Porteurs de bagages

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 29 avril 2009

N° de pourvoi : 07-45509 07-45566

Non publié au bulletin

Rejet

M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

Me Bertrand, SCP Bachellier et Potier de La Varde, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° M 07-45.509 et n° Y 07-45.566 ;

Donne acte à M. X... du désistement partiel de son pourvoi, en ce qu’il est dirigé contre la société Air portage, l’AGS, la société Penauille Servisair, le syndicat STAAAP-CFTC et la société Setcom ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 16 octobre 2007) que des salariés, qui avaient été employés comme porteurs de bagages “indépendants” par la société Air portage, autorisée à exercer cette activité dans l’aérogare de Roissy-Charles de Gaulle par l’établissement public Aéroports de Paris, devenu depuis la société Aéroports de Paris (ADP), ont saisi le juge prud’homal pour que soit reconnue leur qualité de salariés et pour obtenir paiement de diverses sommes ; qu’à la suite de la résiliation par ADP de la convention d’exploitation conclue avec la société Air portage, en novembre 1997, ils ont continué à exercer leur activité pour le compte d’ADP et ont été ensuite employés à partir du 1er janvier 1998, sans reprise de leur ancienneté, par la Société générale de prestations (SGP), relevant du groupe Penauille, chargée par un nouveau marché d’assurer cette prestation ; qu’en juillet 2000 le fonds de la société SGP a été donné en location gérance à la société Atis aviation, relevant du même groupe, qui a poursuivi les contrats de travail en cours et licencié des salariés et à laquelle a ensuite succédé dans ce fonds la société GSA, devenue depuis la société Penauille Servisair France (Servisair) ; que par un premier arrêt du 13 juin 2000, la cour d’appel de Paris a notamment reconnu la qualité de salariés des porteurs, en admettant des créances salariales au passif de la société Air portage et sursis à statuer sur des créances indemnitaires ; que par un deuxième arrêt, rendu le 2 décembre 2003, elle a retenu notamment que la société Atis aviation était devenue l’employeur des porteurs à partir du 1er juillet 2000, en la condamnant au paiement de diverses sommes et en ordonnant une mesure d’expertise ; que les pourvois formés contre ces arrêts ont été rejetés les 29 avril 2003 (chambre sociale, Bull. V, n° 147) et 21 février 2006 (chambre sociale, pourvoi n° B 04-40.865) ; que le 10 mai 2006, après avoir consulté son comité d’entreprise, la société Servisair a informé ADP de son intention de mettre fin à l’activité de portage aéroportuaire au 1er septembre suivant ; qu’elle a alors fait savoir à son personnel, le 17 août 2006, qu’il passerait au service de la société ADP ou d’un autre prestataire choisi par cette société ; que la société ADP a opposé qu’elle n’entendait pas poursuivre l’activité de portage de bagages ou la confier à une autre entreprise ; que n’étant plus rémunérés à partir du 1er septembre 2006 et n’ayant plus de travail, les salariés de la société Servisair ont saisi la cour d’appel de demandes nouvelles en paiement de salaires et d’indemnités dirigées, au principal, contre la société ADP, et subsidiairement, contre la société Servisair ;

Sur le premier moyen du pourvoi de M. X... :

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt de l’avoir débouté de sa demande dirigée contre la société ADP alors, selon le moyen, que lorsque les salariés d’une société privée chargés du portage des bagages dans un aéroport sont sous l’autorité de l’établissement public gérant cet aéroport pour l’accomplissement d’activités relevant d’obligations lui incombant envers les voyageurs en application de l’article L. 251-2 du code de l’aviation civile, ils sont les salariés de cet établissement ; qu’ainsi, la cour d’appel qui, tout en constatant que selon la convention liant ADP à Penauille Servisair, ADP définissait les conditions de travail des porteurs et contrôlait leur comportement, a refusé d’admettre que ceux-ci étaient demeurés les salariés d’ADP au motif inopérant que les contraintes ainsi imposées à la société Penauille Servisair n’excédaient pas celles qui étaient attachées au pouvoir de surveillance et de direction qu’ADP devait exercer en qualité de gestionnaire du domaine public, a violé l’article L. 121-11 (L.121-1) du code du travail ;

Mais attendu que l’état de subordination nécessaire à l’existence d’un contrat de travail est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;

Et attendu que la cour d’appel a constaté, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des faits, que la société ADP ne disposait d’aucun pouvoir de direction effectif à l’égard du personnel de la société Servisair et que les conditions mises dans la convention qui les liait, pour assurer la bonne exécution du service de portage des bagages, n’excédaient pas ce qui était nécessaire à la gestion du domaine public dont la société ADP avait la charge ; qu’elle a pu en déduire que les intéressés n’avaient pas la société ADP pour employeur ;

Que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi de M. X... et le premier moyen du pourvoi de la société Servisair, réunis :

Attendu qu’il est encore fait grief à l’arrêt d’avoir retenu que la société ADP n’était pas devenue l’employeur des porteurs à compter du 1er septembre 2006 et d’avoir en conséquence condamné la société Servisair au paiement de diverses sommes, en qualité d’employeur, alors, selon le second moyen du pourvoi de M. X..., que constitue une entité économique au sens de l’article L. 122-12 du code du travail, tout service auquel sont affectés du personnel spécialisé et du matériel assurant l’exercice d’une activité économique ayant un objectif propre ; que la cour d’appel, en refusant d’admettre que le service de portage des bagages que ADP est tenu d’assurer ou de faire assurer aux voyageurs, en vertu de l’article L. 251-2 du code de l’aviation civile et de son cahier des charges, auquel sont affectés des porteurs, du matériel et un local, constituait une telle entité, a violé le texte précité ; et alors, selon le premier moyen du pourvoi de la société Servisair :

1°/ que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre ; que la cour d’appel a elle-même constaté que l’activité de portage des bagages nécessitait “un certain nombre de salariés”, “l’usage de chariots”, ainsi qu’un “local dans l’aéroport”, ce qui caractérisait l’existence d’un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ; qu’en écartant l’existence d’une entité économique au prétexte que le personnel était “sans technicité particulière”, que la propriété du matériel dont l’usage était nécessaire n’était “pas déterminée” et que le local utilisé dans l’aéroport ne faisait l’objet que d’une “mise à disposition précaire”, la cour d’appel, qui s’est fondée sur des considérations inopérantes, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 122-12 (L. 1224-1) du code du travail ;

2°/ que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre, peu important que la clientèle de cette entité lui soit propre ou non ; qu’en écartant en l’espèce l’existence d’une entité économique autonome au prétexte que l’activité de portage n’aurait pas bénéficié d’une clientèle propre, la cour d’appel s’est fondée sur un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 122-12 (L. 1224-1) du code du travail ;

3°/ que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre ; qu’en l’espèce, la société Servisair faisait valoir que l’existence d’une entité économique autonome se déduisait non seulement de l’existence d’un personnel et d’un matériel affectés à l’activité de portage, mais également de l’existence d’une autorisation d’exercer qui constituait un élément incorporel permettant l’exercice de cette activité ; qu’en omettant de prendre en compte cet élément avant d’exclure l’existence d’une entité économique autonome, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 122-12 (L. 1224-1) du code du travail ;

4°/ qu’aux termes de l’article L. 251-2 du code de l’aviation civile, dans sa version applicable au litige, ADP est tenue “d’assurer l’embarquement et le cheminement à terre des voyageurs, des marchandises et des courriers transportés par air” ; qu’à ce titre, relève de sa mission de service public l’obligation d’assurer la fluidité du passage des usagers et de leurs bagages dans l’aéroport, avant leur enregistrement et après leur arrivée de la salle de distribution ; que la cour d’appel a elle-même constaté que l’activité de portage “s’entend du traitement des bagages, au départ depuis l’entrée de l’aérogare jusqu’aux comptoirs d’enregistrement et, à l’arrivée, de la salle de distribution jusqu’à la sortie des aérogares ainsi, le cas échéant, qu’entre deux aérogares ou jusqu’au lieu de résidence des clients” ; qu’il s’en induisait nécessairement que cette activité relevait de la mission de service public d’ADP ; qu’en affirmant le contraire au regard de considérations indifférentes tenant au traitement des bagages après l’enregistrement et avant leur remise en salle de distribution, pour retenir que ADP n’était pas tenu de maintenir et reprendre l’activité de portage litigieuse, la cour d’appel a violé l’article L. 251-2 du code du travail ;

Mais attendu que l’article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, ne s’applique qu’en cas de transfert d’une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise ;

Et attendu que la cour d’appel, qui a constaté qu’il n’était pas établi que des moyens d’exploitation nécessaires au portage des bagages avaient été transférés à la société ADP, ni que celle-ci avait poursuivi cette activité après que la société Servisair y eut mis fin, alors qu’elle n’était pas tenue de maintenir ce service, a par ces seuls motifs légalement justifié sa décision ;

Et sur le second moyen du pourvoi de la société Servisair :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Penauille Servisair France aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne également à payer à la société Aéroports de Paris la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf avril deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi n° M 07-45.509 par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Penauille Servisair France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR constaté la nullité des licenciements des salariés défendeurs au pourvoi et d’AVOIR condamné la société PENAUILLE SERVISAIR FRANCE à leur payer diverses sommes, ainsi qu’à rembourser aux organismes sociaux concernés les indemnités chômage versées à chaque salarié ;

AUX MOTIFS QUE les salariés soutiennent « que leurs contrats de travail ont été transférés de plein droit à ADP à compter du 1er septembre 2006 en application de l’article L.122-12 du Code du travail et de la directive communautaire n°77-1 87 du 14 février 1977. Ce transfert suppose l’existence d’une entité économique autonome constituée d’un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels et incorporels permettant l’exercice d’une activité économique poursuivant un objectif propre, ainsi que sa poursuite ou sa reprise. Il sera tout d’abord observé que l’existence d’une telle entité n’a pas été reconnue par les précédentes décisions judiciaires, la cour de cassation ayant au contraire expressément retenu dans son arrêt du 21 février 2006 que la cour d’appel n’avait pas fait application dans son arrêt du 2 décembre 2003 de l’article L.122-12, alinéa 2 du Code du travail, mais de la convention collective régionale étendue du personnel de l’industrie, de la manutention et du nettoyage sur les aéroports ouverts à la circulation publique, et de l’accord étendu du 16 juin 1987, relatif au changement de titulaire d’un marché sur un même chantier. Les salariés ne s’expliquent pas plus avant sur l’existence d’une entité économique autonome et ne peuvent utilement se référer, pour le motif ci-dessus expose, aux énonciations de l’arrêt de cette cour du 2 décembre 2003. Au demeurant il n’est pas établi que l’activité de portage de bagages, qui ne supposait qu’un certain nombre de salariés sans technicité particulière, l’usage de chariots dont la propriété n’est pas déterminée, et la mise à disposition précaire d’un local dans l’aérogare, sans clientèle propre, ait constitué une entité économique autonome. Les appelants soutiennent également que l’activité de portage est revenue à ADP en raison des missions de service public qui lui incombent et qu’elle s’est poursuivie après le retrait de la Société Penauille Servisair France, par l’intermédiaire de la société Setcom, autre sous-traitant de ADP. ADP est tenue en application de l’article L.251-2 du Code de l’aviation civile, de la loi n°2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports, du décret n°2005-828 du 20 juillet 2005 relatif à la société Aéroports de Paris et de la directive du Conseil n°96/67 du 15 octobre 1996 d’assurer l’embarquement et l’acheminement à terre des voyageurs, des marchandises et du courrier transportés par air. Le portage des bagages contribue à cette mission ainsi que l’a retenu la cour de cassation dans son arrêt du 29 avril 2003. Cependant aucun des textes ci-dessus énoncés n’impose à ADP, d’assurer elle-même, plutôt que de mettre des chariots à la disposition des voyageurs ou de recourir à un sous-traitant, le portage des bagages objet du présent litige, qui s’entend du traitement des bagages, au départ depuis l’entrée de l’aérogare jusqu’aux comptoirs d’enregistrement et, a l’arrivée, de la salle de distribution jusqu’à la sortie des aérogares ainsi, le cas échéant, qu’entre deux aérogares ou jusqu’au lieu de résidence des clients. Tel a été l’avis du conseil d’Etat qui dans sa séance du 12 février 1970 a considéré que l’exploitation de services d’assistance en escale, bien que se rattachant étroitement à l’activité de service public, échappait à l’activité de service public assignée a titre exclusif à ADP. Tel est également le sens de la directive 96/67/CE du Conseil du 15 octobre 1996 relative à l’accès au marché de l’assistance en escale dans les aéroports de la Communauté, qui après avoir rappelé que les services d’assistance, en escale sont indispensables à la bonne exécution du mode de transport aérien, et que le libre accès au marché de l’assistance en escale est compatible avec le bon fonctionnement des aéroports communautaires, fixe les conditions permettant aux prestataires de service extérieurs aux entités gestionnaires d’aéroports, d’accéder à ce marché dans le cadre d’une concurrence effective. Il sera au surplus observé que l’assistance en escale visée par cette directive concerne le traitement des bagages entre le comptoir d’enregistrement et l’avion puis au retour, entre l’avion et la salle de distribution. Dès lors que cette assistance constitue une activité commerciale n’incombant pas à l’entité gestionnaire de l’aéroport, il en est a fortiori de même pour le portage des bagages ici en cause, qui s’exécute avant ou après le contrat de transport proprement dit. Le cahier des charges de ADP n’impose que l’existence d’une assistance globale aux personnes à mobilité réduite, qui est de fait assurée par une société dénommée Passerelle qui exécute des prestations distinctes du portage réalisé par la société Penauille. Les appelants soutiennent également que l’activité de portage s’est poursuivie dans l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle après le 1er septembre 2006. Il sera tout d’abord constaté qu’ils ne prétendent pas que ADP ait elle-même poursuivi cette activité, la circonstance qu’elle ait, durant quelques jours en décembre 2005, organisé une opération de promotion incluant l’embauche temporaire de porteurs également chargés de missions d’orientation étant à cet égard inopérante. Il est exact que la société Setcom Services exerce également une activité de portage de bagages dans l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle. Cette société exerce son activité au moins depuis 2003, en concurrence avec la société Penauille ainsi que ADP le rappelait dans sa lettre du 7 octobre 2003 à la société Penauille : “La convention relative aux conditions d*exercice de l’activité dont vous avez été destinataire ne fait mention d’aucune clause d’exclusivité. Dans un souci d’équité, cette même convention a été soumise à la société Setcom Services. En conséquence les deux sociétés sont aujourd’hui autorisées dans les mêmes conditions à exercer les prestations de portage”. Cependant il n’est pas démontré que l’activité exercée par la société Penauille ait été reprise par la société Setcom Services, aucun transfert de personnel ni d’élément corporel ou incorporel n’étant allégué, et en tout état de cause les appelants ne demandent pas la poursuite de leurs contrats de travail par cette dernière société. De surcroît les pièces produites aux débats font apparaître pour septembre 2006 et février 2007 une activité limitée de Setcom Services qui ne recouvre pas celle qu’exerçait précédemment la société Penauille. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les demandes dirigées à titre principal contre ADP ne sont pas fondées.

1) ALORS QUE constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre ; que la Cour d’appel a elle-même constaté que l’activité de portage de bagages nécessitait « un certain nombre de salariés », « l’usage de chariots », ainsi qu’un « local dans l’aéroport », ce qui caractérisait l’existence d’un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ; qu’en écartant l’existence d’une entité économique au prétexte que le personnel était « sans technicité particulière », que la propriété du matériel dont l’usage était nécessaire n’était « pas déterminée » et que le local utilisé dans l’aéroport ne faisait l’objet que d’une « mise à disposition précaire », la Cour d’appel, qui s’est fondée sur des considérations inopérantes, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.122-12 du Code du travail ;

2) ALORS QUE constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre, peu important que la clientèle de cette entité lui soit propre ou non ; qu’en écartant en l’espèce l’existence d’une entité économique autonome au prétexte que l’activité de portage n’aurait pas bénéficié d’une clientèle propre, la Cour d’appel s’est fondée sur un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.122-12 du Code du travail ;

3) ALORS QUE constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre ; qu’en l’espèce, l’exposante faisait valoir que l’existence d’une entité économique autonome se déduisait non seulement de l’existence d’un personnel et de matériels affectés à l’activité de partage, mais élément de l’existence d’une autorisation d’exercée (conclusions d’appel page 9) qui constituait un élément incorporel permettant l’exercice de cette activité ; qu’en omettant de prendre en compte cet élément avant d’exclure l’existence d’une entité économique autonome, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.122-12 du Code du travail ;

4) ALORS par ailleurs QU’aux termes de l’article L.251-2 du Code de l’aviation civile, dans sa version applicable au litige, ADP est tenue « d’assurer l’embarquement et cheminement à terre des voyageurs, des marchandises et du courrier transportés par air » ; qu’à ce titre, relève de sa mission de service public l’obligation d’assurer la fluidité du passage des usagers et de leurs bagages dans l’aéroport, avant leur enregistrement et après leur arrivée de la salle de distribution ; que la Cour d’appel a elle-même constaté que l’activité de portage litigieuse « s’entend du traitement des bagages, au départ depuis l’entrée de l’aérogare jusqu’aux comptoirs d’enregistrement et, a l’arrivée, de la salle de distribution jusqu’à la sortie des aérogares ainsi, le cas échéant, qu’entre deux aérogares ou jusqu’au lieu de résidence des clients » ; qu’il s’en induisait nécessairement que cette activité relevait de la mission de service public d’ADP ; qu’en affirmant le contraire au regard de considérations indifférentes tenant au traitement des bagages après l’enregistrement et avant leur remise en salle de distribution, pour retenir qu’ADP n’était pas tenu de maintenir et de reprendre l’activité de portage litigieuse, la Cour d’appel a violé l’article L. 251-2 du Code de l’aviation civile ;

SECOND MOYEN (subsidiaire) DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR constaté la nullité des licenciements des salariés défendeurs au pourvoi et d’AVOIR condamné la société PENAUILLE SERVISAIR FRANCE à leur payer diverses sommes, ainsi qu’à rembourser aux organismes sociaux concernés les indemnités chômage versées à chaque salarié ;

AUX MOTIFS QUE par les lettres adressées le 17 août 2006 à chacun des quinze appelants pour les informer qu’elle cesserait de les rémunérer après le 1er septembre 2006 puis par son refus de leur fournir du travail après cette date alors qu’elle était informée de la position d’ADP, la société PENAUILLE SERVISAIR FRANCE a procédé au licenciement de fait de plus de 10 salariés sur une période de 30 jours pour le motif économique clairement exposé au comité d’entreprise le 9 mai 2006, sans élaborer le plan de sauvegarde de l’emploi prévu par l’article L.321-4-1 du Code du travail ; qu’en application du 2ème alinéa de ce texte les licenciements sont donc nuls ; que les salariés qui ne demandent pas la poursuite de leurs contrats de travail doivent donc recevoir en application de l’article L.122-14-4 du Code du travail une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 12 derniers mois ; que compte tenu de l’ancienneté des appelants et des circonstances du licenciement, le montant de leur indemnité sera fixé à 24 mois de salaire dans les termes du dispositif ci-après, sur les bases des salaires mensuels bruts moyens non contestés figurant dans leurs conclusions ; que la société PENAUILLE SERVISAIR FRANCE devra également leur verser les indemnités de préavis, de congés payés afférents et de licenciement qu’ils réclament dont les montants ne sont pas discutés ;

1) ALORS QUE l’article L.321-4-1 du Code du travail ne s’applique pas lorsque l’employeur n’a jamais entendu procéder au moindre licenciement et que la rupture de fait des contrats de travail résulte, contrairement aux prévisions de l’employeur, du constat judiciaire, a posteriori, de l’inapplicabilité de l’article L.122-12 du Code du travail, et de l’absence de transfert valable à une entreprise tierce ; qu’en conséquence, dans une telle situation, les salariés ne peuvent prétendre au paiement d’une indemnité au mois égale à 12 mois de salaire, mais seulement à une indemnité au moins égale à six mois de salaire, par application de l’article L.122-14-4 alinéa 1er du Code du travail ; qu’en l’espèce, la société PENAUILLE SERVISAIR FRANCE n’a jamais entendu procéder aux licenciements des salariés défendeurs et s’est toujours prévalue, de même que les salariés, à titre principal, du transfert de leur contrat de travail, par application de l’article L.122-12 du Code du travail, à la société ADP ; que la rupture des contrats de travail est la seule conséquence de la décision de la Cour d’appel de Paris qui a cru devoir juger que l’article L.122-12 du Code du travail était inapplicable et que les contrats de travail litigieux n’avaient pas été transférés à la société ADP ; qu’il ne pouvait dès lors être reproché à la société PENAUILLE SERVISAIR FRANCE de n’avoir pas mis en place un plan social, aucun licenciement n’ayant jamais été prononcé, ni même envisagé par elle ; qu’en retenant néanmoins que faute de plan social, les licenciements des salariés devaient être jugés nuls et la société PENAUILLE SERVISAIR FRANCE condamnée à payer aux salariés une indemnité au moins égale à 12 mois de salaire, la Cour d’appel a violé l’article L.321-4-1 du Code du travail, ensemble l’article L.122-14-4 du Code du travail ;

2) ALORS en tout état de cause QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; qu’en l’espèce, les conclusions déposées par les salariés ne précisaient pas le salaire brut moyen de chaque salarié ; qu’en affirmant le contraire, la Cour d’appel a violé l’article 4 du Code de procédure civile ;

3) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les termes du litige tels qu’ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu’en l’espèce, si l’employeur ne contestait pas les montants sollicités par chaque salarié, ce sont ceux mentionnés dans la pièce nº 20MG des salariés, seul récapitulatif des demandes financières qui lui a été communiqué ; qu’en accordant aux salariés d’autres montants, plus importants, qui n’étaient mentionnés ni dans les conclusions des salariés ni dans aucune pièce versée aux débats, la Cour d’appel a violé les articles 4 du Code de procédure civile ;

Moyens produits au pourvoi n° Y 07-45.566 par la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat aux Conseils pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir débouté M. X... de sa demande tendant à voir juger qu’il était salarié d’ADP ;

AUX MOTIFS QUE la convention liant les sociétés ADP et Penauille Servisair France prévoit que cette dernière affectera en permanence aux aérogares un responsable de l’encadrement du personnel et du mode de l’exécution de l’activité, qu’elle mettra le personnel nécessaire à la fourniture d’un service en nombre suffisant, qu’elle fournira la liste nominative mise à jour mensuellement des personnels embauchés et des personnels ayant quitté la société, qu’elle dotera le personnel d’un uniforme agréé par ADP, que le personnel devra faire preuve d’un comportement exempt de reproche, notamment à l’égard du public envers lequel il devra se montrer disponible, courtois et réservé, devant en toute circonstance avoir une tenue vestimentaire irréprochable, s’abstenir de fumer, de s’asseoir en public et avoir une attitude réservée, que ADP se réserve le droit d’exiger un changement tarifaire en cas de disproportion avérée du tarif, que ADP pourra vérifier à tout moment l’exécution de l’activité, qu’elle percevra en contrepartie de l’autorisation d’activité une redevance fixée à 3 % de la recette globale vénérée par cette activité, qu’elle se réserve de procéder à des audits financiers pour vérifier l’exactitude des données économiques transmises par la société Penauille Servisair France et qu’elle pourra percevoir des pénalités fixées et déterminées en fonction de critères objectifs constatant la bonne exécution ou la non exécution de l’activité de service ; qu’il ne résulte pas de ces stipulations, dont au demeurant l’exercice effectif n’est pas démontré, que ADP ait exercé à l’encontre des porteurs eux-mêmes un pouvoir de direction ni que les contraintes ainsi imposées à la société Penauille aient excédé celles qui étaient attachées au pouvoir de surveillance et de direction que ADP devait exercer en sa qualité de gestionnaire du domaine public ; qu’ainsi la société Penauille et ses deux prédécesseurs ont librement engagé, licencié, affecté et rémunéré les porteurs sans que soit alléguée une intervention quelconque de ADP dans la gestion de ce personnel, étant observé que chacun d’eux devait être identifié pour recevoir un badge lui permettant de circuler en zone réservée, ce qui justifie l’exigence de remise mensuelle d’une liste nominative ; que si la convention conclue entre ADP et Penauille concernait une activité de portage dans l’aérogare de Roissy Charles de Gaulle assurée tous les jours du 1er au dernier vol programmé, il ne peut en être déduit que ADP déterminait le lieu et les horaires de travail des appelants alors qu’aucune pièce ne démontre que ADP soit intervenue dans la détermination des horaires de chacun des porteurs, et que le périmètre d’activité de la société Penauille Servisair France et encore plus du groupe Penauille excède largement le cadre de cette convention ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que ADP n’est pas demeurée l’employeur des appelants après le 31 décembre 1997 ;

ALORS QUE lorsque les salariés d’une société privée chargés du portage des bagages dans un aéroport sont sous l’autorité de l’établissement public gérant cet aéroport pour l’accomplissement d’activités relevant d’obligations lui incombant envers les voyageurs en application de l’article L 251-2 du code de l’aviation civile, ils sont les salariés de cet établissement ; qu’ainsi la cour d’appel qui, tout en constatant que selon la convention liant ADP à Penauille Servisair, ADP définissait les conditions de travail des porteurs et contrôlait leur comportement, a refusé d’admettre que ceux-ci étaient demeurés les salariés d’ADP au motif inopérant que les contraintes ainsi imposées à la société Penauille n’excédaient pas celles qui étaient attachées au pouvoir de surveillance et de direction que ADP devait exercer en sa qualité de gestionnaire du domaine public, a violé l’article L 121-11 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir débouté M. X... de sa demande tendant à voir dire que son contrat de travail a été transféré à ADP à compter du 1er septembre 2006 et à tirer les conséquences de ce transfert ;

AUX MOTIFS QUE le transfert suppose l’existence d’une entité autonome constituée d’un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels et incorporels permettant l’exercice d’une activité économique poursuivant un objectif propre, ainsi que sa poursuite ou sa reprise ; qu’il sera tout d’abord observé que l’existence d’une telle entité n’a pas été reconnue par les précédentes décisions judiciaires, la Cour de cassation ayant au contraire expressément retenu dans son arrêt du 21 février 2006 que la cour d’appel n’avait pas fait application dans son arrêt du 2 décembre 2003 de l’article L 122-12 alinéa 2 du code du travail, mais de la convention collective régionale étendue du personnel de l’industrie, de la manutention et du nettoyage sur les aéroports ouverts à la circulation publique et de l’accord étendu du 16 juin 1987, relatif au changement de titulaire d’un marché sur un même chantier ; que les salariés ne s’expliquent pas plus avant sur l’existence d’une entité économique autonome et ne peuvent utilement se référer pour le motif ci-dessus exposé, aux énonciations de l’arrêt de cette cour du 2 décembre 2003 ; qu’au demeurant, il n’est pas établi que l’activité de portage de bagages, qui ne supposait qu’un certain nombre de salariés sans technicité particulière, l’usage de chariots dont la propriété n’est pas déterminée, et la mise à disposition précaire d’un local dans l’aérogare, sans clientèle propre, ait constitué une entité économique autonome ; que les appelants soutiennent également que l’activité de portage est revenue à ADP en raison des missions de service public qui lui incombent et qu’elle s’est poursuivie après le retrait de la société Penauille Servisair France, par l’intermédiaire de la société Setcom, autre sous-traitant de ADP ; ADP est tenue en application de l’article L 251-2 du code de l’aviation civile, de la loi n° 2005 – 357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports, du décret n° 2005 – 828 du 20 juillet 2005 relatif à la société Aéroports de Paris et de la directive du conseil n° 96/67 du 15 octobre 1996 d’assurer l’embarquement et l’acheminement à terre des voyageurs, des marchandises et du courrier transportés par air ; que le portage des bagages contribue à cette mission ainsi que l’a retenu la Cour de cassation dans son arrêt du 29 avril 2003 ; que cependant aucun des textes ci-dessus énoncés n’impose à ADP, d’assurer elle-même, plutôt que de mettre des chariots à la disposition des voyageurs ou de recourir à un sous-traitant, le portage des bagages objet du présent litige, qui s’entend du traitement des bagages, au départ depuis l’entrée de l’aérogare jusqu’au comptoirs d’enregistrement et, à l’arrivée, de la salle de distribution jusqu’à la sortie des aérogares ainsi, le cas échéant, qu’entre deux aérogares ou jusqu’au lieu de résidence des clients ; que tel a été l’avis du conseil d’état qui dans sa séance du 12 février 1970 a considéré que l’exploitation de services d’assistance en escale, bien que se rattachant étroitement à l’activité de service public, échappait à l’activité de service public assignée à titre exclusif à ADP ; que tel est également le sens de la directive 96/67/CE du conseil du 15 octobre 1996 relative à l’accès au marché de l’assistance en escale dans les aéroports de la communauté, qui après avoir rappelé que les services d’assistance en escale sont indispensables à la bonne exécution du mode de transport aérien, et que le libre accès au marché de l’assistance en escale est compatible avec le bon fonctionnement des aéroports communautaires, fixe les conditions permettant aux prestataires de service extérieurs aux entités gestionnaires d’aéroports, d’accéder à ce marché dans le cadre d’une concurrence effective ; qu’il sera au surplus observé que l’assistance en escale visée par cette directive concerne le traitement des bagages entre le comptoir d’enregistrement et l’avion puis au retour, entre l’avion et la salle de distribution ; que dès lors que cette assistance constitue une activité commerciale n’incombant pas à l’entité gestionnaire de l’aéroport, il en est a fortiori de même pour le portage des bagages ici en cause, qui s’exécute avant ou après le contrat de transport proprement dit ; que le cahier des charges de ADP n’impose que l’existence d’une assistance globale aux personnes à mobilité réduite, qui est de fait assurée par une société dénommée Passerelle qui exécute des prestations distinctes du portage réalisé par la société Penauille ; que les appelants soutiennent également que l’activité de portage s’est poursuivie dans l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle après le 1er septembre 2006 ; qu’il sera tout d’abord constaté qu’ils ne prétendent pas que ADP ait elle-même poursuivi cette activité, la circonstance qu’elle ait, durant quelques jours en décembre 2005, organisé une opération de promotion incluant l’embauche temporaire de porteurs également chargés de missions d’orientation étant à cet égard inopérante ;

qu’il est exact que la société Setcom Services exerce également une activité de portage de bagages dans l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle ; que cette société exerce son activité au moins depuis 2003, en concurrence avec la société Penauille ainsi que ADP le rappelait dans sa lettre du 7 octobre 2003 à la société Penauille ; « la convention relative aux conditions d’exercice de l’activité dont vous avez été destinataire ne fait mention d’aucune clause d’exclusivité.

Dans un souci d’équité, cette même convention a été soumise à la société Setcom Services. En conséquence les deux sociétés sont aujourd’hui autorisées dans les mêmes conditions à exercer les prestations de portage. » que cependant, il n’est pas démontré que l’activité exercée par la société Penauille ait été reprise par la société Setcom Services, aucun transfert de personnel ni d’élément corporel ou incorporel n’étant allégué, et en tout état de cause les appelants ne demandent pas la poursuite de leurs contrats de travail par cette dernière société. De surcroît les pièces produites aux débats font apparaître pour septembre 2006 et février 2007 une activité limitée de Setcom Services qui ne recouvre pas celle qu’exerçait précédemment la société Penauille ;

ALORS QUE constitue une entité économique au sens de l’article L 122-12 du code du travail, tout service auquel sont affectés du personnel spécialisé et du matériel assurant l’exercice d’une activité économique ayant un objectif propre ; que la cour d’appel, en refusant d’admettre que le service de portage des bagages que ADP est tenu d’assurer, ou de faire assurer, aux voyageurs, en vertu de l’article L 251-2 du code de l’aviation civile et de son cahier des charges, auquel sont affectés des porteurs du matériel et un local, constituait une telle entité, a violé le texte précité.
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 16 octobre 2007