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Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 17 octobre 2012

N° de pourvoi : 11-14115

Non publié au bulletin

Cassation partielle sans renvoi

M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu selon l’arrêt attaqué, qu’à compter de décembre 2004 la société V7 distribution a fait appel aux services de M. X..., photographe, pour réaliser diverses prestations photographiques et graphiques ; qu’elle a mis fin aux relations contractuelles en septembre 2007 ; qu’invoquant l’existence d’un contrat de travail et soutenant que la rupture s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. X... a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société V7 distribution fait grief à l’arrêt de la condamner au paiement d’une d’indemnité pour travail dissimulé, alors, selon le moyen, que la dissimulation d’emploi salarié, sanctionnée par l’article L. 8221-5 du code du travail, n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur s’est soustrait intentionnellement à l’accomplissement des formalités prévues aux articles L. 1221-10 et L. 3243-2 du code du travail ; que le caractère intentionnel ne peut se déduire du seul recours à un contrat inapproprié ; que le défaut de délivrance de bulletins de paie et de déclaration préalable à l’embauche de M. X... reprochés à la société V7 distribution n’étaient que la conséquence du recours à un travailleur indépendant qui était assujetti au régime des artistes auteurs et établissait des factures d’honoraires assorties de cessions de droits d’auteur ; que dès lors, le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi salarié reprochée à la société V7 distribution ne pouvait se déduire du seul recours à un contrat de travail inapproprié ; qu’en décidant néanmoins le contraire, la cour d’appel a statué par un motif inopérant équivalant à un défaut de motifs et a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d’appel, qui a retenu que la société V7 distribution avait eu sciemment recours pendant plus de deux ans aux services d’un travailleur indépendant, lequel avait exercé son activité sous sa subordination juridique, sans avoir procédé aux formalités de déclaration préalable d’embauche ni délivré de bulletins de paie, et ce dans le seul but d’éluder la législation sociale, de sorte que l’élément intentionnel du travail dissimulé était établi, n’encourt pas le grief du moyen ;

Mais sur le troisième moyen qui est recevable :

Vu l’article L. 8223-1 du code du travail ;

Attendu que les dispositions de ce texte ne font pas obstacle au cumul de l’indemnité forfaitaire qu’elles prévoient avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture de la relation de travail, à la seule exception de l’indemnité de licenciement, légale ou conventionnelle, seule la plus élevée des deux devant être allouée au salarié ;

Attendu que l’arrêt fait droit aux demandes du salarié en paiement de l’indemnité légale de licenciement et de l’indemnité pour travail dissimulé ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu’en application de l’article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société V7 distribution à payer à M. X... la somme de 1 446,08 euros à titre d’indemnité de licenciement, l’arrêt rendu le 19 janvier 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Déboute M. X... de sa demande d’indemnité légale de licenciement ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour la société V7 distribution

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la SARL V7 DISTRIBUTION et Monsieur X... étaient liés par un contrat de travail et d’avoir en conséquence condamné la société à verser une indemnité de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de préavis et une indemnité pour travail dissimulé, et ordonné la délivrance d’un certificat de travail et d’une attestation pôle emploi conformes ;

AUX MOTIFS QUE la preuve du lien de subordination entre les parties à compter dé février 2005 est suffisamment rapportée par les pièces produites aux débats dont des témoignages, des courriels, des agendas, qui établissent que : Monsieur X... exerçait son activité dans les locaux de la société V7 DISTRIBUTION au sein desquels il bénéficiait d’un poste de travail qui lui était personnellement attribué, qu’il travaillait sur un ordinateur de l’entreprise et disposait de matériel professionnel de photos fourni par celle-ci ; que comme les autres salariés, il bénéficiait d’une carte de visite à son nom avec le logo et l’adresse de la société V7 DISTRIBUTION de même que plusieurs adresses électroniques créées par celle-ci à son nom ; que présent chaque jour de 10 h à 18 h il signait une feuille de présence, qu’il recevait de nombreux ordres et directives par messages électroniques de la part des responsables marketing, notamment Monsieur Y..., des responsables achat, du gérant, Monsieur Z... ; qu’il ne disposait d’aucune latitude ou indépendance pour organiser son travail ; que son travail exécuté sous les ordres de la société faisait l’objet de contrôle de la part de cette dernière qui pouvait le modifier ou lui donner des instructions aux fins de modification comme le démontrent les nombreux messages reçus au cours de la période considérée ; qu’il était payé non à la prestation mais sous forme de rémunération forfaitaire laquelle a été fixée à 2.500 euros brut par mois à compter de mars 2006, un complément de rémunération lui étant alloué pour toutes prestations extérieures comme le tournage en juin 2006 d’une journée dite « teenage » dans diverses villes de France ; que c’est en vain que pour échapper à ses obligations, la société invoque la réalisation par Monsieur X... de prestations pour le compte d’autres entreprises ; qu’en effet outre que l’intéressé n’était pas astreint dans son activité de graphiste vis-à-vis de la société V7 DISTRIBUTION à une obligation d’exclusivité, les prestations qu’il a pu réaliser en qualité de photographe ont été très ponctuelles et effectuées pour l’essentiel sur son temps libre avec des sociétés présentées par la société V7 DISTRIBUTION ; que parmi les pièces produites par cette dernière à l’appui de ses affirmations, force est de constater que nombreuses sont soit antérieures soit postérieures à sa prestation salariés ; qu’en tout état de cause l’activité ponctuelle de Monsieur X... en qualité de photographe pour le compte d’autres prestataires n’est pas incompatible avec une activité salariée au sein de la société V7 DISTRIBUTION ; que l’ensemble de ces éléments démontrant l’existence d’un lien de subordination entre les parties, Monsieur X... est fondé à revendiquer la reconnaissance d’un contrat de travail à durée déterminée depuis février 2005 ;

ALORS D’UNE PART QUE la subordination, critère déterminant de l’existence d’un contrat de travail, se caractérise par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que pour décider que Monsieur X... se trouvait dans un lien de subordination vis-à-vis de la société V7 DISTRIBUTION, la Cour d’appel a jugé que les nombreux messages reçus par le salarié au cours de la période considérée démontraient que cette société avait le pouvoir de modifier son travail ou de lui donner des instructions aux fins de modification ; qu’il résultait, toutefois de la teneur des courriels rapportés dans les conclusions d’appel de Monsieur X... que ces échanges ne dépassaient pas les échanges nécessaires à la finalisation de la prestation à la fois photographique et graphique objet du contrat conclu entre la société V7 DISTRIBUTION et Monsieur X... ; que dès lors, en concluant à l’existence d’un contrat de travail sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si les échanges entre Monsieur X... et ses différents interlocuteurs au sein de la société, loin de démontrer un contrôle de l’exécution de son travail, caractéristique de l’existence d’un lien de subordination, n’étaient pas seulement le reflet du cahier des charges accompagnant normalement toute demande de prestation, et sans caractériser ainsi l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, et d’en contrôler l’exécution la Cour d’appel a entaché sa décision de manque de base légale au regard de l’article L 1221-1 du Code du travail ;

ALORS D’AUTRE PART QUE la subordination, critère déterminant de l’existence d’un contrat de travail, se caractérise par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en concluant à l’existence d’un contrat de travail sans rechercher si la société V7 DISTRIBUTION avait le pouvoir de sanctionner les manquements de Monsieur X... la Cour d’appel a entaché sa décision d’un manque de base légale au regard de l’article L 1221-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société V7 DISTRIBUTION à payer à Monsieur X... une somme de 15.540 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QU’en ayant recours pendant plus de deux années à un travailleur indépendant qui a exercé son activité sous sa subordination juridique permanente sans avoir procédé aux formalités de déclaration préalable d’embauche et sans avoir délivré de bulletins de paie alors que la prestation prévue a été remplie et ce, dans le seul but d’éluder la législation sociale, la société V7 DISTRIBUTION est bien l’auteur d’un travail dissimulé au sens de l’article L 8221-5 du Code du travail et se trouve dès lors redevable de l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L 8223-1 égale à six mois de salaire ;

ALORS QUE la dissimulation d’emploi salarié, sanctionnée par l’article L 8221-5 du Code du travail, n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur s’est soustrait intentionnellement à l’accomplissement des formalités prévues aux articles L 1221-10 et L 3243-2 du Code du travail ; que le caractère intentionnel ne peut se déduire du seul recours à un contrat inapproprié ; que le défaut de délivrance de bulletins de paie et de déclaration préalable à l’embauche de Monsieur X... reprochés à la société V7 DISTRIBUTION n’étaient que la conséquence du recours à un travailleur indépendant qui était assujetti au régime des artistes auteurs et établissait des factures d’honoraires assorties de cessions de droits d’auteur ; que dès lors, le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi salarié reprochée à la société V7 DISTRIBUTION ne pouvait se déduire du seul recours à un contrat de travail inapproprié ; qu’en décidant néanmoins le contraire, la Cour d’appel a statué par un motif inopérant équivalant à un défaut de motifs et a violé l’article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société V7 DISTRIBUTION à payer, à la fois, à Monsieur X... une indemnité pour travail dissimulé et une indemnité conventionnelle de licenciement ;

ALORS QUE l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ne se cumule pas avec l’indemnité forfaitaire légale pour travail dissimulé, seule la plus élevée devant être allouée au salarié ; qu’en accordant néanmoins à Monsieur X... une indemnité légale de licenciement et une indemnité pour travail dissimulé, la Cour d’appel a violé l’article L 8223-1 du Code du travail.
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 19 janvier 2011