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Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 3 novembre 1999

N° de pourvoi : 98-85665

Publié au bulletin

Rejet

Président : M. Gomez, président

Rapporteur : M. Joly., conseiller apporteur

Avocat général : M. Di Guardia., avocat général

Avocat : la SCP Piwnica et Molinié., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

REJET du pourvoi formé par :
"-" X... Marc,
"-" la société Soprema,
contre l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 25 juin 1998, qui, dans la procédure suivie contre eux pour marchandage, les a condamnés respectivement à une amende de 10 000 francs et de 20 000 francs.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er et 706-43 du Code de procédure pénale et 121-2 du Code pénal :
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la société Soprema coupable de marchandage et l’a condamnée à 20 000 francs d’amende ;
” alors que, selon les dispositions de l’article 706-43 du Code de procédure pénale, l’action publique est exercée à l’encontre de la personne morale prise en la personne de son représentant légal à l’époque des poursuites ; que cette prescription est prévue à peine de nullité des poursuites elles-mêmes ; que sa méconnaissance peut dès lors être invoquée en tout état de cause ; qu’il résulte des pièces de la procédure que la société Soprema a été poursuivie, aussi bien devant les premiers juges que devant les juges d’appel sans que ses représentants légaux soient appelés et que, dès lors, la poursuite à son encontre est frappée d’une nullité d’ordre public “ ;
Attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que l’action publique a été exercée à l’encontre de la société Soprema, prise en la personne de Pierre Y..., président du directoire, lequel a donné pouvoir à Marc X..., chef d’agence, à l’effet de représenter la personne morale devant la juridiction répressive ;
D’où il suit que le moyen, qui manque par la circonstance sur laquelle il prétend se fonder, ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 706-43 du Code de procédure pénale et 121-2 du Code pénal :
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la société Soprema coupable de marchandage et, en répression, l’a condamnée à 20 000 francs d’amende ;
” alors qu’il résulte de l’article 706-43, alinéa 1er, du Code de procédure pénale que, dès lors qu’à l’occasion de poursuites exercées contre une personne morale, l’action publique est également mise en mouvement, pour les mêmes faits ou pour des faits connexes, contre le représentant légal de celle-ci ou contre le délégataire nommé en application de l’alinéa 2 du texte précité, la désignation d’un mandataire de justice pour représenter la personne morale au cours des poursuites est obligatoire, selon les modalités prévues dans le dernier alinéa ; qu’il résulte des énonciations de l’arrêt et de la procédure que la société Soprema a été représentée, tant devant la cour d’appel que devant les premiers juges, par Marc X..., chef d’agence du délégataire faisant l’objet de poursuites dans la même procédure et que, dès lors, les dispositions susvisées, qui sont d’ordre public, ont été méconnues en sorte que la cassation est encourue “ ;
Attendu qu’ayant désigné Marc X... pour la représenter dans la procédure suivie contre elle-même et ce dernier du chef de marchandage, la personne morale ne saurait se faire un grief de ce qu’un mandataire de justice n’ait été désigné pour la représenter devant la juridiction répressive conformément aux dispositions de l’article 706-43, dernier alinéa, du Code de procédure pénale ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 125-1 et L. 152-3 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Marc X... et la société Soprema coupables de marchandage ;
” aux motifs qu’il est établi que le 5 août 1996, la société Soprema, représentée par Marc X..., a signé un contrat de sous-traitance avec la société Normandie Etanchéité représentée par M. Z..., dans le cadre de la construction d’un centre de transit et de regroupement de déchets spéciaux et pollutions locales, sur la commune d’Yversay (86) ; le contrat avait pour objet la pose de couverture, bacs acier, isolants, l’étanchéité, la pose de bardage métallique ; que, pour que soit admise la réalité d’un contrat de sous-traitance, la convention passée doit comporter l’exécution d’une tâche nettement définie, rémunérée de façon forfaitaire, ainsi que le maintien de l’autorité du sous-traitant sur son personnel, auquel il verse un salaire et dont il assure l’encadrement, la discipline et la sécurité ; qu’au regard de ces critères la Cour relève :
"-" que la nature des travaux demandés à la société Normandie Etanchéité ne se caractérisait pas par une spécificité, une technicité spéciale et que ces travaux entraient dans les tâches habituellement exécutées par les salariés de la société Soprema, qui, en congé à cette date, ne pouvait les effectuer ;
"-" que lors du contrôle de l’inspection du Travail, le 11 septembre 1996, il a été constaté que la société Normandie Etanchéité n’avait mis à la disposition de ses 4 salariés présents sur le chantier que le petit matériel (visseuses, chalumeaux), l’ensemble du matériel nécessaire pour l’exécution des travaux d’isolation et d’étanchéité étant fourni par la société Soprema (échelle double, bouteilles de gaz, chariot manuscopic, filets de protection périphérique, baraque de chantiers, etc...) ; par ailleurs, les matériaux étaient également fournis par la société Soprema (tôle de bac acier, rouleaux de 10 mètres, laine d’isolation, etc.) ;
"-" que les salariés de la société Normandie Etanchéité étaient contrôlés et dirigés par M. A..., conducteur de travaux de la société Soprema, ce dernier participant seul aux réunions de chantier et passait en moyenne 2 fois par semaine sur le chantier, selon les déclarations de M. B... ;
"-" que la rémunération de la société Normandie Etanchéité, d’un montant de 280 900 francs (TTC) correspond en fait au devis en date du 31 juillet 1996, prévoyant des travaux de pose, rémunérés intégralement au mètre carré ou au mètre linéaire, ce qui exclut une rémunération globale et forfaitaire ;
” 1° alors qu’il résulte des énonciations de l’arrêt que la première condition pour que soit reconnue l’existence d’un contrat de sous-traitance, à savoir l’exécution d’une tâche nettement définie, ressort des propres énonciations de l’arrêt qui a constaté que le contrat avait pour objet la pose de couverture, bacs acier, isolants, l’étanchéité et la pose de bardage métallique ;
” 2° alors que l’existence d’un contrat de sous-traitance régulier n’est nullement subordonnée à la condition que le sous-traitant fasse apport d’une technicité distincte de celle de l’entrepreneur principal dès lors que sa tâche est, comme c’était le cas en l’espèce, selon les constatations de l’arrêt, objectivement définie ;
” 3° alors que la fourniture par l’entrepreneur principal de matériel est parfaitement compatible avec un contrat de sous-traitance, particulièrement dans le secteur du bâtiment où l’usage veut que certains éléments des chantiers soient approvisionnés sur place ainsi que le rappelaient les demandeurs dans leurs conclusions délaissées de ce chef ;
” 4° alors que contrairement aux énonciations de l’arrêt, il résulte de l’audition de M. B... recueillie sur instructions du Parquet de Poitiers le 15 mai 1997, que le personnel de la société Normandie Etanchéité, entreprise sous-traitante, était placé sous la direction et sous la responsabilité de celle-ci, le conducteur des travaux de la société Soprema, entrepreneur principal, M. A..., n’intervenant quant à lui que pour assurer la coordination de l’ensemble du chantier, ce qui constitue une responsabilité distincte de celle de l’exécution confiée à la société sous-traitante et que dès lors, la cour d’appel qui, tout en déclarant se référer aux déclarations de M. B..., les a contredites, a privé sa décision de base légale ;
” 5° alors que si la chambre criminelle rappelle que le contrat d’entreprise suppose que la tâche confiée au sous-traitant soit “ habituellement rémunérée de façon forfaitaire “, cette formule n’exclut pas la rémunération au travail fourni, ce qui est le cas précisément de la rémunération au mètre carré ou au mètre linéaire caractéristique de ce type de contrat ;
” 6° alors que le délit de l’article L. 125-1 du Code du travail suppose pour être constitué que l’opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre ait eu pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application des dispositions de la loi, du règlement, de la convention ou de l’accord collectif de travail et que l’arrêt attaqué qui n’a pas constaté que les conventions querellées aient eu un tel effet, a privé sa décision de base légale au regard du texte d’incrimination “ ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, lors d’un contrôle effectué sur un chantier de construction confié à la société Soprema, les services de l’inspection du Travail ont constaté la présence de salariés de l’entreprise Normandie Etanchéité qui avaient été recrutés par Marc X..., chef d’agence, sous le couvert d’un contrat de sous-traitance ;
Attendu que Marc X... et la société Soprema ont été poursuivis pour marchandage ;
Attendu que, pour confirmer le jugement du tribunal correctionnel ayant retenu à l’encontre des prévenus l’infraction de prêt illicite de main-d’oeuvre, l’arrêt attaqué se prononce par les motifs rapportés au moyen ;
Attendu qu’en l’état de ces motifs fondés sur son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause ainsi que des preuves contradictoirement débattues, la cour d’appel, qui a recherché comme elle le devait la véritable nature des conventions litigieuses, a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin criminel 1999 N° 242 p. 762

Décision attaquée : Cour d’appel de Poitiers, du 25 juin 1998

Titrages et résumés : 1° RESPONSABILITE PENALE - Personne morale - Personne morale poursuivie - Représentation au cours des poursuites - Désignation d’un représentant pour la personne morale - Représentant poursuivi - Portée.

1° La personne morale poursuivie, qui a désigné un préposé, également poursuivi, pour la représenter devant le tribunal correctionnel, ne peut se faire un grief de ce qu’un mandataire de justice n’ait pas été désigné par le président du tribunal, conformément aux dispositions de l’article 706-43, dernier alinéa, du Code de procédure pénale, une telle désignation n’étant obligatoire que lorsque la personne morale est poursuivie pour les mêmes faits ou pour des faits connexes, en même temps que son représentant légal(1).

1° ACTION PUBLIQUE - Mise en mouvement - Personne morale - Personne morale poursuivie - Représentation au cours des poursuites - Désignation d’un représentant par la personne morale - Représentant poursuivi - Portée 2° TRAVAIL - Travail temporaire - Contrat - Prêt de main-d’oeuvre à but lucratif - Contrat de sous-traitance - Distinction - Pouvoirs des juges du fond.

2° Les juges qui constatent, par une appréciation souveraine des éléments de fait, que malgré un contrat de sous-traitance conclu avec une entreprise d’isolation et d’étanchéité, le sous-traitant prétendu se borne à fournir la main-d’oeuvre nécessaire à l’entreprise principale, caractérisent suffisamment une opération de prêt illicite de main-d’oeuvre(2).

2° TRAVAIL - Contrat de travail - Travail temporaire - Prêt de main-d’oeuvre à but lucratif - Contrat de sous-traitance - Distinction - Pouvoirs des juges du fond 2° TRAVAIL - Travail temporaire - Contrat - Prêt de main-d’oeuvre à but lucratif - Qualification du contrat - Pouvoirs des juges 2° TRAVAIL - Contrat de travail - Travail temporaire - Prêt de main-d’oeuvre à but lucratif - Qualification du contrat - Pouvoirs des juges

Précédents jurisprudentiels : CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1997-12-09, Bulletin criminel 1997, n° 420 p. 1385 (rejet). CONFER : (2°). (2) A rapprocher : Chambre criminelle, 1991-12-03, Bulletin criminel 1991, n° 458 (1°), p. 1165 (rejet).

Textes appliqués :
* 1° :
* 2° :
* Code de procédure pénale 706-43, dernier al
* Code du travail L125-1, L152-3