Retenue à la source

Cour Administrative d’Appel de Paris

N° 06PA01752

Inédit au recueil Lebon

7éme chambre

Mme TRICOT, président

Mme Frédérique DE LIGNIERES, rapporteur

Mme ISIDORO, commissaire du gouvernement

C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat(s)

lecture du vendredi 7 mars 2008

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 15 mai 2006, présentée pour la SOCIETE METROPOLITAIN MODELS, dont le siège est 23 boulevard des Capucines à Paris (75002), par Me Pierre Leroux ; la SOCIETE METROPOLITAIN MODELS demande à la cour : 1°) d’annuler le jugement n°0006777 du 14 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à la décharge des rappels de retenue à la source qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1995 et des pénalités de mauvaise foi qui lui ont été infligées pour ces rappels et pour la taxe sur la valeur ajoutée ; 2°) de prononcer la décharge de l’imposition contestée des impositions contestées et des pénalités y afférentes ; 3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761 1 du code de justice administrative ; ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ; Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 15 février 2008 : - le rapport de Mme de Lignières, rapporteur ; - les observations de Me Butzerin, pour la SOCIETE METROPOLITAIN MODELS, - et les conclusions de Mme Isidoro, commissaire du gouvernement ; Sur l’imposition de la retenue à la source : En ce qui concerne l’imposition à la source des revenus en cause : Considérant qu’aux termes de l’article 182 B du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années en litige : « I. Donnent lieu à l’application d’une retenue à la source lorsqu’ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, qui n’ont pas dans ce pays d’installation professionnelle permanente : a. Les sommes versées en rémunération d’une activité déployée en France dans l’exercice de l’une des professions mentionnées à l’article 92 ; …c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France » ; qu’aux termes de l’article 1671 A du code général des impôts : « Les retenues prévues aux articles 182 A et 182 B sont opérées par le débiteur des sommes versées et remises à la recette des impôts accompagnées d’une déclaration conforme au modèle fixé par l’administration, au plus tard le 15 du mois suivant celui du paiement. Les dispositions des articles 1768, 1771 et 1926 sont applicables à ces retenues » ; Considérant d’une part, qu’il résulte de l’instruction et en particulier du contrat cadre d’engagement et du contrat particulier de droits d’utilisation de mannequins produits par la SARL METROPOLITAN MODELS que cette agence se voit confier par ces documents un mandat général de représentation de chaque mannequin signataire aux fins de mettre ce dernier à disposition de différents utilisateurs et d’exploiter son image en France sans rémunération complémentaire sauf si une convention particulière est conclue ; qu’aux termes du contrat valant convention particulière figurant au dossier l’utilisateur ou l’annonceur verse à l’agence les droits d’utilisation en France de l’image du mannequin concerné à charge pour l’agence de verser à celui-ci le montant des droits fixés entre eux « sans que l’utilisateur puisse être inquiété à ce sujet » ; qu’il résulte également de l’instruction que l’utilisation à l’étranger des droits de reproduction de l’image donne lieu à une rémunération spécifique prévue par chaque convention particulière ; Considérant d’autre part, que si la société METROPOLITAN MODELS fait valoir que sa qualité de mandataire des mannequins en ce qui concerne la gestion de leur droit à l’image fait obstacle à ce qu’elle puisse être regardée comme le débiteur à leur égard des rémunérations dues par les seuls utilisateurs aux mannequins domiciliés hors de France, il résulte de ce qui vient d’être dit plus haut que l’agence dispose d’un mandat général vis-à-vis de chaque mannequin tant en ce qui concerne l’exécution de son contrat de mission qu’en ce qui concerne la gestion rémunérée de ses droits à l’image ; que l’agence perçoit l’intégralité des droits en cause dont elle reverse à chaque mannequin la part qui lui revient ; que de ce fait, la société requérante doit être regardée comme le débiteur du mannequin pour ce qui concerne les sommes en cause ainsi que comme le débiteur de la retenue à la source correspondant au versement de ces droits aux mannequins domiciliés hors de France, au sens des dispositions précitées de l’article 182 B c du code général des impôts ; Considérant enfin que si la société requérante soutient que l’administration n’aurait pas apporté la preuve que les prestations en cause ont été fournies ou utilisées en France, il résulte de ce qui vient d’être dit que la rémunération de base versée à chaque mannequin en application des conventions particulières susmentionnées correspond à l’utilisation de son image dans les médias français ; que de ce fait, la condition posée par les dispositions de l’article 182 B c du code général des impôts est remplie ; Considérant qu’il résulte de tout ce qui vient d’être dit, que la SARL METROPOLITAN MODELS, qui avait au demeurant opéré et enregistré en comptabilité la retenue litigieuse sans toutefois la reverser au Trésor Public, en 1994 et 1995, n’est pas fondée à soutenir qu’elle n’aurait pas dû reverser à l’Etat les sommes provisionnées au titre de la retenue à la source ; En ce qui concerne l’amende relative à la retenue à la source : Considérant qu’aux termes de l’article 1768 du même code alors applicable : « Toute personne physique ou morale, toute association ou tout organisme qui s’est abstenu d’opérer les retenues de l’impôt sur le revenu prévues à l’article 1671 A ou qui, sciemment, n’a opéré que des retenues insuffisantes, est passible d’une amende égale au montant des retenues non effectuées » ; Considérant que les dispositions précitées alors en vigueur de l’article 1768 du code général des impôts, dont l’existence même faisait obstacle à ce que l’administration puisse en outre réclamer au débiteur le montant du prélèvement éludé, n’avaient pas pour objet la seule réparation du préjudice subi par le Trésor du fait de l’abstention des personnes tenues au paiement des retenues à la source prévues à l’article 1671 A du code général des impôts d’acquitter lesdites retenues, mais instituaient une sanction tendant à réprimer de tels agissements et à en empêcher la réitération ; que cependant, lesdites dispositions ont été abrogées par l’article 22 de l’ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 et n’ont pas été remplacées par d’autres dispositions réprimant les manquements qu’elles prévoyaient ; que même si, comme le relève l’administration, les dispositions nouvelles lui permettent de réclamer au débiteur défaillant en ce qui concerne la retenue, outre le montant de la retenue non effectuée, des intérêts de retard, voire des majorations de 10 % ou plus prévues à l’article 1728 du code général des impôts, de telle sorte que la loi nouvelle lui permet en définitive de mettre à la charge du contribuable une somme supérieure à l’amende encourue sous le régime antérieur à l’ordonnance du 7 décembre 2005, cette circonstance ne permet pas pour autant de refuser de qualifier de « plus douce » la loi issue de nouveau régime dès lors que ladite ordonnance du 7 décembre 2005 supprime une amende ayant le caractère d’une sanction fiscale et que cette suppression permet seulement, ainsi qu’il a été dit plus haut, de procéder à un rappel de droits assorti d’intérêts et d’une majoration, laquelle a bien le caractère d’une sanction fiscale mais dont le montant est limité à 10 % des droits rappelés, sauf application, en cas de refus de donner suite à une mise en demeure de déclarer, de taux supérieurs dont le taux maximum est de toute manière limité à 40 % ; que, dès lors, par application du principe selon lequel la loi pénale nouvelle doit, lorsqu’elle prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s’appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur, les dispositions de l’article 1768 du code général des impôts ne sont plus applicables à la société METROPOLITAN MODELS ; que celle-ci est par suite fondée à demander la décharge de l’amende qui lui a été notifiée sur le fondement de l’article 1768 du code général des impôts ; Sur les pénalités de mauvaise foi relative à la taxe sur la valeur ajoutée : Considérant que la société METROPOLITAN MODELS a omis de façon répétée de reverser une partie de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elle avait collectée et inscrite au passif de ses bilans ; que la société requérante n’est pas fondée à invoquer l’ignorance de sa gérante en matière comptable dès lors qu’il était fait appel à un cabinet d’expertise comptable et qu’elle ne pouvait ignorer l’importance des sommes et le caractère répété et systématique de omissions constatées ; que l’administration, qui invoque ces circonstances pour infliger les pénalités en cause, doit être regardée comme établissant la mauvaise foi de la SARL METROPOLITAN MODELS ; Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE METROPOLITAIN MODELS est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de l’amende de l’article 1768 du code général des impôts ; Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce et en vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l’Etat à verser à la SOCIETE METROPOLITAN MODEL’S une somme de 2 000 euros au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ; DÉCIDE : Article 1er : Il est accordé à la SOCIETE METROPOLITAIN MODELS la décharge de l’amende qui lui a été assignée au titre des années 1994 et 1995 sur le fondement des dispositions de l’article 1768 du code général des impôts pour ce qui concerne les rappels de retenue à la source. Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 14 mars 2006 est réformé en ce qu’il a de contraire à l’article 1er ci-dessus. Article 3 : L’Etat versera à la société METROPOLITAIN MODELS une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE METROPOLITAIN MODELS est rejeté. N° 06PA01752 2