Abus de droit - sécurité sociale

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 12 octobre 2017

N° de pourvoi : 16-21469

ECLI:FR:CCASS:2017:C201332

Publié au bulletin

Rejet

Mme Flise, président

Mme Brinet, conseiller apporteur

M. de Monteynard, avocat général

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 15 juin 2016), qu’à l’issue d’un contrôle de la Société d’intervention en maintenance industrielle (la société) portant sur les années 2010 à 2012, l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (l’URSSAF) des Pays de la Loire a réintégré dans l’assiette des cotisations et contributions diverses sommes versées à titre de frais professionnels ; que la société a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l’arrêt de rejeter son recours, alors, selon le moyen :

1°/ que la répression des abus de droit en matière de sécurité sociale obéit à une procédure spécifique comportant le droit et la garantie pour le cotisant de soumettre le litige à l’avis du comité des abus de droit ; qu’il appartient aux juges du fond de vérifier que l’organisme de recouvrement des cotisations sociales n’a pas, au soutien d’un redressement de cotisations, notamment dans sa lettre d’observations, implicitement mais nécessairement, invoqué des éléments caractérisant un abus de droit sans mettre en oeuvre les dispositions protectrices du justiciable prévues par la procédure de répression des abus de droit ; que, pour juger que la société ne saurait se prévaloir d’une atteinte à ses droits et garantie, avec notamment mise en oeuvre d’une contestation devant le comité des abus de droit, la cour d’appel a retenu que l’URSSAF n’avait nullement retenu comme réunies les conditions de l’abus de droit puisqu’elle n’avait pas eu recours à la procédure d’abus de droit et à la pénalité de 20 % qui y était attachée, ayant uniquement procédé à un redressement de cotisations au simple constat que les indemnités forfaitaires de repas devaient être réintégrées dans l’assiette de cotisations ; qu’en se refusant ainsi à apprécier elle-même les motifs du redressement issus de la lettre d’observations du 16 août 2013, la cour d’appel a commis un excès de pouvoir négatif et ainsi violé l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l’article R. 243-59 du même code ;

2°/ que, dans la lettre d’observations du 16 août 2013, l’URSSAF avait, au titre des frais professionnels, considéré que « l’analyse des modalités de défraiement de certains salariés intérimaires laisse apparaître que des indemnités de paniers sont allouées alors que ces derniers ne se trouvent manifestement pas en situation de déplacement » ; qu’elle avait ainsi expressément fondé son redressement sur l’absence manifeste des situations de déplacements des salariés en cause ; qu’en considérant que l’URSSAF avait, pour motiver son redressement, simplement constaté que les indemnités forfaitaires de repas devaient être réintégrées dans l’assiette de cotisations, la cour d’appel a dénaturé la lettre d’observations du 16 août 2013 et ainsi violé l’article 1134 du code civil dans sa version applicable à la cause ;

3°/ qu’en cause d’appel, la société faisait expressément valoir que les motifs du redressement au titre des frais professionnels, pour un montant de 304 203 euros, pour les années 2010, 2011 et 2012, issus de la lettre d’observations du 16 août 2013 et tirés de l’absence manifeste des situations de déplacements des salariés, caractérisaient un abus de droit reproché à la société cotisante ; qu’en retenant que la société ne pouvait se prévaloir d’une atteinte à ses droits et garanties, sans rechercher, ainsi qu’il lui était expressément demandé par l’exposante, si les motifs invoqués par l’URSSAF au soutien de son redressement ne révélaient pas, implicitement mais nécessairement, l’intention de cette dernière d’imputer à la société un abus de droit tel que défini à l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale et soumis à la procédure spéciale prévue par ce texte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, ensemble de l’article R. 243-59 du même code ;

Mais attendu que la divergence d’appréciation sur les règles d’assiette des cotisations n’est pas au nombre des contestations susceptibles de donner lieu à la procédure d’abus de droit prévue par l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale ;

D’où il suit que le moyen est inopérant ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que, pour les entreprises de travail temporaire, les indemnités de petits déplacements incluant l’indemnité de repas versées aux salariés intérimaires, même sédentaires, sont déductibles de l’assiette des cotisations de sécurité sociale ; qu’en retenant que l’exonération de l’indemnité de repas, intégrée à l’indemnité de petits déplacements, n’était prévue qu’au cas de salariés en situation de déplacement, y compris pour les salariés intérimaires, la cour d’appel a violé, par refus d’application, l’article 3, 3°, de l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, ensemble la circulaire DSS n° 2003-07 du 7 janvier 2003 et les circulaires DSS n° 2005-389 et DSS n° 2005-129 du 19 août 2005, relatives à la mise en oeuvre de l’arrêté du 20 décembre 2002 et applicables pour les années 2010, 2011 et 2012 ;

2°/ que, en toute hypothèse, les indemnités de repas sont déductibles de l’assiette des cotisations de sécurité sociale lorsque les salariés sont occupés hors des locaux de l’entreprise ; que, pour l’exécution des missions de travail temporaire, les locaux de l’entreprise sont ceux de l’entreprise utilisatrice, de sorte que la situation de déplacement hors des locaux de l’entreprise s’apprécie, pour les salariés intérimaires, par rapport aux locaux de l’entreprise utilisatrice ; que la cour d’appel a elle-même expressément constaté que les contrats de mission des salariés intérimaires en cause prévoyaient un lieu de mission (chantier, site,...) distinct du siège de l’entreprise utilisatrice ; qu’en retenant que la situation de déplacement ouvrant droit à l’exonération n’était pas remplie, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 3, 3°, de l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, ensemble la circulaire DSS n° 2003-07 du 7 janvier 2003 et les circulaires DSS n° 2005-389 et DSS n° 2005-129 du 19 août 2005, relatives à l’application de l’arrêté du 20 décembre 2002 et applicables pour les années 2010, 2011 et 2012 ;

Mais attendu qu’il résulte de l’article 3, 3° de l’arrêté interministériel du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale que l’indemnité forfaitaire de repas n’est réputée utilisée conformément à son objet que si, notamment, le salarié qui la perçoit, en situation de déplacement professionnel, est empêché de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail ;

Et attendu que l’arrêt retient que les contrats de mission des salariés intérimaires en cause indiquaient, d’une part, l’identité de l’entreprise utilisatrice, d’autre part, un lieu de mission unique, fixe et durable (chantier, site...) d’ailleurs distinct du siège de l’entreprise utilisatrice, que ledit lieu de mission unique, fixe et durable constitue effectivement le lieu de travail habituel de ces salariés ;

Que de ces constatations procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, faisant ressortir que les salariés temporaires avaient été embauchés pour travailler à titre permanent ou exclusif sur le chantier ou le site désigné dans le contrat de mission, la cour d’appel en a exactement déduit qu’ils ne pouvaient être considérés comme en situation de déplacement au sens du texte susmentionné de sorte que l’indemnité de repas qui leur était allouée ne pouvait être déduite de l’assiette des cotisations de la société ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société d’intervention en maintenance industrielle aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Société d’intervention en maintenance industrielle et la condamne à payer à l’URSSAF des Pays de Loire la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la Société d’intervention en maintenance industrielle (Simi)

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR rejeté le recours de la société Simi et condamné celle-ci à payer à l’Urssaf des Pays de la Loire la somme de 489.674 € en cotisations ainsi que les majorations de retard se rapportant à ces régularisations ;

AUX MOTIFS QU’ : « il résulte de l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale et des dispositions réglementaires prises pour son application, notamment l’article R. 243-60-3 dudit code, que l’Urssaf est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposable et afin d’en restituer le véritable caractère, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les contributions et cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant s’il n’avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ; que l’abus de droit entraîne l’application d’une pénalité égale à 20 % des cotisations et contributions dues et que le désaccord sur les rectifications notifiées est soumis, à la demande du cotisant, à l’avis d’un comité des abus de droit ; que le recours à la procédure d’abus de droit emportant pénalité ne constitue pour l’Urssaf qu’une simple faculté dès lors qu’elle estime réunies les conditions de l’abus de droit nécessitant la caractérisation notamment d’un élément intentionnel de la part de son auteur ; qu’en l’espèce, l’Urssaf n’a nullement retenu comme réunies les conditions de l’abus de droit, n’a pas eu recours à la procédure d’abus de droit et à la pénalité de 20 % qui y est attachée, ayant uniquement procédé à un redressement au simple constat que les indemnités forfaitaires de repas devaient être réintégrées dans l’assiette de cotisations ; que la société ne saurait donc se prévaloir d’une atteinte à ses droits et garanties, avec notamment mise en oeuvre d’une contestation devant le comité des abus de droit, prévue à l’article L. 243-7-2 ; que la demande d’annulation du redressement de ce chef sera donc écartée » ;

ALORS 1°/ QUE la répression des abus de droit en matière de sécurité sociale obéit à une procédure spécifique comportant le droit et la garantie pour le cotisant de soumettre le litige à l’avis du comité des abus de droit ; qu’il appartient aux juges du fond de vérifier que l’organisme de recouvrement des cotisations sociales n’a pas, au soutien d’un redressement de cotisations, notamment dans sa lettre d’observations, implicitement mais nécessairement, invoqué des éléments caractérisant un abus de droit sans mettre en oeuvre les dispositions protectrices du justiciable prévues par la procédure de répression des abus de droit ; que, pour juger que la société Simi ne saurait se prévaloir d’une atteinte à ses droits et garantie, avec notamment mise en oeuvre d’une contestation devant le comité des abus de droit, la cour d’appel a retenu que l’Urssaf n’avait nullement retenu comme réunies les conditions de l’abus de droit puisqu’elle n’avait pas eu recours à la procédure d’abus de droit et à la pénalité de 20 % qui y était attachée, ayant uniquement procédé à un redressement de cotisations au simple constat que les indemnités forfaitaires de repas devaient être réintégrées dans l’assiette de cotisations ; qu’en se refusant ainsi à apprécier elle-même les motifs du redressement issus de la lettre d’observations du 16 août 2013, la cour d’appel a commis un excès de pouvoir négatif et ainsi violé l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l’article R. 243-59 du même code ;

ALORS 2°/ QUE dans la lettre d’observations du 16 août 2013, l’Urssaf avait, au titre des frais professionnels, considéré que « l’analyse des modalités de défraiement de certains salariés intérimaires laisse apparaître que des indemnités de paniers sont allouées alors que ces derniers ne se trouvent manifestement pas en situation de déplacement » (point 5) ; qu’elle avait ainsi expressément fondé son redressement sur l’absence manifeste des situations de déplacements des salariés en cause ; qu’en considérant que l’Urssaf avait, pour motiver son redressement, simplement constaté que les indemnités forfaitaires de repas devaient être réintégrées dans l’assiette de cotisations, la cour d’appel a dénaturé la lettre d’observations du 16 août 2013 et ainsi violé l’article 1134 du code civil dans sa version applicable à la cause ;

ALORS 3°/ QU’en toute hypothèse, en cause d’appel, la société Simi faisait expressément valoir que les motifs du redressement au titre des frais professionnels, pour un montant de 304.203 €, pour les années 2010, 2011 et 2012, issus de la lettre d’observations du 16 août 2013 (point 5) et tirés de l’absence manifeste des situations de déplacements des salariés, caractérisaient un abus de droit reproché à la société cotisante ; qu’en retenant que la société Simi ne pouvait se prévaloir d’une atteinte à ses droits et garanties, sans rechercher, ainsi qu’il lui était expressément demandé par l’exposante, si les motifs invoqués par l’Urssaf au soutien de son redressement ne révélaient pas, implicitement mais nécessairement, l’intention de cette dernière d’imputer à la société Simi un abus de droit tel que défini à l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale et soumis à la procédure spéciale prévue par ce texte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, ensemble de l’article R. 243-59 du même code.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR rejeté le recours de la société Simi et condamné celle-ci à payer à l’Urssaf des Pays de la Loire la somme de 489.674 € en cotisations, ainsi que les majorations de retard se rapportant à ces régularisations ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « sur le bien-fondé du redressement au titre des frais professionnels – limite d’exonération – notion de lieu habituel de travail – déplacement (304.203 €), les circulaires DSS n° 2003-07, 2005-389 et 2005-129 relatives aux frais professionnels, visées par la société et produites à ses pièces 14 à 16 prévoient l’exonération de l’indemnité de repas intégrée à l’indemnité de petit déplacement uniquement au cas de salariés en situation de déplacement, y compris pour les salariés intérimaires ; que les circulaires du 31 janvier 2012, la lettre du 22 septembre 2011 et la lettre circulaire du 6 juillet 2015 visées par la société et produites à ses pièces 17 à 19 ne revêtent pas le timbre de la direction de la sécurité sociale, émanant simplement de l’ACOSS et étant en en-tête de celles-ci ; que la société ne peut donc pas en tout état de cause se prévaloir de leurs dispositions pour contester le redressement au titre de l’article L. 243-6-2 du code de la sécurité sociale dont les conditions d’application ne sont en l’espèce pas réunies ; que la société fait également valoir au fond que les salariés intérimaires travaillant lors de leur mission hors des locaux de l’entreprise utilisatrice, et ce même sur un seul chantier, sont bien des salariés mobiles, ouvrant droit au bénéfice de l’exonération ; qu’en l’espèce, il résulte des constatations de l’inspecteur du recouvrement et des pièces versées aux débats que les contrats de mission des salariés intérimaires en cause indiquaient d’une part l’identité de l’entreprise utilisatrice, d’autre part un lieu de mission unique, fixe et durable (chantier, site,...) d’ailleurs distinct du siège de l’entreprise utilisatrice ; que ledit lieu de mission unique, fixe et durable constitue effectivement le lieu de travail habituel de ces salariés ; que les salariés temporaires, qui ont été embauchés pour travailler à titre permanent mais exclusivement sur le chantier ou site désigné dans le contrat de mission, ne peuvent dès lors pas être considérés en situation de déplacement, et ce sans qu’aucune situation de discrimination n’apparaisse en la matière ; que la société ne rapportant pas la preuve qui lui incombe que chacun des salariés en question employé respectivement sur un unique site ou chantier s’y trouvait en déplacement et non sur son lieu de travail habituel, la situation de déplacement ouvrant droit à l’exonération prévue à l’article 3, 3e de l’arrêté du 20 décembre 2002 n’est pas remplie ; que la société fait enfin valoir qu’à l’occasion du précédent contrôle de 2009, l’Urssaf a pris en pleine connaissance de cause une décision explicite de non-redressement concernant ce même chef, décision liant cette dernière et l’empêchant de procéder à l’actuel redressement ; qu’à l’occasion d’un précédent contrôle portant sur la période 2006-2008, l’Urssaf a notifié à la société une lettre d’observations du 9 juillet 2009 mentionnant en point 7 « ETT, Notion de lieu de travail habituel, déplacement professionnel » que « la situation de déplacement ne peut être notamment retenue pour les salariés » dont elle donnait des exemples, et ce pour des motifs à ceux qui seront développés à la lettre d’observations du 16 août 2013, concluant « les allocations forfaitaires de repas ne sont pas exonérées de cotisations » ; que ces observations au point 7 valait observations pour l’avenir signalant la non-conformité de cette pratique, peu important que la lettre d’observations du 9 juillet 2009 ait en son point 6/3 mentionné que « concernant la notion de lieu de travail, il n’a pas été procédé à la régularisation des paniers compte tenu de la portée et effets du précédent contrôle » ; qu’en effet, si l’acceptation de cette pratique ou le silence gardé sur celle-ci lors du contrôle antérieur à celui de 2009 interdisait à l’Urssaf de redresser la société du chef de cette pratique lors du contrôle de 2009, l’intimée était cependant en droit de faire valoir pour l’avenir la non-conformité de cette pratique, pour pouvoir tirer toutes les conséquences, y compris en matière de redressement, de sa persistance à compter de juillet 2009 ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a validé le redressement de ce chef ; que sur le redressement au titre de la réduction Fillon, ce redressement n’étant que la conséquence de la réintégration de l’assiette de cotisations des indemnités de repas exonérées à tort, le jugement l’ayant validé sera là encore confirmé ; que sur le redressement au titre de « l’assiette minimum des cotisations : indemnité compensatrice de congés payés » et de « l’assiette minimum des cotisations : indemnité de fin de mission », c’est par des motifs pertinents adoptés par la cour que les premiers juges, au visa notamment des articles L. 241-1 et R. 242-1 al. 6 du code de la sécurité sociale, ont validé ces deux chefs de redressement ; qu’en effet, dès lors que l’utilisation des indemnités forfaitaires conformément à leur objet n’était pas justifiée comme en l’espèce par l’employeur, la fraction supérieure aux limites d’exonération des indemnités forfaitaires versées au titre des frais professionnels constituait un élément de rémunération (des salariés intérimaires) et non un élément de remboursement de frais professionnels ; qu’en conséquence, cette fraction excédentaire doit être intégrée dans l’assiette de calcul tant de l’indemnité de fin de mission de l’article L. 1251-32 du code du travail (égale à 10 % de la rémunération totale brute due au salarié) que de l’indemnité compensatrice de congés payés de l’article L. 1251-12 du code du travail (égale au moins au 10ème de la rémunération totale brute perçue par le salarié pendant la mission) ; que cette fraction excédentaire constitue un complément de rémunération versé à l’occasion du travail intégrant l’assiette de calcul des indemnités de fin de mission et des indemnités compensatrices de congés payés, soumis à cotisations sociales comme l’a rappelé la Cour de cassation (Civ. 2e : 07 mai 2015 : N° 14-16.693) ; que les redressements de ces deux chefs sont donc justifiés » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « sur l’indemnité de fin de mission, l’article L. 1251-32 du code du travail dispose que « lorsque, à l’issue d’une mission, le salarié ne bénéfice pas immédiatement d’un contrat de travail à durée indéterminée avec l’entreprise utilisatrice, il a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de mission destinée à compenser la précarité de sa situation ; que cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute due au salarié ; que l’indemnité s’ajoute à la rémunération totale brute due au salarié ; qu’elle est versée par l’entreprise de travail temporaire à l’issue de chaque mission effectivement accomplie, en même temps que le dernier salaire dû au titre de celle-ci, et figure sur le bulletin de salarie correspondant » ; que l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale donne pour assiette aux cotisations « toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail » ; que par ailleurs, en application de l’article R. 242-1 alinéa 6 du code de la sécurité sociale, « le montant des rémunérations à prendre pour base de calcul des cotisations en application des alinéas précédents ne peut être inférieur, en aucun cas, au montant cumulé, d’une part, du salaire minimum de croissance applicable aux travailleurs intéressés fixé en exécution de la loi n° 70-7 du 2 janvier 1970 et des textes pris pour son application et, d’autre part, des indemnités, primes ou majorations s’ajoutant audit salaire minimum en vertu d’une disposition législative ou d’une disposition réglementaire ; que l’article L. 242-1 précité ne permet de déduction au titre des frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté ministériel ; que l’arrêté du 20 décembre 2002 modifié et complété par celui du 25 juillet 2005 dispose que les frais professionnels s’entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi du salarié que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement de ses missions ; que ce même arrêté organise une présomption d’utilisation des indemnités forfaitaires allouées par l’employeur conforme à leur objet à hauteur d’un certain montant en deçà duquel, partant, l’employeur est dispensé de produire les justificatifs de bénéficier de plein droit de la déduction ; au-delà, l’exonération est subordonnée à la preuve de l’utilisation de l’allocation forfaitaire conformément à son objet et, à défaut, le dépassement de la limite d’exonération est réintégré dans l’assiette de calcul des cotisations ; qu’en application de ces dispositions, l’inspecteur du recouvrement a en l’espèce réintégré dans l’assiette de l’indemnité de fin de mission la fraction des indemnités forfaitaires de frais professionnels supérieure à al limite d’exonération ; que dès lors que la société Simi ne justifie pas de l’utilisation des indemnités forfaitaires conformément à leur objet, la réintégration opérée par l’Urssaf de la fraction excédentaire doit être confirmée ; que sur l’indemnité compensatrice de congés payés, l’article L. 1251-19 du code du travail dispose que « le salarié temporaire a droit à une indemnité compensatrice de congé payé pour chaque mission qu’il effectue, quelle qu’en ait été la durée ; que le montant de l’indemnité est calculé en fonction de la durée de la mission et ne peut être inférieur au dixième de la rémunération totale brute perçue par le salarié pendant la mission ; que l’indemnité est versée à la fin de la mission ; que pour l’appréciation des droits du salarié, sont assimilées à un temps de mission : 1° les périodes de congé légal de maternité et d’adoption ; 2° les périodes limitées à une durée ininterrompue d’un an, de suspension du contrat de mission pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ; 3) les périodes pendant lesquelles un salarié est rappelé sous les drapeaux, à condition que le point de départ de ces périodes se place au cous d’une mission ; que l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale donne pour assiette aux cotisations « toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail » ; qu’enfin, l’article R. 242-1 alinéa 6 du code de la sécurité sociale dispose que « le montant des rémunérations à prendre pour base de calcul des cotisations en application des alinéas précédents ne peut être inférieur, en aucun cas, au montant cumulé, d’une pat, du salaire minimum de croissance applicable aux travailleurs intéressés fixé en exécution de la loi n° 70-7 du 2 janvier 1970 et des textes pris par son application et, d’autre part, des indemnités primes ou majorations s’ajoutant audit salaire minimum en vertu d’une disposition législative ou d’une disposition réglementaire. » ; qu’ainsi, l’assiette minimum des cotisations ne peut être inférieure au salaire légal ou conventionnel majoré des différents accessoires expressément prévus, qu’ils aient été versés ou non, quand bien même le salaire minimum légal ou conventionnel se trouverait respecté avant décompte de ces accessoires ; que les motifs précédemment retenus pour valider la position de l’Urssaf quant à l’indemnité de précarité sont transposables au cas de l’indemnités de congés payés et justifient, là aussi, le rejet de l’argumentation de la société Simi ; que c’est donc à bon droit que la fraction des indemnités forfaitaires de frais professionnels supérieure à la limite d’exonération a été réintégrée dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés ; que sur les indemnités de repas, l’arrêté du 20 décembre 2002 prévoit, en son article 3, que « lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement hors des locaux de l’entreprise ou sur un chantier, et lorsque les conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour le repas et qu’il n’est pas démontré que les circonstances ou les usages de la profession l’obligent à prendre ce repas au restaurant, l’indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n’excède pas un certain montant (8,20 € en 2010 ; 8,30 € en 2011 et 8,40 € en 2012), ; qu’il ressort de ce texte que la déductibilité s’apprécie sur la preuve –faite par l’employeur- de conditions de fait tenant en premier lieu à une situation de déplacement et en second lieu à des circonstances de travail interdisant au salarié de regagner pour déjeuner sa résidence ou son lieu habituel de travail ; qu’il est constant que, pour l’exécution des missions de travail temporaire, les locaux de l’entreprise s’entendent de ceux de l’entreprise utilisatrice, il ressort toutefois en l’espèce des constatations de l’inspecteur du recouvrement reportées dans un tableau récapitulatif produit aux débats, que le lieu habituel de travail des salariés intérimaires concernés, tel qu’il ressort, des contrats de mission, présentait un caractère fixe, unique et durable ; que ces salariés embauchés en vue de travailler à titre permanent ou exclusivement sur le chantier désigné dans le contrat de mission (sites STX, AIRBUS, API essentiellement), ne peuvent donc être considérés en situation de déplacement ; que les indemnités de repas ont en conséquence été à bon droit réintégrées dans l’assiette de calcul des cotisations ; que ce chef de redressement sera, dans ces conditions, validé, tout comme son corollaire se rapportant à la réduction Fillon (point 6) » ;

ALORS 1°/ QUE pour les entreprises de travail temporaire, les indemnités de petits déplacements incluant l’indemnité de repas versées aux salariés intérimaires, même sédentaires, sont déductibles de l’assiette des cotisations de sécurité sociale ; qu’en retenant que l’exonération de l’indemnité de repas, intégrée à l’indemnité de petits déplacements, n’était prévue qu’au cas de salariés en situation de déplacement, y compris pour les salariés intérimaires, la cour d’appel a violé, par refus d’application, l’article 3, 3°, de l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, ensemble la circulaire DSS n° 2003-07 du 7 janvier 2003 et les circulaires DSS n° 2005-389 et DSS n° 2005-129 du 19 août 2005, relatives à la mise en oeuvre de l’arrêté du 20 décembre 2002 et applicables pour les années 2010, 2011 et 2012 ;

ALORS 2°/ QUE, en toute hypothèse, les indemnités de repas sont déductibles de l’assiette des cotisations de sécurité sociale lorsque les salariés sont occupés hors des locaux de l’entreprise ; que, pour l’exécution des missions de travail temporaire, les locaux de l’entreprise sont ceux de l’entreprise utilisatrice, de sorte que la situation de déplacement hors des locaux de l’entreprise s’apprécie, pour les salariés intérimaires, par rapport aux locaux de l’entreprise utilisatrice ; que la cour d’appel a elle-même expressément constaté que les contrats de mission des salariés intérimaires en cause prévoyaient un lieu de mission (chantier, site,...) distinct du siège de l’entreprise utilisatrice ; qu’en retenant que la situation de déplacement ouvrant droit à l’exonération n’était pas remplie, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 3, 3°, de l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, ensemble la circulaire DSS n° 2003-07 du 7 janvier 2003 et les circulaires DSS n° 2005-389 et DSS n° 2005-129 du 19 août 2005, relatives à l’application de l’arrêté du 20 décembre 2002 et applicables pour les années 2010, 2011 et 2012. Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Rennes , du 15 juin 2016

Titrages et résumés : SECURITE SOCIALE - Caisse - URSSAF - Contrôle - Procédure d’abus de droit - Exclusion - Cas - Divergence d’appréciation sur les règles d’assiette des cotisations

La divergence d’appréciation sur les règles d’assiette des cotisations n’est pas au nombre des contestations susceptibles de donner lieu à la procédure d’abus de droit prévue par l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale

Textes appliqués :
• article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale