Faux contrat de gérance

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 12 juin 2014

N° de pourvoi : 13-15066

ECLI:FR:CCASS:2014:SO01177

Non publié au bulletin

Cassation partielle

Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que les époux X... ont conclu avec la société Distribution Casino France (la société), le 26 septembre 2005 puis le 30 avril 2007 un contrat de co-gérance de succursale de maison d’alimentation de détail ; que le 20 janvier 2010, la société leur a notifié la résiliation de ce contrat ; que le 21 juin 2010, ils ont saisi la juridiction prud’homale d’une demande en requalification dudit contrat en contrats de travail et d’allocation de diverses sommes ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal des gérants :
Vu les articles L. 1221-1, L. 7322-1 et L. 7322-2 du code du travail ;

Attendu que pour débouter les gérants de leur demande de requalification du contrat de gérance en contrats de travail, l’arrêt retient qu’hormis les contraintes inhérentes au contrat de gérance, les gérants organisaient librement leur activité professionnelle, notamment en ce qui concerne leurs horaires de travail personnels et que, s’agissant de leurs congés, ils avaient la possibilité, s’ils l’estimaient nécessaire, de recourir à un mandataire gérant non salarié de la société ou à une personne de leur choix ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si les gérants bénéficiaient de la possibilité effective d’embaucher leur propre personnel et, en retenant qu’ils auraient bénéficié d’une liberté dans l’organisation de leur emploi du temps, sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour affirmer que la présence des deux co-gérants n’était pas nécessaire pendant l’intégralité de la période d’ouverture du magasin, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
Sur le second moyen du pourvoi principal des gérants :

Vu les articles L. 3171-4 et L. 7322-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter les gérants de leurs demandes de rappels de salaires, d’heures supplémentaires, de repos compensateurs, de préavis et d’irrégularité de la procédure et pour limiter les indemnités de licenciement, l’arrêt retient que les intéressés ne fournissaient aucun élément justifiant qu’ils étaient dans l’obligation, pendant l’intégralité du temps d’ouverture du magasin, de travailler pour le compte de la société ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses propres constatations que leurs demandes étaient étayées par divers éléments et que la société ne fournissait aucun élément contraire, la cour d’appel qui a fait peser la charge de la preuve sur les seuls gérants, a violé les textes susvisés ;

Sur les troisième et quatrième branches du moyen unique du pourvoi incident de la société :
Vu l’article 1147 du code civil ;
Attendu que pour décider que la rupture du contrat de gérance devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que le déficit d’inventaire reproché aux gérants n’est pas en lui-même constitutif d’une faute de leur part, qu’une telle faute ne peut procéder que de faits volontaires commis par chacun d’eux ;

Qu’en statuant ainsi, en ajoutant à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS , et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les première et deuxième branche du moyen unique du pourvoi incident de la société :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute M. et Mme X... de leurs demandes au titre de la requalification du contrat de co-gérance en contrats de travail et de la rupture, de rappels de salaires pour heures supplémentaires et repos compensateurs, et en ce qu’il décide que la rupture du contrat de gérance devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt rendu le 31 janvier 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Besançon ;

Condamne la société Distribution Casino France aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté M. et Mme X... de leurs demandes de requalification du contrat de gérance en contrat de travail, de rappels de salaires, d’heures supplémentaires, de repos compensateurs, de préavis et d’irrégularité de la procédure et d’avoir limité les indemnités de licenciement aux montants respectifs de 960,75 € et 338,62 € et les dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse aux montants respectifs 18.000 € et 6.500 € ;

AUX MOTIFS QUE Franck et Mercédès X... font valoir que l’existence d’un lien de subordination résulte des clauses mêmes du contrat de co-gérance ; que la mise à disposition du matériel nécessaire aux besoins de l’exploitant (matériel informatique, bureautique, réfrigérant, congélateur,...), un des éléments essentiels du contrat de cogérance, ne constitue pas une contrainte mais plutôt une aide à l’exploitation et est sans rapport avec l’existence d’un lien de subordination ; que les clauses relatives à la gestion du magasin par le groupe, à la fourniture des marchandises et à la fixation de leur prix qui sont inhérentes au contrat de gérance ne caractérisent pas un lien de subordination ; que l’imposition d’une politique commerciale pour le groupe ne caractérise pas non plus un tel lien, les obligations en découlant pour les gérants constituant une des modalités d’exploitation du magasin ; que les instructions en matière d’hygiène et de sécurité émanant du groupe sont insusceptibles de caractériser un lien de subordination étant seulement destinées à préserver la santé et la sécurité des gérants et de la clientèle ; qu’en ce qui concerne les horaires d’ouverture et de fermeture du magasin il était demandé à Franck et Mercédès X... de se soumettre aux usages locaux, la nécessité d’ouvrir de manière régulière la succursale s’inscrivant un objectif de protection de l’image de l’enseigne à laquelle chaque magasin doit participer ; que la fourniture d’un logement ne caractérise pas en elle-même un lien de subordination ; qu’ainsi les clauses du contrat de gérance ne sont pas de nature à caractériser la subordination alléguée, Franck et Mercédès X... ayant, en leur qualité de co-gérants, exploité successivement deux succursale dans le cadre d’un service organisé et mis en place par la société Distribution Casino, conformément aux dispositions légales et à celles de l’accord collectif du 18 juillet 1963, les conditions de participation des gérants à la politique commerciale de la société ; que Franck et Mercédès X... ne sont pas fondés à tirer des conditions d’exécution de leur travail, selon l’organisation définie par la société Distribution Casino en fonction de sa politique commerciale (obligation de se soumettre à une tenue vestimentaire imposée, aux heures d’ouverture et de fermeture du magasin, de respecter un agencement particulier des produits vendus, de respecter la procédure de gestion des produits périmés ou retirés), la preuve de l’exécution d’un contrat de travail ; qu’hormis ces contraintes inhérentes au contrat de gérance, il est justifié que Franck et Mercédès X... organisaient librement leur activité professionnelle, notamment en ce qui concerne leurs horaires de travail personnels dès lors que l’activité de ces établissements ne nécessitait pas leur présence commune pendant l’intégralité de la période d’ouverture du magasin et que, s’agissant de leurs congés, ils avaient la possibilité, s’ils l’estimaient nécessaire, de recourir à un mandataire gérant non-salarié de la société ou à une personne de leur choix ; qu’au vu de tous ces éléments la preuve n’est pas rapportée que Franck et Mercédès X... se soient trouvés dans un lien de subordination vis à vis de la société Distribution Casino ; qu’il appartient à celui qui réclame le paiement d’heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que Franck et Mercédès X..., qui fondent leur demande sur les horaires d’ouverture du magasin, ne fournissent aucun élément tendant à justifier qu’ils étaient dans l’obligation pendant l’intégralité du temps d’ouverture du magasin, de travailler pour le compte de la société Distribution Casino, eu égard à la quantité de travail devant être effectuée ou pour se conformer aux ordres que lui aurait donné la société Distribution Casino ; que par suite, en l’absence d’éléments étayant leurs demandes, Franck et Mercédès X... doivent être déboutés de leur réclamation au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE M. Franck X... a signé avec la société Casino en 2005 et 2007 un contrat de cogérant mandataire non-salarié ; qu’est gérant non-salarié toute personne qui exploite, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales des commerces détail alimentaire ou des coopératives de consommation lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de son travail et lui laisse toute latitude d’embaucher des salariés ou de se faite remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité ; que la clause de fourniture exclusive avec vente à prix imposé est une modalité commerciale qui ne modifie pas la nature du contrat ; que M. Franck X..., pendant toute la durée de son contrat, n’a à aucun moment contesté le statut de gérant mandataire non-salarié ; que lors de la signature du contrat de gérance, M. Franck X... s’est expressément engagé, en raison du mandat qui lui a été consenti, tant des magasins que de la clientèle, et des moyens d’action auprès de cette dernière, à ne vendre que les marchandises fournies par la société Casino et à ne pas changer les prix de vente fixé, ni en modifier la nature, la qualité ou la présentation desdites marchandises ; qu’en application de l’article 6, al 2 des contrats de gérance, M. Franck X... s’engage à suivre les consignes données par le service commercial de la société Casino, à participer à la politique commerciale de la société Casino ; que M. Franck X..., par courriers des 21 septembre 2005 et 11 août 2007, a informé la société Casino des horaires d’ouverture des magasins ; que M. Franck X... n’apporte aucun élément permettant d’affirmer que les horaires ont été arrêtés par la société Casino ; qu’en application de l’article L 7322-1 du code du travail et de l’accord collectif du 18 juillet 1963, les gérants mandataires non-salariés restent libres de prendre leurs congés aux dates qu’ils souhaitent, à charge pour eux de s’organiser en se faisant notamment remplacer à leurs frais ou sous leur entière responsabilité ; que M. Franck X... n’apporte aucun élément permettant de constater qu’il y il y a eu obstacle par la société Casino à l’application de cette règle ; que la société Casino a laissé toute latitude à M. Franck X... dans la répartition des heures de travail entre ouverture et fermeture ; que conformément à l’article 30 de l’accord collectif du 18 juillet 1963, la société Casino est juridiquement dans l’obligation de fournir un logement à titre gracieux à M. Franck X... ; qu’à aucun moment, M. Franck X... n’a émis le souhait à renoncer à ce avantage en nature ; que le conseil de prud’hommes ne constate aucun lien de subordination entre la société Casino et M. Franck X... et confirme le statut de gérant mandataire non-salarié ; qu’en application de l’article 17321-1 et 17322-1 du code du travail et de l’accord collectif du 18juillet 1963, M. Franck X... ayant le statut de gérant non-salarié disposait de toute liberté dans l’organisation de son temps de travail, celui-ci ne peut prétendre à l’application des dispositions spécifiques relatives aux heures supplémentaires ;

1°) ALORS QUE si le gérant d’une succursale de commerce de détail alimentaire est non-salarié lorsque le contrat intervenu avec le distributeur ne fixe pas les conditions de son travail et lui laisse toute latitude d’embaucher des salariés ou de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité, son contrat doit en revanche être requalifié en contrat de travail lorsqu’il accomplit son travail sous l’autorité du distributeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements du gérant ; qu’en l’espèce, il résulte de l’arrêt attaqué que la société Casino mettait à disposition des « gérants » l’ensemble du matériel nécessaire à l’exploitation du magasin, fixait des directives en matière d’hygiène et de sécurité, déterminait les heures d’ouverture et de fermeture du magasin dans lequel les « co-gérants » étaient seuls à travailler, leur imposait une tenue vestimentaire, décidait l’agencement des produits vendus et avait fixé une procédure de gestion des produits périmés ou retirés ; que dès lors, en décidant que les époux X... n’étaient pas liés par un contrat de travail à la société Distribution Casino, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a ainsi violé les articles L 1221-1, L 7322-1 et L 7322-2 du code du travail ;

2°) ALORS QUE le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination ou du contenu de leur convention, mais des conditions dans lesquelles la prestation de travail a été effectivement exécutée ; qu’en l’espèce, les époux X... faisaient valoir que la clause du contrat de cogérance selon laquelle ils pouvaient engager du personnel pour leur propre compte et sous leur responsabilité n’était que de pure forme dès lors qu’ils percevaient de la société Casino une rémunération inférieure au SMIC, qui ne leur permettait aucunement de procéder à des embauches ; que dès lors, en s’abstenant de rechercher si l’impossibilité dans laquelle se trouvaient les « gérants » d’embaucher leur propre personnel excluait la qualification de gérant non-salarié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1221-1, L 7322-1 et L 7322-2 du code du travail ;

3°) ALORS QUE les époux X... justifiaient par les pièces produites aux débats que la superette Casino dont ils étaient co-gérants était ouverte, selon les horaires imposés par la société Casino, de septembre 2005 à avril 2007, du mardi au samedi de 8h à 20h et le dimanche de 8h à 12h30 et de 16h à 19h30, puis, à partir de mai 2007, du mardi au samedi de 8h à 12h30 et de 15h à 20h et le dimanche de 8h à 12h ; que dès lors, en retenant que les époux X... organisaient librement leur activité professionnelle notamment en ce qui concerne leurs horaires de travail, au motif que l’activité de ces établissements ne nécessitait pas leur présence commune pendant l’intégralité de la période d’ouverture du magasin, sans indiquer de quels éléments elle déduisait cette affirmation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1221-1, L 7322-1 et L 7322-2 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté M. et Mme X... de leurs demandes de rappels de salaires, d’heures supplémentaires, de repos compensateurs, de préavis et d’irrégularité de la procédure et d’avoir limité les indemnités de licenciement aux montants respectifs de 960,75 € et 338,62 € et les dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse aux montants respectifs 18.000 € et 6.500 € ;

AUX MOTIFS QUE Franck et Mercédès X... qui fondent leur demande sur les horaires d’ouverture du magasin, ne fournissent aucun élément tendant à justifier qu’ils étaient dans l’obligation pendant l’intégralité du temps d’ouverture du magasin, de travailler pour le compte de la société Distribution Casino, eu égard à la quantité de travail devant être effectuée ou pour se conformer aux ordres que lui aurait donné la société Distribution Casino ; que par suite, en l’absence d’éléments étayant leurs demandes, Franck et Mercédès X... doivent être déboutés de leur réclamation au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’ en application de l’article L 17321-1 et 17322-1 du code du travail et de l’accord collectif du 18 juillet 1963, M. Franck X..., ayant le statut de gérant non-salarié, disposait de toute liberté dans l’organisation de son temps de travail, ne peut prétendre à l’application des dispositions spécifiques relatives aux heures supplémentaires ;

1°) ALORS QU’ il résulte des articles L 7321-1, L 7321-3 et L 7322-1 et L 7322-3 du code du travail que s’appliquent aux gérants non-salariés de succursales de commerce alimentaire les dispositions de ce code et notamment celles relatives à la durée du travail et au SMIC ; qu’il résulte de l’article L 3171-4 du même code que la preuve du nombre d’heures de travail n’incombe spécialement à aucune des parties et que lorsque le travailleur fournit au juge des éléments de nature à étayer sa demande, il appartient à l’employeur d’apporter des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; qu’en l’espèce, les époux X... justifiant par les pièces produites aux débats que la superette Casino dont ils étaient ensemble gérants et qui n’employait aucun autre personnel était ouverte, de 2005 à 2007, du mardi au samedi de 8h à 20h et le dimanche de 8h à 12h30 et de 16h à 19h30, puis, à partir de 2007, du mardi au samedi de 8h à 12h30 et de 15h à 20h et le dimanche de 8h à 12h, il appartenait à la société Casino d’apporter des éléments de nature à établir le nombre d’heures de travail effectuées par chacun ; que dès lors, en faisant exclusivement peser sur les époux X... la charge de la preuve de l’effectivité de leur travail pendant l’intégralité du temps d’ouverture du magasin, la cour d’appel a violé les textes précités ;

2°) ALORS QUE pour rejeter la demande des époux X... au titre des rappels de salaires et d’heures supplémentaires, la cour d’appel a retenu que ces derniers ne fournissaient aucun élément justifiant qu’ils étaient dans l’obligation de travailler pour le compte de la société Casino pendant l’intégralité du temps d’ouverture du magasin ; qu’en statuant par ce motif inopérant, au lieu de rechercher si les co-gérants avaient chacun perçu, pour les heures de travail effectuées, une rémunération au moins égale au SMIC, le cas échéant majoré des heures supplémentaires, ce qui n’était pas le cas, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 7321-1, L 7321-3 et L 7322-1 et L 7322-3 du code du travail.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Distribution Casino France.

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que la rupture du contrat de co-gérance produisait à l’égard des époux X... les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à Monsieur X... la somme de 18.000 € et à Madame X... la somme de 6.500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la société à payer à Monsieur X... la somme de 960,75 € et à Madame X... la somme de 338,62 € à titre d’indemnité légale de licenciement, et condamné la société à leur payer à chacun la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

AUX MOTIFS QUE par application des dispositions de l’article L. 7322-1 du contrat de travail le gérant non salarié d’une succursale doit bénéficier de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale ; que par lettre du 20 janvier 2010 la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a mis fin au contrat de gérance de Franck et Mercedes X..., un préavis de deux mois à compter de la notification de la lettre étant prévu, en invoquant un manquant de marchandises et/ou d’espèces et un manquant d’emballages ; qu’à la suite de l’inventaire effectué le 1er octobre 2009 dans le magasin CASINO situé rue Saint-Vincent, il a été constaté un manquant de marchandises et/ou d’espèces de 2.725,89 € et un manquant d’emballages de 2.505,94 € ; que si Franck et Mercedes X... étaient, en vertu du contrat de gérance qu’ils avaient signés, responsable pécuniairement de la gestion du magasin qu’ils exploitaient, il n’en résulte pas pour autant que tout déficit d’inventaire soit, en lui-même, constitutif d’une faute de la part des gérants justifiant la rupture des relations contractuelles ; qu’une telle faute ne peut procéder que de faits volontaires commis par chacun des co-gérants ; qu’il ne résulte d’aucun élément du dossier la preuve que Franck et Mercedes X... auraient commis des fautes à l’origine des manquants constatés ; que le seul fait qu’ils aient signé les comptes le 25 novembre 2009 sans pouvoir donner d’explication sur l’origine de ces manquants ne peut caractériser une faute de leur part ; que par suite la rupture du contrat de gérance par la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse de Franck et Mercedes X... ; qu’eu égard aux éléments du dossier une somme de 18.000,00 € doit être allouée à Franck X... à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une somme de 6.500,00 € au même titre à Mercedes X... ; (...) qu’au titre de l’indemnité légale de licenciement la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE doit être condamnée à payer à Franck X... la somme de 960,75 € et à Mercedes X... la somme de 338,62 € ;

1. ALORS QUE le juge ne peut modifier l’objet du litige tel qu’il résulte des conclusions des parties ; qu’en l’espèce, ainsi que l’exposante l’avait souligné (conclusions d’appel, p. 34-35), les époux X... ne sollicitaient de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que dans l’hypothèse où le contrat de gérance aurait été au préalable requalifié en contrat de travail (conclusions d’appel, p. 23) ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a refusé de procéder à cette requalification ; qu’en examinant cependant le bien fondé de la rupture, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et violé l’article 4 du Code de procédure civile ;

2. ALORS en tout état de cause QUE l’article L. 7322-1 du nouveau Code du travail, applicable depuis le 1er mai 2008, accorde seulement aux gérants mandataires non salariés des succursales de commerce de détail alimentaire, le bénéfice des dispositions du Livre I de la troisième partie relatif à la durée du travail, aux repos et aux congés, et la quatrième partie du code du travail relative à la santé et à la sécurité au travail, et ce à la condition que soient fixées par l’entreprise propriétaire de la succursale les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l’établissement, ou soumises à son agrément ; qu’il en résulte qu’une rupture du contrat de gérance mandat survenue postérieurement au 1er mai 2008 ne peut se voir appliquer les dispositions du Code du travail relatives au licenciement ; qu’en l’espèce, la rupture du contrat de gérance mandat est intervenue le 20 janvier 2010 ; qu’en affirmant que par application des dispositions de l’article L. 7322-1 du contrat de travail le gérant non salarié d’une succursale doit bénéficier de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale, quand ce texte ne prévoit rien de tel, la cour d’appel a violé ce texte ainsi que l’article 14 de l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au Code du travail (partie législative) et l’article 2-X de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 ratifiant cette ordonnance, ensemble l’article L. 782-7 de l’ancien Code du travail par fausse application ;

3. ALORS à titre infiniment subsidiaire QU’une négligence caractérise une faute et peut justifier la rupture d’un contrat de gérance ; qu’en affirmant qu’une faute justifiant la rupture des relations contractuelles ne peut procéder que de faits volontaires commis par chacun des co-gérants, pour en déduire qu’il ne résultait d’aucun élément du dossier la preuve que Franck et Mercedes X... avaient commis des fautes à l’origine des manquants constatés, la cour d’appel a violé les articles 1147, 1927, 1933, 1992 et 1993 du Code Civil, ensemble l’article L. 7322-1 du Code du travail.

4. ALORS de même QUE le mandataire dépositaire doit rendre compte tant du mandat que du dépôt et justifier de la restitution ou de l’utilisation conforme des biens remis en dépôt ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté l’existence d’un manquant de marchandises et d’un manquant d’emballages lors de l’inventaire de sorte qu’il incombait aux mandataires de s’expliquer sur l’origine de ces manquants afin d’établir leur absence de faute et que l’absence d’explications de leur part constituait nécessairement une faute, que leur reprochait la lettre de rupture au même titre que les manquants eux-mêmes ; qu’en faisant peser sur la société CASINO la charge de la preuve de ce que les mandataires avaient commis une faute à l’origine des manquants et en affirmant que le seul fait qu’ils aient signé les comptes le 25 novembre 2009 sans pouvoir donner d’explication sur l’origine de ces manquants ne peut caractériser une faute de leur part , la cour d’appel a violé les articles 1315, 1927, 1933 et 1993 du Code Civil, ensemble l’article L. 7322-1 du Code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Dijon , du 31 janvier 2013