Activité exclusive non

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 19 janvier 1988

N° de pourvoi : 86-91707

Non publié au bulletin

Rejet

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le dix-neuf janvier mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUIRIMAND, les observations de Me COSSA et de Me RYZIGER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général GALAND ; Statuant sur les pourvois formés par :

"-" Y... Louis,

"-" B... Bernard,

"-" Z... Bernadette, épouse B...,

"-" LA SOCIETE SOGEMA,

"-" LA SOCIETE LES CIMENTS FRANCAIS,

contre un arrêt de la cour d’appel de NIMES, chambre correctionnelle, en date du 3 janvier 1986, qui a condamné, le premier, des chefs d’infractions au Code du travail et complicité et d’homicide involontaire à 3 mois d’emprisonnement avec sursis et 5 000 francs d’amende, le deuxième et la troisième des chefs d’homicide involontaire, d’infractions au Code du travail et complicité, respectivement à six mois d’emprisonnement avec sursis, 8 000 et 5 000 francs d’amende, et tous deux à une interdiction d’exercer l’activité d’entrepreneur de travail temporaire pendant trois ans, qui a mis X... Henri hors de cause, déclaré les sociétés MAINTER, SOGEMA et les CIMENTS FRANCAIS civilement responsables, et qui a prononcé sur l’action civile ; Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les mémoires produits ; Sur le pourvoi de la société Sogema :

Attendu qu’aucun moyen n’est produit à l’appui du pourvoi ; Sur les pourvois de Y... Louis, B... Bernard et Z... Bernadette épouse B..., de la société des Ciments Français :

Sur les faits :

Attendu qu’il appert du jugement ainsi que de l’arrêt attaqué et des procès-verbaux de l’inspection du travail que le 11 septembre 1979, Paul C..., employé de l’entreprise de travail temporaire Mainter qui avait été mis à la disposition de la société Sogema par un contrat de prestation de services pour une mission de nettoyage dans les locaux de l’usine des Ciments Français à Beaucaire, et qui avait été chargé de nettoyer le sol de la galerie aérienne d’un transporteur à bande servant à l’acheminement des pierres d’un concasseur aux ateliers de fabrication de ladite usine, a été découvert décédé, le bras droit et la tête engagés entre le rouleau de soutien inférieur et le tapis de ce transporteur ;

Qu’à la suite de ces faits, B... Bernard et Z... Bernadette épouse B..., dirigeants des SARL Sogema et Mainter, ainsi que Y..., directeur de la cimenterie de Beaucaire, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel sur le fondement, notamment, des articles L. 233-1, R. 233-3, R. 233-11, L. 124-1, L. 125-1, L. 125-3 du Code du travail, des dispositions du décret 77-1321 du 29 novembre 1977, et des articles 59, 60 et 319 du Code pénal, tandis que les sociétés Sogema, Mainter et Ciments Français ont été citées en qualité de civilement responsables ; Au fond :

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Y... et la société des Ciments Français et pris de la violation des articles 60 et 319 du Code pénal, 4, 5, 6, 10 et 20 du décret du 29 novembre 1977, L. 233-1 du Code du travail, 1382 du Code civil, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, et manque de base légale ; “en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Y..., directeur des cimenteries, coupable de complicité de violation des dispositions de l’article 10 du décret du 29 novembre 1977, coupable de violation des dispositions des articles 4, 5, 6 et 20 dudit décret et de l’article L. 233-1 du Code du travail, et coupable d’homicide involontaire sur la personne de M. C..., ouvrier d’une entreprise extérieure assurant le nettoyage de la cimenterie, l’a condamné à 3 mois d’emprisonnement avec sursis et 5 000 francs d’amende, a dit recevable la constitution civile de la veuve de la victime, et a déclaré la société des Ciments Français civilement responsable de Y... ; “aux motifs que M. C... travaillait dans un lieu isolé ; que c’est M. A... chef du secteur concassage de la société des Ciments Français qui l’avait placé à son poste de travail ; que Y... qui avait la responsabilité de l’organisation s’est bien rendu complice de la violation de l’article 10 du décret du 29 novembre 1977 ; “qu’il n’a pas respecté non plus les dispositions contraignantes des articles 4, 5, 6 et 20 de ce décret ; qu’il devait y avoir concertation entre l’entreprise intervenante et l’entreprise utilisatrice ; qu’il existait une convention en date du 7 mars 1979 trop générale pour répondre aux exigences légales ; que vainement Y... invoque la communication à son cocontractant du règlement de sécurité intérieure des Ciments Français alors que celui-ci prévoit justement en son article 11-1 l’interdiction d’exécuter un travail près d’une machine en mouvement ou pouvant se mettre en mouvement sans une instruction écrite du service de l’usine qui donne les consignes ;

”que, au regard des dispositions de l’article L. 233-1 du Code du travail, il ne s’agit pas de rechercher si le transporteur fonctionnait dans les meilleurs conditions de sécurité, mais si ces conditions de sécurité étaient suffisantes lorsque une opération de nettoyage était en cours à proximité ; qu’éclate alors la faute majeure qui a consisté à laisser s’exécuter ce nettoyage sans qu’aucune autre mesure de sécurité n’ait été prise, en laissant se dérouler la bande transporteuse et ce sans concertation entre celui qui mettait l’appareil en mouvement et celui qui supervisait l’opération de nettoyage ; qu’il importe peu en définitive que les services officiels de surveillance n’aient jamais fait de remarque sur le fonctionnement de l’installation ; “que l’ensemble de ces infractions a contribué à l’accident et que le prévenu s’est bien rendu coupable d’homicide par imprudence ; “alors d’une part qu’il résulte des dispositions de l’article 10 du décret du 29 novembre 1977 que c’est au chef de l’entreprise intervenante qu’il appartient de prendre les dispositions nécessaires pour qu’aucun salarié ne travaille isolément ; que l’arrêt attaqué qui ne relève à la charge de Y... aucune faute personnelle au regard de ce texte ni aucun fait d’aide ou d’assistance de l’employeur de M. C..., et qui notamment ne relève pas que M. A... aurait agi sur l’ordre de Y..., ne pouvait légalement déclarer ce dernier coupable de complicité de violation aux dispositions de l’article 10 du décret du 29 novembre 1977 ni coupable, de ce chef, d’homicide involontaire ; “alors d’autre part que, en se bornant à affirmer que la convention du 7 mars 1979 était trop générale pour satisfaire aux exigences légales sans préciser sur quels points elle aurait été insuffisante, l’arrêt attaqué n’a pas caractérisé à l’encontre de Y... une insuffisance de la concertation dont il constate par ailleurs qu’elle avait comporté la communication par l’entreprise utilisatrice à l’entreprise intervenante du règlement de sécurité intérieur et des consignes annexées, ni par conséquent une violation des dispositions du décret du 29 novembre 1977, ni de ce chef le délit d’homicide involontaire ; “alors au surplus que, dès lors que le règlement de sécurité intérieur qui prévoit une interdiction de travailler près d’une machine en mouvement ou pouvant se mettre en mouvement sans une instruction écrite du service de l’usine qui donne les consignes a été communiqué par l’entreprise utilisatrice à l’entreprise intervenante, la transgression de cette interdiction par l’entreprise intervenante ne peut engager que la responsabilité pénale de son dirigeant ;

”alors enfin que, l’arrêt attaqué, qui s’est refusé à rechercher si le transporteur fonctionnait généralement dans des conditions de sécurité, non sans relever au demeurant que les services officiels de surveillance n’avaient jamais fait de remarque sur le fonctionnement de l’installation, n’a pas davantage caractérisé une violation de l’article L. 233-1 du Code du travail, ni de ce chef le délit d’homicide involontaire, en affirmant qu’il y aurait eu une “faute majeure” au regard de ce texte, consistant “à laisser s’exécuter ce nettoyage sans qu’aucune autre mesure de sécurité n’ait été prise”, cette affirmation étant manifestement en contradiction avec le précédent motif de l’arrêt qui relève que le règlement de sécurité intérieur posait en son article 11-1 le principe d’une interdiction d’exécuter “sans instruction écrite” un travail à proximité d’une machine pouvant se mettre en mouvement” ; Attendu que Y... a été poursuivi pour avoir fait exécuter, dans les locaux de son usine, des travaux de nettoyage par la société Sogema, alors que la somme des durées de travail des divers salariés de cette entreprise intervenante devait excéder quatre cents heures pour une période au moins égale à un an, sans que les opérations prévues aux articles 4, 5 et 6 du décret 77-1321 du 29 novembre 1977, texte qui fixe les prescriptions particulières d’hygiène et de sécurité applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure, aient fait l’objet d’un procès-verbal détaillé, signé des deux parties, définissant les mesures prises ou à prendre par chacunes d’elles et constatant leur accord, en méconnaissance de l’article 20 dudit décret ; que Y... a encore été poursuivi pour s’être rendu complice du délit d’emploi d’un salarié dans un lieu isolé, délit prévu par l’article 10 du même décret et imputé à Bernard B... ; qu’il a été enfin reproché au prévenu d’avoir omis d’aménager son établissement de manière à garantir la sécurité des travailleurs, d’avoir omis de tenir ses machines, appareils de transmission, outils et engins dans les meilleures conditions possibles de sécurité, en infraction aux dispositions des articles L. 233-1, R. 233-3 et R. 233-11 du Code du travail, et d’avoir par imprudence, négligence ou inobservation des réglements, involontairement causé la mort de C... ; Attendu que pour dire ces chefs de prévention établis et déclarer la société des Ciments Français civilement responsable, la cour d’appel, adoptant les motifs non contraires du jugement entrepris, énonce que Y..., directeur de l’usine de Beaucaire et responsable de l’organisation de cette entreprise, s’est rendu coupable de complicité de l’infraction définie par l’article 10 du décret du 29 novembre 1977, dès lors que A..., chef du secteur “concassage” des Ciments Français, a seul décidé de l’attribution à C... de son poste de travail le jour de l’accident ;

Attendu que la cour d’appel ajoute que Y... n’a pas respecté les dispositions des articles 4, 5, 6 et 20 du décret du 29 novembre 1977, aucune concertation suffisante n’étant intervenue entre les entreprises utilisatrice et intervenante quant aux mesures de sécurité à prendre en application de ces textes ; que ladite Cour observe à cet égard que si une convention a été signée entre la société des Ciments Français à Beaucaire et la SARL Sogema le 7 mars 1979, cet accord qui traitait de travaux désignés sous l’appellation de “divers nettoyages”, était trop général pour satisfaire aux exigences réglementaires ; que les juges relèvent à ce propos que selon l’inspection du travail, le procès-verbal en cause ne contenait aucune indication précise quant à la nature des travaux devant être effectués par l’entreprise intervenante, aux zones d’intervention et au repérage des risques existant dans chacune de ces zones, aux mesures effectivement arrêtées par chaque entreprise, ou à la date de visite des lieux ; qu’ils exposent que Y... ne saurait valablement, au regard du décret susvisé, invoquer pour sa défense la seule communication à la Sogema du règlement intérieur des Ciments Français et des consignes contenues dans ce document ; Attendu que la cour d’appel énonce en outre que la responsabilité pénale de Y... est aussi engagée pour avoir, le 11 septembre 1979, laissé s’exécuter des travaux de nettoyage sur un transporteur à bande dépourvu de protection dans sa partie haute et resté en marche pendant cette opération ; qu’elle indique enfin que les fautes relevées à la charge du prévenu ont contribué à l’accident ; Attendu que s’il est vrai, comme l’indique le moyen, que les énonciations de l’arrêt attaqué ne pouvaient caractériser les éléments constitutifs du chef de complicité du délit prévu par l’article 10 du décret du 29 novembre 1977, dès lors qu’il n’était nullement établi à l’encontre de Y... un quelconque fait d’aide ou d’assistance de nature à constituer cette infraction, il n’en demeure pas moins qu’en l’état des autres motifs ci-dessus énoncés de l’arrêt qui servent de fondement à la condamnation du prévenu des chefs d’infractions aux articles 20 du décret du 29 novembre 1977, L. 233-1 et R. 233-11 du Code du travail, les peines prononcées se trouvent justifiées, par application de l’article 598 du Code de procédure pénale ; que les juges, qui ont souverainement apprécié les faits et circonstances de la cause ainsi que la valeur des preuves contradictoirement débattues, ont à juste titre retenu les derniers délits ci-susvisés sans encourir les griefs allégués au moyen, qui doit donc être écarté ; Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Bernard B... et pris de la violation des articles 319 du Code pénal, de l’article 263-2 du Code du travail, 485, 593 du Code de procédure pénale,

”en ce que la décision attaquée a refusé d’admettre que M. B... avait délégué ses pouvoirs à Astier directeur de Sogema pour la direction de Marseille, dont dépendait l’usine des Ciments de Beaucaire ; “aux motifs que l’existence d’une telle délégation qui dégage le chef d’entreprise et sa responsabilité pénale est une question de fait ; qu’elle n’est soumise à aucune preuve particulière, mais que pour être exonératoire, la délégation doit être certaine et exempte d’ambiguïté ; qu’une telle situation ne peut pas être analysée à l’encontre de Astier en faveur de B..., qui établit seulement qu’il disposait à Marseille d’un directeur très compétent techniquement sans qu’aucune conséquence puisse être déduite sur le plan de la responsabilité pénale ; “alors que s’il appartient au chef d’entreprise de veiller personnellement à la constante exécution des prescriptions édictées par la législation pour la sécurité des travailleurs, il en est autrement lorsqu’il est établi que le chef d’entreprise a délégué ses pouvoirs à un préposé pourvu de la compétence et investi de l’autorité nécessaire ; que si les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour apprécier les éléments invoqués pour établir la délégation, encore faut-il qu’ils motivent leur décision en analysant tant les fonctions conférées à celui auquel le chef d’entreprise allègue avoir délégué ses pouvoirs, que l’autorité confiée à celui-ci sur l’exécution du travail, justifiait avoir examiné sa compétence ; qu’en l’espèce actuelle, la cour d’appel qui reconnaît qu’Astier était directeur à Marseille, et qu’il était techniquement très compétent, n’a pu refuser de considérer qu’il bénéficiait d’une délégation, sans se livrer à aucune analyse des fonctions qui lui étaient conférées et de l’autorité dont il disposait ; qu’en se contentant d’affirmer que B... disposait à Marseille d’un directeur très compétent techniquement sans qu’aucune conséquence puisse être déduite sur le plan de la responsabilité pénale, les juges du fond ont entaché leur décision d’un défaut de motif” ; Attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué que pour rejeter l’argumentation de Bernard B... qui, pour s’exonérer de toute responsabilité, invoquait à son profit la prétendue délégation de pouvoirs qu’il aurait consentie à Astier, directeur de la SARL Sogema pour la région de Marseille, la cour d’appel, après avoir relevé qu’une telle délégation, si elle n’est soumise à aucune forme particulière, doit être certaine et dépourvue d’ambiguïté, constate qu’en l’espèce B..., qui établit seulement qu’il disposait à Marseille d’un directeur très compétent techniquement, ne rapporte pas la preuve de l’existence de ladite délégation ;

Attendu qu’en l’état de ces constatations, desquelles les juges ont déduit, par une appréciation souveraine des faits et de la valeur des preuves contradictoirement débattues qu’il n’avait pas été démontré que la direction de la société en cause, en matière d’hygiène et de sécurité, eût été réellement déléguée à un préposé investi par l’employeur et pourvu de la compétence, de l’autorité ainsi que des moyens nécessaires, les juges du second degré ont justifié leur décision ; Que dès lors, le moyen ne saurait être admis ; Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Bernard B... et pris de la violation des articles 319, 320 du Code pénal, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale, “en ce que la décision attaquée a déclaré B... coupable d’homicide involontaire sur la personne de M. C... ; “aux motifs qu’en sa qualité de gérant de droit de l’entreprise Sogema, il n’a pas respecté, alors que son activité se déroulait dans une entreprise utilisatrice, les prescriptions du décret du 29 novembre 1977, en particulier dans ses articles 4 à 6, la convention passée le 7 mars 1979 et le procès-verbal d’ouverture de chantier de la même date, étant trop anciens et trop généraux, que la référence au règlement d’hygiène et de sécurité des Ciments Français ne pouvait répondre aux exigences légales ; que la victime travaillait dans un lieu isolé ; que vers 8 h 20, c’est-a-dire environ une heure avant l’accident, Mary préposé de l’entreprise Sogema, s’est rendu auprès de C..., a constaté que tout était normal et est reparti ; qu’il s’ensuit que B..., gérant de l’entreprise intervenante, n’avait pas pris ou fait prendre les dispositions nécessaires afin que C... ne travaille pas isolément, et qu’il a, par toutes ces irrégularités, contribué à l’accident et doit être retenu pour le délit d’homicide involontaire ; “alors d’une part que si le chef d’entreprise est responsable des fautes commises dans l’application de la législation sur la sécurité, il ne saurait être déclaré responsable d’un homicide involontaire, en dehors d’une faute commise personnellement par lui, ayant concouru de façon directe et certaine à l’accident ; qu’en l’espèce actuelle, il résulte des constatations des premiers juges adoptées par la cour d’appel (cf. jugement p. 14) que l’équipe de Sogema était passée à l’évidence sous l’autorité de l’industriel utilisateur, et que c’était A..., chef du service du concassage (cf. arrêt p. 9) qui avait placé C... à son poste de travail ; il résulte de ces constatations, que B... n’avait commis aucun acte permettant de lui imputer la responsabilité du fait que C... avait travaillé en un poste isolé ;

”alors d’autre part que le chef d’entreprise ne peut être déclaré responsable que des fautes commises à l’occasion de travaux pour lesquels il a contractés ou qu’il a ordonnés ; que, par ailleurs, tout prévenu bénéficie d’une présomption d’innocence, et que c’est aux parties poursuivantes qu’incombe la charge de la preuve, qu’il résulte des constatations des juges du fond (arrêt p. 10) que les services d’inspection du travail ont constaté l’absence d’indication précise sur la nature des travaux et les zones d’intervention ; qu’il résulte également de l’arrêt (p. 10) que le procès-verbal de chantier établi en mars, ne comportait pas le transporteur parmi les zones d’intervention ; qu’il ne résulte donc pas des constatations de l’arrêt que les travaux au cours desquels l’accident a eu lieu, aient fait l’objet d’un contrat préétabli entre la Sogema et la société des Ciments ; qu’il ne résulte donc pas de l’arrêt que B... ait commis une faute, et concouru de façon directe et certaine à l’accident survenu à C... 10 du même décret, de prendre les dispositions nécessaires pour qu’aucun salarié ne travaille isolément en un point où il ne pourrait être secouru à bref délai en cas d’accident ; Qu’en conséquence, le moyen ne peut être accueilli ; Sur le troisième moyen de cassation proposé par les époux B... et pris de la violation de l’article L. 124-1 du Code du travail, de l’article 152-2 du même Code, des articles 59,60 du Code pénal, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale ; “en ce que la décision attaquée a déclaré B... coupable du délit de marchandage prévu par l’article L. 124-1 du Code du travail et coupable également d’infraction à l’article L. 125-3 du Code du travail ; “aux motifs que B... à l’évidence a commis l’infraction prévue par l’article L. 124-1 du Code du travail parce qu’il ne pouvait exercer la double activité d’entrepreneur de travail temporaire au travers de la société Mainter et d’entrepreneur de nettoyage industriel à la tête de l’entreprise Sogema ; et que B... a aussi contrevenu à l’article L. 125-3 du Code du travail puisque la société Mainter avait mis le personnel à la disposition de la société Sogema pour des motifs autres que ceux prévus par l’article L. 124-2 du Code du travail, et en ce qui concerne la complicité de Mme B..., qu’elle était gérante de droit de l’entreprise de travail temporaire Mainter qui fournissait la main d’oeuvre, qu’avec son mari, elle était pratiquement seule à présider aux destinées des deux entreprises, qu’elle a évidemment su que B... avait une double activité ;

”alors d’une part qu’il résulte des constatations mêmes de l’arrêt que c’est Mme B... qui était dirigeante de droit de l’entreprise Mainter ; que la décision attaquée ne précise nullement d’où résulterait ni que cette société ait été une entreprise fictive, ni que B... ait été personnellement dirigeant de la société Mainter ; qu’ainsi, la décision attaquée qui n’a pas caractérisé les éléments d’où résulterait une infraction commise par B... aux dispositions de l’article L. 124-1 du Code du travail n’a pas non plus caractérisé les éléments dont résulterait la complicité à l’encontre de Mme B... ; “alors d’autre part que l’infraction à l’article L. 125-3 du Code du travail n’est constituée que pour autant qu’on se trouve en présence d’une opération à but lucratif ayant pour objet un prêt de main d’oeuvre, et qu’il ne résulte pas en l’espèce des constatations de fait de l’arrêt que la société Mainter ait prêté de la main d’oeuvre à la société Sogema ou à la société les Ciments Français, que la société Mainter a conclu avec la Sogema des conventions portant sur la fourniture de travailleurs temporaires et cette dernière avec les Ciments Français des opérations de caractère industriel” ; Attendu que Bernard B... a encore été renvoyé devant la juridiction correctionnelle pour avoir, en tant que dirigeant de fait de la SARL Mainter, dont Bernadette B..., son épouse, était la gérante, exercé une activité non exclusive d’entrepreneur de travail temporaire en méconnaissance de l’article L. 124-1 du Code du travail, et pour avoir, en tant que dirigeant de fait de la SARL Mainter et de gérant de la SARL Sogema, commis les délits des articles L. 125-1 et L. 125-3 du Code du travail ; que Bernadette B..., quant à elle, a été pousuivie en sa qualité de gérante de la SARL Mainter et de secrétaire générale de la société Sogema pour complicité, par aide et assistance, des délits susvisés ;

Attendu que pour dire ces chefs de prévention établis, et déclarer les sociétés en cause civilement responsables, la cour d’appel retient que Bernard B... s’est, en premier lieu, rendu coupable de l’infraction prévue par l’article L. 124-1 du Code du travail, puisqu’il ne pouvait exercer la double activité d’entrepreneur de travail temporaire par le truchement de la société Mainter, et d’entrepreneur de nettoyage industriel par l’exercice de fonctions de direction au sein de la Sogema ; que la cour d’appel énonce que B... a également contrevenu aux dispositions de l’article L. 125-3 du Code du travail puisque la SARL Mainter, qui apparaissait aux yeux des tiers comme une sous-traitante de la Sogema, avait mis son personnel à la disposition de cette dernière société, de manière permanente et hors du cadre de la loi sur le travail temporaire ; qu’enfin B... a commis le délit spécifié par l’article L. 125-1 du même Code car la mise à la disposition de personnel intervenue en l’espèce a eu pour effet d’éluder les textes sur le travail temporaire et de causer aux salariés un préjudice, en les privant des avantages légaux et conventionnels pouvant leur bénéficier ; Attendu que les juges d’appel indiquent, après avoir noté que les époux B... s’occupaient pratiquement seuls des deux sociétés, dont les secrétariats et la comptabilité étaient regroupés à leur domicile personnel, que la prévenue savait que Bernard B... exerçait une double activité prohibée et qu’en acceptant d’être la gérante de la SARL Mainter, elle avait en connaissance de cause apporté son concours au fonctionnement de la société et s’était ainsi rendue coupable de complicité des infractions aux articles L. 124-1, L. 125-1 et L. 125-3 du Code du travail retenues ; Attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel n’a pas encouru les griefs allégués par les demandeurs ; que contrairement à ce qui est soutenu au moyen, l’article L. 124-1 du Code du travail exige seulement pour son application l’exercice effectif d’une activité d’entrepreneur de travail temporaire ; que, par ailleurs, l’opération à but lucratif de prêt de main d’oeuvre ayant motivé la condamnation des prévenus concernait en l’espèce la mise à la disposition de la société Sogema du personnel de la société Mainter, dans des conditions irrégulières au regard des prescriptions légales concernant le travail temporaire ; Que dès lors, le moyen n’est pas fondé ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; REJETTE les pourvois

Décision attaquée : Cour d’appel de Nîmes du 3 janvier 1986

Titrages et résumés : TRAVAIL - Hygiène et sécurité des travailleurs - Travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure - Décret n° 77-1321 du 29 novembre 1977 - Domaine d’application - Travail dans un lieu isolé - Homicide involontaire - Responsabilité du chef d’entreprise - Absence de délégation. TRAVAIL - Réglementation - Travail temporaire - Activité non exclusive - Entrepreneur de nettoyage industriel - Cumul.

Textes appliqués :
* (1)
* (2)
* Code du travail L124-1, L125-1, L125-3
* Code du travail L233-1, R233-3, R233-11