Vendeur colporteur de presse non

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 9 janvier 2019

N° de pourvoi : 17-17130

ECLI:FR:CCASS:2019:SO00004

Non publié au bulletin

Cassation

Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Didier et Pinet, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1221-1 et L. 1411-1 du code du travail ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a conclu, le 25 octobre 2013, un contrat de commission en qualité de vendeur-colporteur de presse avec la société Charentes Angoulême diffusion presse (la société) ; que M. X... a saisi la juridiction prud’homale le 30 octobre 2014 d’une demande tendant à la requalification du contrat en contrat de travail, à la résiliation judiciaire de celui-ci aux torts de la société et au paiement de diverses sommes ; que le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance ;

Attendu que pour rejeter le contredit, l’arrêt retient, après avoir rappelé les termes du contrat, que le salarié n’est pas assujetti à des horaires de livraison sauf à des horaires limites de livraison imposés par les lecteurs, qu’il doit rendre compte hebdomadairement de l’exécution de son mandat qui n’est pas seulement de distribuer des journaux ou revues mais également de les vendre, en assurant au commettant le règlement des sommes encaissées pour son compte, et en lui transmettant toute information sur les noms et adresses des lecteurs qui composent sa tournée en même temps que les relevés de compte et la liste complémentaire des lecteurs tout en déterminant librement son circuit de distribution des journaux, aucun contrôle n’étant exercé par le commettant sur la pertinence de la tournée déterminée par lui-même et sur l’effectivité de kilomètres réalisés, qu’il bénéficie d’une totale indépendance dans la fixation du circuit de l’ordre des abonnés, qu’il peut exercer une prospection libre notamment en vendant des calendriers et peut se faire remplacer comme il l’entend par un prestataire de son choix sans avoir à obtenir l’accord préalable du commettant ;

Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs exclusivement tirés des clauses du contrat, la cour d’appel, qui n’a pas recherché, comme elle y était invitée, si , au regard des conditions de fait dans lesquelles s’exerçait l’activité, M. X... n’était pas tenu de respecter les directives de son commettant concernant les horaires de livraison, l’ordre de la tournée, et la clientèle visitée, sur un secteur fixé et modifié unilatéralement par ce dernier, sans disposer d’exemplaires supplémentaires, a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 22 février 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse ;

Condamne la société Charentes Angoulême diffusion presse aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Charentes Angoulême diffusion presse à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR déclaré le contredit formé par M. X... régulier, recevable mais mal fondé, d’AVOIR déclaré qu’il n’existait pas de contrat de travail liant M. X... et la société C.A.D.P., de s’ÊTRE déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Périgueux, d’AVOIR débouté M. X... de l’ensemble de ses autres demandes et demandes reconventionnelles et d’AVOIR condamné M. X... aux dépens d’appel et de première instance ainsi qu’à la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « le contrat de commission signé par Monsieur Gérard X... le 25 octobre 2013 fait référence à l’article 22-1 de la loi du 3 janvier 1991 en confiant un secteur déterminé à ‘Monsieur Gérard X... commissionnaire vendeur colporteur de presse travailleur indépendant pour la vente et la fourniture au domicile des particuliers du journal quotidien Sud-Ouest, Dordogne libre et (ou hebdomadaire) Sud-Ouest dimanche et de ses suppléments gratuits ou non’ ; qu’il est stipulé aux articles 2 et suivants que ‘le vendeur colporteur, qui agit en son nom mais pour le compte de son commettant a la qualité de commissionnaire à la vente qu’il doit respecter impérativement les horaires limites de livraison imposés par le lecteur dans le respect des usages de la profession, libre à lui d’organiser par ailleurs sa tournée comme il l’entend, qu’en contrepartie de sa prestation, il perçoit une commission égale à 15% du montant des ventes au prix public qu’il effectue pour le compte de son commettant. Le commissionnaire, vendeur colporteur de presse rend compte hebdomadairement de l’exécution de son mandat et assure au commettant le règlement des sommes encaissées pour son compte et que lorsqu’il ne pourra procéder lui-même à la fourniture à domicile de sa clientèle, il devra prendre toutes dispositions nécessaires pour que cette fourniture soit assurée, sous sa responsabilité par le prestataire de son choix’ ; qu’il appartient à Monsieur Gérard X... d’établir l’existence d’un contrat de travail qui est le statut d’exception par rapport au régime de principe des vendeurs colporteurs de presse indépendants et qu’il doit apporter la preuve de la réalité des conditions dans lesquelles il accomplit sa prestation pour démontrer l’existence d’un lien de subordination ; que force est de constater que Monsieur X... n’est pas assujetti à des horaires de livraison sauf à des horaires limites de livraison imposés par les lecteurs et qu’il doit rendre compte hebdomadairement de l’exécution de son mandat qui n’est pas seulement de distribuer des journaux ou revues mais également de les vendre en assurant au commettant le règlement des sommes encaissées pour son compte et en lui transmettant toute information sur les noms et adresses des lecteurs qui composent sa tournée en même temps que les relevés de compte et la liste complémentaire des lecteurs tout en déterminant librement son circuit de distribution des journaux, aucun contrôle n’étant exercé par le commettant sur la pertinence de la tournée déterminée par lui-même et sur l’effectivité de kilomètres réalisés bénéficiant d’une totale indépendance dans la fixation du circuit de l’ordre des abonnés chez qui il doit se rendre avec pouvoir de réaliser des contrats avec des nouveaux abonnés sur son initiative sur le secteur qui lui a été confié afin de le développer dans la mesure où il n’est pas seulement porteur mais également vendeur ; qu’il peut notamment exercer une prospection libre notamment en vendant des calendriers pour les proposer à ses clients ; que la cour relève également qu’il peut se faire remplacer comme il l’entend par un prestataire de son choix sans avoir à obtenir l’accord préalable du commettant et qu’il s’agit là d’une manifestation de l’indépendance dont il dispose incompatible avec l’existence d’un contrat de travail ; que le fait que conformément à son contrat, il lui est alloué un remboursement des frais kilométriques justifiés dont l’évaluation sera revue périodiquement par l’éditeur ne permet pas non plus de caractériser l’existence d’un lien de subordination ou d’obtenir un remboursement supérieur à celui prévu dans son contrat conformément aux accords passés avec les éditeurs ; que c’est à tort que Monsieur Gérard X... soutient qu’il bénéficie d’un contrat de travail justifiant sa requalification et sollicite le paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, d’indemnité de préavis, d’indemnité de congés payés sur préavis ainsi qu’une indemnité de licenciement et au titre d’un travail dissimulé outre les indemnités kilométriques ; qu’il est tout aussi mal fondé à soutenir que la résiliation du contrat doit intervenir aux torts de l’employeur en raison de la rupture irrégulière et abusive de celui-ci ; qu’il convient donc de confirmer le jugement prononcé le 20 juillet 2015 par le conseil de prud’hommes de Périgueux en ce qu’il a retenu qu’il n’existe pas de contrat de travail entre Monsieur Gérard X... et la société SARL Charente Angoulême Diffusion Presse CADP et s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Périgueux après avoir débouté Monsieur X... de l’ensemble de ses prétentions et l’avoir condamné aux dépens » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Monsieur Gérard X... a signé le 25 octobre 2013 un contrat de commission avec la société C.A.D.P. en qualité de « vendeur collecteur de presse » ; que ce statut est clairement défini par la loi du 3 janvier 1991 ; que cette même loi pose comme postulat que les vendeurs colporteurs de presse soient des travailleurs indépendants lorsqu’ils exercent leur activité en leur nom propre et pour le compte d’un éditeur, d’un dépositaire ou d’un diffuseur ; qu’en conséquence de cette même loi, le porteur se voit confier un statut indépendant sauf s’il ne remplit pas les conditions juridiques qui régissent cette activité ; que l’article 1993 du code civil fixe l’obligation au commissionnaire de rendre compte à son mandat de son activité et de sa gestion ; que l’article 6 et l’article 8 du contrat fixent les droits et devoirs du commissionnaire ; que l’ensemble de ces éléments n’est pas en mesure de démontrer l’existence d’un contrat de travail ; que Monsieur Gérard X... a été reçu par le gérant de la société en présence d’un salarié, à la suite de son courrier du 12 juin 2014 pour lui expliquer son statut ; que des explications lui ont été données avant la signature du contrat de commissions sur ledit contrat et son fonctionnement, que cela n’est pas contesté ; que l’existence démontrée de l’indépendance de Monsieur Gérard X... dans son activité ne permet pas d’écarter toute requalification du contrat de commissions en contrat de travail démontrant l’existence d’un lien de subordination ; qu’au regard de l’ensemble des explications, la relation qui la lie la société CADP à Monsieur Gérard X... correspond bien au statut indépendant de vendeur colporteur de presse ; que la compétence matérielle du Conseil de prud’hommes est circonscrite par les articles L. 1411-1 et suivants du code du travail aux litiges individuels qui peuvent s’élever à l’occasion d’un contrat de travail entre un employeur et son salarié » ;

1°) ALORS, D’UNE PART, QUE le contrat de travail est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; qu’en l’espèce, pour déclarer le conseil de prud’hommes incompétent et exclure l’existence d’un contrat de travail entre la société CADP et M. X..., la cour d’appel s’est bornée à retenir que, selon les termes de son contrat, M. X... n’était pas assujetti à des horaires de livraison sauf à des horaires limites de livraison imposés par les lecteurs, qu’il devait rendre compte hebdomadairement de l’exécution de son mandat qui n’est pas seulement de distribuer des journaux ou revues mais également de les vendre en assurant au commettant le règlement des sommes encaissées pour son compte et en lui transmettant toute information sur les noms et adresses des lecteurs qui composent sa tournée en même temps que les relevés de compte et la liste complémentaire des lecteurs, qu’il déterminait librement son circuit de distribution des journaux, aucun contrôle n’étant exercé par le commettant sur la pertinence de la tournée déterminée par lui-même et qu’il pouvait se faire remplacer comme il l’entendait par un prestataire de son choix sans avoir à obtenir l’accord préalable du commettant ; qu’en s’en tenant ainsi aux seules stipulations du contrat de commission du vendeur colporteur pour en conclure qu’il ne pouvait se prévaloir de la qualité de salarié, sans rechercher dans quelles conditions de fait il avait exercé son activité de vendeur colporteur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1411-1 et L. 1221-1 du Code du travail ;

2°) ALORS, D’AUTRE PART, QU’en l’espèce, M. X... soutenait et démontrait qu’au-delà des clauses contractuelles contraignantes définissant étroitement les prestations assurées dans le cadre de son activité et le contrôle accru qu’exerçait la société CADP sur son activité, les circonstances de fait dans lesquelles le contrat était exécuté faisaient ressortir l’existence d’un contrat de travail entre les parties ; qu’il faisait ainsi valoir et justifiait que la société CADP lui remettait périodiquement une liste de distribution comportant le nom des abonnés et leur adresse dans l’ordre de livraison, que cette liste comportait précisément le nombre de journaux à distribuer, qu’il ne se voyait remettre qu’un nombre précis de journaux, dont un nombre très limité destiné à combler une éventuelle erreur de quantité ou à remplacer un exemplaire défectueux, à charge pour lui de les restituer sans pouvoir les revendre de façon indépendante, qu’il ne pouvait donc prospecter d’autres clients, qu’il lui était remis chaque jour une fiche de route avec des indications à respecter et les quantités à livrer et qu’il avait déjà fait l’objet d’une modification de son secteur de façon autoritaire ; qu’en omettant de rechercher et d’examiner concrètement, comme elle y était invitée, si M. X... était tenu de respecter les directives de son commettant concernant les horaires de livraison, l’ordre de sa tournée et la clientèle visitée et, en fait, soumis à un contrôle continu et sous la subordination juridique de la société CADP, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1411-1 et L. 1221-1 du Code du travail ;

3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le contrat de travail est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; qu’en l’espèce, après avoir elle-même constaté expressément que M. X... était assujetti à des horaires limites de livraison, devait rendre hebdomadairement compte de l’exécution de son mandat de distribution et de vente des journaux, était tenu de transmettre toute information sur les noms et adresses des lecteurs composant sa tournée, sans rechercher si ceux-ci appartenaient à un secteur géographique limité, attribué et unilatéralement modifié par la société CADP, ce dont il se déduisait un lien de subordination juridique entre les parties, la cour d’appel ne pouvait déclarer le conseil de prud’hommes incompétent ni écarter la qualification de contrat de travail, aux motifs inopérants que M. X... pouvait exercer une prospection libre notamment en vendant des calendriers pour les proposer à ses clients et qu’il pouvait se faire remplacer comme il l’entendait par un prestataire de son choix sans avoir à obtenir l’accord préalable du commettant, car en statuant ainsi, elle n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé les articles L. 1411-1 et L. 1221-1 du Code du travail ;

4°) ALORS, AUSSI, QUE les juges du fond sont tenus de motiver leur décision et ne peuvent ni statuer par simple affirmation, ni débouter une partie de ses demandes sans analyser, ni même viser, les pièces sur lesquelles ils fondent leur décision ; qu’en l’espèce, la cour d’appel ne pouvait déclarer le conseil de prud’hommes incompétent et exclure l’existence d’un contrat de travail entre la société CADP et M. X..., en se bornant à affirmer que, selon son contrat, aucun contrôle n’était exercé par le commettant sur la pertinence de la tournée déterminée par M. X... en toute indépendance qu’il n’était pas seulement porteur mais également vendeur, sans rechercher si, comme le faisait valoir et justifiait l’exposant, son secteur était déterminé, sans aucune exclusivité par le commettant, qui pouvait le modifier pour des raison d’organisation, qu’il devait suivre un ordre de livraison très précis qui lui était remis chaque jour, ne disposait d’aucun exemplaire supplémentaire, ce qui excluait toute prospection ou vente autonome et ce, d’autant plus qu’il devait restituer à bonne date les invendus et qu’à la suite d’un arrêt de travail, une partie des abonnés de son secteur lui avait été retirée et transmis par le commettant à un tiers, ce dont il résultait une absence d’exclusivité, une organisation, un secteur, une clientèle, fixé et modifié unilatéralement par le commettant, auquel il était rendu compte et qui encaissait chaque semaine le chiffre d’affaires, tout en récupérant les invendus ; qu’en statuant ainsi, sans viser, ni analyser, même sommairement, les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d’appel de Bordeaux , du 22 février 2017