Employeur de fait oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 3 mai 2012

N° de pourvoi : 10-27138

Non publié au bulletin

Cassation

M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

Me de Nervo, SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L.8231-1 et L. 8241-1 du code du travail alors applicable ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 7 mai 2002 en qualité d’agent de propreté, par la société Onet, relevant de la convention collective nationale des entreprises de propreté, pour être affecté au site de la société SNR roulements (la société SNR), afin d’y exercer l’activité de nettoyage et de tri des copeaux d’un atelier d’usinage ; qu’il a été licencié le 15 juillet 2005 ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale de demandes relatives à l’exécution et à la rupture du contrat de travail à l’encontre des sociétés SNR et Onet ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, aux motifs que le contrat passé entre les sociétés Onet et SNR constitue un contrat de sous-traitance, et non de prêt de main d’oeuvre et que son licenciement a été régulièrement prononcé par la société Onet, l’arrêt retient que le contrat d’assistance conclu entre les sociétés Onet et SNR a pour objet la conduite de l’installation au niveau broyeur et essorage des copeaux sur la plate-forme de l’atelier usinage 1 sur le site Annecy B conformément au cahier des charges sur une équipe en 2 x 8, et correspond à une externalisation d’une activité préalablement exécutée par la société SNR, que ces tâches relèvent de son domaine d’activité normal, que le réglage des dysfonctionnements était assuré par son personnel, qu’elle a délivré des avertissements au salarié pour des prestations de travail incomplètes et qu’il travaillait sous les directives d’un contremaître de la société Onet qui recevait une rémunération forfaitaire mensuelle ;

Qu’en se déterminant ainsi, alors que le prêt de main-d’oeuvre illicite est caractérisé, si la convention a pour objet exclusif la fourniture de main-d’oeuvre moyennant rémunération sans transmission d’un savoir-faire ou mise en oeuvre d’une technicité qui relève de la spécificité propre de l’entreprise prêteuse, sans rechercher, d’une part, si le poste occupé par le salarié en qualité d’agent de propreté relevait d’une technicité spécifique qui ne pouvait être confiée à un salarié de l’entreprise utilisatrice alors qu’il était précédemment occupé par un salarié de la société SNR et, d’autre part, si la rémunération de la société Onet prenait en compte le coût de la main d’oeuvre sans les charges financières correspondant aux primes conventionnelles et charges sociales que la société SNR aurait dû payer si elle avait continué à utiliser des salariés de son entreprise, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 4 juin 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble ;

Condamne la société SNR roulements aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société SNR roulements à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me de Nervo, avocat aux Conseils pour M. X...

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir dit que le contrat passé entre la société Onet et la société SNR ,ne constituait pas un prêt de main d’oeuvre et d’avoir en conséquence débouté Monsieur X... de sa demande tendant à voir déclarer que la société SNR était son employeur, de sa demande en paiement de rappel de salaires et au titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux motifs que Monsieur X... sollicite la requalification de son contrat de travail envers la société SNR en se fondant sur les dispositions du code du travail relatives au travail temporaire ; or ces dispositions ne sont pas applicables en l’espèce puisqu’il n’a pas signé un contrat d’interim avec la société ONET mais un contrat à durée indéterminée à temps complet , Monsieur X... étant affecté sur le chantier SNR Copeaux ; la demande de requalification formée par Monsieur X... tendant à se voir reconnaître salarié de la société SNR ne peut être examinée que sur les dispositions des articles L 8231-1 et suivants du code du travail relatif au marchandage et prêt de main d’oeuvre illicite ; la technicité propre au prestataire , les moyens qu’il met en oeuvre , l’encadrement de son personnel et la rémunération au prestataire en qualité de fournisseur de main d’oeuvre sont des éléments permettant d’apprécier les conditions d’intervention du salarié au profit du client de son employeur et de déterminer si le salarié se trouve ou non dans une situation de marchandage ou de prêt de main d’oeuvre illicite ; en l’espèce, le contrat d’assistance conclu entre les sociétés Onet Services et SNR a pour objet la conduite de l’installation au niveau broyeur et essorage des copeaux sur la plate forme de l’atelier usinage 1 sur le site Annecy B conformément au cahier des charges sur une équipe en 2x8 et il correspond à une externalisation d’une activité préalablement exécutée par la société SNR ; il est stipulé qu’Onet assure l’encadrement de son personnel et doit particulièrement – s’engager au respect de toutes les obligations concernant l’hygiène et la sécurité des personnes – veiller à ce que son personnel se conforme scrupuleusement aux consignes de sécurité- fournir les outillages individuels, les équipements personnels de sécurité et de protection habituellement utilisés ainsi que les appareils de mesure et de contrôle – signaler immédiatement tous les incidents et anomalies de fonctionnement rencontrés ; le cahier des charges établit la liste des travaux à effectuer , comme la réception des copeaux sur la plate forme leur évacuation dans le broyeur, le tri des pièces récupérées etc… ; la SAS Onet Services, entreprise de nettoyage n’a pas seulement pour activité l’hygiène et l’entretien des locaux professionnels ; elle propose aussi des services spécifiques aux procédés comme dans le cas d’espèce, la propreté et la maintenance des process industriels ainsi que le tri sélectif des déchets ; elle dispose pour ce faire d’un service Recherche et Développement qui propose des solutions techniques pour répondre aux besoins de ses clients notamment en matière de préservation de l’environnement ; les tâches qui lui étaient confiées par la société SNR relèvent de son domaine d’activité normal ; par ailleurs : elle était débitrice envers la société SNR d’une obligation de résultat à savoir exécuter les tâches prévues au cahier des charges avec sa technicité propre et Monsieur X... devait par exemple vérifier le matériel et le réglage des dysfonctionnements éventuels était assuré par les salariés de la société ONET ; elle a seule autorité sur le personnel travaillant dans les locaux de la société SNR ; c’est ainsi qu’elle a délivré des avertissements à Monsieur X... les avril et 23 juin 2005 pour prestations de travail incomplètes et que Monsieur X... a travaillé sous les directives de Monsieur Z... contremaitre de la société Onet services ; c’est également la société Onet qui a licencié Monsieur X... ; la société Onet est rémunérée d’une manière forfaitaire mensuellement par la société SNR sans que soit pris en considération le nombre d’heures effectuées par ses salarié , le coût de la prestation incluant la majoration heure de nuit ; le contrat passé entre la société Onet et SNR constitue un contrat de sous traitance et non un prêt de main d’oeuvre ; il résulte des pièces du dossier et des éléments cidessus discutés que Monsieur X... mettait en oeuvre pour l’exécution de ses missions une technicité propre à la société Onet ; qu’il demeurait sous la subordination juridique de celle-ci et en conséquence Monsieur X... sera débouté de sa demande de rappel de salaires formées à l’encontre d’Onet reposant sur l’application des dispositions conventionnelles ou contractuelles dont bénéficient les salariés de SNR ;

1) Alors que la mise à la disposition de salariés par une entreprise, au profit d’une autre, qui a pour effet de causer un préjudice au salarié concerné ou d ‘éluder l’application d’une convention collective, constitue un prêt de main d’oeuvre à but lucratif illicite dès lors qu’il s’agit de faire exécuter par ces salariés, une tache de l’entreprise utilisatrice , sans apport d’un savoir faire, ni d’une technicité spécifique et distincte de celle de l’entreprise utilisatrice ; que la cour d’appel a relevé que le contrat de mission entre les deux sociétés constituait un contrat licite de sous-traitance, au motif qu’il correspondait à une activité normale de la société Onet ; qu’en omettant de rechercher si le poste occupé par Monsieur X... relevait d’une technicité propre de la société Onet, distincte de celle de la société SNR, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard des articles L 8231-1 et L 8241-1 du code du travail

2) Alors que la mise à la disposition par une entreprise de ses salariés au profit d’une autre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié concerné, ou d’éluder l’application d’une convention collective, constitue un prêt d’oeuvre à but lucratif illicite dès lors qu’il s’agit de faire exécuter une tâche permanente de l’entreprise par ces salariés sans apport de savoir faire ou d’une technicité propre de l’entreprise prestataire ; qu’en relevant qu’en utilisant les services de la société Onet, la société SNR avait externalisé une activité qu’elle exécutait préalablement, sans rechercher comme cela lui était demandé , si le contrat concernait l’exécution d’une tâche temporaire de la société SNR , la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard des articles L 8231-1 et L 8241-1 du code du travail

3) Alors que lorsqu’une entreprise se borne à prêter des salariés exécutant des travaux peu spécialisés à une autre entreprise , à laquelle il est facturé un coût de main d’oeuvre sans qu’elle ait à supporter les charges financières ou sociales de l’emploi qui lui auraient incombées si elle avait employé ses propres salariés, l’opération constitue un prêt de main d’oeuvre à but lucratif illicite ; que la cour d’appel qui s’est bornée à relever que la société Onet était rémunérée de manière forfaitaire mensuellement sans que soit pris en considération le nombre d’heures effectuées sauf majoration des heures de nuit, mais qui n’a pas recherché si cette rémunération forfaitaire ne prenait pas en compte le coût de la main d’oeuvre sans les charges financières correspondant aux primes conventionnelles et charges sociales que la société SNR aurait dû payer si elle avait continué à utiliser des salariés de son entreprise, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard des article L 8231-1 et L8241-1 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Chambéry , du 4 juin 2009