’une activité exercée à titre libéral, dans le cadre d’un statut de travailleur indépendant ;

sur le cas de Monsieur Y... :

qu’il est exact que le tribunal ne pouvait prendre position sur la qualité des écrits de M. Y... au regard de l’article L 112-1 du CPI d’après lequel :

‘ Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination’ ;

qu’en revanche, c’est à tort que la société prend appui sur la fiche d’activité n° 9 ‘ branche des écrivains’établie par l’AGESSA pour échapper à l’affiliation au régime général de M. Y... ;

qu’en effet, les mêmes constatations que celles consignées plus avant s’agissant de M. X... peuvent être répétées à cette place ;

(M. Y... apparaît à chaque numéro au comité de dégustation, mention reproduite dans l’ours de la publication, et la photographie de l’intéressé dans le cahier central intitulé ‘ choisir’, comme expert fait présumer des sujétions au service de l’entreprise) ;

que contrairement à ce qu’affirme la société, il s’en induit une collaboration constante sur la période litigieuse ;

que par ailleurs, la société ne met pas cette cour à même de vérifier l’irrégularité des redevances ;

enfin que ressort clairement la ligne éditoriale pages 3-7 des échanges de mails :

‘ La possibilité d’influencer le vignoble et le marché par ses commentaires.

La possibilité d’adresser des clins (...) à des relations’ ;

(la référence au jugement du 31 août 2005 du tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS est inadéquate-les auteurs mis en cause n’apparaissent pas dans l’ours de’hebdomadaire concerné) ;

sur le cas de M. A... :

qu’il est exact que l’intéressé-qui n’est pas journaliste-a eu une collaboration moindre avec la société-son nom n’apparaissant pas dans les revues de février à décembre 2000 ;

que toutefois, abstraction faite d’un motif lié au caractère d’oeuvre scientifique ou littéraire des travaux accomplis par M. A..., erroné mais surabondant, il convient et approuver le point de vue du tribunal ;

qu’en effet, il est sans emport de proclamer que l’intéressé n’a pas pour activité principale le journalisme dès lors qu’il est chef de service, 2ème degré au centre de formation technologique GOBELINS “, alors que de l’aveu même de M. A..., il a existé en 2001 une ‘ chronique mensuelle’, peu important la liberté de ton affichée, et l’absence de participation aux réunions de rédaction ;

que la société admet une activité rédactionnelle sur une question spécifique ; qu’elle ne met à même de vérifier l’irrégularité des redevances pourtant avancée dans ses écritures ;

sur le cas de Bernard Z... (décédé)

que s’il est vrai que cette cour n’a pas à commenter les talents d’un auteur de ‘ mots croisés’au regard de l’article L. 112-1 précité du CPI, force est de convenir que le nom de Bernard Z... apparaît à chaque numéro (sauf décembre 2001 / janvier 2002), dans l’ours de la publication à la rubrique ‘ Ont participé à ce numéro’ ;

qu’il s’en déduit une collaboration constante au sein d’un service organisé ;

EN DROIT :

en définitive qu’il est exact que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, étant ajouté que le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions de travail ;

que certes, la société observe que la rémunération irrégulière à chaque parution du journal et que les impératifs de mise en page et de délai au sein d’un service organisé ne caractérisent pas l’existence d’un lien de subordination ;

que cette objection perd toute portée lorsque l’on sait par les éléments de fait ci-dessus analysés que MM X..., Y..., A... et Bernard Z..., collaborateurs extérieurs, étaient intégrés dans un comité de dégustation et / ou apparaissaient dans l’ours de la publication, en bonne place dans un cahier central, désignés comme ‘ expert’de la revue photographie à l’appui ; peu important que les intéressés demeuraient libres de leur emploi du temps, ne participaient pas ‘ nécessairement’aux réunions de rédaction ;

qu’il s’en déduit qu’ils étaient priés d’écrire selon la ligne directoriale (même si les intéressés mettent en relief leur liberté de ton ainsi qu’exposé plus avant ;

que leurs activités n’étaient pas incompatibles avec leur statut de fonctionnaire ;

enfin que la notion de sanction s’évince du concept même de la collaboration intégrée au sein d’un service organisé, l’arrêt de la collaboration pouvant leur être opposé en cas d’écart avec la ligne éditoriale) ou de manquement aux consignes données ;

que c’est le cas de mettre en oeuvre en espèce les articles L. 311-2 et L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dont le contenu n’est pas discuté » ;

ALORS, D’UNE PART, QUE les auteurs d’oeuvres littéraires relèvent en principe du régime d’assurance maladie des artistes auteurs ; que ni la nature régulière de l’activité d’auteur d’articles publiés dans le cadre d’un service organisé par une revue, ni la nature forfaitaire de la rémunération versée en contrepartie par ladite revue, ne sont de nature à exclure le rattachement audit régime ; qu’aussi, en retenant ces circonstances pour dire que les quatre auteurs rémunérés par la société REVUE DU VIN DE FRANCE devaient être affiliés au régime général des salariés, la cour d’appel a violé les articles L. 382-1 à L. 382-6 du code de la sécurité sociale ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE le lien de subordination caractéristique du contrat de travail justifiant une affiliation au régime général de la sécurité sociale suppose l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en l’espèce, pour retenir l’existence d’un tel lien entre les auteurs et la société REVUE DU VIN DE FRANCE la cour d’appel a affirmé que les auteurs auraient été soumis à une « ligne directoriale » ; qu’en procédant ainsi par voie de simple affirmation sans préciser de quels éléments elle déduisait l’existence d’une telle contrainte dont l’existence était contestée par l’exposante, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 311-2 du code de la sécurité sociale. Décision attaquée : Cour d’appel de Versailles du 18 novembre 2008