Porteurs de bagages

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 9 juillet 2003

N° de pourvoi : 02-42127

Non publié au bulletin

Cassation partielle

Président : M. CHAGNY conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu que, selon l’arrêt attaqué, M. X... a signé avec la SNCF une convention d’autorisation provisoire d’exercer la profession de porteur libre dans la gare de Paris-Gare de Lyon, aux conditions fixées par la SNCF dans un règlement intitulé “conditions générales d’exercice de la profession de porteur libre dans les gares” ; que la SNCF, ayant confié les tâches de portage à la société Voyageurs service plus, a mis fin, à compter du 20 novembre 1996, à cette autorisation ; que l’intéressé a fait convoquer la SNCF devant la juridiction prud’homale pour faire juger qu’il avait été employé par celle-ci en vertu d’un contrat de travail et pour avoir paiement de rappels de rémunérations, d’indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que d’une indemnité pour travail dissimulé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la SNCF :

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir décidé que la SNCF et l’intéressé étaient liés par un contrat de travail et d’avoir condamné la SNCF à payer diverses indemnités à ce titre, alors, selon le moyen :

1 / que l’existence d’une relation de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ;

qu’il appartient aux juges du fond de procéder à l’analyse des éléments de fait en visant et analysant les documents sur lesquels ils se fondent ;

qu’en se bornant à affirmer qu’il résultait des faits de la cause que les porteurs participaient à une entreprise organisée par la SNCF et étaient soumis pour son exécution aux directives et contrôles de cette dernière, sans viser ni analyser le moindre document sur lequel elle se serait fondée, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 121-1 du Code du travail ;

2 / que le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination mais l’existence d’un contrat de travail n’est pas caractérisée s’il n’est pas constaté en outre que le travailleur est soumis à des conditions de travail unilatéralement déterminées par le prétendu employeur ; qu’en se bornant à relever que la SNCF pouvait vendre en même tant que le titre de transport un service de porteurs pour les voyageurs handicapés et les groupes de voyageurs, qu’elle indiquait le nombre de porteurs nécessaires et les horaires de présence, la cour d’appel a seulement relevé que les porteurs travaillaient au sein du service organisé de la SNCF pour le portage de bagages de groupe et de transport des handicapés, mais sans s’expliquer sur les opérations de portage de bagages individuels ; que la cour d’appel n’a pas caractérisé l’existence de conditions de travail unilatéralement déterminées par la SNCF ; que la décision est privée de base légale au regard de l’article L. 121-1 du Code du travail ;

3 / que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en se bornant à affirmer que la SNCF exerçait un pouvoir disciplinaire en prenant des sanctions sous forme d’avertissement avant résiliation de l’autorisation de portage, la cour d’appel, qui n’a justifié ces allégations par le visa ni l’analyse d’aucun document, a encore privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 121-1 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel, analysant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis par les parties, d’une part, a constaté que, pour l’exécution des prestations de portage qu’elle vendait en même temps que le titre de transport, la SNCF arrêtait le nombre des porteurs nécessaires au service vendu, leurs heures de présence à l’arrivée et leur tenue vestimentaire dans certaines circonstances, et que cette organisation donnait lieu à l’établissement d’un planning, d’une feuille d’émargement et de bons de comptabilité permettant la rémunération des porteurs selon un tarif fixé par la direction de la gare ;

que, d’autre part, elle a relevé que la SNCF exerçait un contrôle sur le travail des porteurs et qu’elle pouvait les sanctionner par des avertissements et la résiliation de la convention de portage ; que dès lors que résultait de ses constatations et énonciations l’existence d’un lien de subordination caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements du subordonné, la cour d’appel a pu en déduire l’existence d’un contrat de travail entre l’intéressé et la SNCF ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié :

Attendu que le salarié reproche à l’arrêt de l’avoir débouté de sa demande de paiement de l’indemnité prévue à l’article L. 324-11-1 du Code du travail à raison de la dissimulation de son emploi salarié, alors, selon le moyen, qu’il résulte des constatations de l’arrêt que la SNCF exerçait un pouvoir de contrôle sur le travail effectué et un pouvoir disciplinaire en prenant des sanctions sous forme d’avertissement avant résiliation de l’autorisation de portage ; que les porteurs participaient à une entreprise organisée par la SNCF et étaient soumis, pour son exécution, aux directives et au contrôle de cette dernière qui retirait un profit commercial de l’activité des porteurs ; que cette participation au service organisé de la SNCF caractérisait l’existence d’un lien de subordination hiérarchique caractéristique du contrat de travail ; qu’il en résulte nécessairement que la SNCF, qui ne pouvait ignorer ses obligations à cet égard, avait volontairement dissimulé le contrat de travail des intéressés ; qu’en affirmant qu’il n’était pas démontré qu’elle l’ait fait de mauvaise foi, la cour d’appel n’a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en résultaient nécessairement et a violé les articles L. 324-10 et L. 324-11 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel a constaté qu’en recourant à un contrat d’entreprise la SNCF n’avait pas eu l’intention de dissimuler l’existence d’un contrat de travail ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal du salarié tels qu’annexés au présent arrêt :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

Mais sur le quatrième moyen du pourvoi principal du salarié :

Vu les articles L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail ;

Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande de paiement d’une indemnité de préavis et d’une indemnité de licenciement, l’arrêt retient que la rupture du contrat de travail qui le liait à la SNCF est imputable au salarié, qui, en ne souscrivant pas une assurance, s’est refusé à exécuter le contrat de travail dans les conditions qui avaient été fixées par les parties ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’en l’absence de démission du salarié la cessation du contrat de travail intervient à l’initiative de l’employeur et qu’alors seule la faute grave prive le salarié des indemnités de préavis et de licenciement, la cour d’appel, qui, en l’absence de démission de l’intéressé, n’a pas caractérisé l’existence d’une faute grave à son encontre, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le cinquième moyen du pourvoi principal du salarié :

REJETTE le pourvoi incident de la SNCF ;

CASSE ET ANNULE, seulement en ce qu’il a débouté M. X... de sa demande de paiement d’une indemnité de préavis et d’une indemnité de licenciement, l’arrêt rendu le 23 mars 2001, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille trois.

Décision attaquée : cour d’appel de Paris (18ème chambre, section E) du 23 mars 2001