Gérant de fait non caractérisé

Cour Administrative d’Appel de Paris

N° 09PA06254

Inédit au recueil Lebon

4ème chambre

M. PERRIER, président

M. Ermès DELLEVEDOVE, rapporteur

Mme DESCOURS GATIN, commissaire du gouvernement

ALLOUCH, avocat(s)

lecture du mardi 9 novembre 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 30 octobre 2009, présentée pour M. Keping A, demeurant ...), par Me Allouch ; M. A demande à la Cour :

1°) d’annuler l’ordonnance n° 0913184/12 du 28 septembre 2009 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 3 août 2009 par lequel le préfet de police lui a retiré sa carte de séjour temporaire et a assorti ce retrait d’une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination de la mesure d’éloignement dont il est susceptible de faire l’objet ;

2°) d’annuler cet arrêté ;

3°) d’enjoindre au préfet de police de lui restituer son titre de séjour dans le délai de trois mois de la notification de l’arrêt à intervenir et, subsidiairement, de surseoir à statuer jusqu’à décision de l’autorité judiciaire ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 19 octobre 2010 :

"-" le rapport de M. Dellevedove, rapporteur,

"-" et les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public ;

Considérant que M. A, né le 31 octobre 1960, de nationalité chinoise, s’est vu retirer sa carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale , par l’arrêté du 3 août 2009 du préfet de police, en application de l’article L. 313-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, décision assortie d’une obligation de quitter le territoire français ; que le requérant fait appel de l’ordonnance en date du 28 septembre 2009 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation dudit arrêté ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 313-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : (...) La carte de séjour temporaire peut également être retirée à tout employeur, titulaire de cette carte, en infraction avec l’article L. 341-6 du code du travail (...) / En outre, l’employeur qui a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français en raison du retrait, prononcé en application des dispositions du deuxième alinéa, de sa carte de séjour temporaire peut, dans les trois années qui suivent cette obligation, se voir refuser le droit d’exercer une activité professionnelle en France (...) ; qu’aux termes de l’article L. 8251-1 du code du travail remplaçant l’article L. 341-6 du même code : Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France. / Il est également interdit à toute personne d’engager ou de conserver à son service un étranger dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autres que celles qui sont mentionnées, le cas échéant, sur le titre prévu au premier alinéa ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et notamment des termes mêmes de l’arrêté contesté que, à la suite du contrôle du restaurant asiatique Da Fa le 27 avril 2009 par les services de police, M. A a été interpellé pour faits de travail dissimulé et emploi d’étrangers démunis de titre de travail ; que le préfet de police a retiré le titre de séjour de l’intéressé sur le fondement des dispositions précitées estimant que celui-ci était le gérant de fait de l’établissement et que, dans les circonstances propres au cas d’espèce, il n’était pas porté une atteinte disproportionnée aux droits de l’intéressé à sa vie privée familiale ; que, toutefois, M. A affirme sans être contredit par le préfet qu’il ne pouvait être regardé comme le gérant de fait, n’ayant aucune responsabilité dans le recrutement du personnel assuré par le gérant statutaire désigné dans les statuts de la société exploitant le restaurant Da Fa produits au dossier, alors même, d’ailleurs, que ledit gérant, en cette qualité, a été reconnu comme ayant employé illégalement les trois ressortissants étrangers en cause et a été déclaré redevable de la contribution forfaitaire, représentative des frais de réacheminement dans leur pays d’origine desdits étrangers, ainsi que l’atteste l’arrêté en date du 13 juillet 2009 du préfet de la Seine-Saint-Denis produit au dossier ; que l’intéressé affirme sans être davantage contredit que lui-même n’était qu’un simple associé salarié, employé comme livreur ainsi que l’attestent ses bulletins de paye, rarement présent à l’établissement ; qu’il s’ensuit que la gérance de fait alléguée ne saurait, dans ces conditions, en dépit du nombre de parts de la société détenues par M. A, être regardée comme établie ; que, dès lors, le préfet de police ne pouvait pour ce motif retirer le titre de séjour de l’intéressé sur le fondement des dispositions précitées ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté susvisé procédant au retrait de son titre de séjour et l’obligeant à quitter le territoire ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police restitue au requérant sa carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ; qu’il y a lieu de prescrire au préfet de restituer ladite carte de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros, au titre des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance susvisée en date du 28 septembre 2009 du vice-président du Tribunal administratif de Paris et l’arrêté susvisé en date du 3 août 2009 du préfet de police sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de restituer à M. A sa carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Le préfet tiendra le greffe de la cour (service de l’exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.

Article 3 : L’Etat versera la somme de 1 000 (mille) euros à M. A, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 09PA06254