Gérant de station - service

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 25 avril 2001

N° de pourvoi : 99-45294

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. LE ROUX-COCHERIL conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Raymond X..., demeurant chemin Trénelle, 97215 Rivière Salee,

en cassation d’un arrêt rendu le 24 juin 1999 par la cour d’appel de Fort-de-France (chambre sociale), au profit :

1 / de la société Shell des Antilles et de la Guyane françaises (SAGF), dont le siège est Direction générale, ...,

2 / de la société des Pétroles Shell, société anonyme, dont le siège est ...,

défenderesses à la cassation ;

LA COUR, en l’audience publique du 28 février 2001, où étaient présents : M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Brissier, conseiller rapporteur, Mme Lemoine Jeanjean, conseiller, M. Besson, conseiller référendaire, M. Duplat, avocat général, M. Nabet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Brissier, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. X..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Shell des Antilles et de la Guyane françaises et de la société des Pétroles Shell, les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu qu’en vertu d’un contrat de location-gérance, M. X... exploite un fonds de commerce de station service à l’enseigne “station Shell Balata” ; que M. X... a saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir, sur le fondement de l’article L. 781-1, 2 du Code du travail, la condamnation solidaire de la société des pétroles Shell et de la société Shell des Antilles et de la Guyane Françaises (SAGF) au paiement de salaires ; que les sociétés défenderesses ont décliné la compétence de la juridiction prud’homale ;

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué (Fort-de-France, 24 juin 1999) d’avoir déclaré incompétente la juridiction prud’homale pour statuer sur le litige opposant les parties alors, selon le moyen, que :

1 / sur l’exclusivité, d’une part, la cour d’appel a constaté qu’il résultait des vérifications opérées par l’expert que la presque totalité du chiffre d’affaires de la station-service provenait de la distribution de carburants et produits assimilés (lubrifiants) fournis exclusivement par le réseau Shell ; qu’en considérant néanmoins que la condition d’exclusivité ou de quasi exclusivité posée par l’article L. 781-1-2 du Code du travail n’était pas remplie, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé le texte susvisé ;

2 / après avoir relevé qu’au vu du rapport d’expertise, force était de constater que la presque totalité du chiffre d’affaires de la station-service provenait de la distribution de carburants et produits fournis par le réseau Shell, la cour d’appel a cependant estimé que tel n’aurait pas été le cas si M. X... avait organisé différemment son activité ; qu’en appréciant la condition d’exclusivité non pas, au vu des données comptables fournies par le rapport d’expertise, mais en considération de ce “qu’aurait pu et même dû être l’activité du locataire-gérant”, la cour d’appel a statué par un motif purement hypothétique équivalent à un défaut de motif et, par là, violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / en ce qui concerne l’exercice de l’activité par le locataire-gérant aux conditions imposées par le bailleur, premièrement, la cour d’appel, qui a relevé que le contrat de location-gérance obligeait M. X... à se conformer à un certain nombre de prescriptions contraignantes, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, derechef, violé l’article L. 781-1-2 du Code du travail ;

que, deuxièmement, après avoir affirmé que certaines clauses contraignantes dudit contrat ne trouvaient plus application, la cour d’appel, qui a énoncé que quand bien même elles ne figuraient pas au contrat, elles s’appliquaient comme relevant de la nature même de l’activité et des adaptations propres à une station relevant d’un réseau particulier, ce dont il s’évince que ces clauses régissant impérativement l’activité de M. X... s’appliquaient effectivement, a entaché sa décision d’une contradiction de motifs, violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ; que, troisièmement, en affirmant qu’un certain nombre de prescriptions figurant au contrat de location-gérance n’ont plus été mises en application au fil des années, sans préciser lesquelles de ces clauses contraignantes étaient tombées en désuétude et lesquelles conservaient leur plein effet, la cour d’appel n’a pas caractérisé en quoi l’activité de M. X... échappait globalement aux prescriptions impératives de la société Shell, privant sa décision de base légale au regard de l’article L. 781-1-2 du Code du travail ;

4 / s’agissant de la condition que les prix de vente pratiqués par le locataire-gérant soient imposés par le fournisseur, premièrement, la cour d’appel, qui a relevé, d’une part, que la situation en Martinique conduisait à ce que le prix de l’essence soit, à un ou deux centimes près, le même partout, et a néanmoins considéré qu’une politique de prix pouvait être envisagée par un détaillant sans qu’elle se traduise automatiquement par un anéantissement de sa marge commerciale, a encore entaché sa décision d’une contradiction de motifs et violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ; que, deuxièmement, M. X... soutenait, dans ses conclusions devant la cour d’appel, que la marge prétendument significative laissée par le fournisseur était en réalité une marge brute totalement dérisoire et excluant toute politique personnelle de prix ; qu’en ne répondant pas à ce chef déterminant des écritures de M. X..., la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ; que, troisièmement et, enfin, pour dire cette dernière condition non satisfaite, la cour d’appel s’est fondée sur des considérations vagues et générales sur la situation en Martinique, procédant par simple affirmation sans énoncer quels éléments précis lui permettaient de considérer que cette situation différait de celle existant en Métropole ; qu’en statuant par des motifs parfaitement inopérants, la cour d’appel a, derechef, privé sa décision de motifs et violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que par motifs propres et adoptés, la cour d’appel a constaté que M. X... exerçait des activités connexes : “point loto”, location d’un emplacement de la station service pour l’exercice d’une activité de “monteur de pneumatique”, qu’il avait la possibilité d’exercer, en toute indépendance, des activités connexes telles que vidange, lavage-graissage de véhicules dans des locaux spécialement aménagés, ventes de marchandises diverses, notamment de denrées alimentaires et de boissons de nature à représenter une part significative de son activité et qu’il disposait d’une marge commerciale lui permettant de pratiquer une politique de prix des carburants ; qu’elle a pu, dès lors, décider que les conditions requises par l’article L. 781-1.1, 2 du Code du travail n’étaient pas remplies et qu’en conséquence, la présente instance ne relevait pas de la compétence de la juridiction prud’homale ; qu’abstraction faite du motif surabondant critiqué par le troisième moyen et sans recourir à des motifs hypothétiques, elle a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande présentée par la société Shell des Antilles et de la Guyane françaises et par la société des Pétroles Shell ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq avril deux mille un.

Décision attaquée : cour d’appel de Fort-de-France (chambre sociale) , du 24 juin 1999