Porteurs de bagages

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 2 juillet 2003

N° de pourvoi : 01-43018

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. CHAGNY conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° E 01-43.018, F 01-43.019, H 01-43.020, G 01-43.021, J 01-43.022, K 01-43.023, M 01-43.024, N 01 43.025, P 01-43.026, X 02-40.025 et G 02-42.128 ;

Attendu que, selon les arrêts attaqués (Paris, 23 mars 2001), MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E..., F..., G... et H... ont signé avec la SNCF des conventions d’autorisation provisoire d’exercer la profession de porteur libre dans la gare de Paris-Gare de Lyon, aux conditions fixées par la SNCF dans un règlement intitulé “conditions générales d’exercice de la profession de porteur libre dans les gares” ; que la SNCF, ayant confié les tâches de portage à la société Voyageurs service plus (VSP), a mis fin à ces autorisations qui n’ont plus été renouvelées ; que les intéressés, qui ont été embauchés par la société VSP, ont fait convoquer la SNCF devant la juridiction prud’homale pour faire juger qu’ils avaient été employés par celle-ci en vertu de contrats de travail et pour avoir paiement de rappels de rémunérations, d’indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que d’une indemnité pour travail dissimulé ;

Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi incident de la SNCF contre l’arrêt rendu au profit de M. C... tels qu’ils sont annexés au présent arrêt :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi incident ;

Sur le moyen unique commun aux pourvois incidents de la SNCF contre les arrêts rendus au profit de MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., D..., E..., F..., G... et H... et le troisième moyen du pourvoi incident formé par la SNCF contre l’arrêt rendu au profit de M. C... :

Attendu qu’il est fait grief aux arrêts d’avoir décidé que la SNCF et les intéressés étaient liés par des contrats de travail et d’avoir condamné la SNCF à payer diverses indemnités à ce titre, alors, selon le moyen :

1 / que l’existence d’une relation de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; qu’il appartient aux juges du fond de procéder à l’analyse des éléments de fait en visant et analysant les documents sur lesquels ils se fondent ; qu’en se bornant à affirmer qu’il résultait des faits de la cause que les porteurs participaient à une entreprise organisée par la SNCF et étaient soumis pour son exécution aux directives et contrôles de cette dernière, sans viser ni analyser le moindre document sur lequel elle se serait fondée, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 121-1 du Code du travail ;

2 / que le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination mais que l’existence d’un contrat de travail n’est pas caractérisée s’il n’est pas constaté en outre que le travailleur est soumis à des conditions de travail unilatéralement déterminées par le prétendu employeur ; qu’en se bornant à relever que la SNCF pouvait vendre en même tant que le titre de transport un service de porteurs pour les voyageurs handicapés et les groupes de voyageurs, qu’elle indiquait le nombre de porteurs nécessaires et les horaires de présence, la cour d’appel a seulement relevé que les porteurs travaillaient au sein du service organisé de la SNCF pour le portage de bagages de groupes et de transport des handicapés, mais sans s’expliquer sur les opérations de portage de bagages individuels ; que la cour d’appel n’a pas caractérisé l’existence de conditions de travail unilatéralement déterminées par la SNCF ; que la décision est privée de base légale au regard de l’article L. 121-1 du Code du travail ;

3 / que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de sanctionner les manquements de son subordonné ;

qu’en se bornant à affirmer que la SNCF exerçait un pouvoir disciplinaire en prenant des sanctions sous forme d’avertissement avant résiliation de l’autorisation de portage, la cour d’appel, qui n’a pas justifié ces allégations par le visa ni l’analyse d’aucun document, a encore privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 121-1 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel, analysant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis par les parties, d’une part, a constaté que, pour l’exécution des prestations de portage qu’elle vendait en même temps que le titre de transport, la SNCF arrêtait le nombre des porteurs nécessaires au service vendu, leurs heures de présence à l’arrivée et leur tenue vestimentaire dans certaines circonstances et que cette organisation donnait lieu à l’établissement d’un planning, d’une feuille d’émargement et de bons de comptabilité permettant la rémunération des porteurs selon un tarif fixé par la direction de la gare ; que, d’autre part, elle a relevé que la SNCF exerçait un contrôle sur le travail des intéressés et qu’elle pouvait les sanctionner par des avertissements et la résiliation de la convention de portage ; que dès lors que résultait de ses constatations et énonciations l’existence d’un lien de subordination caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements du subordonné, la cour d’appel a pu en déduire l’existence de contrats de travail entre les intéressés et la SNCF ;

que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le premier moyen commun aux pourvois principaux des salariés :

Attendu que les salariés reprochent aux arrêts de les avoir déboutés de leur demande de paiement de l’indemnité prévue à l’article L. 324-11-1 du Code du travail à raison de la dissimulation de leur emploi salarié, alors, selon le moyen, qu’il résulte des constatations de l’arrêt que la SNCF exerçait un pouvoir de contrôle sur le travail effectué et un pouvoir disciplinaire en prenant des sanctions sous forme d’avertissement avant résiliation de l’autorisation de portage ; que les porteurs participaient à une entreprise organisée par la SNCF et étaient soumis, pour son exécution, aux directives et au contrôle de cette dernière qui retirait un profit commercial de l’activité des porteurs ;

que cette participation au service organisé de la SNCF caractérisait l’existence d’un lien de subordination hiérarchique caractéristique du contrat de travail ; qu’il en résulte nécessairement que la SNCF, qui ne pouvait ignorer ses obligations à cet égard, avait volontairement dissimulé le contrat de travail des intéressés ; qu’en affirmant qu’il n’était pas démontré qu’elle l’ait fait de mauvaise foi, la cour d’appel n’a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en résultaient nécessairement et a violé les articles L. 324-10 et L. 324-11 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel a constaté qu’en recourant à des contrats d’entreprise la SNCF n’avait pas eu l’intention de dissimuler l’existence de contrats de travail ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen commun aux pourvois principaux des salariés :

Attendu qu’il est encore fait grief aux arrêts d’avoir débouté les intéressés de leurs demandes de paiement d’indemnités de rupture de leurs contrats de travail et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1 / que la reprise par un autre employeur d’une activité secondaire ou accessoire d’une entreprise n’entraîne le maintien des contrats de travail que si cette activité est exercée par une entité économique autonome, qu’en se bornant à affirmer que l’activité de portage des bagages dans l’enceinte des gares SNCF, auparavant exercée au sein du service accueil de la gare d’arrivée, constituait une entité économique autonome, sans en justifier, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 122-12 du Code du travail ;

2 / qu’en outre, dans leurs conclusions d’appel, les salariés faisaient valoir que la SNCF contestait leur qualité de salarié et que leurs contrats avaient été rompus à l’initiative de celle-ci ; que faute d’avoir répondu à ce chef des conclusions des salariés, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d’appel, qui, par une décision motivée, d’une part, a retenu que le portage des bagages assuré dans l’enceinte de la gare par le service d’accueil de la SNCF constituait une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité avait été poursuivie par la société VSP et qui, d’autre part, a constaté que les intéressés ne contestaient pas que leurs contrats de travail s’étaient poursuivis avec cette société, a légalement justifié sa décision ;

que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur les troisième et quatrième moyens communs aux pourvois principaux des salariés tels qu’ils sont annexés au présent arrêt :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi incident ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principaux et les pourvois incidents ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille trois.

Décision attaquée : cour d’appel de Paris (18e chambre, section E) du 23 mars 2001