Collaborateur non - salarié oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 16 septembre 2015

N° de pourvoi : 14-17842

ECLI:FR:CCASS:2015:SO01497

Publié au bulletin

Cassation partielle

M. Frouin (président), président

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l’article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction applicable en la cause ;
Attendu, selon ce texte, dans sa rédaction applicable antérieurement au 1er janvier 1992, que la profession d’avocat est une profession libérale et indépendante, que l’avocat, qui exerce sa profession en qualité d’avocat collaborateur ou comme membre d’une société ou d’une association d’avocats, n’a pas la qualité de salarié, et que la présente disposition, qui est interprétative, a un caractère d’ordre public ; que dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 1992, l’avocat peut exercer sa profession en qualité de salarié ou de collaborateur libéral d’un avocat ou d’une association ou société d’avocats ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué statuant sur contredit, que Mme X..., avocate régulièrement inscrite à l’Ordre des avocats depuis le 21 mars 1979, a été engagée au mois de février 1988 par Mme Y..., avoué ; qu’elle a, le 13 juin 2012, pris acte de la rupture de son contrat aux torts de Mme Y... et saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes à ce titre ;
Attendu que pour dire le conseil de prud’hommes compétent pour connaître du litige pour la période allant de février 1988 au 31 décembre 2011, l’arrêt, après avoir constaté que Mme X..., qui cotisait au régime social des indépendants, à la CNBF, à l’URSSAF et à l’Ordre des avocats, s’acquittait de la taxe professionnelle et signait des notes mensuelles d’honoraires dont l’en-tête la désignait en qualité d’avocat à la cour, exerçait sa profession d’avocat au profit de Mme Y..., avoué, retient d’abord que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité, que c’est donc en vain que celle-ci fait valoir que Mme X... ne pouvait exercer sa profession en tant que salariée auprès d’un avoué en vertu de l’article 7 de la loi du 31 décembre 1971, ensuite que l’intéressée rapporte la preuve du lien de subordination allégué, et donc de l’existence du contrat de travail dont elle se prévaut au titre de la période ayant couru du mois de février 1988 au 31 décembre 2011 ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résulte de l’article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que, pour la période allant de février 1988 au 31 décembre 1991, un avocat ne pouvant exercer sa profession dans le cadre d’un contrat de travail, le juge ne saurait, par l’effet d’une requalification des relations contractuelles, conclure à l’existence d’un tel contrat, et que, pour la période allant du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2011, un avocat ne pouvant exercer sa profession dans le cadre d’un contrat de travail le liant à une personne physique ou morale autre qu’un avocat, une association ou une société d’avocats, le juge ne saurait, par l’effet d’une requalification des relations contractuelles, conclure, en dehors de ces hypothèses, à l’existence d’un contrat de travail, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que pour la période de février 1988 au 31 décembre 2011 Mme X... était liée par un contrat de travail à Mme Y... et que le conseil de prud’hommes de Paris est compétent pour connaître des demandes de Mme X... au titre de la période considérée, et renvoie l’affaire devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Paris, l’arrêt rendu le 10 avril 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement en ce qu’il s’est déclaré incompétent au profit du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de PARIS pour connaître des relations contractuelles litigieuses au cours de la période du 1er janvier 2012 au 13 juin 2012 et dit que pour la période du mois de février 1988 au 31 décembre 2011, Madame X... était liée par un contrat de travail à Madame Y... et dit en conséquence que le conseil de prud’hommes de PARIS compétent pour connaître des demandes de Madame X... au titre de la période considérée, renvoyant l’affaire devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de PARIS ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la compétence matérielle, 1°) aux tenues de l’article L 1411-1 du code du travail, « le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient et « juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti » ; que l’article L 1411-4 du même code dispose toutefois en son alinéa 2 que le conseil de prud’hommes n’est pas compétent pour connaître des litiges attribués à une autre juridiction par la loi ; qu’en l’espèce, les relations contractuelles entre les parties se sont étendues du mois de février 1988 au 13 juin 2012 ; que jusqu’au 31 décembre 2011, soit pendant près de 24 ans, ces relations contractuelles étaient nouées entre un avocat et un avoué ; que nonobstant le caractère réglementé de leur profession respective, la loi n’attribue pas compétence à une juridiction particulière pour connaître de leur différend ; que dès lors, pour déterminer si la compétence de la juridiction de droit commun doit être écartée ou non au profit de la juridiction prud’homale, la cour doit trancher la question de fond dont dépend cette compétence, c’est-a dire rechercher si durant la période considérée, les parties étaient liées ou non par un contrat de travail ; que du 1er janvier 2012 au 13 juin 2012, les relations contractuelles litigieuses se sont poursuivies entre les mêmes parties, mais sous la réserve qu’au cours de cette seconde période, Madame Y... avait désormais la seule qualité d’avocat à la suite de la suppression de la profession d’avoué organisée par la loi du 25 janvier 2011 ; que durant ces cinq mois et demi, les cocontractants avaient donc tous deux la qualité d’avocat ; qu’aux termes des dispositions de l’article 7 alinéa 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires, les litiges nés à l’occasion d’un contrat de travail ou de la convention de rupture, de l’homologation ou du refus d’homologation de cette convention ainsi que ceux nés à l’occasion d’un contrat de collaboration libérale sont, en l’absence de conciliation, soumis à l’arbitrage du bâtonnier, à charge d’appel devant la cour d’appel ; que l’article 21 de la même loi dispose en ses alinéas 3 et 4 « Tout différend entre avocats à l’occasion de l’exercice professionnel est, en l’absence de conciliation, soumis à l’arbitrage du bâtonnier, qui le cas échéant procède à la désignation d’un expert pour l’évaluation des parts sociales ou actions de sociétés d’avocats (...) La décision du bâtonnier peut être déférée a la cour d’appel par l’une des parties » ; que le décret n° 91-1197 modifie du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat précise les modalités d’application de ces dispositions :- article 142 « Pour tout litige né à l’occasion d’un contrat de collaboration ou d’un contrat de travail, à défaut de conciliation, le bâtonnier du barreau auprès duquel l’avocat collaborateur ou salarié est inscrit est saisi par l’une ou l’autre des parties soit par requête déposée contre récépissé au secrétariat de l’ordre des avocats, soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. L’acte de saisine précise, à peine d’irrecevabilité, l’objet du litige, l’identité des parties et les prétentions du saisissant »,- article 179-1 « en cas de différend entre avocats à l’occasion de leur exercice professionnel et à défaut de conciliation le bâtonnier du barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits est saisi par l’une ou l’autre des parties » ; que le règlement intérieur du barreau de Paris rappelle expressément ces dispositions légales ; que l’article 14. 5 du titre III de la première partie intitulée « règlement intérieur national et règles déontologiques connexes du barreau de Paris » prévoit « Le bâtonnier du lieu d’inscription de l’avocat collaborateur libéral ou salarié connaît des litiges nés à l’occasion de l’exécution ou de la rupture du contrat de collaboration salariée ou non (...) A défaut de conciliation, il est procédé conformément aux dispositions des articles 142 et suivants du décret du 27 novembre 1991 » ; que l’article 71-5 du titre III de la deuxième partie intitulée « dispositions propres au barreau de Paris indépendantes du règlement intérieur national » prévoit : « A défaut de conciliation, tout litige de collaboration ou tout différend à l’occasion de l’exercice professionnel est soumis à la juridiction du bâtonnier, administrée par le Centre de Règlement des Litiges Professionnels (...) » ; QU’il ressort de ces dispositions que tout litige opposant deux avocats au sujet de l’exercice de leur profession relève de la compétence du bâtonnier du barreau auprès duquel ils sont inscrits ; que contrairement aux développements des parties sur ce point, la détermination de la juridiction compétente ne résulte pas de la qualité des parties au moment de la naissance du différend ou de l’introduction de la demande en justice mais de celle qui était la leur tout au long de leurs relations contractuelles dès lors que c’est précisément la nature de ces dernières qui est en litige ; qu’il s’ensuit que si c’est à bon droit que les premiers juges se sont déclarés incompétents au profit du bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Paris pour connaître des relations contractuelles litigieuses au cours de la période du 1er janvier 2012 au 13 juin 2012, en revanche le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a statué de la même manière en ce qui concerne la période avant couru du mois de février 1988 au 31 décembre 2011 ; QUE 2°) sur la qualification des relations contractuelles entre l’avocat et l’avoué : le contrat de travail se définit par l’engagement d’une personne à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre moyennant rémunération, le lien de subordination juridique ainsi exigé se caractérisant par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité ; que c’est donc en vain que Madame Y... fait valoir que Madame X... ne pouvait exercer sa profession en tant que salariée auprès d’un avoué en vertu de l’article 7 de la loi du 31 décembre 1971, lequel dispose que l’avocat exerce sa profession soit à titre individuel, soit au sein d’une association ou de certaines sociétés (société civile professionnelle, société d’exercice libéral ou société en participation prévues par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990) soit en qualité de salarié ou de collaborateur libéral d’un avocat ou d’une association ou société d’avocats ; que certes Madame X... ne saurait sérieusement soutenir qu’elle n’exerçait pas sa profession d’avocat dans la mesure où durant toute la période considérée, elle a cotisé au régime social des indépendants (RSI), à la CNBF, à l’URSSAF, à l’Ordre des Avocats, s’est acquittée de la taxe professionnelle et à tout le moins à compter de l’année 2007 a signé à l’intention de Madame Y... des notes mensuelles d’honoraires dont l’entête la désignait en qualité d’avocat à la cour, non assujettie à la TVA ; mais qu’il importe peu que l’intéressée en cette qualité se soit affranchie des dispositions légales précitées, qui n’ont pas d’incidence sur la qualification de ses conditions effectives de travail au sein de l’étude d’avoué ; qu’en revanche, c’est à juste titre que Madame Y... se prévaut de la présomption de non-salariat édictée par les dispositions de l’article L 8221-6 du code du travail aux termes desquelles sont présumées ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription les personnes physiques immatriculées auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ; qu’il est constant en effet que durant toute la période considérée, Madame X... était immatriculée à l’URSSAF ; qu’il appartient dès lors à cette dernière, par ailleurs demanderesse au contredit, de rapporter la preuve que dans le cadre de son travail rémunéré pour le compte de Madame Y..., elle était placée sous la subordination de cette dernière ; qu’à cet égard, il ressort des pièces versées aux débats que du mois de février 1988 au 31 décembre 2011, Madame X... a toujours travaillé à temps plein au sein de l’étude d’avoué de Madame Y... où elle partageait un bureau avec une salariée de l’étude ; que dans ces conditions, la défenderesse ne peut soutenir utilement qu’elle la rémunérait à la vacation, comme un prestataire de services, étant observé que dans sa lettre du 30 décembre 2011 elle évoque exclusivement la nécessité de mettre en oeuvre une « collaboration » différente ; que Madame X... n’était pas davantage rémunérée dossier par dossier ; que selon les notes d’honoraires communiquées par Madame Y..., qui couvrent la période de janvier 2007 à mai 2012, Madame X... facturait ses prestations à la demi-journée, soit 95 € par demi-journée jusqu’en mai 2007, puis 100 € à compter du mois de juin 2007 ; qu’ainsi qu’il a été dit ci-avant, l’entête de ces notes mensuelles d’honoraires la désignait en qualité d’avocat à la cour, non assujettie à la TVA, mais la domiciliait à l’étude d’avoué ; que la cour relève qu’antérieurement, il ressort de l’attestation non contredite de Madame Christiane C..., salariée de l’étude du 8 avril 1991 au 7 juin 2002 qui partageait un bureau avec Madame Martine X..., que ce témoin allait demander à Madame Y... des augmentations pour le personnel y compris pour Madame X... et qu’à cette époque, aucune note d’honoraires n’était rédigée au nom de cette dernière (pièce n° 38 de la demanderesse au contredit) ; qu’il résulte de l’ensemble des témoignages des salariés et d’une collaboratrice de l’étude qui ont attesté en faveur de Madame X... (ses pièces n° 26, 27, 37, 38, 39, 80, 82 et 83) que celle-ci travaillait tous les jours à l’étude, selon des horaires fixes et qu’elle ne s’absentait pas pendant ses heures de travail ; que ces témoignages convient l’intégralité de la période litigieuse, dès lors que Madame Jeanine D..., rédactrice de l’attestation cotée n° 26, a travaillé à l’étude en qualité de « classeuse » de l’hiver 1988 au printemps 2002, Madame Anne E..., rédactrice de l’attestation cotée n° 27, a travaillé à l’étude en qualité de stagiaire puis de collaboratrice de mai 1999 à mai 2000, Madame Patricia F..., rédactrice de l’attestation cotée n° 37, a travaillé a l’étude en qualité de salariée de juillet 1997 a janvier 2000, Madame Christiane C..., déjà citée, a travaillé à l’étude en qualité de salariée du 8 avril 1991 au 7 juin 2002, Monsieur Eric G..., rédacteur de l’attestation cotée n° 39 a travaillé à l’étude en qualité de principal du mois de décembre 2000 au 30 septembre 2011, Madame Katia H..., rédactrice de l’attestation cotée n° 80, a travaillé à l’étude en qualité de salariée du mois de mars 2000 au 26 avril 2012, Madame Carmen I..., rédactrice de l’attestation cotée n° 82, a travaillé à l’étude en qualité de salariée « pendant de très nombreuses années », notamment en même temps que Madame Katia H... et jusqu’à la cristallisation du conflit entre les parties ; qu’au regard de ces témoignages concordants et circonstanciés ceux de Madame Aline J..., stagiaire à l’étude en 1990 et de Madame Fanny K..., stagiaire à l’étude de janvier à mai 2012 (donc en dehors de la période contractuelle examinée par la cour), qui prétendent que Madame X... arrivait à l’étude et en partait « à son rythme » apparaissent bien peu convaincants (pièces n° 29 et 37 de la défenderesse au contredit) ; qu’à titre surabondant, la cour constate que Mesdames H... et I... ont tenu à délivrer un nouveau témoignage conjoint en faveur de Madame X... dont il ressort que celle-ci arrivait à l’étude à 9h30 du lundi au jeudi et à 9h00 le vendredi et qu’elle la quittait a 17h30 sauf le vendredi où elle partait à 17h00 (pièce n° 83) ; que les témoignages des anciens salariés de l’étude établissent aussi que Madame X... ne se rendait jamais au palais et qu’elle travaillait exclusivement sur les dossiers de l’étude (attestations D... et G...) ; qu’ils révèlent également la façon dont le contrôle du travail de Madame X... était matériellement organisé, y compris en l’absence de Madame Y... (attestations G..., H...) ; que par ailleurs, il est constant que Madame X... utilisait dans le cadre de son travail le matériel informatique et téléphonique de l’étude ; que pour néanmoins soutenir que l’organisation de l’étude ne concernait pas Madame X..., Madame Y... dresse à partir des demi-journées facturées un tableau des jours non travaillées (hors samedis et dimanches) par l’intéressée au cours des années 2007 à 2012, soit en moyenne 61 jours par an ; que s’il est exact que certaines périodes d’absence ne correspondent pas aux périodes de vacations judiciaires alors qu’il était exigé des salariés de l’étude qu’ils prennent leurs congés durant ces dernières, les tableaux produits par Madame Y... ne revêtent pas un caractère probant dès lors que d’une part ils ne tiennent pas compte des jours fériés et des jours d’absence pour maladie voire pour formation, et que d’autre part, aucun élément de comparaison avec la situation des salariés de l’étude n’est communiqué ; qu’en tout état de cause, à supposer même qu’une certaine liberté lui ait été accordée pour prendre ses congés, il est suffisamment démontré que Madame X... travaillait au sein de l’étude dans le cadre d’un service organisé par Madame Y... ; que le fait que le travail soit effectué au sein d’un service organisé peut constituer un indice de l’existence d’un lien de subordination lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution ; que par ailleurs, une simple comparaison entre les honoraires facturés et les déclarations de revenus professionnels en vue du paiement des cotisations ou contributions obligatoires montre que Madame X... travaillait exclusivement pour Madame Y... ; que celle-ci communique une copie d’écran du site de l’Ordre pour tenter de prouver que Madame X... avait un cabinet... à Paris (75001) mais celle-ci justifie d’une part qu’il s’agit de son domicile personnel, d’autre part que le numéro de télécopie figurant sur cette copie d’écran correspond très exactement à l’ancien numéro de télécopie de l’étude de Madame Y... (pièces n° 16 à 19 de la demanderesse au contredit) ; qu’indépendamment de cette situation de dépendance économique qui n’est pas en soi révélatrice du lien de subordination allégué, l’ensemble des témoignages précités produits par la demanderesse au contredit, les demandes d’instruction à Madame Y... (pièces n° 42 et 43), les directives de cette dernière (pièces n° 44 à 47) ainsi que les courriers et conclusions validés ou corrigés par ses soins (pièces n° 48 à 67) établissent que Madame X... exécutait les ordres et directives de Madame Y... et que celle-ci imposait son point de vue à celle-là lorsqu’elle tentait incidemment de défendre le sien ; qu’il résulte encore des instructions manuscrites de Madame Y... (pièces n° 40 et 41) relatives à la prise de rendez-vous téléphonique que Madame X... n’avait pas la liberté de gérer seule son agenda ; que ces conditions effectives de travail de Madame X... au sein de l’étude d’avoué sont de nature à établir que l’intéressée travaillait sous l’autorité de Madame Y... et qu’elle était soumise à un pouvoir de sanction susceptible d’être mobilisé par son cocontractant, observation faite qu’il appartient à la juridiction compétente pour la période du 1er janvier 2012 au 13 juin 2012 de vérifier au regard des documents produits si ce pouvoir de sanction a été mobilise lors de la cristallisation du litige puis de la rupture de la relation contractuelle des parties ; qu’il résulte de l’ensemble de ces développements que Madame X... rapporte la preuve du lien de subordination allègue et donc de l’existence du contrat de travail dont elle se prévaut, au titre de la période ayant couru du mois de février 1988 au 31 décembre 2011 ; qu’en conséquence, il convient d’accueillir dans cette limite le contredit de compétence et de renvoyer l’affaire devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Paris, la cour considérant ne pas devoir évoquer afin que les parties puissent bénéficier du double degré de juridiction et compte tenu de la circonstance que le bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Paris est saisi d’une partie du litige par la présente décision ;
ET AUX MOTIFS non contraires ADOPTES QU’il est constant que Madame X... n’a cessé depuis la date de sa prestation de serment, soit à compter du 21 mars 1979 d’être inscrite comme Avocat au Tableau de l’Ordre de Paris ; qu’au jour de la saisine de la juridiction de céans (24 mai 2012) elle avait encore la qualité d’Avocat ; qu’elle a sans interruption cotisé aux Caisses des travailleurs Indépendants (RSI, URSSAF, CNBF) ainsi qu’à l’Ordre ; qu’elle ne justifie pas s’être trouvée sous le coup d’une interdiction de consulter voire de plaider pour des clients personnels ni de continuer à défendre ceux avec lesquels elle avait pu se trouver en contact durant la période précédant son entrée à l’Etude Y... ; que le fait de suivre les horaires de l’Etude repose sur la nécessité de respecter ceux des audiences ; que le fait de n’avoir pas signé les conclusions résulte du Code de Procédure Civile qui ne donne qualité de postulant devant la Cour aux seuls Avoués ; qu’enfin aux termes de l’art 14-5 du Règlement Intérieur National du Barreau « le Bâtonnier du lieu d’inscription de l’avocat collaborateur, libéral ou salarié, connaît des litiges nés à l’occasion de l’exécution ou de la rupture du contrat de collaboration salarié ou non » ; que par voie de conséquence, le Conseil fait droit à l’exception soulevée, se déclare incompétent et renvoie la cause et les parties devant Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocat de Paris ;
ALORS QU’aux termes de l’article 7 de la loi du 31 décembre 1971, un avocat ne peut être le salarié que d’un autre avocat, et non d’un avoué ; que la prestation de service effectuée par un avocat auprès d’un avoué, en ce qu’un avocat ne peut se trouver sous sa subordination, ne peut recevoir la qualification de contrat de travail ; qu’en statuant autrement et en disant le Conseil de Prud’hommes compétent pour statuer sur la relation de travail entre un avocat régulièrement inscrit à son ordre et un avoué, la Cour d’appel a violé lesdites dispositions ALORS en tout cas et susbsidiairement QUE les litiges nés à l’occasion d’un contrat de travail, d’un contrat de collaboration libérale ou de la convention de rupture, de l’homologation ou du refus d’homologation de cette convention ainsi que tout différend entre avocats à l’occasion de l’exercice professionnel sont, en l’absence de conciliation, soumis à l’arbitrage du bâtonnier, à charge d’appel devant la cour d’appel ; qu’en l’espèce, l’objet du litige était relatif aux conséquences de la qualification de la relation contractuelle liant deux avocates inscrites à l’Ordre des Avocats du Barreau de Paris au moment de la saisine de la juridiction prud’homale le 24 mai 2012 ; qu’en décidant de soustraire une partie du litige à l’arbitrage du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Barreau de Paris au motif erroné que la détermination de la juridiction compétente ne résulte pas de la qualité des parties au moment de l’introduction de la demande en justice mais de celle qui était la leur tout au long de leurs relations contractuelles dès lors que c’est précisément la nature de ces dernières qui est en litige, la cour d’appel a violé les articles 7 et 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et les articles 142 et 179-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, les articles 14-5 et 71-5 du titre III du règlement intérieur du Barreau de Paris et L 1411-1 du code de travail ;
ALORS QU’en tout état de cause, en ne s’expliquant pas sur le caractère divisible des demandes, en sorte qu’elle aurait pu justifier la compétence d’un côté du Bâtonnier et de l’autre du conseil de prud’homme pour connaître de la même relation contractuelle ayant liée les parties, la cour d’appel n’a pas légalement justifier sa décision au regard des articles 7 et 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et les articles 142 et 179-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et L 1411-1 du code de travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION subsidiaire
Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que pour la période du mois de février 1988 au 31 décembre 2011, Madame X... était liée par un contrat de travail à Madame Chantal Y... et dit en conséquence que le conseil de prud’hommes de PARIS compétent pour connaître des demandes de Madame X... au titre de la période considérée, renvoyant l’affaire devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de PARIS ;
AUX MOTIFS énoncés au premier moyen ;
ALORS QU’en l’absence de contrat de travail apparent, celui que se prétend salarié doit apporter la preuve du contrat de travail ; que le contrat de travail n’est pas présumé lorsque l’activité en cause donne lieu à immatriculation ou inscription notamment pour les personnes physiques à l’immatriculation auprès de l’URSSAF ; qu’en retenant que les tableaux produits par Madame Y... qui établissaient que l’avocate ne travaillait pas pour l’étude en moyenne 61 jours par an, n’étaient pas probants dès lors que d’une part ils ne tenaient pas compte des jours fériés et des jours d’absence pour maladie voire pour formation, et que d’autre part, aucun élément de comparaison avec la situation des salariés de l’étude n’était communiqué (arrêt, p. 8, § 7) en faisant ainsi peser sur l’exposante la charge de la preuve que Madame X... n’était pas placée dans la même situation que les autres salariés au titre de ses absences, la cour d’appel a violé l’article L 8221-6- I du code du travail, ensemble l’article 1315 du code civil ;
ALORS ENCORE QUE le lien de subordination juridique est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail ; qu’en retenant que Madame X... travaillait au sein de l’étude dans le cadre d’un service organisé par Madame Y... tout en constatant que certaines périodes d’absence de Madame X... ne correspondaient pas aux périodes de vacations judiciaires alors qu’il était exigé des salariés de l’étude qu’ils prennent leurs congés durant ces dernières, et qu’il lui avait été proposé par lettre du 30 décembre 2011, de changer la relation en se consacrant entièrement aux dossiers qui lui seraient dévolus, de faire connaître la date de ses vacances au moins deux mois à l’avance qui devront être fixées d’un commun accord et pendant les vacances judiciaires, et que ses éventuelles absences soient organisées en concertation avec tous les avocats du cabinet, ce dont il s’évinçait que Madame X... chargée exclusivement de rédiger des écritures d’appel, avait toujours organisé librement son temps de travail en sorte que l’avoué avait dû s’adapter à la disponibilité de Madame X... qui n’était ainsi pas intégrée dans le service organisé par l’avoué, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles L 1221-1 et L 1411-1 du code de travail ;
ALORS ENSUITE QU’en relevant que Madame X... travaillait exclusivement sur les dossiers de l’étude, sans rechercher si cette dernière avait librement choisi de ne pas développer de clientèle personnelle ou si elle en avait été empêchée, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L 1221-1 et L 1411-1 du code de travail ;
ALORS ENFIN QUE dans la relation professionnelle qui lie un avocat et un avoué dans laquelle l’avocat rédige des projets de conclusions et de courriers nécessairement validés par l’avoué qui exerce une profession réglementée et engage seul sa responsabilité professionnelle, le lien de subordination ne peut être caractérisé par les directives, corrections ou validations de l’avoué qui interviennent sur ces projets ; que seules sont opérantes les conditions dans lesquelles s’exécute la prestation de travail de l’avocat ; qu’en retenant pour caractériser le lien de subordination, les demandes d’instructions, les directives, les corrections et validations des conclusions et courriers émanant de l’avoué, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des mêmes articles.
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Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 10 avril 2014