Formation oui
Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du 5 janvier 1993
N° de pourvoi : 92-82853
Non publié au bulletin
Rejet
Président : M. Le GUNEHEC, président
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq janvier mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller DUMONT, les observations de Me Le PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général GALAND ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
X... Jean-Claude,
contre l’arrêt de la cour d’appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 23 avril 1992, qui, pour marchandage, l’a condamné à une amende de 10 000 francs ;
Vu le mémoire produit ;
( Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 125-1 et L. 125-3, L. 152-3 du
Code du travail, de l’article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré X... coupable des délits de fourniture de main-d’oeuvre à but lucratif et marchandage et l’a condamné à une peine de 10 000 francs d’amende ;
”aux motifs que les salariés de Sofecome, quels que soient leur qualification et leur rang hiérarchique, sont placés sous l’autorité technique des cadres d’Unisys et dépendent de ces derniers pour l’organisation du travail et son contrôle effectué en temps réel grâce à l’outil informatique ; que les cadres de Sofecome ne s’occupent que de la gestion du personnel ;
”que, d’après le cahier des charges joint à la convention, Unisys assure la formation initiale du personnel de Sofecome et que les missions confiées à ce personnel sont tellement précises qu’apparemment ce dernier dispose d’une marge d’appréciation très réduite pour l’exécution du travail qui lui est dévolu ;
”que la société Sofecome a eu pour seule fonction de fournir de la main-d’oeuvre se trouvant dans un état de subordination vis-à-vis de la société Unisys ; que son apport technique a été réduit, l’outil informatique qu’elle utilise étant fourni par la société Unisys qui en garde la maîtrise d’oeuvre et le contrôle ;
”que la gestion des stocks est une partie essentielle de l’activité d’une entreprise ; qu’il est donc normal que cette gestion ne fasse pas l’objet d’une véritable sous-traitance mais soit assurée par du personnel placé sous l’autorité directe du chef de l’entreprise ou de ses cadres ;
”que si la rémunération de Sofecome est forfaitaire, elle est cependant indexée sur les bases de l’indice INSEE des salariés des industries mécaniques et électriques, ce qui confirme que la prestation porte essentiellement sur la main-d’oeuvre ;
”alors que le prêt de main-d’oeuvre à but lucratif est réalisé par la mise à la disposition de l’entreprise utilisatrice pour une durée déterminée de salariés dont la rémunération est calculée en fonction de
cette durée, du nombre et de la qualification des travailleurs détachés, lesquels sont placés sous la seule autorité et sous la responsabilité de l’entreprise utilisatrice ; que le contrat de sous-traitance, par contre, est une convention par laquelle un employeur offre à son cocontractant un travail ou un service réalisé par son propre personnel qui reste placé sous sa direction et sous sa responsabilité et qui a pour objet l’exécution d’une tâche objective définie avec précision et habituellement rémunérée de façon forfaitaire ;
”alors que, d’une part, le seul contrôle technique exercé par les cadres de la société Unisys sur les tâches précises et contractuellement définies confiées aux salariés de la société Sofecome dont l’arrêt a constaté qu’elle restait responsable de la gestion de son personnel n’était pas de nature à autoriser la Cour de requalifier en contrat de prêt de main-d’oeuvre la convention de sous-traitance conclue entre les deux sociétés, tout sous-traitant étant tenu à l’égard de son cocontractant d’une obligation de résultat ;
”alors que, d’autre part, les juges du fond ont, au contraire, expressément relevé un certain nombre d’éléments confirmant que la convention conclue entre les parties était bien un contrat de sous-traitance ; qu’ils ont en effet constaté que ce contrat prévoyait l’exécution de missions objectives définies avec précision, que la rémunération était forfaitaire, peu importe son indexation, et que l’apport de la société Sofecome, s’il était réduit, était bien réel, M. X... ayant fait valoir à ce propos que les installations et appareillages fournis par cette dernière pouvaient être évalués à la somme de 4 800 000 francs ;
”alors que, en définitive, la cour d’appel a statué par un motif général et abstrait selon lequel il était “normal” qu’une gestion de stocks ne fasse pas l’objet d’un contrat de sous-traitance au lieu de rechercher, dans les éléments de la cause, la véritable nature de la convention, privant ainsi sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen” ;
Attendu que, pour déclarer Jean-Claude X..., responsable du département logistique de la société Unisys, coupable du délit de marchandage, les juges du fond énoncent que le contrat de sous-traitance
confiant à la société Sofecome la réalisation d’opérations logistiques relatives à la gestion du stock de pièces détachées de la première société ne constitue en réalité qu’une opération de fourniture de main d’oeuvre à but lucratif par la société Sofecome, dont le personnel est placé, quels que soient sa qualification et son rang hiérarchique, sous l’autorité technique des cadres d’Unisys ; que, si la fourniture du matériel de manutention est assurée par l’entreprise prétendument sous-traitante, celle de l’outil informatique l’est par la société Unisys qui en assure la maîtrise d’oeuvre et le contrôle ; qu’ils relèvent en outre que c’est cette dernière société qui forme le personnel qui lui est prêté ; qu’ils observent encore que, si la rémunération de Sofecome est forfaitaire, elle est cependant indexée sur l’indice INSEE des salariés des industries mécaniques et électriques, ce qui confirme que la prestation fournie porte essentiellement sur la main-d’oeuvre ; qu’enfin ils retiennent que l’opération porte préjudice aux
salariés de la société Sofecome puisqu’elle a pour effet de les priver du statut plus favorable des salariés d’Unisys ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations et abstraction faite d’un motif surabondant critiqué par la quatrième branche du moyen, la cour d’appel, qui a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit de marchandage, a légalement justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Décision attaquée : Cour d’appel de Versailles du 23 avril 1992
Titrages et résumés : VENTE - Démarchage et vente à domicile - Fourniture de main d’oeuvre à but non lucratif - Constatations suffisantes.
Textes appliqués :
* Code de procédure pénale 593
* Code du travail L125-1 et L125-3, L152-3