Personnel au sol - salarié établissement français oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 28 octobre 2008

N° de pourvoi : 07-43971

Non publié au bulletin

Rejet

M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 12 juin 2007), rendu sur renvoi après cassation (Chambre sociale, 8 février 2005, n° 02-46959), que M. X..., qui était employé depuis 1973 par la société Air Algérie, a été nommé en 1995 chef d’escale en France, pour une durée d’une année ; que cette affectation s’étant ensuite poursuivie au-delà de son terme, le président directeur général de la société Air Algérie a décidé le 29 septembre 1998 de rappeler M. X... en Algérie pour qu’il soit mis à la disposition de la Direction des transports, le 2 janvier suivant, date ensuite reportée au 31 janvier 1999 ; que le salarié s’est opposé à cette décision et a saisi le juge prud’homal pour faire juger que son contrat avait été irrégulièrement rompu par l’employeur et pour obtenir paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de l’employeur :

Attendu que la société Air Algérie fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée au paiement d’indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’une indemnité au titre de privation de jours de récupération alors, selon le moyen :

1°/ que caractérise un détachement temporaire, et non une mutation à titre définitif, notamment au sens de la loi algérienne, la décision prévoyant l’affectation temporaire d’un salarié à l’étranger pendant une période déterminée, et sa réaffectation dans son poste d’origine à l’issue de cette période ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a elle-même constaté que la décision de la société Air Algérie du 10 septembre 1995, remplacée le 30 septembre 1995 par une décision identique sauf le lieu d’affectation en France, nommant le salarié chef d’escale, mentionnait qu’il devait « être réaffecté en Algérie à un poste de travail selon les besoins de l’entreprise à l’issue de cette période », et qu’il faisait l’objet d’une « affectation temporaire à l’étranger », ce dont il résultait que, nonobstant l’absence de mention expresse d’un détachement ou de mention prévoyant la possibilité de renouvellement de la période initiale ou la durée maximale de l’affectation à l’étranger, la décision de l’employeur affectant le salarié en France ne constituait pas une mutation définitive mais un détachement temporaire impliquant de plein droit le rappel du salarié en Algérie à l’issue d’une période maximale de trois années consécutives ; qu’en considérant le contraire, la cour d’appel, qui a dénaturé les articles 190,191, 192 et 193 du statut du personnel au sol de l’entreprise nationale d’exploitation des services aériens Air Algérie, 11 et 14 du décret algérien n° 74-55 du 20 février 1974 relatif aux conditions de recrutement et de rémunération du personnel des représentations des entreprises et établissements publics à l’étranger, 3, 4, 5 et 13 du protocole d’accord collectif du 29 décembre 1996, a violé ensemble les articles 3 et 1134 du code civil ;

2°/ que le détachement temporaire à l’étranger d’un salarié de la société Air Algérie, au sens du droit algérien, n’excluait aucunement, dès avant 1996, une affectation du salarié dans un service de l’entreprise en dehors du territoire national ; qu’en particulier, le protocole d’accord collectif du 29 décembre 1996, en rappelant la nomenclature des postes de travail en vigueur à la date de sa mise en oeuvre, susceptibles d’être occupés par le « personnel algérien en position de détachement temporaire dans les services de l’entreprise situés hors du territoire national », n’a pas modifié le droit antérieur quant à la nature du détachement temporaire, mais au contraire confirmé si besoin était que ce détachement pouvait dès avant la conclusion du protocole avoir pour objet, notamment, une affectation temporaire dans un service de l’entreprise à l’étranger ; qu’en l’espèce, en considérant le contraire, la cour d’appel, qui a dénaturé les articles 190, 191, 192 et 193 du statut du personnel au sol de l’entreprise nationale d’exploitation des services aériens Air Algérie, 11 et 14 du décret algérien n° 74-55 du 20 février 1974 relatif aux conditions de recrutement et de rémunération du personnel des représentations des entreprises et établissements publics à l’étranger, 3, 4, 5 et 13 du protocole d’accord collectif du 29 décembre 1996, a violé les articles 3 et 1134 du code civil ;

3°/ que la décision de détachement temporaire n’est pas subordonnée à l’accord du salarié ; qu’en l’espèce, en écartant l’existence d’un détachement temporaire, au motif erroné qu’aucun contrat individuel d’affectation n’était produit et que la décision de la direction générale, acte unilatéral, ne comportait pas la signature du salarié, la cour d’appel a derechef violé ensemble les articles 3 et 1134 du code civil, et dénaturé les articles 190, 191, 192 et 193 du statut du personnel au sol de l’entreprise nationale d’exploitation des services aériens Air Algérie, 11 et 14 du décret algérien n° 74-55 du 20 février 1974 relatif aux conditions de recrutement et de rémunération du personnel des représentations des entreprises et établissements publics à l’étranger, 3, 4 et 13 du protocole d’accord collectif du 29 décembre 1996 ;

4°/ qu’il résulte de l’article 14 du décret algérien du 20 février 1974 relatif aux conditions de recrutement et de rémunération du personnel des représentations des entreprises et établissements publics à l’étranger selon lequel « les agents rappelés en Algérie sont réintégrés dans leur administration, entreprise ou établissement publics d’origine, le cas échéant en surnombre et ont priorité pour occuper leur ancien poste ou un poste équivalent », que le décret s’applique non seulement aux agents recrutés pour être affectés à l’étranger dès l’origine mais également, et même principalement à ceux qui, initialement affectés en Algérie, ont pendant une période déterminée été affectés à l’étranger avant d’être rappelés dans leur établissement d’origine ; qu’en décidant que ce décret n’était pas applicable au détachement de M. X... en 1995, au motif erroné qu’il avait été engagé en 1973, antérieurement au décret, pour travailler dans un premier temps, pendant vingt-deux ans en Algérie au sein d’Air Algérie, la cour d’appel, qui a dénaturé la loi algérienne, spécialement les articles 11 et 14 du décret algérien n° 74-55 du 20 février 1974, a violé les articles 3 et 1134 du code civil ;

5°/ qu’en vertu de la loi algérienne applicable, la mutation ne peut s’entendre que d’un changement d’affectation à titre définitif ; qu’en l’espèce, la cour d’appel avait elle-même relevé que la décision d’affectation du salarié en France prise en 1995 était prévue pour une durée d’un an et mentionnait que le salarié devait « être réaffecté en Algérie à un poste de travail selon les besoins de l’entreprise à l’issue de cette période », outre qu’elle se référait explicitement à une « affectation temporaire à l’étranger » ;

qu’en se bornant néanmoins, pour considérer à tort que M. X... n’avait pas fait l’objet d’un détachement temporaire mais d’une mutation, à relever de manière insuffisante et inopérante que le salarié n’avait pas été nommé par le ministre de tutelle ni rappelé en Algérie dans les mêmes conditions que la nomination, comme le prévoyait le décret de 1974, sans aucunement caractériser en quoi l’affectation du salarié en France en 1995 aurait eu un caractère définitif, condition déterminante de l’existence d’une mutation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 1134 du code civil ;

6°/ qu’en l’espèce, la société Air Algérie avait spécialement attiré l’attention des juges du fond sur le fait que c’était seulement « dans le cadre de son détachement temporaire à l’étranger qu’elle a entrepris les démarches administratives requises pour que M. X..., ressortissant algérien, puisse exercer une activité salariée en France », dès lors que le salarié relevait de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié par un avenant du 22 décembre 1958 précisant que « les ressortissants algériens désireux d’exercer une activité professionnelle salariée en France reçoivent…sur présentation d’un contrat de travail visé par les services du ministre chargé des travailleurs immigrés, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions…renouvelable et portant la mention « salarié » ; cette mention constitue l’autorisation de travail exigée par la législation française » ; que l’exposante insistait encore sur le fait que c’était en application de ces dispositions qu’elle avait présenté le contrat de travailleur étranger de M. X... à la direction départementale du travail et de l’emploi et soumis ce document au visa de l’OMI qui l’avait accordé le 29 novembre 1996, pour permettre au salarié d’obtenir un certificat de résidence ; qu’en se bornant néanmoins à affirmer que la conclusion d’un contrat à durée indéterminée, visé en novembre 1996 par la DDTE et l’OMI, démontrait l’existence d’une situation nouvelle et la volonté des parties de poursuivre la relation contractuelle non plus dans le cadre d’une affectation temporaire mais définitive, et qu’au moment de son rappel en Algérie, le salarié ne se trouvait plus en situation de détachement temporaire, sans suffisamment s’expliquer sur les éléments précités, de nature à établir que les parties n’avaient pas entendu modifier les conditions de l’affectation du salarié en France qui continuait à présenter un caractère temporaire, sans avoir pu être transformée en une mutation définitive, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 1134 du code civil ;

7°/ que l’attestation de travail du 28 janvier 1997, si elle se référait certes au prix d’une maladresse de plume à une « mutation » du salarié à Marseille en octobre 1995, renvoyant ainsi simplement à son changement d’affectation de Paris à Marseille suite à la cessation des vols Paris-Alger, ne faisait en revanche aucune allusion, fût-elle implicite, à un quelconque changement de situation du salarié, ni encore moins à une transformation de son affectation temporaire en affectation définitive ; qu’en considérant néanmoins que cette attestation, se référant exclusivement à une affectation décidée en 1995, serait venue confirmer un changement de situation censé résulter d’un contrat conclu postérieurement, en juillet 1996, ce qui était, par hypothèse, manifestement impossible, la cour d’appel a dénaturé le sens et la portée de l’attestation du 28 janvier 1997, et violé derechef l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu d’abord qu’interprétant sans la dénaturer la loi étrangère dont elle a fait application, la cour d’appel a retenu que la situation de M. X... ne relevait ni du décret du 20 février 1974, dont les dispositions n’avaient pas été observées en ce qui concerne les conditions de l’affectation du salarié en France, ni du régime du détachement hors du corps d’origine prévu par le statut du personnel au sol d’Air Algérie ni du régime du détachement temporaire mis en place à titre transitoire par le protocole d’accord collectif du 29 décembre 1996, conclu postérieurement à la nomination de l’intéressé en France ;

Attendu ensuite qu’ayant constaté, sans dénaturation des documents produits, qu’à l’issue de la première année d’affectation, en septembre 1996, un contrat de travail à durée indéterminée avait été conclu entre l’employeur et son salarié, pour l’exercice de son activité en France, la cour d’appel a pu en déduire, sans avoir à effectuer la recherche invoquée dans la cinquième branche du moyen, que les parties avaient alors entendu donner à cette affectation un caractère définitif, de sorte qu’en rappelant l’intéressé en Algérie, sans justifier que cette décision était motivée par l’intérêt du service, la société Air Algérie avait irrégulièrement rompu ce contrat, au regard du statut du personnel au sol d’Air Algérie ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal de l’employeur :

Attendu que la société Air Algérie fait encore grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à payer une indemnité au titre d’une privation de jours de récupération alors, selon le moyen que c’est seulement lorsque le salarié n’a pas été en mesure du fait de son employeur de formuler une demande de repos compensateur qu’il a droit à l’indemnisation du préjudice subi ; qu’en l’espèce, pour condamner l’employeur à payer une indemnité au salarié au titre des jours de récupération, la cour d’appel a considéré que ces jours n’avaient pu être pris du fait de l’employeur, ensuite de sa motivation précédemment critiquée ayant imputé la rupture de la relation de travail à l’employeur ; qu’ainsi, la cassation à intervenir sur le premier moyen s’étendra par voie de conséquence et en application de l’article 624 du code de procédure civile, au chef de dispositif ayant condamné la société Air Algérie à payer à M. X... la somme de 53 630,85 euros à titre de jours de récupération, outre les congés payés y afférents ;

Mais attendu qu’une cassation n’étant pas prononcée sur le premier moyen, le second moyen est inopérant ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident du salarié :

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt d’avoir modifié le montant de l’indemnité allouée au titre d’une absence d’information sur le repos compensateur, telle qu’elle résultait de l’arrêt cassé, alors, selon le moyen, que la censure qui s’attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que l’annulation d’une décision laisse subsister, comme passées en force de chose jugée, toutes les parties de la décision qui n’ont pas été attaquées par le pourvoi ; que les moyens de cassation formulés contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 septembre 2002 visaient exclusivement à la censure des chefs du dispositif ayant trait aux indemnités de préavis, de congés payés y afférents, de licenciement, et de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu’en se prononçant sur la demande d’indemnité pour non information sur les droits à repos compensateur, quand le chef du dispositif dudit arrêt y afférent n’avait pas été attaqué par le précédent pourvoi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Mais attendu que la cassation d’une décision “dans toutes ses dispositions” investit la juridiction de renvoi de la connaissance de l’entier litige dans tous ses éléments de fait et de droit ; que l’arrêt de la cour d’appel de Paris ayant été cassé en toutes ses dispositions, la cour de renvoi a valablement statué sur ce chef de demande ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le second moyen du pourvoi incident du salarié :

Attendu que M. X... fait encore grief à l’arrêt d’avoir exclu l’indemnité de logement qu’il percevait de l’assiette de calcul des indemnités pour privation de jours de récupération, de congés payés et de licenciement alors, selon le moyen, que l’indemnité de logement dont le montant forfaitaire ne correspond pas aux frais réellement exposés par le salarié pour son logement constitue un élément de salaire ; que l’indemnité de logement d’un montant forfaitaire correspondait à un remboursement partiel du loyer et des charges exposés par le salarié ; qu’en déclarant néanmoins que cette indemnité avait la nature d’un remboursement de frais professionnels, la cour d’appel a violé les articles L. 122-8, L. 122-9, L. 212-5, L. 212-5-1 et L. 223-11 du code du travail, et l’article 119 du statut du personnel au sol d’Air Algérie ;

Mais attendu qu’ayant constaté que l’indemnité de logement allouée à M. X... était proportionnelle au montant du loyer et des charges supportés par ce salarié, la cour d’appel a pu en déduire qu’elle était destinée à rembourser des frais liés à l’exercice de la profession et qu’elle ne constituait pas un élément de salaire ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu’incident ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille huit. Décision attaquée : Cour d’appel de Versailles du 12 juin 2007