Requalification en employeur de fait

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 5 avril 2001

N° de pourvoi : 99-18673

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. GELINEAU-LARRIVET, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par l’association X...,

en cassation d’un arrêt rendu le 26 février 1999 par la cour d’appel de Paris (18e Chambre civile, Section B), au profit :

1 / de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) de Seine-Saint-Denis, dont le siège est 3 rue Franklin, 93518 Montreuil Cedex,

2 / du directeur régional des affaires sanitaires et sociales (DRASS) d’Ile-de-France,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, en l’audience publique du 15 février 2001, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Ollier, conseiller rapporteur, MM. Gougé, Thavaud, Mme Ramoff, M. Dupuis, Mme Duvernier, M. Duffau, conseillers, M. Petit, Mme Guilguet-Pauthe, conseillers référendaires, Mme Barrairon, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Ollier, conseiller, les observations de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de l’association X..., de la SCP Gatineau, avocat de l’URSSAF de Seine-Saint-Denis, les conclusions de Mme Barrairon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu que la SARL X..., constituée en 1990, avait pour objet de placer des aides à domicile auprès de personnes âgées ou handicapées ; que sa gérante a été condamnée le 4 mars 1993 pour travail clandestin et prêt de main-d’oeuvre à but lucratif, faits commis de novembre 1990 à mars 1991 ; que la société a été dissoute le 31 mai 1991 pour laisser place à l’association X..., dont l’objet était identique ; que l’agrément qu’elle avait sollicité en mars 1992, conformément à l’article L. 129-1, 1 du Code du travail, lui a été refusé en avril 1993, puis accordé en octobre 1993 après modification de ses statuts ; qu’à la suite d’un contrôle portant sur la période du 1er juin 1991 au 30 septembre 1993, l’URSSAF, considérant que l’association n’avait pas cessé d’être l’employeur des auxiliaires de vie, a réintégré leurs salaires dans l’assiette des cotisations sociales dues par l’association, à qui elle a notifié un redressement ; que l’arrêt attaqué (Paris, 26 février 1999) a rejeté le recours de l’association ;

Attendu que celle-ci fait grief à la cour d’appel d’avoir statué ainsi, alors, selon le moyen :

1 / qu’entrent dans le calcul des cotisations de sécurité sociale les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail accompli dans un lien de subordination ; qu’en se fondant sur l’absence de conventionnement de l’association X... avec un organisme de sécurité sociale ou un département, pour la période du 1er juin au 31 décembre 1991, prévu par une lettre ministérielle du 26 août 1987 dépourvue de force obligatoire, pour en déduire que cette association avait la qualité d’employeur des auxiliaires de vie qu’elle se chargeait de recruter pour des personnes âgées ou handicapées, sans rechercher s’il existait un lien de subordination entre l’association et les auxiliaires de vie, la cour

d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 121-1 du Code du travail, ensemble de l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale ;

2 / que l’absence d’obtention de l’agrément prévu par l’article L. 129-1 du Code du travail pour la période du 1er janvier 1992 au 30 septembre 1993 n’impliquait pas que l’association X... avait la qualité d’employeur des auxiliaires de vie, en l’absence d’un lien de subordination avec celles-ci ; qu’en se fondant sur l’absence d’agrément de l’association X... pour en déduire qu’elle avait la qualité d’employeur des auxiliaires de vie, la cour d’appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des textes précités ;

3 / que l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s’attache exclusivement aux motifs qui sont le soutien nécessaire des points litigieux effectivement tranchés par le juge pénal ; que la cour d’appel, qui s’est fondée sur les motifs du jugement définitif du tribunal correctionnel du 4 mars 1993 ayant condamné la gérante de la société X... pour des faits de travail clandestin et de prêt de main-d’oeuvre antérieurs au 1er juin 1991 pour dire l’association X... le véritable employeur des auxiliaires de vie pour la période, postérieure à celle objet de la décision pénale, du 1er juin 1991 au 30 septembre 1993, la cour d’appel a violé le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ;

4 / qu’en statuant par voie de référence à une décision dépourvue d’autorité de chose jugée au regard du litige qu’elle avait à trancher, sans se déterminer d’après les conditions particulières de ce litige, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

5 / que l’article L. 129-1 du Code du travail autorise les associations sans but lucratif ayant pour objet les services rendus aux personnes physiques à leur domicile, opérant le placement de travailleurs auprès de ces personnes et l’accomplissement pour ces dernières des formalités administratives liées à l’emploi de ces travailleurs, à demander aux employeurs une contribution représentative de leurs frais de gestion ; que la cour d’appel, qui s’est fondée sur le fait que les particuliers pour lesquels l’association X... recrutait des auxiliaires de vie et se chargeait de l’accomplissement des formalités administratives liées à leur emploi versaient une contribution représentative des frais de gestion de 320 francs par mois pour en déduire le caractère lucratif de cette opération, sans rechercher si cette contribution n’entrait pas dans les prévisions de l’article L. 129-1 du Code du travail, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 121-1, L. 129-1 du Code du travail, et L.242-1 du Code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que l’arrêt retient que l’association X..., après l’entrée en vigueur de l’article L. 129-1 du Code du travail, qui déroge en faveur des associations agréées à l’interdiction du prêt de main-d’oeuvre édictée par les articles L. 125-1 et L. 125-3 du même Code, n’ a demandé l’agrément exigé par ce texte qu’au préfet du département où elle était établie, et non à celui de chacun des départements dans lesquels elle exerçait son activité, et que cet agrément lui a été refusé jusqu’à mise en conformité de ses statuts ;

que la cour d’appel en a exactement déduit que, depuis le début de son activité, l’association avait conservé la qualité d’employeur des auxiliaires de vie placés auprès des personnes âgées ou handicapées ; que par ce seul motif elle a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l’association X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne l’association X... à payer à l’URSSAF de Seine-Saint-Denis la somme de 15 000 francs ou 2286,74 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille un.

1597

Décision attaquée : cour d’appel de Paris (18e Chambre civile, Section B) du 26 février 1999

Titrages et résumés : SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Travail clandestin - Interdiction de prêt de main d’oeuvre - Dérogation par arrêté préfectoral.

Textes appliqués :
* Code de la sécurité sociale L242-1
* Code du travail L125-1, L125-3 et L129-1