Activité exclusive non

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 12 décembre 1989

N° de pourvoi : 89-80494

Non publié au bulletin

Rejet

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le douze décembre mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DUMONT, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LIBOUBAN ; Statuant sur le pourvoi formé par :

HOUSSAIS Ghislain,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS (11ème chambre) du 29 novembre 1988 qui, pour infractions au Code du travail, l’a condamné à 20 000 francs d’amende ; Vu le mémoire produit ; Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 1241 et L. 152-2 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; d

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable d’exercice non exclusif de l’activité d’entrepreneur de travail temporaire ; “aux motifs que le demandeur est en même temps gérant de la Société de travail temporaire ODIB et dirigeant de fait de la Société BET J. Cornud dont l’activité déclarée est celle d’un bureau d’études techniques ; que des salariés d’une société passaient à l’autre avec des qualifications professionnelles différentes ; qu’en raison de la confusion de leurs activités qui présentent entre elles des liens étroits sur les plans financier, administratif et commercial, la société ODIB déclarée comme entreprise de travail temporaire et la société BET J. Cornud déclarée comme bureau d’études technique, forment une unité économique sous le couvert de personnes morales distinctes ; que dès lors, le demandeur, animateur de groupes, s’était rendu coupable d’une infraction à l’article L. 1241 du Code du travail qui interdit à une personne physique ou morale l’exercice non-exclusif de l’activité de travail temporaire ; “alors que si l’article L. 1241 du Code du travail interdit à une personne physique ou morale de ne pas exercer exclusivement l’activité d’entrepreneur de travail temporaire, ce texte n’impose nullement à un dirigeant d’une société qui a pour seule et exclusive activité celle d’entreprise de travail temporaire, de n’avoir pas d’autres activités ; que dès lors, en déclarant le prévenu coupable du délit visé par ce texte uniquement parce qu’il avait à la fois été dirigeant d’une société de travail temporaire et d’une autre société, les juges du fond ont violé le texte sus-visé” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que Houssais a été poursuivi pour avoir contrevenu aux dispositions de l’article L. 1241 du Code du travail selon lesquelles l’activité d’entrepreneur de travail temporaire est, pour la personne physique ou morale qui l’exerce, exclusive de toute autre activité ; Attendu que, pour déclarer la prévention établie, les juges relèvent que Houssais était à la fois le gérant de la société ODIB qui exploite une entreprise de travail temporaire et le dirigeant de fait de la société BET J. Cornud dont l’activité déclarée était celle d’un bureau d’études, que des liens étroits sur les plans financiers, administratif et commercial d unissaient les deux sociétés qui avaient un même comptable salarié et dont le personnel passait de l’une à l’autre ; qu’ils en déduisent que, sous le couvert de personnes morales distinctes, elles formaient une unité économique dont “l’animateur” était le prévenu qui n’exerçait pas exclusivement l’activité d’un entrepreneur de travail temporaire ; Attendu qu’en l’état de ces motifs la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; que s’il est vrai que la disposition pénalement sanctionnée de l’article L. 124-1 précité n’interdit pas nécessairement au représentant légal d’une société exploitant une entreprise de travail temporaire d’avoir d’autres activités, ce texte trouve néanmoins son application lorsque, comme en l’espèce, la constitution de plusieurs sociétés n’est qu’un artifice destiné à faire échec à ses prescriptions ; Qu’ainsi le moyen ne peut être admis ; Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles L. 124-1, L. 125-3 et L. 152-2 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque debase légale ; “en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable du délit de prêt lucratif de main-d’oeuvre en violation des règles sur le travail temporaire ; “aux motifs que la plupart des contrats de travail établis par la société BET J. Cornud sont des contrats à durée déterminée ne comportant pas la définition précise de leur objet, comme le prescrit l’article L. 122-3.1 du Code du travail ; que, notamment, en octobre 1984, la société BET J. Cornud a conclu avec la société TNEE un accord de mise à disposition de salariés pour un chantier en Arabie Saoudite ; que sept de ses salariés avaient été recrutés par la société BET J. Cornud avec des contrats à durée déterminée avant d’être mis à la disposition de la société TNEE ; que les “facturations forfaitaires pour détachement” de la société BET J. Cornud sont accompagnées de justificatifs qui établissent une facturation en fonction des heures de travail d’un taux horaire convenu ;

que la société BET J. Cornud ne fournissait pas le matériel ; que le fait de prêter du personnel hors du cadre prévu par les dispositions régissant le travail temporaire cause un préjudice aux salariés et constitue une infraction à l’article d L. 125-3 du Code du travail ; qu’ainsi le demandeur s’est livré, par l’intermédiaire de la société BET J. Cornud, dont il était porteur de parts et dirigeant de fait, à des opérations à but lucratif de prêt de main-d’oeuvre, alors que cette société n’est pas une entreprise de travail temporaire ; “alors que le prêt de main-d’oeuvre à but lucratif que la loi réserve aux entreprises de travail temporaire suppose la mise à la disposition de l’entreprise utilisatrice, pour une durée déterminée, de salariés dont la rémunération est calculée en fonction de cette durée, du nombre et de la qualification des travailleurs détachés, lesquels sont placés sous la seule autorité et sous la responsabilité de l’entreprise utilisatrice ; qu’en l’espèce, les salariés détachés par la société BET J. Cornud pour un chantier en Arabie Saoudite étaient rémunérés en fonction des heures de travail et d’un taux horaire convenu ; que, dès lors, l’infraction de prêt de main-d’oeuvre n’était pas constituée en l’absence de toute rémunération en fonction de la durée de la mise à la disposition, du nombre et de la qualification des travailleurs détachés ; qu’ainsi la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision” ; Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et du procès-verbal de l’inspecteur du travail, base de la poursuite, que Houssais, en tant que dirigeant de fait de la société Bureau d’études techniques Cornud, adressait à certains clients de cette société des fiches de pointage pour des salariés intérimaires analogues à celles que la société ODIB utilisait pour les salariés liés par des contrats de travail temporaire, qu’il établissait en outre des contrats de travail à durée déterminée prévoyant une indemnité de fin de contrat égale à une indemnité de précarité d’emploi, qu’enfin il a mis à la disposition d’une autre entreprise pour un chantier en Arabie Saoudite plusieurs ouvriers qu’il avait engagés pour une durée déterminée et qu’il a facturé à l’utilisateur le coût de chaque ouvrier en fonction du nombre d’heures de travail et du taux horaire convenu ; Attendu qu’en déduisant de ces constatations que le prévenu s’était “livré sous le couvert de la société BET dont il était porteur de parts et dirigeant de fait à des opérations de but lucratif de prêt de main-d’oeuvre alors que cette société n’était pas une entreprise de travail temporaire” et en le déclarant coupable de l’infraction prévue par l’article L. 125-3 d du Code du travail, la cour d’appel a légalement justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; Que, d’une part, il ressort de l’arrêt attaqué que le prévenu n’a pas réclamé à l’utilisateur une rémunération forfaitaire correspondent à une tâche déterminée mais qu’il lui a facturé seulement le coût d’emploi de chacun des salariés mis à sa

disposition en fonction du nombre d’heures de travail et du taux horaire, ce qui, contrairement à ce qui est allégué, constitue le mode de rémunération utilisé en cas de prêt de main-d’oeuvre ; Que, d’autre part, il ne résulte ni des énonciations de l’arrêt ni d’aucunes conclusions régulièrement déposées que le prévenu ait prétendu devant les juges d’appel que les salariés mis à la disposition étaient restés sous l’autorité et la responsabilité de la société BET ; que le moyen, mélangé de fait et de droit, ne peut à cet égard être proposé pour la première fois devant la Cour de Cassation ; D’où il suit que l’arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Condamne le demandeur aux dépens ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents :

MM Berthiau conseiller doyen faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Dumont conseiller rapporteur, Zambeaux, Dardel, Fontaine, Milleville conseillers de la chambre, Mme Guirimand conseiller référendaire, M. Libouban avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 29 novembre 1988

Titrages et résumés : TRAVAIL - Travail temporaire - Exercice non exclusif de l’activité d’entrepreneur de travail temporaire - Activité non exclusive - Constatations suffisantes.

Textes appliqués :
* (1)
* (2)
* Code du travail L124-1
* Code du travail L125-3