Marin sur navire étranger

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 28 mars 2018

N° de pourvoi : 16-20746

ECLI:FR:CCASS:2018:SO00484

Publié au bulletin

Rejet

M. Frouin (président), président

SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué rendu sur contredit (Aix-en-Provence, 28 avril 2016), que Mme X... a été engagée par la société Debaira Yachting limited, société de droit maltais ayant son siège social à Malte, selon plusieurs contrats d’engagement maritime allant du 1er octobre 2011 au 1er octobre 2013, en qualité de chef cuisinier sur le yacht de grande plaisance Queen Aïda battant pavillon maltais ; que la salariée a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes au titre de l’exécution et la rupture de ses contrats de travail ;

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de dire la juridiction prud’homale compétente pour connaître du litige l’opposant à la salariée alors, selon le moyen :

1°/ qu’en l’absence de conflit international de compétence, la juridiction spécialement compétente pour connaître du litige au sein de l’ordre juridictionnel français doit être déterminée selon les règles de compétence juridictionnelle internes sans tenir compte des éléments d’extranéité du litige ; qu’aux termes de l’article R. 221-13 du code de l’organisation judiciaire, le tribunal d’instance connaît des contestations relatives à la formation, à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail entre l’employeur et le marin, dans les conditions prévues par le livre V de la cinquième partie du code des transports ; qu’en retenant, pour écarter cette compétence, que “

cette attribution de compétence suppose l’absence d’élément d’extranéité pouvant donner au litige une dimension internationale qui exclut l’application des dispositions maritimes du code des transports” et que tel était le cas en l’espèce, “

Mme Nelly X..., affectée sur un navire battant pavillon maltais, [étant] liée à la société Debaira Yachting limited par des contrats rédigés en anglais mentionnant que la loi applicable est celle du pavillon” de sorte “que la relation de travail [n’était] pas soumise, en l’état des constatations susvisées, au code des transports (

)”, la cour d’appel a violé l’article R. 221-13 du code de l’organisation judiciaire, ensemble l’article L. 5542-48 du code des transports dans sa rédaction, applicable au litige, issue de la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 ;

2°/ qu’aux termes de l’article R. 221-13 du code de l’organisation judiciaire, le tribunal d’instance connaît des contestations relatives à la formation, à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail entre l’employeur et le marin, dans les conditions prévues par le livre V de la cinquième partie du code des transports ; que, selon l’article L. 5542-48 du code des transports, tout différend qui peut s’élever à l’occasion de la formation, de l’exécution ou de la rupture d’un contrat de travail entre l’employeur et le marin est porté devant le juge judiciaire ; qu’enfin, l’article L. 5511-1 du même code prévoit que, pour son application, est considéré comme : « 1° “Armateur” : toute personne pour le compte de laquelle un navire est armé [ou

] le propriétaire du navire ou tout autre opérateur auquel le propriétaire a confié la responsabilité de l’exploitation du navire [

] », « 2° “Entreprise d’armement maritime” : tout employeur de salariés exerçant la profession de marin » ; « 3° “Marins” : les gens de mer salariés ou non salariés exerçant une activité directement liée à l’exploitation du navire” ; qu’il résulte de ces dispositions combinées applicables à l’intérieur de l’ordre juridictionnel français la compétence exclusive du tribunal d’instance pour juger de tout différend élevé entre un armateur et un marin à l’occasion de la formation, l’exécution ou la rupture du contrat de travail conclu entre eux, indépendamment de la loi applicable au contrat de travail ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé ces textes par fausse application ;

3°/ qu’aux termes de l’article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, la loi applicable au contrat de travail international est la loi des parties ; que cependant, cette loi d’autonomie ne peut priver le travailleur des dispositions impératives de la loi qui lui serait applicable, à défaut de choix, en vertu de cette Convention ; qu’en retenant, à l’appui de sa décision, que “

Mme Nelly X..., affectée sur un navire battant pavillon maltais, [étant] liée à la société Debaira Yachting limited par des contrats rédigés en anglais mentionnant que la loi applicable est celle du pavillon” de sorte “que la relation de travail [n’était] pas soumise, en l’état des constatations susvisées, au code des transports (

)”, sans déterminer la loi qui eût été applicable à défaut de choix aux contrats d’engagement maritime internationaux conclus entre ces parties, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Mais attendu qu’il résulte de l’application combinée des dispositions des articles L. 5000-3 et L. 5542-48 du code des transports, et R. 221-13 du code de l’organisation judiciaire, dans leur rédaction applicable au litige, que le conseil de prud’hommes est seul compétent pour connaître des litiges entre armateur et marin portant sur la conclusion, l’exécution ou la rupture du contrat d’engagement maritime sur un navire étranger ;

Et attendu qu’ayant constaté que la salariée était affectée sur un navire battant pavillon maltais, la cour d’appel en a exactement déduit que la relation de travail n’était pas soumise au code des transports, que l’application de l’article R. 221-13 du code de l’organisation judiciaire devait être exclue et que la juridiction prud’homale était compétente pour connaître du litige l’opposant à son employeur ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche comme critiquant un motif surabondant, n’est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Debaira Yachting limited aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Debaira Yachting limited

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR, statuant sur contredit de compétence, dit le Conseil de prud’hommes de Grasse compétent pour connaître du litige opposant Mademoiselle Nelly X... à la Société Debaira Yachting Limited, armateur de nationalité maltaise l’ayant employée à bord du navire My queen Aïda ;

AUX MOTIFS propres QUE “si l’article R. 221-13 du Code de l’organisation judiciaire donne compétence au Tribunal d’instance pour connaître des contestations relatives au contrat d’engagement entre armateurs et marins dans les conditions prévues par le livre V de la cinquième partie du Code des transports, cette attribution de compétence suppose l’absence d’élément d’extranéité pouvant donner au litige une dimension internationale qui exclut l’application des dispositions maritimes du Code des transports ; qu’en l’espèce, il est constant que Madame Nelly X..., affectée sur un navire battant pavillon maltais, était liée à la Société Debaira Yachting Limited par des contrats rédigés en anglais mentionnant que la loi applicable est celle du pavillon ; que la relation de travail n’étant pas soumise, en l’état des constatations susvisées, au Code des transports, l’application de l’article R. 221-13 du Code de l’organisation judiciaire doit être exclue ; que les contrats ayant été signés à [...], il y a lieu de considérer que le Conseil de prud’hommes de Grasse est matériellement et territorialement compétent, en application de l’article R. 1412-1 du Code du travail pour connaître du litige ; que la décision du Conseil de prud’hommes de Grasse ayant rejeté l’exception d’incompétence sera approuvée” ;

ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE “la société, en soulevant l’incompétence du Conseil au profit du Tribunal d’instance compétent pour les marins embarqués, a abandonné tout autre motif d’incompétence ; qu’il n’y a donc lieu qu’à analyser cette argumentation concernant les marins embarqués ;

QUE Madame Nelly X... soulève le principe selon lequel la compétence du Tribunal d’instance ne s’applique qu’aux bateaux battant pavillon français ;

QUE si l’article 5 du Code du travail maritime, qui stipulait expressément cette précision d’une compétence exclusive du Tribunal d’instance des seuls bateaux battant pavillon français a été abrogé, cette abrogation ne remet pas en cause cette exclusivité, les abrogations étant intervenues pour transférer un certain nombre d’articles dans le Code des transports qui, lui, ne s’adresse qu’aux entreprises françaises ;

QUE de toute façon, la jurisprudence en la matière subsiste, laquelle est formelle sur la seule application aux bateaux battant pavillon français de la compétence du Tribunal d’instance ;

QUE toute l’activité du bateau Queen Aïda s’effectuait au départ d’[...], ce que ne dément pas la Société, faute de produire un quelconque élément contraire ; qu’en conséquence, le Conseil se déclarera compétent et ordonnera à la partie défenderesse de plaider sur le fond de l’affaire à l’audience de renvoi (

)” ;

1°) ALORS QU’en l’absence de conflit international de compétence, la juridiction spécialement compétente pour connaître du litige au sein de l’ordre juridictionnel français doit être déterminée selon les règles de compétence juridictionnelle internes sans tenir compte des éléments d’extranéité du litige ; qu’aux termes de l’article R. 221-13 du Code de l’organisation judiciaire, le tribunal d’instance connaît des contestations relatives à la formation, à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail entre l’employeur et le marin, dans les conditions prévues par le livre V de la cinquième partie du code des transports ; qu’en retenant, pour écarter cette compétence, que “

cette attribution de compétence suppose l’absence d’élément d’extranéité pouvant donner au litige une dimension internationale qui exclut l’application des dispositions maritimes du Code des transports” et que tel était le cas en l’espèce, “

Madame Nelly X..., affectée sur un navire battant pavillon maltais, [étant] liée à la Société Debaira Yachting Limited par des contrats rédigés en anglais mentionnant que la loi applicable est celle du pavillon” de sorte “que la relation de travail [n’était] pas soumise, en l’état des constatations susvisées, au Code des transports (

)”, la Cour d’appel a violé l’article R. 221-13 du code de l’organisation judiciaire, ensemble l’article L. 5542-48 du Code des transports dans sa rédaction, applicable au litige, issue de la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 ;

2°) ALORS QU’aux termes de l’article R. 221-13 du Code de l’organisation judiciaire, le tribunal d’instance connaît des contestations relatives à la formation, à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail entre l’employeur et le marin, dans les conditions prévues par le livre V de la cinquième partie du code des transports ; que selon l’article L. 5542-48 du Code des transports, tout différend qui peut s’élever à l’occasion de la formation, de l’exécution ou de la rupture d’un contrat de travail entre l’employeur et le marin est porté devant le juge judiciaire ; qu’enfin, l’article L. 5511-1 du même code prévoit que, pour son application, est considéré comme : « 1° “Armateur” : toute personne pour le compte de laquelle un navire est armé [ou

] le propriétaire du navire ou tout autre opérateur auquel le propriétaire a confié la responsabilité de l’exploitation du navire [

]”, « 2° “Entreprise d’armement maritime” : tout employeur de salariés exerçant la profession de marin ; « 3° “Marins” : les gens de mer salariés ou non salariés exerçant une activité directement liée à l’exploitation du navire” ; qu’il résulte de ces dispositions combinées applicables à l’intérieur de l’ordre juridictionnel français la compétence exclusive du Tribunal d’instance pour juger de tout différend élevé entre un armateur et un marin à l’occasion de la formation, l’exécution ou la rupture du contrat de travail conclu entre eux, indépendamment de la loi applicable au contrat de travail ; qu’en décidant le contraire, la Cour d’appel a violé ces textes par fausse application ;

3°) ALORS subsidiairement QU’aux termes de l’article 6 de la convention de Rome du 19 juin 1980, la loi applicable au contrat de travail international est la loi des parties ; que cependant, cette loi d’autonomie ne peut priver le travailleur des dispositions impératives de la loi qui lui serait applicable, à défaut de choix, en vertu de cette Convention ; qu’en retenant, à l’appui de sa décision, que “

Madame Nelly X..., affectée sur un navire battant pavillon maltais, [étant] liée à la Société Debaira Yachting Limited par des contrats rédigés en anglais mentionnant que la loi applicable est celle du pavillon” de sorte “que la relation de travail [n’était] pas soumise, en l’état des constatations susvisées, au Code des transports (

)”, sans déterminer la loi qui eût été applicable à défaut de choix aux contrats d’engagement maritime internationaux conclus entre ces parties, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé. Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence , du 28 avril 2016