Formation oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 30 mars 2005

N° de pourvoi : 04-84457

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mars deux mille cinq, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE, et les observations de Me Le PRADO, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

 LA SOCIETE LAURY-CHALONGES-DIS,

contre l’arrêt de la cour d’appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 24 juin 2004, qui, pour marchandage et prêt illicite de main-d’oeuvre, l’a condamnée à 22 800 euros d’amende, a ordonné l’affichage de la décision et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1, 125-1, L. 152-3-1 et L. 152-3, alinéa 1, du Code du travail, 121-2 du Code du travail, 485 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction et défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la société Laury-Chalonges-Dis coupable de fourniture illégale de main-d’oeuvre à but lucratif ;

”aux motifs qu’il est constant que les opérations dénoncées ont bien consisté en un prêt de main-d’oeuvre à but lucratif, ce qui n’est pas discuté ; il est également constant, ce qui n’est pas davantage discuté que les opérations litigieuses ne relèvent pas des dispositions relatives au travail temporaire, étant rappelé que le contrat de travail temporaire ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité de l’entreprise ; or en l’espèce, les salariés de TVHS Prestavente assuraient les emplois de vendeurs qui, par nature, sont des emplois liés à l’activité de l’entreprise consacrée à la vente ; qu’il apparaît que l’opération a bien le caractère exclusif de prêt de main d’oeuvre ; en effet, nonobstant les allégations de la prévenue et des responsables de la société TVHS, il n’apparaît nullement que cette dernière ait assuré réellement d’autres fonctions telles que la formation du personnel, sauf trois exemples ponctuels, non significatifs ; une telle fonction, qui avait sans doute existé lors de la mise en place du système de démonstrateur de marques dans les années 1975 lorsqu’à l’époque les fabricants mettaient ainsi à disposition du personnel formé par eux, avait disparu ; qu’ainsi le prestataire apparent de services ne fournit-il plus dans la présente affaire aucune activité différente de celle de l’utilisateur, ses salariés n’ont aucune tâche spécifique différente de l’activité de l’entreprise utilisatrice et d’ailleurs ils ne se distinguent pas du personnel de l’entreprise dont ils portent le badge ; que les opérations de recrutement sont le fait, le plus souvent de la direction du magasin Leclerc ; l’exemple qu’elle cite d’un seul salarié (M. X...) qui a répondu à une annonce formulée par TVHS Prestavente ne remet pas en cause le fait avéré que le plus souvent, cette dernière ne faisait qu’entériner un choix déjà fait et se bornait à accomplir les formalités administratives d’embauche, y compris celles relatives à la médecine du travail ; qu’il apparaît aussi que les salariés étaient bien sous l’autorité exclusive du responsable du magasin Leclerc qui organisait leur travail et la marge d’organisation laissée aux salariés de se remplacer les uns les autres ne remet pas en cause cette subordination ; d’ailleurs, le représentant de la société TVHS résidant à Marseille, sans responsable local, n’était guère en mesure par des visites épisodiques d’assurer réellement l’encadrement de son personnel ;

que cette organisation a bien pour effet de porter un préjudice aux salariés concernés dans la mesure où ils sont privés des avantages découlant de la convention collective applicable dans l’entreprise utilisatrice, la société TVHS n’en ayant aucune en ce qui la concerne ; ils sont également privés des accords d’entreprise relatifs à l’intéressement et ce, quand bien même les conditions de rémunération, par un système de commission (interdit par la convention collective applicable), pouvait apparaître satisfaisant au moins pour les meilleurs vendeurs, lesquels pour ce faire acceptaient volontiers des durées de travail supplémentaires” ;

”alors que toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre qui a pour objet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne et d’éluder des dispositions de la loi, de règlement ou de convention ou accord collectif de travail, ou marchandage, est interdite ;

”alors que, en premier lieu, la société Laury-Chalonges-Dis n’a, dans ses écritures d’appel, cessé de soutenir que les opérations reprochées ne constituaient pas un prêt de main-d’oeuvre à but lucratif et qu’un véritable contrat de mise à disposition avait été conclu entre elle et la société TVHS Prestavente aux fins de fixer non seulement les obligations du personnel mais aussi la rémunération que la société prestataire de services était appelée à recevoir du magasin avant de la rétrocéder à ses salariés ;

que, dès lors, en affirmant qu’il n’était pas discuté que les opérations dénoncées ont consisté en un prêt de main-d’oeuvre à but lucratif, la cour d’appel a entaché sa décision de contradiction ;

”alors que, en deuxième lieu, en constatant que les opérations de recrutement sont le fait le plus souvent de la direction du magasin, ce dont il s’évince que celui n’était pas le fait exclusif de la société Laury-Chalonges-Dis et en affirmant que les salariés étaient sous l’autorité exclusive du responsable du magasin Leclerc bien qu’elle ait constaté que la société TVHS Prestavente accomplissait les démarches administratives d’embauche, y compris celles relatives à la médecine du travail, que son représentant effectuait des visites périodiques dans le magasin et que les salariés disposaient d’une marge d’organisation pour se remplacer les uns les autres, la cour d’appel n’a pas caractérisé l’existence d’un lien de subordination entre la société Laury-Chalonges-Dis et les salariés mis à sa disposition par la société TVHS Prestavente ;

”et alors que, enfin, dans ses conclusions d’appel, la société Laury-Chalonges-Dis a fait valoir que la société TVHS Prestavente était seule habilitée à mettre en oeuvre les sanctions disciplinaires à l’encontre des vendeurs défaillants et que les salariés de la société TVHS Prestavente pouvaient être différenciés dans l’enceinte du magasin puisqu’ils portent un badge qui les rattache au rayon auquel ils sont affectés tandis que les employés sont dotés d’un uniforme complet de couleur bleue ; qu’en s’abstenant de répondre à ces moyens, la cour d’appel a entaché son arrêt de défaut de motifs” ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 125-3 du Code du travail, L. 152-3-1 et L. 152-3, alinéa 1, du Code du travail, 121-2 du Code du travail, 485 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction et défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la société Laury-Chalonges-Dis coupable de prêt de main d’oeuvre illicite ;

”aux motifs qu’il est constant que les opérations dénoncées ont bien consisté en un prêt de main-d’oeuvre à but lucratif, ce qui n’est pas discuté ; il est également constant, ce qui n’est pas davantage discuté que les opérations litigieuses ne relèvent pas des dispositions relatives au travail temporaire, étant rappelé que le contrat de travail temporaire ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité de l’entreprise ; or en l’espèce, les salariés de TVHS Prestavente assuraient les emplois de vendeurs qui, par nature, sont des emplois liés à l’activité de l’entreprise consacrée à la vente ; qu’il apparaît que l’opération a bien le caractère exclusif de prêt de main d’oeuvre ; en effet, nonobstant les allégations de la prévenue et des responsables de la société TVHS, il n’apparaît nullement que cette dernière ait assuré réellement d’autres fonctions telles que la formation du personnel, sauf trois exemples ponctuels, non significatifs ; une telle fonction, qui avait sans doute existé lors de la mise en place du système de démonstrateur de marques dans les années 1975 lorsqu’à l’époque les fabricants mettaient ainsi à disposition du personnel formé par eux, avait disparu ; qu’ainsi le prestataire apparent de services ne fournit-il plus dans la présente affaire aucune activité différente de celle de l’utilisateur, ses salariés n’ont aucune tâche spécifique différente de l’activité de l’entreprise utilisatrice et d’ailleurs ils ne se distinguent pas du personnel de l’entreprise dont ils portent le badge ; que les opérations de recrutement sont le fait, le plus souvent de la direction du magasin Leclerc ; l’exemple qu’elle cite d’un seul salarié (M. X...) qui a répondu à une annonce formulée par TVHS Prestavente ne remet pas en cause le fait avéré que le plus souvent, cette dernière ne faisait qu’entériner un choix déjà fait et se bornait à accomplir les formalités administratives d’embauche, y compris celles relatives à la médecine du travail ; qu’il apparaît aussi que les salariés étaient bien sous l’autorité exclusive du responsable du magasin Leclerc qui organisait leur travail et la marge d’organisation laissée aux salariés de se remplacer les uns les autres ne remet pas en cause cette subordination ; d’ailleurs, le représentant de la société TVHS résidant à Marseille, sans responsable local, n’était guère en mesure par des visites épisodiques d’assurer réellement l’encadrement de son personnel ;

que cette organisation a bien pour effet de porter un préjudice aux salariés concernés dans la mesure où ils sont privés des avantages découlant de la convention collective applicable dans l’entreprise utilisatrice, la société TVHS n’en ayant aucune en ce qui la concerne ; ils sont également privés des accords d’entreprise relatifs à l’intéressement et ce, quand bien même les conditions de rémunération, par un système de commission (interdit par la convention collective applicable), pouvait apparaître satisfaisant au moins pour les meilleurs vendeurs, lesquels pour ce faire acceptaient volontiers des durées de travail supplémentaires” ;

”alors que toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite dès lors qu’elle n’est pas effectuée dans le cadre des dispositions du Code du travail relatives au travail temporaire ;

”alors que, en premier lieu, dans ses écritures d’appel, la société Laury-Chalonges-Dis n’a cessé de soutenir que les opérations reprochées ne constituaient pas un prêt de main-d’oeuvre à but lucratif et qu’un véritable contrat de mise à disposition avait été conclu entre elle et la société TVHS Prestavente aux fins de fixer non seulement les obligations du personnel mais aussi la rémunération que la société prestataire de services était appelée à recevoir du magasin avant de la rétrocéder à ses salariés ;

que, dès lors, en affirmant qu’il n’était pas discuté que les opérations dénoncées ont consisté en un prêt de main d’oeuvre à but lucratif, la cour d’appel a entaché sa décision de contradiction ;

”alors que, en deuxième lieu, en relevant que les opérations de recrutement sont le fait le plus souvent de la direction du magasin mais sans constater que celui-ci était exclusivement le fait de la société Laury-Chalonges-Dis et en affirmant que les salariés étaient sous l’autorité exclusive du responsable du magasin Leclerc bien qu’elle ait constaté que la société TVHS Prestavente accomplissait les démarches administratives d’embauche, y compris celles relatives à la médecine du travail, que son représentant effectuait des visites périodiques dans le magasin et que les salariés disposaient d’une marge d’organisation pour se remplacer les uns les autres, la cour d’appel n’a pas caractérisé l’existence d’un lien de subordination entre la société Laury-Chalonges-Dis et les salariés mis à sa disposition par la société TVHS Prestavente ;

”alors que, en troisième lieu, dans ses conclusions d’appel, la société Laury Chalonges Dis a fait valoir que la société TVHS Prestavente était seule habilitée à mettre en oeuvre les sanctions disciplinaires à l’encontre des vendeurs défaillants et que les salariés de la société TVHS Prestavente pouvaient être différenciés dans l’enceinte du magasin puisqu’ils portent un badge qui les rattache au rayon auquel ils sont affectés alors que les employés sont dotés d’un uniforme complet de couleur bleue ; qu’en s’abstenant de répondre à ces moyens, la cour d’appel a entaché son arrêt de défaut de motifs” ;

”alors que, enfin, ayant constaté que la société TVHS Prestavente était chargé de la formation du personnel et qu’il existait au moins trois cas dans lesquels la société fournisseuse de main d’oeuvre avait assuré cette fonction de formation, la cour d’appel aurait dû en conclure que les opérations litigieuses n’avaient pas eu pour but exclusif de fournir de la main d’oeuvre à la société Laury-Chalonges-Dis et que l’infraction de prêt de main-d’oeuvre illicite n’était pas constituée ; qu’en statuant autrement, la Cour de Rennes a violé l’article L. 125-3 du Code du travail” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les moyens ne tendent qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus dont ils ont déduit, par des motifs exempts d’insuffisance comme de contradiction, que la mise à disposition, par la société TVHS Prestavente,à la société Laury-Chalonges-Dis, de vendeurs exerçant leur activité dans le magasin de meubles Leclerc exploité par cette dernière, dissimulait en réalité une opération illicite de prêt de main-d’oeuvre à but lucratif ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Palisse conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Rennes 3ème chambre , du 24 juin 2004