Conseil d’Etat - 17 mars 1997 - annulation circulaire 4 juin 1993

Conseil d’Etat statuant au contentieux

N° 167586

Inédit au recueil Lebon

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M. Lafouge, rapporteur

Mme Maugüé, commissaire du gouvernement

lecture du lundi 17 mars 1997

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 2 mars 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentée par le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS - SPI, dont le siège est ..., représenté par son président ; le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS - SPI demande l’annulation pour excès de pouvoir de la circulaire DRI n° 95/2 en date du 2 janvier 1995 du ministre du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle et de la circulaire DRI n° 93-17 en date du 4 juin 1993 du même ministre ; que l’Etat soit condamné à lui verser, en application de l’article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 une indemnité correspondant aux frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que lui soit remboursé le montant des frais de timbre exposés en application de l’article 44 de la loi du 30 décembre 1993 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail, notamment ses articles L. 763-1 et L. 763-3 ;

Vu le code de la propriété intellectuelle, notamment son article L. 212-I ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

"-" le rapport de M. Lafouge, Conseiller d’Etat,

"-" les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l’article L. 763-I du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 90-003 du 12 juillet 1990 prévoit “qu’est considérée comme exerçant une activité de mannequin toute personne qui est chargée soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou ouvrage publicitaire, soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel” ; qu’aux termes de l’article L. 763-3 du même code, issu de la même loi du 12 juillet 1990, “est considérée comme exploitant une agence de mannequins toute personne physique ou morale dont l’activité consiste à mettre à la disposition provisoire d’utilisateurs, à titre onéreux, des mannequins qu’elle embauche et rémunère à cet effet” ; que le même article prévoit que seules peuvent exercer cette activité les personnes physiques ou morales titulaires d’une licence d’agence de mannequin ; que toutefois cette licence ne peut être accordée aux personnes qui exercent certaines activités ou professions parmi lesquelles la production et la réalisation d’oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles ;

Considérant que par une circulaire du 2 janvier 1995, le ministre du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle indique, en ce qui concerne la définition légale de mannequin, que “peu importe, à cet égard, que la personne concernée exerce l’activité de mannequin à titre occasionnel ou professionnel, ou qu’elle exerce une autre profession à titre principal. Doivent ainsi notamment être considérés comme mannequins ... l’artiste-comédien qui tourne pour un film publicitaire” ; que la même circulaire précise, en ce qui concerne les modalités de recrutement des mannequins, qu’”un réalisateur ou un producteur de films publicitaires n’est pas bénéficiaire de la prestation exécutée par le mannequin mais agit par nature en qualité de prestataire de services au profit d’un annonceur ; il exerce en outre une profession déclarée incompatible avec celle d’agent de mannequins ; les mannequins concourant à la réalisation d’un film publicitaire devront donc être recrutés directement par l’annonceur ou par l’intermédiaire d’une agence de mannequins licenciée” ;

Considérant toutefois que les dispositions de l’article L. 212-1 du code de la propriété intellectuelle définissent l’artiste-interprète comme la “personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une oeuvre littéraire ou artistique ...” ; que lorsqu’un artiste-interprète se livre, dans le cadre du tournage d’un film publicitaire, à une prestation répondant à cette définition, qui ne se réduit pas à la seule utilisation de son image, il ne se produit pas en qualité de mannequin au sens des dispositions de l’article L. 763-1 du code du travail précitées ; que le réalisateur et le producteur d’un film publicitaire utilisant les prestations d’un mannequin doivent être regardés comme les bénéficiaires desdites prestations et peuvent ainsi légalement procéder eux-mêmes au recrutement de ce mannequin sans recourir à une agence de mannequins ; que par suite, en n’excluant pas ces deux hypothèses du champ d’application, tel qu’elles l’explicitent, des dispositions du code du travail relatives aux mannequins et aux agences de mannequins précitées, les circulaires du 4 juin 1993 et du 2 janvier 1995 ont méconnu le sens et la portée desdites dispositions ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le syndicat requérant est fondé à demander l’annulation de la circulaire du 2 janvier 1995 du ministre du travail, de l’emploi etde la formation professionnelle ainsi que de la circulaire du même ministre en date du 4 juin 1993 en tant qu’elle comporte des dispositions similaires à celles de la circulaire du 2 janvier 1995 ;

Sur l’application de l’article 75-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

Considérant qu’il y a lieu de faire application, dans les circonstances de l’espèce, des dispositions de l’article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de condamner l’Etat à payer au SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS - SPI la somme de 100 F correspondant au droit de timbre acquitté par lui ; que toutefois les conclusions présentées par le syndicat requérant et tendant à ce que lui soit versée une somme correspondant aux autres frais exposés par lui et non compris dans les dépens, faute d’être chiffrées, sont irrecevables ;

Article 1er : La circulaire du 2 janvier 1995 du ministre du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle et la circulaire du même ministre en date du 4 juin 1993 en tant qu’elle comporte des dispositions similaires à celle du 2 janvier 1995, sont annulées.

Article 2 : L’Etat versera au SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS - SPI la somme de 100 F au titre de l’article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS - SPI est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS - SPI et au ministre du travail et des affaires sociales.

Abstrats : 66 TRAVAIL ET EMPLOI.