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Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 27 mars 2001

N° de pourvoi : 00-86308

Non publié au bulletin

Cassation

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept mars deux mille un, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

 La société EXAPAQ SUD,

contre l’arrêt de la cour d’appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 7 septembre 2000, qui, pour travail dissimulé, l’a condamnée à 300 000 francs d’amende et a ordonné la publication et l’affichage de la décision ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l’article préliminaire du Code de procédure pénale, issu de la Loi n 2000516 du 15 juin 2000, renforçant la protection de la présomption de l’innocence et les droits des victimes, violation des droits de la défense, de l’article 6 de la Convention européenne de la sauvegarde des droits de l’homme, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a refusé de faire droit à la demande de nullité de la procédure résultant de la violation des articles 6-1, 6-3 a et 6-3-b de la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi qu’à la nullité des procès-verbaux établis par l’URSSAF, et rejeté la demande d’instruction complémentaire ;

”aux motifs qu’il n’apparaît pas que les nullités relatives à l’enquête préliminaire aient été invoquées devant le tribunal, le jugement n’en faisant pas mention, elles apparaissent donc tardives et irrecevables et sont d’ailleurs mal fondées ; il conviendra de rappeler que la poursuite vise une personne morale, tandis que le texte de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme vise à l’évidence les droits des personnes physiques poursuivies, ce qui n’est pas le cas d’Alain X... ni de Denis A... ; qu’il n’apparaît pas non plus sérieux d’énoncer qu’Alain X... n’a pas pu avoir une totale compréhension des faits au sujet desquels ses déclarations étaient requises, alors qu’il était à l’origine du système analysé et que ses réponses aux enquêteurs démontrent sa parfaite maîtrise des rouages de son entreprise, que la qualité de la défense présentée par la prévenue atteste surabondamment de la parfaite compréhension par l’entreprise des enjeux de la poursuite ; que l’intervention des agents de contrôle de la Sécurité Sociale auprès de “locatiers” n’est en aucune manière à l’origine de la poursuite visant exclusivement la SNC Exapaq Sud et dès lors la Cour n’a pas à se prononcer sur sa régularité ;

”et aux motifs que les nombreux éléments figurant au dossier suffisent à éclairer la Cour sur les pratiques poursuivies et rendent inutiles tout complément d’information ;

”alors que, d’une part, en raison de l’absence de contradiction de l’enquête préliminaire, les nullités invoquées ont été révélées par le jugement, de sorte que leur invocation devant la Cour ne saurait être considérée comme tardive ; que la circonstance que la poursuite vise une personne morale ne saurait exclure le respect du contradictoire et des droits de la défense, dans la mesure surtout où la responsabilité pénale des personnes morales ne peut être mise en cause, selon l’article 121-2 du Code pénal que lorsque est constatée une faute préalable de son représentant, de sorte que l’audition dudit représentant, personne physique, doit se conformer aux prescriptions de l’article 6 de la Convention européenne de la sauvegarde des droits de l’homme, reprises dans l’article préliminaire du Code de procédure pénale, issu de la loi du 15 juin 2000 ; qu’il résulte des mentions du jugement confirmé que, l’URSSAF était présent à la réunion de travail du 28 janvier 1998 au parquet de Toulouse, qui réunissait également l’Inspection du Travail et des Transports et la DILTI, l’URSSAF ayant été chargée au cours de cette réunion de “procéder à l’environnement juridique de la société” et que dans le cadre de cette mission, les procès-verbaux établis par l’URSSAF ont permis, au même titre que les enquêtes de la gendarmerie et de l’inspection du travail, au tribunal de prétendre dégager des constantes concernant les relations entre locatiers et Exapaq Sud, dont le tribunal a déduit l’existence de l’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’emplois pour laquelle la société Exapaq Sud a été condamnée, de sorte que la Cour, qui pour refuser d’examiner, comme elle en était requise, la régularité des enquêtes de l’URSSAF, a énoncé qu’elles n’étaient pas à l’origine des poursuites nonobstant la circonstance que ces enquêtes ont été au moins le fondement de la condamnation, a entaché sa décision d’un défaut de base légale ;

”et alors, d’autre part, que l’examen minutieux, repris cas par cas dans les conclusions de la société Exapaq Sud de l’audition de la plupart des locatiers sous-traitants de l’entreprise demanderesse, révélait que ceux-ci disposaient dans la gestion de leur propre entreprise d’une réelle autonomie exclusive d’un lien de subordination permanent à l’égard de la SNC Exapaq Sud ;

”qu’en l’état de ces déclarations, dont il résultait à tout le moins la nécessité d’une confrontation entre les déclarants mettant en cause leur autonomie par rapport à la demanderesse et le représentant de la SNC Exapaq Sud, confrontation qui, dans le cadre de la seule enquête préliminaire n’avait jamais eu lieu, la Cour, qui, pour refuser de faire droit à la demande d’instruction contradictoire a cru devoir affirmer, sans davantage de précisions que les nombreux éléments figurant au dossier, suffisaient à l’éclairer sur les pratiques poursuivies et rendaient inutile tout complément d’information, a entaché sa décision de défaut de motifs, la privant derechef de base légale” ;

Sur la première branche du moyen :

Attendu qu’il ne résulte ni du jugement ni des conclusions déposées, que la demanderesse, qui a comparu devant le tribunal correctionnel, ait soulevé devant cette juridiction, avant toute défense au fond, l’exception de nullité de l’enquête préliminaire ;

Que, si la cour d’appel a cru, à tort, devoir y répondre, le moyen, qui reprend cette exception devant la Cour de Cassation, est irrecevable par application de l’article 385 du Code de procédure pénale ;

Sur la seconde branche du moyen :

Attendu que, pour rejeter la demande d’audition de témoins, présentée pour la première fois en cause d’appel par la société Exapaq, qui avait comparu en première instance, l’arrêt attaqué énonce que les nombreux éléments figurant au dossier suffisent à éclairer la cour sur les pratiques poursuivies, et rendent inutile tout complément d’information ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et dès lors que la prévenue n’avait pas fait citer de témoins devant les premiers juges, ainsi que le lui permettaient les articles 435 et 444 du Code de procédure pénale, la cour d’appel, qui a usé, sans méconnaître les dispositions de l’article 6.3, d, de la Convention européenne des droits de l’homme, de la faculté dont elle dispose en vertu de l’article 513 du dit Code, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L.120-3 dans sa rédaction issue de la loi de 1994, L.324-9, L.324-10 du Code du Travail, de l’article L.121-2 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la SNC Exapaq Sud coupable de l’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’emplois ;

”aux motifs que, sur l’élément matériel de l’infraction poursuivie, le tribunal, dont la Cour adopte des motifs, a fait une juste une appréciation des faits qui lui étaient soumis ; qu’il n’est pas contestable que le secteur économique du transport a couramment recours à la sous-traitance, comme de nombreux autres secteurs ; qu’il est simplement reproché à Exapaq Sud d’avoir fait un usage abusif de ce type d’organisation en l’utilisant non comme un moyen d’apporter à son entreprise la souplesse et l’adaptabilité nécessaire à son développement, mais de façon systématique, comme le moyen de se soustraire aux règles protectrices édictées dans l’intérêt des salariés ; que le tribunal, loin de se contenter d’affirmer qu’il y avait intégration des locatiers dans l’organisation Exapaq, s’est attaché à lister les moyens de cette intégration (véhicules, scanner, tenue vestimentaire, tournée organisée unilatéralement, tarifs imposés en fait, réunions périodiques, etc ...) ; que la Cour retiendra, pour sa part, à la lecture des différentes déclarations, le cynisme avec lequel cette intégration est mise en oeuvre : pas de contrats de sous-traitance écrits, ce qui permet d’imposer à tout moment de nouvelles obligations, ou des modalités de rupture sans préavis, ni indemnisation à des co-contractants ignorant de leurs droits et en position de faiblesse au plan économique ; pas d’obligation formelle de louer un véhicule, mais une incitation d’abord forte, puis plus subtile ; que, naturellement, la perte du contrat implique la restitution du véhicule et prive l’artisan de son outil de travail et même de son personnel qui est alors repris par Exapaq Sud (déclaration de Virginie Z... aux gendarmes d’Agen et d’Antoine Y... à ceux de Salon de Provence) ; que, de la même façon, Exapaq Sud n’a pas toujours réussi a imposer l’acquisition de la “tenue Exapaq”, bien qu’elle n’hésite pas à retenir son prix sur les factures de prestation dues à ses locatiers ; que les horaires de travail et l’exclusivité n’étaient pas imposés dit-on : or, Exapaq exige la présence de tous le matin à 6H45 pour la prise en charge des colis et le retour le soir à 19H00 au plus tard ; que la charge de la tournée est telle que l’amplitude ainsi accordée suffit à peine à la mener à bien, ce qui interdit de fait de travailler pour d’autres et bien sûr de respecter la réglementation relative à la durée du

travail ; il est compréhensible que la prévenue préfère avoir à faire à des travailleurs indépendants taillables et corvéables à merci, plutôt que de continuer à prendre le risque de ne pas payer des heures supplémentaires à des salariés susceptibles de les réclamer, surtout si leur nombre leur permettait de disposer de représentants ; quant aux locatiers employant des salariés, ils assument le risque de cette forme de travail dissimulé pour leurs quelques salariés, sans grand risque de contrôle ou de réclamations de la part de ces personnes ; qu’ainsi, au-delà des nuances inévitables entre les diverses dépositions, tenant à la diversité des personnalités des personnes interrogées, aussi bien salariés que locatiers ou chefs d’Agence Exapaq Sud, à l’évolution de la politique de celle-ci vis-à vis de ses locatiers et aux conditions économiques locales, les pièces du dossier sont parfaitement concordantes quelle que soit l’Agence Exapaq Sud concernée et, comme le tribunal, la Cour considère qu’elles démontrent suffisamment le caractère systématique du recours par Exapaq Sud à la sous-traitance y compris par le biais de l’externalisation de ses propres salariés incités à s’installer comme travailleurs indépendants et à démissionner à cet effet, ou imposés comme salariés aux sous-traitant désireux de travailler pour Exapaq Sud ; la subordination juridique des locatiers, dans l’incapacité de négocier leur contrat qui est à prendre ou à laisser et demeure verbal, ce qui permet à Exapaq Sud d’en modifier unilatéralement les modalités d’exécution, y compris financières, et d’en imposer les conditions de rupture sans préavis, ni indemnités ; le caractère exclusif et permanent de cette subordination tout au long de l’exécution d’un contrat à durée indéterminée, et ce au travers des horaires, jours, tenue et méthode de travail imposées, des contrôles d’activité, des réunions périodiques pour la formation, des sanctions, le tout vécu en permanence aux côtés des quelques chauffeurs demeurés salariés et dont rien ne distingue la subordination économique de ces personnes qui ne disposent le plus souvent d’aucun outillage propre (véhicule ...), contraintes parfois d’effectuer des horaires de travail anormalement long pour mener à bien des tournées définies unilatéralement par Exapaq Sud et soumise sous prétexte d’assurance qualité au respect d’une “charte” visant à construire et valoriser auprès des clients l’image d’Exapaq Sud ; (. . . ) l’absence d’autonomie dans l’exercice même de l’autorité hiérarchique sur leur propre personnel pour les locatiers qui emploient des salariés, alors même qu’Exapaq Sud leur a, dans certains cas, imposé de les embaucher, ils sont contraints de les sanctionner ou de s’en séparer, sans discussion possible, sur demande d’Exapaq Sud, lorsqu’ils ne respectent pas les règles imposées par Exapaq Sud où ont simplement cessé de lui plaire (auquel cas il suffit de les accuser d’indélicatesse en exigeant une sanction immédiate, sous peine de rupture du contrat de sous-traitance lui-même) ; qu’ainsi, l’élément matériel de l’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés, seule poursuivie est bien constituée, Exapaq Sud exerçant des prérogatives d’employeurs sur des personnes dont elle n’a pas déclaré l’embauche et auxquels elle ne délivre aucun bulletin de salaire ; que la présomption d’emplois non salariés qui pourrait être invoquée dans certains cas ne résiste

pas à une telle accumulation d’indices en sens contraire ; que le fait que certains locatiers attestent à la demande d’Exapaq Sud de leur satisfaction (contredisant ainsi parfois leurs propres déclarations aux gendarmes) n’est pas de nature à ôter aux pratiques analysées leur caractère délictueux ; que, sur l’élément intentionnel de l’infraction, le tribunal a justement relevé les avantages résultant du recours à la sous-traitance, qui permet notamment le transfert à des tiers des charges et risques liés au type même de l’activité et à l’emploi de salariés pour l’exercer ; qu’il ressort des déclarations figurant au dossier, et notamment de celle du chef d’agence, que le développement de la sous-traitance n’a pas été en l’espèce le moyen normal d’épauler les structures internes pour faire rapidement face à un accroissement d’activité, mais la conséquence de substitution de la sous-traitance à l’emploi de salariés, mise en oeuvre par Exapaq Sud : cela résulte d’ailleurs de l’origine des locatiers, souvent anciens salariés “externalisés” et la reprise de salariés Exapaq imposée aux locatiers titulaires, de plusieurs tournées ; que le soin apporté à la mise en oeuvre de cette sous-traitance avec la généralisation aux différentes agences des mêmes modes opératoires (...) et l’évolution généralisée de ces modes opératoires dans le temps, vers des formules en apparence moins contraignantes et censées être juridiquement plus sures témoigne de ce qu’il s’agit d’une politique d’entreprise impulsée par la gérance, fruit d’une réflexion approfondie et non d’initiatives de l’encadrement local ; que les contrôles exercés dans les agences par les responsables du siège lors de leur classement, le confirment, il ne peut dans ces conditions être soutenu que les anomalies relevées résulteraient de la mauvaise application par certains d’instructions que la gérance aurait voulu respectueuses des règles ; que les pratiques dénoncées par les locatiers montrent que la finalité de cette politique est bien de s’affranchir des contraintes liées au statut salarié : temps de travail, procédure disciplinaire, procédure de licenciement... tout en conservant les avantages de la subordination, que l’élément intentionnel est donc bien caractérisé ; qu’Alain X... revendique le fait d’avoir systématisé ce type d’organisation dans l’entreprise dont il est alors le gérant, dans un souci d’efficacité économique ; qu’eu égard à son rôle déterminant dans l’animation d’Exapaq Sud (...) il n’est pas douteux qu’Alain X... a personnellement initié et fait vivre la politique de fausses sous-traitances au titre de laquelle Exapaq Sud est poursuivie ; que, bien qu’il persiste à affirmer que les éventuelles anomalies constatées sont imputables aux sous-traitants eux mêmes, il a nécessairement voulu et connu l’ensemble des modalités selon lesquelles la sous-traitance a été mise en oeuvre de façon uniforme et contrôlée dans l’ensemble des départements où Exapaq Sud est présente ; qu’il n’est pas douteux que la mise en place du système, selon les modalités adoptées, a eu lieu dans l’intérêt de la société Exapaq et pour le compte de celle-ci, l’objectif poursuivi étant très classiquement, la réalisation par cette société du profit maximal dans les meilleurs conditions de sécurité économique et juridiques possibles ;

”alors que la demanderesse étant poursuivie pour travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés, infraction prévue et réprimée par les articles L.324-9, L.324-10, résultant du fait, pour un employeur, de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de l’une des formalités prévues aux articles L.143-3 et L.320 du Code du travail, il est constant que ni la société demanderesse, ni les entreprises individuelles ou sociétés sous-traitantes auxquelles elle avait recours, pratique habituelle ainsi que le reconnaît l’arrêt attaqué dans ce type d’activité, ne se sont soustraites à l’une de ces formalités, étant au surplus souligné que l’article L.120-3 du Code du Travail applicable au moment des faits poursuivis prescrivait en son alinéa ter, une présomption de non salariat pour les personnes physiques régulièrement immatriculées dans le cadre de leur activité de sorte qu’ aucune infraction directe aux dispositions des articles L.324-9 et L.324-10 ne pouvant être imputée à la demanderesse où à ses sous-traitants, il appartenait aux juridictions du fond saisies sur citation directe, pour détruire la présomption de l’article L.120-3 du Code du travail, d’établir sans insuffisance, ni contradiction l’existence d’un lien de subordination permanent de nature à caractériser les éléments matériel et intentionnel de l’infraction poursuivie et son imputabilité à la société ainsi qu’à son représentant, selon les dispositions de l’article L.121-2 du Code pénal ;

que, pour déclarer l’infraction constituée à l’égard de M. X... et de la société demanderesse, il apparaît des motifs de l’arrêt attaqué reproduits au moyen que les Juges du second degré se sont fondés sur des déclarations des chefs d’agence de la société Exapaq Sud, des locatiers et des salariés de ces locatiers dont ils n’ont pas dévoilé l’identité, mais dont ils ont déduit l’existence d’un lien de subordination de ces sous-traitants à l’égard de la SNC Exapaq Sud ; que toutefois, la demanderesse avait fait valoir dans des conclusions extrêmement circonstanciées que les déclarations de ces mêmes personnes, dont elle citait les noms et qualités étaient en contradiction absolue avec les déclarations que leur prêtait l’arrêt attaqué et, partant, avec les déductions qu’en a tirées la Cour quant à la culpabilité de la prévenue ;

qu’il apparaît en effet du rapprochement des énonciations de l’arrêt attaqué et des déclarations reprises par les conclusions de la demanderesse, que les éléments de fait retenus par la Cour pour caractériser le lien de subordination des sous-traitants (obligation de louer les camions mis à disposition par Exapaq Sud, obligation de porter une tenue avec le logo de la demanderesse, obligation de se plier à des horaires imposés par la demanderesse...) étaient contredits formellement par les sous-traitants eux-mêmes, quelle que soit leur forme juridique et par leurs propres salariés, de sorte que l’arrêt attaqué qui, au demeurant a relativisé ses affirmations en reconnaissant qu’il s’agissait, pour la plupart non pas “d’obligations”, mais “d’incitations”, n’a pas caractérisé les éléments constitutifs de l’infraction poursuivie à l’égard de la société et pas davantage à l’égard de son représentant et s’est en réalité, déterminée sur la seule énonciation selon laquelle la sous-traitance organisée par Alain X... l’avait été au bénéfice de la société demanderesse dans un but de rentabilité maximale et de sécurité économique et juridique, certainement recherché par la société Exapaq Sud, mais qui ne saurait à lui seul, être constitutif de la moindre infraction” ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré la société prévenue coupable ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais sur le moyen, relevé d’office et pris de la violation des articles 111-3, 111-35 et 131-39, 9 , du Code pénal, L. 362-6 du Code du travail ;

Vu lesdits articles ;

Attendu qu’aux termes de l’article 111-3, alinéa 2, du Code pénal, nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi ;

Attendu que, par l’arrêt attaqué, la cour d’appel, après avoir condamné la société prévenue pour travail dissimulé, a ordonné l’affichage et la publication de la décision par voie de presse en application de l’article L. 362-6 du Code du travail ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que ce dernier texte, qui renvoie à l’article 131-39, 9 , du Code pénal, ne prévoit que l’affichage “ou” la publication de la décision, l’arrêt encourt la cassation, laquelle sera limitée aux peines d’affichage et de publication prononcées contre le demanderesse ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Toulouse, en date du 7 septembre 2000, mais seulement en ce qu’il a prononcé les peines d’affichages et de publication à l’encontre de la personne morale prévenue, toutes autres dispositions étant expréssement maintenues ;

Et pour qu’il soit jugé à nouveau conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Toulouse autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Toulouse, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Desportes conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Toulouse chambre correctionnelle , du 7 septembre 2000

Titrages et résumés : (Sur la 1ère branche du 1er moyen) JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Exceptions - Présentation - Moment - Nullité de la procédure antérieure.

null

(Sur le moyen relevé d’office) PEINES - Légalité - Peine non prévue par la loi - Personnes morales - Affichage et publication d’une décision - Travail dissimulé (non).

null

Textes appliqués :
• Code de procédure pénale 385
• Code du travail L362-6
• Code pénal 131-39, 9e et 111-3 al. 2