Employeur de fait

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 15 octobre 1991

N° de pourvoi : 90-80060

Non publié au bulletin

Rejet

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze octobre mil neuf cent quatre vingt onze, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle LESOURD et BAUDIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LIBOUBAN ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

ALEMAN Roland,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’AIX-en-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 23 octobre 1989 qui, pour contraventions de défaut d’examen médical d’embauche, l’a condamné à dix-huit amendes d’un montant de 600 francs d’amende chacune ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la d violation des articles R. 213-7, R. 213-8 du Code de l’organisation judiciaire, article 1er de la loi organique n° 88-23 du 7 février 1988 portant maintien en activité des magistrats des cours d’appel et des tribunaux de grande instance, 591 du Code de procédure pénale,

”en ce qu’il résulte des mentions de l’arrêt attaqué que la Cour était présidée par Henri Hugues, président de chambre maintenu en activité à titre de conseiller désigné par ordonnance de M. le premier président pour présider la chambre ;

”alors qu’en vertu de l’article 1er de la loi organique n° 88-23 du 7 janvier 1988 relative au statut de la magistrature, les magistrats de la cour d’appel atteints par la limite d’âge mais maintenus en activité en surnombre peuvent seulement exercer les fonctions de conseiller mais ne peuvent exercer les fonctions de président sous peine de nullité ; que dès lors, Henri Hugues, maintenu en activité en application des dispositions susvisées, ne pouvait exercer les fonctions de président de chambre, que ce soit comme titulaire ou en remplacement du titulaire empêché, ce que l’arrêt attaqué ne mentionne même pas” ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la cour d’appel était présidée par M. Hugues, président de chambre maintenu en activité pour exercer les fonctions de conseiller et désigné par ordonnance du premier président de la cour d’appel pour présider la chambre ;

Attendu que si la loi du 7 janvier 1988 prévoit que les magistrats d’une cour d’appel, lorsqu’ils sont maintenus en activité, exercent les fonctions de conseiller, elle n’interdit pas que ces magistrats puissent, comme tout autre conseiller, être désignés par le premier président de la cour d’appel pour présider une chambre de cette Cour ;

Qu’ainsi le moyen ne peut être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-1 à L. 214-10, L. 264-1, R. 241-48 et R. 264-1 du Code du travail, 15 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, 5 à 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 7 et 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 4 du Code pénal, 55 de la constitution du 4 octobre 1958 ; d

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré régulières les poursuites dirigées contre le prévenu du chef de défaut d’examen médical

préalable à l’embauchage de dix-huit ouvriers et l’a déclaré coupable de cette infraction ;

”aux motifs que les contraventions poursuivies étaient prévues et réprimées par les articles R. 241-48 et R. 264-1 du Code du travail, lesquels étaient visés dans la citation qui lui avait été délivrée ;

”alors d’une part que l’article R. 264-1 du Code du travail qui est un texte réglementaire édicte une peine d’emprisonnement pour sanctionner la contravention d’omission de visite médicale avant l’embauchage ; que le pouvoir réglementaire étant incompétent pour édicter des peines d’emprisonnement pour les contraventions, l’article R. 264-1 du Code du travail est illégal et qu’il appartenait à la cour d’appel de constater cette illégalité ;

”alors d’autre part que le défaut d’observation d’un règlement illégal ne peut être constitutif d’aucune contravention” ;

Attendu que l’article R. 241-48 du Code du travail constitue un règlement de police légalement pris par l’autorité compétente ;

Que l’article R. 264-1 du même Code qui en sanctionne l’inobservation édicte des peines d’emprisonnement et d’amende entrant dans les prévisions des articles 465 et 466 du Code pénal et de l’article 521 du Code de procédure pénale, lesquels déterminent les pénalités applicables aux contraventions de police ;

Que ces derniers textes, ayant valeur législative, s’imposent aux juridictions de l’ordre judiciaire qui ne sont pas juges de leur constitutionnalité ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 124-1 et suivants, R. 241-48 et suivants, R. 264-1 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions, d

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de défaut d’examen médical d’embauchage ;

”aux motifs repris du jugement qu’il ressortait des pièces versées au dossier et des auditions de MM. Z... et Y... que, dans leurs rapports avec l’entreprise Sebello, ils n’ont fait qu’apporter de la main-d’oeuvre ; que le matériel et les matériaux étaient fournis par la Sarl Sebello pour laquelle ils travaillaient exclusivement, qu’en outre l’encadrement était assuré par le personnel de la Sarl Sebello lequel contrôlait leur temps de travail ; qu’il apparait donc que les travailleurs mentionnés sur la citation étaient effectivement employés par la Sarl Sebello ;

”alors d’une part qu’il ressort du dossier des déclarations de l’ensemble des entrepreneurs sous-traitants, et en particulier des déclarations de MM. Z... et Y..., qui avaient recruté et fourni à l’entreprise Sebello les ouvriers à propos desquels l’infraction reprochée au prévenu aurait été commise, que tous ces entrepreneurs et en particulier MM. Z... et Y... étaient des artisans inscrits au registre des métiers, qu’ils mettaient provisoirement, pour des chantiers, à la disposition de l’entreprise Sebello dirigée par le prévenu des ouvriers qu’ils embauchaient en fonction d’un travail convenu et qu’ils rémunéraient eux-mêmes ; que dès lors, contrairement aux énonciations de l’arrêt attaqué, les travailleurs employés provisoirement par la Sarl Sebello n’étaient pas des salariés de cette dernière de sorte que, conformément à

l’article L. 200-B du Code du travail, l’obligation de satisfaire à toutes les prescriptions du livre deuxième relatif à la réglementation du travail et en particulier à la visite médicale obligatoire d’embauchage ne pesait pas sur la Sarl Sebello ;

”alors d’autre part qu’en affirmant que les travailleurs mentionnés dans la citation étaient des employés de la Sarl Sebello sans s’expliquer sur les conclusions du prévenu qui faisait valoir qu’aucun des salariés de ses sous-traitants n’étaient rémunéré par lui (p. 4 pénultième par.), que le prix de journée payé par lui dans le cadre du contrat de sous-traitance était de 790 francs et qu’il eût été de 216 francs dans le cadre d’un contrat de travail, enfin qu’à supposer que cette situation soit la réalité, on se serait trouvé alors dans un cas de travail clandestin au sens des d articles L. 324-9 et suivants du Code du travail pour lequel, ayant déjà été poursuivi, il avait fait l’objet d’une décision de relaxe précisément parce qu’il n’avait pas été considéré comme l’employeur de ces travailleurs clandestins, les juges correctionnels n’ont pas légalement justifié la déclaration de culpabilité ;

”alors enfin et en tout état de cause qu’en se bornant, pour affirmer que les employés de ses sous-traitants étaient ceux de l’entreprise Sebello, à examiner les seuls cas de MM. Z... et Y... qui ne lui avaient fourni que huit ouvriers, sans s’expliquer sur la situation des dix autres ouvriers mis à sa disposition par trois autres entrepreneurs -MM. Maghrebi, Scemi et Gulizzi- la cour d’appel n’a pas légalement justifié la déclaration de culpabilité et la peine prononcée par l’omission prétendument commise à propos de ces derniers” ;

Attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué, du jugement et des procès-verbaux, base de la poursuite, qu’au cours de l’année 1987, l’entreprise générale du bâtiment Sebello, dirigée par Roland X..., a eu recours, par l’intermédiaire de quatre artisans “sous-traitants” qui percevaient une rémunération mensuelle ou par quinzaine, aux services de dix-huit salariés ;

Attendu qu’étant poursuivi, à la suite de ces faits, pour avoir omis de soumettre à une visite médicale d’embauche ces dix-huit salariés, dans les conditions prévues par l’article R. 241-48 du Code du travail, Roland X... a sollicité sa relaxe en faisant valoir que les ouvriers précités n’avaient pas été embauchés par lui, mais étaient les salariés des artisans avec lesquels sa société avait conclu des contrats de sous-traitance ;

Attendu que pour écarter cette argumentation, la cour d’appel, adoptant les motifs du premier juge, observe qu’il appartient aux juges répressifs d’interpréter les contrats liant le chef d’entreprise aux travailleurs dont il utilise les services et de restituer aux conventions conclues, le cas échéant, leur véritable qualification ; que les juges énoncent qu’en l’espèce, il ressort du dossier de la procédure, et notamment des auditions des nommés Z... et Y... que les artisans en cause, qui travaillaient exclusivement pour la Sarl Sebello, ne fournissaient à celle-ci que de la main-d’oeuvre, utilisaient le matériel de cette société, exécutaient leurs tâches sous d les ordres de son personnel d’encadrement qui contrôlait leur temps de travail ;

Que la cour d’appel déduit de ces éléments que les dix-huit travailleurs mentionnés sur la citation à comparaître

étaient en réalité des salariés de la Sarl Sebello, et que, dans ces conditions, la prévention est établie ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs qui répondent aux chefs péremptoires des conclusions dont ils étaient saisis, les juges du fond, auxquels il ne saurait être reproché de ne s’être prononcés que sur les seuls faits visés aux poursuites, ont justifié leur décision sans encourir les griefs du moyen ; que, contrairement à ce qui est soutenu, en se référant aux procès-verbaux servant de fondement auxdites poursuites, ils ont statué à l’égard de l’ensemble des salariés y étant mentionnés ;

Que, dès lors, le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux dépens ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Zambeaux conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Guirimand conseiller rapporteur, MM. Dardel, Dumont, Milleville, Alphand, Guerder, Fabre conseillers de la chambre, M. Libouban avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel d’AIX-en-PROVENCE, 7ème chambre du 23 octobre 1989