Prestations techniques - accident du travail

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 15 octobre 1991

N° de pourvoi : 90-87520

Non publié au bulletin

Rejet

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze octobre mil neuf cent quatre vingt onze, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUIRIMAND, les observations de Me C... et de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LIBOUBAN ; Statuant sur les pourvois formés par :

CAMUS Jean-Claude,

LARUE Z...,

LA SARL “CAMUS-COULLIER”,

LA SARL “REGISPECTACLES”,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 20ème chambre, en date du 16 novembre 1990, qui a condamné Jean-Claude X..., à 5 000 francs d’amende pour marchandage, Daniel B..., à 2 mois d’emprisonnement avec sursis et 5 000 francs d’amende pour délits de blessures involontaires et infractions à la d réglementation protectrice de la sécurité des travailleurs, qui a ordonné l’affichage ainsi que la publication de la décision, et qui a prononcé sur l’action civile et déclaré les sociétés “Camus-Coullier” et “Régispectacles” civilement responsables ; Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 320 du Code pénal, L. 263-2 à 263-6, R. 231-56, L. 124-1 et suivants, L. 152-2 du Code du travail, 485 et 593 du Code de procédure pénale, violation de la loi, contradiction de motifs, défaut de base légale ; “en ce que Camus a été condamné du chef du délit de marchandage et B... de celui de non-respect de la réglementation relative à l’hygiène et à la sécurité ; “aux motifs que “le fait de ne pas avoir donné à MM. A..., Y... et Sabatino une formation à la sécurité relative à l’exécution de leur travail, à partir des risques auxquels ils étaient exposés, de ne pas leur avoir indiqué les comportements et gestes les plus sûrs, de ne pas leur avoir expliqué les modes opératoires ayant une incidence sur leur sécurité, de ne pas leur avoir montré le fonctionnement des dispositifs de protection et de ne pas leur avoir expliqué les motifs de leur emploi, constituent une infraction à l’article R. 231-36 du Code du travail ; “”de toute évidence, les trois salariés ont reçu directement leurs instructions de Daniel B... dont le rôle, en tant que régisseur, consistait à coordonner le travail des sociétés intervenantes ;

””en dépit des affirmations de B... et de Camus, ni la définition du travail, ni son exécution n’était assurées par la société CIS. Aucun chef d’équipe n’encadrait les salariés envoyés à Garonor ; “”Daniel B... ne peut donc valablement contester que c’est lui qui avait la direction des travaux, au moment de l’accident, comme de ceux qui avaient été effectués, à Garonor, quelques jours avant les faits. Il est évident aussi que le travail des trois d salariés bénéficiait à l’entreprise Camus Coullier, organisatrice du spectacle Sheila ; “”de ces constatations, force est de déduire que les travailleurs en cause se trouvaient bien dans un état de dépendance économique et de subordination juridique caractérisant l’existence d’un contrat de travail entre la société Camus Coullier et les travailleurs dont elle a utilisé les services ; “”Daniel B... était donc bien soumis à la réglementation définie par le décret du 8 janvier 1965, d’ordre public, et ainsi que l’a souligné le premier juge, il n’a donné aucune consigne de sécurité aux trois ouvriers avant l’utilisation de l’échaufaudage à roues de la société dont il est également le directeur technique (Régispectacles)” ; “que “en ce qui concerne le coprévenu Jean-Claude X..., au vu des observations qui précèdent, il ne peut être pertinemment soutenu que la société Camus-Coullier, par l’intermédiaire de son régisseur Daniel B... a commandé une prestation à la société CIS et que le personnel s’est trouvé placé sous l’autorité de Chadeau (agent de sécurité à la CIS) même si par la suite la CIS a effectué les déclarations d’accident du travail dans un souci de régularité ; “”il n’est pas contesté, par ailleurs, que la société CIS n’est pas une entreprise de travail temporaire, or, le recrutement des trois salariés, le 12 février 1985, est bien intervenu comme un recrutement de personnel intérimaire alors que ces trois ouvriers ne pouvaient bénéficier du statut de travailleur temporaire” ; “alors, d’une part, que la sous-traitance est un mécanisme légal par lequel une entreprise confie l’exécution de travaux à une autre entreprise ; que les juges du fond doivent apprécier les circonstances de fait et déterminer la nature exacte des conventions entre les parties ; qu’en l’espèce, la société Camus-Coullier fait valoir que la société CIS lui facturait une prestation déterminée et non pas le nombre d’heures accomplies ce qui caractérisait la sous-traitance et non le prêt de main-d’oeuvre ; que, dès lors, en affirmant qu’était sans pertinence le fait que la société Camus-Coullier avait commandé une prestation à la société CIS, la cour d’appel a violé les articles L. 125-3 et L. 125-1 du Code du travail ; d “alors, d’autre part, que la cour d’appel ne pouvait sans entacher sa décision d’une contradiction de motifs, considérer que la société

Camus-Coullier avait commis, en tant qu’entreprise utilisatrice, le délit de marchandage, ce qui excluait nécessairement sa qualité d’employeur à l’égard des salariés concernés et affirmer que les travailleurs en cause “se trouvaient bien dans un état de dépendance économique et de subordination juridique caractérisant l’existence d’un contrat de travail entre la société Camus-Coullier et les travailleurs dont elle a utilisé les services” ; “alors, enfin, qu’il appartenait à la société CIS, employeur des salariés concernés, d’assurer l’encadrement de ceux-ci, que la cour d’appel qui n’a pas recherché comme elle y était invitée, si la société CIS n’était pas responsable de l’accident du travail intervenu pour n’avoir pas dépêché sur le lieu d’exécution du montage le personnel d’encadrement chargé d’assurer la sécurité de ses salariés, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 263-2 à L. 263-6 et R. 231-56 du Code du travail” ; Attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué du jugement et des pièces de procédure que Claude Guérin et Dominique Y... ont été victimes d’un accident du travail le 12 février 1985 dans un local de Garonor aménagé pour les répétitions d’un spectacle ; qu’ils ont fait une chute d’environ six mètres de hauteur, alors qu’ils se trouvaient sur un échafaudage roulant démuni de dispositifs de nature à empêcher son renversement, et ont été blessés ; Attendu qu’il est apparu que Daniel B..., qui exerçait à la fois les fonctions de régisseur au sein de la société “Camus-Coullier”, chargée de l’organisation du spectacle, et de directeur technique de la “SARL Régispectacles”, spécialisée dans la fourniture de matériel de scène avait, alors que l’équipe habituelle de manutentionnaires mise à la disposition de la SARL “Camus-Coullier” par la “Compagnie internationale de sécurité” (CIS) était indisponible, demandé à un employé de cette société de lui procurer du personnel afin d’effectuer un travail supplémentaire urgent ; Que, dans ces conditions, trois ouvriers, dont Claude Guérin et Dominique Y... ont été envoyés auprès de Daniel B... et ont travaillé sous ses ordres ; Attendu que, pour dire Daniel B... coupable d des délits de blessures involontaires ainsi que d’infractions à la réglementation protectrice de la sécurité des travailleurs, les juges d’appel confirmant le jugement entrepris sur la culpabilité, relèvent que le prévenu, qui avait été investi par la SARL “Camus-Coullier” d’une délégation de pouvoirs non contestée, doit être tenu pour responsable des infractions reprochées, dès lors que, pour le compte de cette société, il a eu recours aux services de Claude A... et de Dominique Y..., qui venaient d’être spécialement embauchés à sa demande, et qu’il a donné à ceux-ci des instructions pour l’exécution de leur tâche, sans leur dispenser de formation en matière de sécurité ni leur fournir un matériel conforme aux prescriptions réglementaires ; que les juges ajoutent qu’il y a lieu de considérer que

Claude Guérin et Dominique Y... étaient, au moment des faits, sous la dépendance économique et la subordination juridique de la SARL “Camus-Coullier” ; Attendu, par ailleurs, que, pour retenir à la charge de Jean-Claude X..., dirigeant de la société “Camus-Coullier”, le délit de marchandage prévu par l’article L. 125-3 du Code du travail, les juges du fond énoncent qu’il est établi que la société “CIS”, qui n’est pas une entreprise de travail temporaire, mettait irrégulièrement du personnel à la disposition de la société “Camus-Coullier” pour la réalisation de travaux ponctuels ; que les juges ajoutent que le recrutement des trois salariés en cause n’est pas intervenu dans le cadre des dispositions légales relatives au travail intérimaire, et que ces salariés n’ont pas travaillé sous l’autorité de l’employé de la société “CIS” qui avait fourni cette main-d’oeuvre, celui-ci n’étant d’ailleurs nullement habilité pour embaucher du personnel ; Attendu qu’en l’état de ces motifs qui font apparaître que la société “Camus-Coullier” s’est comportée, en l’absence de tout contrat de sous-traitance, comme l’employeur de fait des salariés concernés par l’accident, la cour d’appel qui a répondu, pour les écarter, aux chefs péremptoires des conclusions de la défense, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; Qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir retenu le délit de marchandage contre le dirigeant de la société “Camus-Coullier”, et dans le même temps, à la charge du préposé de cette société délégataire de pouvoirs, les délits de blessures involontaires et les d infractions à la réglementation protectrice de la sécurité des travailleurs ; Qu’en conséquence, le moyen doit être écarté ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; REJETTE les pourvois ; Condamne les demandeurs aux dépens ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents :

M. Zambeaux conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Guirimand conseiller rapporteur, MM. Dardel, Dumont, Milleville, Alphand, Guerder, Fabre conseillers de la chambre, M. Libouban avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 16 novembre 1990

Titrages et résumés : HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES - Faute - Inobservation des règlements - Réglementation sur la sécurité des travailleurs - Employeur de fait des victimes - Conditions - Constatations suffisantes.

Textes appliqués :
• Code du travail L263-2 à L263-6, R231-56, L124-1 et suiv., L152-2
• Code pénal 320