Dissimulation d’emploi salarié oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 22 janvier 2002

N° de pourvoi : 01-83461

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux janvier deux mille deux, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

 C... Claude,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 15 mars 2001, qui, pour travail dissimulé, l’a condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et à 20 000 francs d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1779 et 1787 du Code Civil, L.120-3, L. 324-9, L. 324-10, L. 324-14 et R. 324-4 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Claude D... poursuivi pour avoir recours aux services d’un entrepreneur exerçant un travail dissimulé, coupable de travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés ;

”aux motifs que Claude D..., gérant de la société Duo Entreprise, a signé avec l’entreprise individuelle d’Ali Y..., inscrite au répertoire des métiers le 31 juillet 1997, un contrat de sous-traitance suivi de trois avenants en date des 11 août 1997, 6 novembre 1997 et 5 janvier 1998 pour des travaux de gros oeuvre d’un montant total de 1 417 294,16 francs concernant la construction de 80 maisons individuelles ; qu’Ali Y... n’a pas contesté avoir embauché depuis l’ouverture du chantier en août 1997, et à des dates diverses, des étrangers dont il n’ignorait pas la situation irrégulière et omis de déclarer la totalité de ces salariés auprès des organismes sociaux ; qu’Ali Y... qui, comme l’a reconnu Claude D... n’assistait pas aux réunions de chantier, se trouvait, ainsi que cela résulte de ses déclaration et de celles de René A..., sous la subordination de ce dernier, conducteur de travaux de la société Duo Entreprise, dans l’exécution des travaux ;

que son activité se bornait, en dépit du contrat de sous-traitance, rédigé en termes très généraux, et de ses annexes, à la fourniture de main-d’oeuvre, de sable et de ciment, le reste du matériel étant en réalité, aux termes des explications de René A..., fourni par la société Duo Entreprise ; qu’il convient de souligner qu’Ali Y..., inscrit à la Chambre des Métiers des Bouches du Rhône le 24 avril 1997, quasiment illettré selon René A... et dont l’établissement était à la date du 30 juin 1997 ainsi identifié au répertoire national des entreprises “travaux de maçonnerie générale

 effectifs : 1 ou 2 salariés” avait signé le 31 juillet 1997, soit trois mois à peine après cette immatriculation, le contrat de sous-traitance susvisé ; que compte-tenu des capacités de l’entreprise d’Ali Y..., jeune entrepreneur employant au maximum 2 ouvriers, le contrat de sous-traitance était, au regard de l’importance du marché, manifestement irréalisable, ce qui ne pouvait échapper à Claude D..., directeur de société ; qu’il s’en déduit nécessairement qu’il s’agissait d’une fausse sous-traitance seulement destinée à contourner la réglementation ; qu’ainsi Zafer B..., Ahmet Z... et X... Ercan se trouvaient à l’égard de Claude D... dans un état de dépendance économique et de subordination juridique, critère de fait d’un contrat de travail, que ce dernier était ainsi l’employeur des ouvriers susvisés non déclarés auprès de l’URSSAF des Bouches du Rhône et non inscrits sur le registre unique du personnel ; qu’il ne saurait prétendre avoir ignoré cette situation alors qu’en sa qualité d’employeur, il était personnellement soumis à l’accomplissement des formalités prévues aux articles L. 143-33 et L. 320 du Code du travail ; qu’il a ainsi commis le délit de travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés, délit sur lequel le président l’a invité à s’expliquer et dont il doit être déclaré coupable ;

”alors que, d’une part, la Cour, qui pour écarter l’existence d’un contrat de sous-traitance conclu par la société Duo Entreprise, dont Claude D... est le gérant, avec l’entrepreneur Ali Y..., s’est borné à affirmer qu’Ali Y..., qui ne fournissait que la main d’oeuvre, le sable et le ciment à l’exclusion du reste du matériel, se serait trouvé dans l’exécution du chantier sous la subordination du conducteur de travaux de la société Duo Entreprise et ne disposait pas d’une structure suffisante pour mener un chantier d’une telle taille, sans aucunement répondre aux arguments péremptoires des conclusions de Claude D... rappelant les clauses du contrat laissant une entière autonomie à Ali Y... dans la réalisation de sa mission, le rôle du conducteur de travaux de Duo Entreprise consistant uniquement à assurer la coordination entre les différents sous-traitants, le fait qu’Ali Y..., régulièrement inscrit au registre des métiers, avait signé l’attestation requise par l’article R. 324-4 du Code du travail, qu’il était convenu d’une rémunération forfaitaire et qu’enfin ce sous-traitant avait été dûment agréé par le maître d’ouvrage n’a pas caractérisé l’existence entre Duo Entreprise et Ali Y... d’un lien juridique de subordination exclusif d’un contrat de sous-traitance et qui ne saurait résulter des seules circonstances que l’organisation du chantier où travaillaient simultanément plusieurs entreprises était dirigée par un représentant du maître d’oeuvre pas plus que de la taille du marché accepté par le sous-traitant eu égard à sa structure et par conséquent n’a pas légalement justifié sa décision considérant que Claude D... pouvait être considéré comme étant l’employeur des ouvriers engagés par Ali Y... et ainsi pénalement responsable du non accomplissement des formalités prévues aux articles L. 143-33 et L. 320 du Code du travail ;

”alors que, d’autre part, la peine prononcée à l’encontre de Claude D... ne saurait être considérée comme légalement justifiée au regard de la prévention qui lui était initialement reprochée, à savoir un prétendu recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé dans la mesure où l’élément intentionnel que requiert cette incrimination ne se trouve pas caractérisé en l’état des énonciations de l’arrêt, lequel au demeurant ne répond pas à l’argumentation péremptoire de l’intéressé faisant valoir qu’il avait procédé à toutes les vérifications exigées tant par les articles L. 143-33 et L. 320 et R. 324-4 du Code du travail quant à la situation de son sous-traitant au regard de la législation sociale” ;

Attendu que, pour déclarer Claude D..., dirigeant de la société Duo Entreprise, coupable de travail dissimulé sur le fondement de l’article L. 324-10, alinéa 2, du Code du travail, la cour d’appel retient, par les motifs repris au moyen, qu’il a employé plusieurs salariés, sans effectuer de déclarations préalables à l’embauche ; que les juges précisent que ces salariés, recrutés par un artisan dépourvu de toute réelle autonomie, avec lequel le prévenu avait conclu un contrat de sous-traitance fictif, se trouvaient en réalité placés sous l’autorité de ce dernier, dans un état de dépendance économique et de subordination juridique caractérisant l’existence d’un contrat de travail ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, par des motifs exempts d’insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions qui lui étaient soumises, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en sa seconde branche en ce qu’il discute les éléments constitutifs du délit de recours aux services d’une personne exerçant une activité dissimulée, infraction dont le prévenu n’a pas été déclaré coupable, doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Desportes conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE 7ème chambre , du 15 mars 2001

Titrages et résumés : TRAVAIL - Travail clandestin par dissimulation de salariés - Déclarations préalables à l’embauche - Omission - Contrat de sous-traitance fictif. null

Textes appliqués :
• Code du travail L324-10 alinéa 2