Employeur de fait oui
Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du 29 avril 2003
N° de pourvoi : 00-44840 00-44842
Publié au bulletin
Rejet.
M. Sargos ., président
Mme Lemoine Jeanjean., conseiller apporteur
M. Lyon-Caen., avocat général
la SCP Piwnica et Molinié, la SCP Bachelier et Potier de la Varde, M. Bertrand, la SCP Thouin-Palat et Urtin-Petit., avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° Q 00-44.840, n° R 00-44.841 et n° S 00-44.842 ;
Attendu qu’en vertu d’un contrat passé entre l’établissement public des Aéroports de Paris (ADP) et la société Air portage, cette dernière s’est vue confier le portage des bagages des passagers à l’aéroport Charles de Gaulle ; qu’à cette fin la société Air portage a embauché M. X... et d’autres porteurs, lesquels se sont vus remettre par ADP une autorisation d’activité le 18 juin 1997 ; que les porteurs ont été affiliés par les Caisses primaires d’assurances maladies en qualité de salariés de la société Air portage ; qu’à la suite d’un conflit, la société Air Portage a proposé aux porteurs un contrat à durée indéterminée, sans reprise de leur ancienneté et sans régularisation rétroactive, ce que les intéressés ont refusé ; que, le 21 novembre 1997, ADP a rompu la convention d’exploitation la liant à la société Air portage ; que par lettre du 24 novembre 1997, ADP a prorogé l’activité des porteurs, lesquels ont continué à assurer leur service de portage ; que la société Air portage a été mise en liquidation judiciaire le 31 décembre 1997 ; que les porteurs ont saisi la juridiction prud’homale d’une demande fondée notamment sur les dispositions de l’article L. 125-1, alinéa 1, du Code du travail selon lesquelles toute opération à but lucratif de fourniture de main d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application des dispositions de la loi, de règlement ou de convention ou accord collectif de travail, ou marchandage, est interdite ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu’ADP fait grief aux arrêts attaqués (Paris, 13 juin 2000) de dire qu’il n’y avait pas lieu à question préjudicielle au profit du juge administratif et de déclarer ADP coupable de complicité de marchandage, alors, selon le moyen, que le juge civil n’est pas compétent pour interpréter un acte administratif individuel, cette interprétation constituant une question préjudicielle relevant de la compétence du juge administratif ; que pour analyser les rapports entre ADP et les porteurs recrutés par la société Air Portage, laquelle bénéficiait d’une autorisation d’occuper le domaine public de l’Aéroport Charles de Gaulle et d’y exploiter l’activité de portage des bagages des voyageurs, la cour d’appel a interprété l’autorisation qu’ADP avait donnée à ces porteurs, en vertu de son pouvoir de police réglementé par arrêtés préfectoraux, et a ainsi violé le principe de la séparation des pouvoirs et la loi des 16-24 août 1793 ;
Mais attendu que c’est sans avoir à interpréter l’acte administratif individuel que la cour d’appel a relevé que les porteurs engagés par la société Air Portage recevaient des directives d’ADP et que les contraintes qu’ADP faisait respecter par la société Air Portage et par les porteurs dépassaient largement celles attachées au pouvoir de surveillance et de direction dont disposait ADP en tant que gestionnaire du domaine public ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu’ADP fait grief aux arrêts de le déclarer coupable de complicité de marchandage, alors, selon le moyen :
1 / que d’une part, l’occupation du domaine public d’Aéroports de Paris, même par des personnes privées, n’est pas soumise aux dispositions du Code du travail, mais constitue un contrat administratif régi par le droit administratif et, notamment, par les clauses exorbitantes de droit commun prévues par le cahier des clauses et conditions générales des autorisations d’occupation temporaire du domaine public des ADP ; qu’en disant que le porteur, en travaillant sans être déclaré, avaient été victime d’une opération de fourniture de main d’oeuvre à but lucratif dont ADP avait été le complice, la cour d’appel a violé, par fausse application, l’article L. 125-1 du Code du travail qui ne régissait pas les rapports individuels entre les porteurs et les ADP et, par refus d’application, les articles 1er et 35 dudit cahier des clauses et conditions générales ;
2 / que d’autre part, ADP est chargé d’aménager, d’exploiter et de développer l’ensemble des installations de transport civil aérien ayant leur centre dans la région parisienne et qui ont pour objet de faciliter l’arrivée et le départ des aéronefs, de guider la navigation, d’assurer l’acheminement à terre des voyageurs, des marchandises et du courrier transportés par air, ainsi que toutes les installations annexes ; qu’en disant que ADP avait pour mission l’activité de portage des bagages à terre, la cour d’appel a violé l’article L. 251-2 du Code de l’aviation civile et méconnu le principe de la spécialité de l’activité de cet établissement public ;
3 / qu’enfin, la complicité requiert un élément intentionnel qui implique une participation volontaire et consciente de l’aide apportée à la commission d’une infraction ; qu’en déclarant ADP coupable de complicité de marchandage, sans rechercher s’il avait sciemment apporté son aide ou son assistance à la commission de ce délit, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 121-7 du Code pénal ;
Mais attendu, d’abord, qu’ADP, qui est un service public à caractère industriel et commercial, est soumis aux dispositions du Code du travail réprimant le marchandage ;
Attendu, ensuite, que l’arrêt relève d’une part que le contrat passé entre la société Air portage et ADP avait un caractère fictif et qu’en réalité les porteurs étaient placés sous l’autorité d’ADP pour l’accomplissement d’activités relevant des obligations lui incombant envers les voyageurs en application de l’article L. 251-1 du Code de l’aviation civile, d’autre part que ces porteurs avaient été privés, du fait du caractère fictif du contrat susvisé, de leurs droits sociaux ; que la cour d’appel a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que les dispositions de l’article 125-1 du Code du travail avaient été violées par ADP ;
Que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne l’Etablissement public autonome des Aéroports de Paris aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf avril deux mille trois.
Publication : Bulletin 2003 V N° 147 p. 144
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 13 juin 2000
Titrages et résumés : 1° TRAVAIL REGLEMENTATION - Marchandage - Interdiction - Domaine d’application - Service public à caractère industriel et commercial.
1° Un service public à caractère industriel et commercial est soumis aux dispositions du Code du travail réprimant le marchandage.
2° TRAVAIL REGLEMENTATION - Marchandage - Caractérisation.
2° Dès lors, d’une part, que des salariés d’une société privée, qui avait été chargée du portage des bagages des passagers dans un aéroport, étaient en réalité sous l’autorité de l’établissement public gérant cet aéroport pour l’accomplissement d’activités relevant d’obligations lui incombant envers les voyageurs, en application de l’article L. 251-2 du Code de l’aviation civile, d’autre part, que, du fait du caractère fictif du contrat par lequel l’établissement public avait confié à la société privée le portage des bagages des passagers, les salariés engagés comme porteurs avaient été privés de leurs droits sociaux, une cour d’appel peut en déduire que l’établissement public avait violé l’article L. 125-1 du Code du travail.
Textes appliqués :
• 2° :
• Code de l’aviation civile L251-2
• Code du travail L125-1