Avec outillage - indifférent

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 26 janvier 1993

N° de pourvoi : 91-81653

Non publié au bulletin

Cassation

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingt-six janvier mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller GUERDER, les observations de Me BLANC, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général PERFETTI ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

RODRIGO Z...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 12 décembre 1990, qui l’a condamné, pour marchandage, à 20 000 francs d’amende, ainsi qu’à des mesures d’affichage et de publication, et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 125-1 du Code du travail et 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Y..., dirigeant d’une société de construction, co-auteur d’une opération à but lucratif de fourniture illicite de main-d’oeuvre ;

”aux motifs que l’entreprise X..., sous le couvert de contrats de sous-traitance, s’était bornée à fournir à Y... de la main-d’oeuvre, placée sous la seule subordination de celui-ci, pour des tâches de maçonnerie générale, moyennant le paiement d’acomptes afin de permettre le paiement des salaires ; qu’ainsi, était établie l’intention de Y... de méconnaître ses obligations sociales et d’éluder les dispositions légales pour en tirer un profit substantiel ;

”alors, d’une part, qu’il était constant que les salariés de l’entreprise X... utilisaient le petit outillage ; que les parties au contrat de sous-traitance avaient défini la nature des travaux de dallage, de maçonnerie et couverture ; que la société Y... donnait de simples directives au chef d’équipe de l’entreprise X... sans que des ordres aient été donnés directement aux salariés, ni que ces salariés aient été mêlés à ceux de la société Y... ; que M. X... dirigeait continuellement les équipes et surveillait les chantiers ; qu’enfin, la cour d’appel n’a pas constaté que le montant forfaitaire des travaux sous-traités aurait été calculé en fonction du travail accompli par les salariés ;

”alors, d’autre part, que la fourniture à but lucratif de main-d’oeuvre n’est illicite que si elle a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de la loi, de règlement ou de convention ou accord collectif de travail ; que les juges, qui ont relevé que le sous-traitant justifiait du paiement de cotisations sociales, n’ont pas constaté que les salariés aient été privés du bénéfice d’un travail régulier” ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué et des procès-verbaux de l’inspecteur du travail, base de la poursuite, que sur deux chantiers de construction, la société à responsabilité limitée Y... et Fils, titulaire du lot gros oeuvre, a confié l’exécution de divers travaux de maçonnerie, dallage et couverture à l’entreprise X..., par des contrats dits de sous-traitance, portant uniquement sur la main-d’oeuvre ; que si les ouvriers de l’entreprise X... ont été encadrés par un chef d’équipe de celle-ci, ils se sont trouvés placés sous l’autorité du conducteur de travaux de l’entreprise Y..., et qu’ils ont effectué, avec les matériaux et l’outillage fournis par cette dernière, des travaux de maçonnerie générale ne présentant aucun caractère spécifique ;

Attendu qu’en déduisant de ces constatations que les conventions conclues entre les entrepreneurs constituaient, non pas des contrats de sous-traitance, mais des opérations irrégulières de prêts de main-d’oeuvre à but lucratif, la cour d’appel, qui a caractérisé à la charge du demandeur le délit poursuivi, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a reçu l’URSSAF de l’Aude en sa constitution de partie civile et a condamné Y... à lui payer 157 246 francs de dommages-intérêts ;

”alors que l’URSSAF avait seulement demandé la condamnation de la société Y... ; que la cour d’appel ne pouvait donc condamner Y... personnellement au paiement d’une somme qui ne lui était pas demandée” ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que les juges ne peuvent statuer, au point de vue des réparations civiles, que dans la limite des conclusions dont ils sont saisis ;

Attendu qu’il appert de l’arrêt attaqué et des conclusions que l’URSSAF, partie civile, a formé ses demandes contre la SARL Y... et Fils, prise en la personne de son gérant Simon Y... ; que les juges ont condamné le prévenu personnellement au paiement des cotisations sociales éludées ;

Mais attendu qu’en omettant de s’expliquer sur le fondement de cette condamnation qui n’était pas réclamée contre le prévenu, les juges n’ont pas donné une base légale à leur décision ;

Que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs ;

CASSE et ANNULE l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier, en date du 12 décembre 1990, mais seulement en ses dispositions relatives à l’action civile, et pour qu’il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Montpellier du 12 décembre 1990

Titrages et résumés : TRAVAIL - Travail temporaire - Contrat - Prêt de main d’oeuvre à but lucratif - Qualification du contrat - Pouvoirs des juges - Contrat de sous-traitance (non).

Textes appliqués :
• Code de procédure pénale 593
• Code du travail L125-1