Emploi précaire

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 24 mai 2011

N° de pourvoi : 10-83166

Non publié au bulletin

Rejet

M. Louvel (président), président

SCP Defrenois et Levis, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" M. Thierry X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 26 mars 2010, qui, pour marchandage, l’a condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à 2 000 euros d’amende et à la publication de la décision et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 125-1, L. 125-3, L. 152-3 du code du travail, devenu L. 8231-1, L. 8241-1 et L. 8234-1, alinéa 2 et 4, du même code, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a confirmé la décision des premiers juges qui a déclaré M. X... coupable de fourniture illégale de main-d’oeuvre à but lucratif et marchandage, entre le 15 janvier 2000 et le 20 décembre 2001, l’a condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis et à 2 000 euros d’amende, et l’a déclaré solidairement responsable avec Mme Y... épouse Z..., M. Z... du préjudice subi par les parties civiles ;

” aux motifs que, si en qualité de directeur d’agence, il n’appartenait pas au prévenu de déterminer la politique de recrutement du personnel de la société Transco, son employeur, il n’a jamais contesté qu’il lui était loisible cependant de recourir à des prestataires externes, en cas de besoin, afin d’être en mesure de satisfaire l’ensemble des ordres des clients ; que, dès lors, c’est à bon droit que le premier juge a estimé que M. X... devait répondre pénalement des faits qui lui sont reprochés ; que, comme le retient le tribunal, les relations entre Transco, Alsace transport Z..., puis avec Til, caractérisent bien une opération de fourniture illicite de main-d’oeuvre et non de sous-traitance, puisque les chauffeurs prenaient leurs cargaisons et consignes dans les locaux de Transco, utilisaient les camions de cette entreprise dont la mise à disposition était facturée chaque fin de mois à Til en fonction de leur durée d’utilisation ; qu’en définitive, à l’exception négligeable de deux remorques et de quelques locations de camion au Luxembourg, Alsace transport Z... et la société Til ont seulement fourni de la main-d’oeuvre à la société Transco qui se servaient de ces entreprises comme variable d’ajustement de son propre effectif ; que, même si les employés de ces dernières ont pu bénéficier de conditions salariales légèrement plus favorables à celles accordées au personnel de Transco, il n’en demeure pas moins qu’ils ont subi un lourd préjudice en étant embauchés dans des entreprises à l’avenir précaire, puisque dépendant exclusivement de l’activité de Transco, alors que s’ils avaient été directement recrutés par Transco, ils n’auraient pas été licenciés, étant précisé que seule une partie des salaires de Til a été reprise par Transco ; qu’il convient, dès lors, de retenir M. X... dans les liens de la prévention, que le délit de fourniture de main-d’oeuvre à but lucratif qui lui est reproché étant caractérisé dans tous ses éléments ; qu’eu égard à la durée de la période des faits délictueux, à l’importance numérique des salariés concernés, au recours habituel à ce mode de gestion du personnel à l’initiative duquel se trouve le prévenu en favorisant la création de sa propre entreprise par M. Z..., la peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et de 2 000 euros d’amende prononcée par le premier juge tient compte dans une juste proportion à la fois de la gravité des faits et de l’inscription d’une seule condamnation au casier judiciaire de l’intéressé, à 200 euros d’amende tout transport routier de marchandise dangereuse non conforme avec un document de transport non conforme ;

” 1) alors que, le délit de prêt illicite de main-d’oeuvre, pour être constitué, exige que l’opération litigieuse ait eu un but lucratif ; qu’en l’espèce, la cour d’appel, pour déclarer M. X... coupable de prêt illicite de main-d’oeuvre et marchandage s’est contentée de relever que les employés de l’entreprise Alsace transport Z... puis Til services avaient subi un préjudice en étant embauchés dans des entreprises à l’avenir précaire, puisque dépendant exclusivement de l’activité de Transco, alors que s’ils avaient été recrutés directement par Transco, ils n’auraient pas été licenciés, sans aucunement rechercher si l’élément essentiel du délit, à savoir le but lucratif, était constitué en l’espèce, ce faisant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

” 2) alors que, seul le représentant légal de l’entreprise peut être poursuivi pour un prêt de main-d’oeuvre à but lucratif et de marchandage commis par son entreprise ; que la cour d’appel, qui avait pourtant constaté que M. X... n’était qu’un salarié de la société Transco, qu’il était le directeur de l’agence de Colmar, en décidant cependant que celui devait être retenu dans les liens de la prévention au motif que celui-ci pouvait avoir recours à des prestataires externes, a violé les textes susvisés “ ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments constitutifs, s’agissant en particulier du but lucratif de l’opération de prêt de main-d’oeuvre commise en l’espèce sous le couvert de prétendus contrats de sous-traitance, le délit de marchandage qu’elle a déclaré établi à la charge du prévenu, en sa qualité de directeur de l’agence d’une société disposant des pouvoirs nécessaires pour participer à cette opération ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Colmar du 26 mars 2010