Droit à l’image et TVA due par l’agence de mannequins

CAA de PARIS

N° 15PA01583

Inédit au recueil Lebon

9ème chambre

M. JARDIN, président

Mme Alexandra STOLTZ-VALETTE, rapporteur

M. BLANC, rapporteur public

CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat(s)

lecture du jeudi 12 janvier 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Marilyn Agency a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des rappels de cotisation minimale de taxe professionnelle auxquels elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1412221/2-2 du 9 mars 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 avril 2015 et 23 octobre 2015, la SA Marilyn Agency, représentée par le cabinet CMS Francis Lefebvre, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1412221/2-2 du 9 mars 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de cotisation minimale de taxe professionnelle auxquels elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, ainsi que des intérêts de retard correspondants ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les redevances versées aux mannequins au titre de l’exploitation du droit à l’image ne sauraient être considérées comme constituant un salaire et doivent être admises en déduction du chiffre d’affaires pour le calcul de la valeur ajoutée ; ces redevances ont été comptabilisées au compte 65160000, distinct de celui des salaires, en conformité avec les prescriptions du plan comptable général ; à la suite d’un contrôle, l’Urssaf a estimé qu’aucune irrégularité n’avait été commise ; elle intervient en tant que mandataire de l’opération et n’est donc pas le bénéficiaire direct de l’exploitation des droits.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 le rapport de Mme Stoltz-Valette ;

 les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,

 et les observations de Me Chatel, avocat de la SA Marilyn Agency.

1. Considérant que la SA Marilyn Agency, qui exploite une agence de mannequins, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité, à l’issue de laquelle le service a mis à sa charge, au titre des années 2008 et 2009, des suppléments de cotisation minimale de taxe professionnelle au motif que, pour le calcul de la valeur ajoutée servant au plafonnement de la taxe professionnelle, il n’y avait pas lieu de déduire, en tant que consommations de biens et services en provenance de tiers, les redevances versées aux mannequins au titre de l’exploitation du droit à l’image ; que la SA Marilyn Agency relève appel du jugement du 9 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article 1647 E alors en vigueur du code général des impôts : “ I. La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l’entreprise, telle que définie au II de l’article 1647 B sexies (...) “ ; qu’aux termes de l’article 1647 B sexies du même code dans sa rédaction alors applicable : “ (...) II. 1. La valeur ajoutée (...) est égale à l’excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I (...). 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l’exercice est égale à la différence entre : D’une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes ; les produits accessoires ; les subventions d’exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l’entreprise pour elle-même ; les transferts de charges mentionnées aux troisième et quatrième alinéas ainsi que les transferts de charges de personnel mis à disposition d’une autre entreprise ; les stocks à la fin de l’exercice ; Et, d’autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l’exercice. Les consommations de biens et services en provenance de tiers comprennent : les travaux, fournitures et services extérieurs, à l’exception des loyers afférents aux biens pris en crédit-bail, ou des loyers afférents à des biens, visés au a du 1° de l’article 1467, pris en location par un assujetti à la taxe professionnelle pour une durée de plus de six mois ou des redevances afférentes à ces biens résultant d’une convention de location-gérance, les frais de transports et déplacements, les frais divers de gestion.(...) “ ; que si les dispositions précitées du II de l’article 1647 B sexies précisent que la valeur ajoutée est égale à l’excédent de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers, ces mêmes dispositions ne prévoient pas que les salaires et charges de personnel versés aux salariés dont l’entreprise est l’employeur soient compris dans les consommations de biens et services en provenance de tiers ;

3. Considérant que l’administration fiscale a exclu des “ consommations de biens et services en provenance de tiers “ déduites de la production pour le calcul de la valeur ajoutée les redevances versées par la SA Marilyn Agency, au titre de l’exploitation du droit à l’image, à ses employés exerçant la profession de mannequin au motif qu’elles constituent un accessoire de leur salaire versé par l’agence ; qu’il n’est pas contesté par l’administration fiscale que la SA Marilyn Agency intervenait exclusivement en qualité de mandataire au profit de ses salariés ou des sociétés gérant leur droit à l’image et se contentait de leur reverser les redevances perçues auprès de ses clients ; que si ces redevances sont perçues passivement par les mannequins en conséquence des missions qui leur sont confiées par l’agence à l’égard de laquelle ils se trouvent en situation de subordination, elles ne sauraient toutefois constituer un accessoire indissociable de leur rémunération salariée au sens des dispositions citées au point 2 eu égard à la qualité de mandataire de l’agence dont le rôle se limite à leur reverser les sommes litigieuses ; que, dans ces conditions, la SA Marilyn Agency est fondée à soutenir que, pour déterminer son droit à bénéficier du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée prévu par les dispositions précitées du I de l’article 1647 B sexies du code général des impôts, il convient d’exclure du calcul de la valeur ajoutée les redevances versées au titre de l’exploitation du droit à l’image, lesquelles ne sauraient, dans les circonstances de l’espèce, être considérées comme constituant des charges de personnel pour la SA Marilyn Agency ; que la société requérante est, en conséquence, fondée à demander la décharge des suppléments de cotisation minimale de taxe professionnelle et des intérêts de retard auxquels elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 ;

4. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SA Marilyn Agency est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SA Marilyn Agency et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1412221/2-2 du 9 mars 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Il est accordé à la SA Marilyn Agency la décharge des rappels de cotisation minimale de taxe professionnelle mis à sa charge au titre des années 2008 et 2009 ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Article 3 : L’Etat versera à la SA Marilyn Agency une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Marilyn Agency et au ministre de l’économie et des finances.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division du contentieux IDF est).

Délibéré après l’audience du 15 décembre 2016 , à laquelle siégeaient :

 M. Jardin, président de chambre,

 M. Dalle, président assesseur,

 Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 janvier 2017.

Le rapporteur,

A. STOLTZ-VALETTELe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l’économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.