nécessité d’un prêt

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 21 août 1995

N° de pourvoi : 94-86096

Non publié au bulletin

Cassation

Président : M. MILLEVILLE conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un août mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BATUT et les conclusions de M. l’avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" X... Marcel, contre l’arrêt de la cour d’appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle, en date du 22 novembre 1994, qui, pour marchandage, l’a condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à une amende de 150 000 francs, et a ordonné la publication de la décision ;

Vu le mémoire personnel produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 125-1 et L. 152-3 du Code du travail ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que, pour être constitué, le délit de marchandage nécessite une opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre ayant pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application des dispositions de la loi, de règlement ou de convention ou accord collectif de travail ;

Attendu que, pour déclarer Marcel X... coupable de marchandage, la cour d’appel relève, par motifs adoptés, que les quatre artisans ayant conclu avec celui-ci des contrats de sous-traitance ne disposaient d’aucune autonomie dans l’exécution de leur travail, utilisaient les matériaux fournis par la société dirigée par le prévenu et étaient payés mensuellement au tarif fixé par ladite société ;

que les juges en déduisent que sous le couvert d’une sous-traitance, Marcel X... a en réalité employé ces artisans comme des chefs d’équipe salariés ;

qu’il a ainsi effectué une opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre ayant eu pour effet de causer un préjudice aux quatre personnes concernées, qui ont été privées de la protection sociale attachée au statut de salarié ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, sans constater l’existence d’un prêt de main-d’oeuvre, et alors que le préjudice visé par l’article L. 125-1 du Code du travail ne peut concerner que les salariés mis par le fournisseur de main-d’oeuvre à la disposition de l’entreprise utilisatrice, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe susénoncé ;

Que la cassation est dès lors encourue ;

Par ces motifs,

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt de la cour d’appel de Basse-Terre, en date du 22 novembre 1994, et pour qu’il soit à nouveau jugé conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Fort-de-France, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Basse-Terre, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Milleville conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Batut conseiller rapporteur, MM. Guilloux, Massé, Le Gall conseillers de la chambre, Mme Fossaert-Sabatier, MM. Poisot, de Larosière de Champfeu conseillers référendaires, M. le Foyer de Costil avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle du 22 novembre 1994

Titrages et résumés : TRAVAIL - Délit de marchandage - Eléments constitutifs - Prêt de main d’oeuvre - Constatations nécessaires.

Textes appliqués :
* Code du travail L125-1 et L152-3