Restauration d’une maison - dissimulation d’emploi salarié oui

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 mars 2011
N° de pourvoi : 10-81.510
Non publié au bulletin
Solution : Cassation partielle

Audience publique du mardi 15 mars 2011
Décision attaquée : Cour d’appel de Versailles, du 04 février 2010

Président
M. Louvel (président)
Avocat(s)
SCP Boré et Salve de Bruneton
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

 M. Grezgorz X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de VERSAILLES, 9e chambre, en date du 4 février 2010, qui, pour travail dissimulé et emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail, l’a condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d’amende et a ordonné la publication de la décision ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles L. 143-3, L. 320, L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, L. 341-1, L. 341-4, L. 341-6, L. 362, L. 362-3, L. 362-4, L. 362-5, L. 364-3, L. 364-8 et L. 364-9 du code du travail, des articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l’arrêt a condamné M. X... à une peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 20 000 euros ;

"aux motifs qu’il ressort d’un faisceau d’indices précis et concordants que M. X... a recouru aux services de MM. Y... et Z... moyennant finances pour restaurer la maison qu’il avait acquise 10 rue des tilleuls aux Loges-Enjosas, puisque :
 lors du contrôle effectué le 9 mars 2006 par les services de police accompagnés de l’URSSAF et de l’inspection du travail à la dite adresse, ils ont trouvé un pavillon en travaux et ont constaté la présence d’un individu en tenue de travail ne parlant pas français qui leur a ouvert la porte et a justifié de l’identité de M. Y..., de nationalité polonaise et d’un second ouvrier de nationalité polonaise occupé à la pose d’un parquet répondant au nom de M. Z... se présentant comme poseur de carrelage ;
 celui-ci a admis être arrivé de Pologne en car comme touriste entre le 8 et le 10 janvier 2006 et non en mars comme le soutient le prévenu ;
 en revanche M. Y... a expliqué être arrivé en France le 10 janvier 2006 en compagnie de M. Z..., pour travailler et gagner de l’argent suivant la proposition que lui en avait faite celui-ci, ses horaires de travail étant chaque jour de huit heures à dix-sept heures et le samedi jusqu’à midi avec une pause de trente minutes à midi moyennant un salaire de 1 000 euros par mois payé de la main à la main, son travail consistant à peindre les murs et plafonds et celui de son compagnon à poser le carrelage, suivant les instructions de M. X... qui les rémunérait ;
 M. Y... n’avait aucun intérêt à tenir de tels propos à charge ;
 l’arrivée en France des deux ouvriers chargés de famille intervenue selon leurs déclarations concordantes deux mois avant leur interpellation, soit pour un relativement long séjour, manifeste un autre objet que la simple visite touristique alléguée ou l’achat d’une voiture comme le soutient le prévenu ;
 cette visite du 9 mars 2006 faisait suite à la plainte de M. A... qui avait reçu un ascenseur sur le dos à l’occasion de travaux de rénovation du pavillon en cause, pour lesquels il n’avait jamais été déclaré, et à une visite effectuée le 17 janvier 2006 au 10 allée des Tilleuls aux Loges-en-Josas par les services de police au cours de laquelle ils avaient trouvé un homme ne parlant pas français en train de polir un volet ;
 les déclarations de M. X... qui dénie les faits sont mensongères, puisque : en contradiction avec les déclarations concordantes de deux ouvriers, il affirme que ceux-ci sont arrivés en mars au lieu du mois de janvier ; il indique que M. Z... est le filleul de sa propre mère en même temps qu’un ami d’enfance, alors que celui- ci a indiqué être le cousin de Mme X... ; il n’a pu justifier les tenues maculées de peinture des deux témoins autrement que par leur souci de « ne pas se salir avec la voiture », ce qui est quelque peu vague et laconique ; M. X... a expliqué que les travaux de pose de parquet avaient été confiés à une société polonaise, la société Softarch, alors qu’aucune déclaration auprès de l’URSSAF ne fait état de chantier mené en France par cette société ; que les déclarations précises et concordantes de MM. Y... et A... démontrent la réhabilitation par leurs soins de la maison du 10 rue des Tilleuls aux Loges-en-Josas moyennant paiement de salaires non déclarés, sans que les explications changeantes et vagues voire manifestement fausses du prévenu ne puissent contredire sérieusement cette version ; que l’article 6.3.d de la Convention européenne des droits de l’homme énonce que tout accusé a droit à interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ce qui, en l’absence de confrontation entre MM. Y... et Z... et le prévenu, devrait selon ce dernier nécessairement conduire à la relaxe ; que M. X... a sollicité à l’audience du 3 avril 2009 l’audition contradictoire des deux témoins en cause, ce qui a provoqué le renvoi de l’affaire à l’audience du 5 novembre 2009 à laquelle ces deux personnes ont été citées par le prévenu ; que ces témoins ne sont néanmoins pas présentés à cette date ; que l’affaire a été renvoyée à l’audience du 7 janvier en raison de l’hospitalisation de M. X... ; qu’ainsi, la confrontation souhaitée en cause d’appel quoique non réclamée au cours de l’enquête ni en première instance, apparaît impossible en l’état de l’éloignement du domicile des témoins qui n’ont pas voulu se déplacer ; que surtout les constatations de la cour ci-dessus développées démontrent que la culpabilité du prévenu est amplement établie par un ensemble d’éléments et que la confrontation demandée après la volte face mensongère de M. Y... ne pouvait pas apporter d’élément utile à décharge ni conduire à la relaxe ; que M. Y... a déclaré le 10 mars 2006 au consulat général de Pologne à Paris, que finalement il n’est venu en France qu’en mars 2006 pour acheter une voiture, avec un collègue de travail, qu’une fois en France ils se sont arrêtés chez un parent éloigné de M. Z... qui les a hébergés dans une maison en cours de rénovation, qu’à cause de son manque de connaissance de la langue française et des menaces de peine de prison au cours de l’enquête, il s’est trouvé soumis à une telle pression psychologique qu’il en est venu à faire de déclarations qui loin de concerner le pavillon dans lequel il a été trouvé, habillé en tenue de chantier, avaient trait à son travail en Pologne et que la somme de 2 000 euros trouvée sur lui correspondait non à son salaire comme il l’a dit aux policiers, mais au montant apporté de Pologne pour payer le véhicule qu’il projetait d’acheter ; que les faits relatés dans ce document par lequel son auteur tend à disculper le prévenu sont invraisemblables puisque les déclarations de ce témoin devant les policiers effectuées par l’intermédiaire d’un interprète ne peuvent résulter d’une confusion avec son travail en Pologne, tant il a développé avec précision les détails sur sa situation en France en mars 2009 ; que la version de la venue en France pour acheter un véhicule n’explique pas toutes les constatations des policiers décrivant la participation au chantier de cette personne ; que ce témoignage qui ne fait que reprendre consciencieusement la version du prévenu, par son caractère grossièrement mensonger vient en réalité étayer les autres éléments militant dans le sens de la culpabilité et rend vaine une confrontation de ce dernier avec le prévenu ; que sa comparution par laquelle il viendrait reprendre ce qu’il a dit devant les services de son consulat et les propos de M. X... ne pourraient pas remettre en cause le faisceau d’indices de culpabilité évoqué ; que par ailleurs, déjà cité à comparaître devant la cour, ce témoin ne s’est pas déplacé de sorte que ladite confrontation est impossible ; que les travaux de rénovation d’un pavillon constituent des travaux de prestation services ; que les constatations et témoignages analysés établissent l’existence d’un contrat de travail en ce que MM. Y... et Z... se sont engagés à travailler pour le compte et sous la subordination de M. X... moyennant rémunération et à l’aide des matériaux et outils fournis pas l’employeur ainsi que l’ont relevé les services de l’Inspection du travail ; que les investigations et les dénégations du prévenu révèlent l’absence de déclaration préalable à l’embauche et de bulletin de paie ; que le délit de travail dissimulé reproché est donc bien constitué ; que les deux salariés n’ont pas fourni de titre les autorisant à exercer une activité salariée en France, ni n’ont prétendu en avoir ; que l’employeur a profité d’une plus-value importante donnée à son pavillon grâce à des travaux confiés à des ouvriers du chef desquels il faisait l’économie du paiement des charges sociales tout en les privant de toute couverture sociale notamment en cas d’accident du travail ; qu’il a d’ailleurs rapidement utilisé ce profit obtenu par voie délictueuse puisqu’il a échangé ledit pavillon par acte sous seing privé dès le 17 mai 2006 soit à la fin des travaux, avec un autre pavillon ; qu’il a également obtenu cet enrichissement grâce à la violation des règles régissant l’immigration, puisqu’il a fait travailler des personnes qui, demeurant loin de France, ont moins de chances de lui attirer des ennuis et se contentent de revenus moindres que ceux exigés en France ce qui constitue une manière de concurrencer par la violation de la loi pénale les entrepreneurs travaillant légalement ; qu’il convient de lui infliger une peine en rapport avec le bénéfice ainsi obtenu et suffisamment exemplaire pour être dissuasive à son égard comme à l’égard des tiers qui seraient tentés par de tels procédés ; qu’en conséquence il sera condamné à des peines de quatre mois d’emprisonnement avec sursis, de 20 000 euros d’amende et à la publication de la décision ; que le prévenu a sollicité la non inscription au bulletin numéro 2 de son casier judiciaire, au motif qu’amené à voyager pour les besoins de son emploi dans les pays de l’Est, il lui est nécessaire pour avoir un visa commercial pour la Russie de produire son casier judiciaire ; qu’il n’est justifié d’aucune manière de cette prétendue nécessité de produire le bulletin n° 2 et non pas seulement son bulletin n° 3 sur lequel ne figurera pas la présente condamnation ; que cette demande sera donc rejetée ;

"1°/ alors que les droits de la défense sont restreints de manière incompatible avec les garanties de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme lorsqu’une condamnation se fonde, uniquement ou dans une mesure déterminante, sur des dépositions faites par une personne que l’accusé n’a pu interroger ou faire interroger ni au stade de l’instruction ni pendant les débats ; qu’en entrant en voie de condamnation contre M. X... sur la foi, dans une mesure déterminante, des déclarations de MM. Y..., A... et Z... que M. X... n’avait pu interroger ou faire interroger à aucun stade de la procédure, la cour d’appel a violé les principes et textes susvisés ;

"2°/ alors que l’article 6 n’autorise les juridictions à fonder une condamnation sur les dépositions d’un témoin à charge que l’accusé ou son conseil n’ont pu interroger à aucun stade de la procédure, que lorsque le défaut de confrontation est dû à l’impossibilité de localiser le témoin et que le témoignage litigieux n’est pas le seul élément sur lequel repose la condamnation ; qu’en faisant reposer la condamnation de M. X... sur les déclarations de MM. Y... et Z... ainsi que sur celles de M. A... sans que le défaut de confrontation ne soit dû à l’impossibilité de localiser ces témoins, la cour d’appel a violé les principes et textes susvisés ;

"3°/ alors que le défaut de confrontation n’est justifié que s’il est établi que les autorités compétentes ont fait diligence aux fins de permettre cette confrontation ; qu’aux termes de l’article 10 de la Convention d’entraide judiciaire en matière pénale, si la partie requérante estime que la comparution d’un témoin devant ses autorités judiciaires est particulièrement nécessaire, elle en fera mention dans le demande de remise de citation qui devra mentionner le montant approximatif des indemnités à verser ainsi que des frais de voyage et séjour à rembourser ; qu’en affirmant que la comparution de MM. Y... et Z..., cités par le prévenu, était impossible sans constater que les autorités compétentes avaient usé des voies de droits dont elles disposaient pour obtenir la comparution des témoins, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, pour dire M. X... coupable du délit de travail dissimulé, après avoir relevé que deux témoins de nationalité étrangère avaient été cités par la défense en vue d’être entendus à l’audience, mais que leur confrontation avec le prévenu était impossible en raison de l’éloignement de leur domicile et de leur refus de se présenter, les juges du second degré énumèrent et analysent les faits et circonstances de la cause ainsi que les constatations opérées sur les lieux du délit par les services de police et les agents de contrôle de l’Urssaf et de l’inspection du travail ;

Attendu qu’en cet état, la cour d’appel, qui a caractérisé en tous ses éléments constitutifs l’infraction poursuivie, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, L. 5221-1 et L. 5221-2 du code du travail, de l’article 112-1 du code pénal et des articles 485, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l’arrêt a condamné M. X... à une peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 20 000 euros ;

"aux motifs qu’il ressort d’un faisceau d’indices précis et concordants que M. X... a recouru aux services de MM. Y... et Z... moyennant finances pour restaurer la maison qu’il avait acquise 10 rue des tilleuls aux Loges-Enjosas, puisque :
 lors du contrôle effectué le 9 mars 2006 par les services de police accompagnés de l’URSSAF et de l’inspection du travail à la dite adresse, ils ont trouvé un pavillon en travaux et ont constaté la présence d’un individu en tenue de travail ne parlant pas français qui leur a ouvert la porte et a justifié de l’identité de M. Y..., de nationalité polonaise et d’un second ouvrier de nationalité polonaise occupé à la pose d’un parquet répondant au nom de M. Z... se présentant comme poseur de carrelage ;
 celui-ci a admis être arrivé de Pologne en car comme touriste entre le 8 et le 10 janvier 2006 et non en mars comme le soutient le prévenu ;
 en revanche M. Y... a expliqué être arrivé en France le 10 janvier 2006 en compagnie de M. Z..., pour travailler et gagner de l’argent suivant la proposition que lui en avait faite celui-ci, ses horaires de travail étant chaque jour de huit heures à dix-sept heures et le samedi jusqu’à midi avec une pause de trente minutes à midi moyennant un salaire de 1 000 euros par mois payé de la main à la main, son travail consistant à peindre les murs et plafonds et celui de son compagnon à poser le carrelage, suivant les instructions de M. X... qui les rémunérait ;
 M. Y... n’avait aucun intérêt à tenir de tels propos à charge ;
 l’arrivée en France des deux ouvriers chargés de famille intervenue selon leurs déclarations concordantes deux mois avant leur interpellation, soit pour un relativement long séjour, manifeste un autre objet que la simple visite touristique alléguée ou l’achat d’une voiture comme le soutient le prévenu ;
 cette visite du 9 mars 2006 faisait suite à la plainte de M. A... qui avait reçu un ascenseur sur le dos à l’occasion de travaux de rénovation du pavillon en cause, pour lesquels il n’avait jamais été déclaré, et à une visite effectuée le 17 janvier 2006 au 10 allée des Tilleuls aux Loges-en-Josas par les services de police au cours de laquelle ils avaient trouvé un homme ne parlant pas français en train de polir un volet ;
 les déclarations de M. X... qui dénie les faits sont mensongères, puisque : en contradiction avec les déclarations concordantes de deux ouvriers, il affirme que ceux-ci sont arrivés en mars au lieu du mois de janvier ; il indique que M. Z... est le filleul de sa propre mère en même temps qu’un ami d’enfance, alors que celui- ci a indiqué être le cousin de Mme X... ; il n’a pu justifier les tenues maculées de peinture des deux témoins autrement que par leur souci de « ne pas se salir avec la voiture », ce qui est quelque peu vague et laconique ; M. X... a expliqué que les travaux de pose de parquet avaient été confiés à une société polonaise, la société Softarch, alors qu’aucune déclaration auprès de l’URSSAF ne fait état de chantier mené en France par cette société ; que les déclarations précises et concordantes de MM. Y... et A... démontrent la réhabilitation par leurs soins de la maison du 10 rue des Tilleuls aux Loges-en-Josas moyennant paiement de salaires non déclarés, sans que les explications changeantes et vagues voire manifestement fausses du prévenu ne puissent contredire sérieusement cette version ; que l’article 6.3.d de la Convention européenne des droits de l’homme énonce que tout accusé a droit à interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ce qui, en l’absence de confrontation entre MM. Y... et Z... et le prévenu, devrait selon ce dernier nécessairement conduire à la relaxe ; que M. X... a sollicité à l’audience du 3 avril 2009 l’audition contradictoire des deux témoins en cause, ce qui a provoqué le renvoi de l’affaire à l’audience du 5 novembre 2009 à laquelle ces deux personnes ont été citées par le prévenu ; que ces témoins ne sont néanmoins pas présentés à cette date ; que l’affaire a été renvoyée à l’audience du 7 janvier en raison de l’hospitalisation de M. X... ; qu’ainsi, la confrontation souhaitée en cause d’appel quoique non réclamée au cours de l’enquête ni en première instance, apparaît impossible en l’état de l’éloignement du domicile des témoins qui n’ont pas voulu se déplacer ; que surtout les constatations de la cour ci-dessus développées démontrent que la culpabilité du prévenu est amplement établie par un ensemble d’éléments et que la confrontation demandée après la volte face mensongère de M. Y... ne pouvait pas apporter d’élément utile à décharge ni conduire à la relaxe ; que M. Y... a déclaré le 10 mars 2006 au consulat général de Pologne à Paris, que finalement il n’est venu en France qu’en mars 2006 pour acheter une voiture, avec un collègue de travail, qu’une fois en France ils se sont arrêtés chez un parent éloigné de M. Z... qui les a hébergés dans une maison en cours de rénovation, qu’à cause de son manque de connaissance de la langue française et des menaces de peine de prison au cours de l’enquête, il s’est trouvé soumis à une telle pression psychologique qu’il en est venu à faire de déclarations qui loin de concerner le pavillon dans lequel il a été trouvé, habillé en tenue de chantier, avaient trait à son travail en Pologne et que la somme de 2 000 euros trouvée sur lui correspondait non à son salaire comme il l’a dit aux policiers, mais au montant apporté de Pologne pour payer le véhicule qu’il projetait d’acheter ; que les faits relatés dans ce document par lequel son auteur tend à disculper le prévenu sont invraisemblables puisque les déclarations de ce témoin devant les policiers effectuées par l’intermédiaire d’un interprète ne peuvent résulter d’une confusion avec son travail en Pologne, tant il a développé avec précision les détails sur sa situation en France en mars 2009 ; que la version de la venue en France pour acheter un véhicule n’explique pas toutes les constatations des policiers décrivant la participation au chantier de cette personne ; que ce témoignage qui ne fait que reprendre consciencieusement la version du prévenu, par son caractère grossièrement mensonger vient en réalité étayer les autres éléments militant dans le sens de la culpabilité et rend vaine une confrontation de ce dernier avec le prévenu ; que sa comparution par laquelle il viendrait reprendre ce qu’il a dit devant les services de son consulat et les propos de M. X... ne pourraient pas remettre en cause le faisceau d’indices de culpabilité évoqué ; que par ailleurs, déjà cité à comparaître devant la cour, ce témoin ne s’est pas déplacé de sorte que ladite confrontation est impossible ; que les travaux de rénovation d’un pavillon constituent des travaux de prestation services ; que les constatations et témoignages analysés établissent l’existence d’un contrat de travail en ce que MM. Y... et Z... se sont engagés à travailler pour le compte et sous la subordination de M. X... moyennant rémunération et à l’aide des matériaux et outils fournis pas l’employeur ainsi que l’ont relevé les services de l’Inspection du travail ; que les investigations et les dénégations du prévenu révèlent l’absence de déclaration préalable à l’embauche et de bulletin de paie ; que le délit de travail dissimulé reproché est donc bien constitué ; que les deux salariés n’ont pas fourni de titre les autorisant à exercer une activité salariée en France, ni n’ont prétendu en avoir ; que l’employeur a profité d’une plus-value importante donnée à son pavillon grâce à des travaux confiés à des ouvriers du chef desquels il faisait l’économie du paiement des charges sociales tout en les privant de toute couverture sociale notamment en cas d’accident du travail ; qu’il a d’ailleurs rapidement utilisé ce profit obtenu par voie délictueuse puisqu’il a échangé ledit pavillon par acte sous seing privé dès le 17 mai 2006 soit à la fin des travaux, avec un autre pavillon ; qu’il a également obtenu cet enrichissement grâce à la violation des règles régissant l’immigration, puisqu’il a fait travailler des personnes qui, demeurant loin de France, ont moins de chances de lui attirer des ennuis et se contentent de revenus moindres que ceux exigés en France ce qui constitue une manière de concurrencer par la violation de la loi pénale les entrepreneurs travaillant légalement ; qu’il convient de lui infliger une peine en rapport avec le bénéfice ainsi obtenu et suffisamment exemplaire pour être dissuasive à son égard comme à l’égard des tiers qui seraient tentés par de tels procédés ; qu’en conséquence il sera condamné à des peines de quatre mois d’emprisonnement avec sursis, de 20 000 euros d’amende et à la publication de la décision ; que le prévenu a sollicité la non inscription au bulletin numéro 2 de son casier judiciaire, au motif qu’amené à voyager pour les besoins de son emploi dans les pays de l’Est, il lui est nécessaire pour avoir un visa commercial pour la Russie de produire son casier judiciaire ; qu’il n’est justifié d’aucune manière de cette prétendue nécessité de produire le bulletin n° 2 et non pas seulement son bulletin n° 3 sur lequel ne figurera pas la présente condamnation ; que cette demande sera donc rejetée ;

"alors que la loi nouvelle s’applique aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation définitive lorsqu’elle est moins sévère que la loi ancienne ; que depuis le 1er juillet 2008, les ressortissants polonais qui travaillent en France ne sont plus soumis à l’obligation de détenir une autorisation de travail ; que ces dispositions retirent aux faits poursuivis du chef d’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail leur caractère punissable en sorte que la cour ne pouvait, sans violer le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce, entrer en voie de condamnation contre M. X..." ;

Vu l’article 112-1 du code pénal ;

Attendu qu’il résulte de ce texte que, sauf dispositions expresses contraires, une loi nouvelle s’applique aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elle est moins sévère que la loi ancienne ;

Attendu que, pour déclarer M. X... coupable d’emploi de deux ressortissants polonais non munis d’une autorisation de travail, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que la Pologne étant devenue membre de l’Union européenne le 1er mai 2004, la totalité des restrictions à l’accès au marché du travail a été levée pour les ressortissants de cet Etat à compter du 1er juillet 2008, de sorte que l’infraction poursuivie avait perdu son caractère punissable, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu’elle sera limitée à la déclaration de culpabilité du chef d’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail, et aux peines prononcées, le déclaration de culpabilité du chef de travail dissimulé n’encourant pas la censure ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Versailles, en date du 4 février 2010, en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité du chef d’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail, et aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Versailles, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;