Urssaf en continuation RSI oui

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 13 octobre 2020, 19-83.834, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle

N° de pourvoi : 19-83.834
ECLI:FR:CCASS:2020:CR01694
Non publié au bulletin
Solution : Rejet

Audience publique du mardi 13 octobre 2020
Décision attaquée : Cour d’appel de Toulouse, du 13 mai 2019

Président
M. Soulard (président)
Avocat(s)
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

N° S 19-83.834 F-D

N° 1694

CK
13 OCTOBRE 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 OCTOBRE 2020

MM. B... O..., Y... O..., H... O..., S... O... et W... O... ont formé des pourvois contre l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 13 mai 2019, qui, dans la procédure suivie contre eux du chef de travail dissimulé, a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de MM. B... O..., Y... O..., H... O..., S... O... et W... O..., les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l’URSSAF Midi-Pyrénées, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l’audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement, en date du 20 octobre 2016, le tribunal correctionnel a déclaré MM. B... O..., Y... O..., H... O..., S... O... et W... O..., exerçant une activité indépendante de couvreur, coupables de travail dissimulé par dissimulation d’activité, pour ne pas avoir, du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, déclaré en totalité leur activité à l’URSSAF et au Régime social des indépendants (RSI).

3. Par la même décision, le tribunal correctionnel a reçu la constitution de partie civile de l’URSSAF Midi-Pyrénées tant en son nom qu’au nom du RSI et a prononcé sur les intérêts civils.

4. Les prévenus ont relevé appel de ces dispositions civiles.

Examen des moyens

Sur les quatrième et cinquième moyens

5. Ils ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur les premier, deuxième et troisième moyens

Enoncés des moyens

6. Le premier moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a reçu l’URSSAF Midi-Pyrénées en sa constitution de partie civile, d’avoir fait droit à ses demandes pour le préjudice financier et d’avoir condamné H..., W..., B..., Y... et S... O... à lui payer, chacun, une somme en réparation de son préjudice financier, alors :

« 1°/ que sauf dispositions légales contraires, l’action civile, en raison du préjudice résultant d"une infraction, appartient seulement à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par ladite infraction ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté, par motifs adoptés, que l’URSSAF Midi-Pyrénées s’était constituée partie civile pour demander réparation non seulement de son propre préjudice mais aussi de celui subi par le Régime social des indépendants (RSI) ; qu’en jugeant recevable la constitution de partie civile de l’URSSAF Midi-Pyrénées même en ce que cette dernière demandait réparation du préjudice subi par le RSI, personne morale distincte, la cour d’appel a violé l’article 2 du code de procédure pénale ;

2°/ que l’intérêt à agir de la victime doit s’apprécier au jour de sa constitution de partie civile ; qu’en l’espèce, pour juger recevable la constitution de partie civile de l’URSSAF Midi-Pyrénées, qui avait été formée à l’audience du tribunal correctionnel le 20 octobre 2016, la cour d’appel a relevé que le RSI avait été supprimé le 1er janvier 2018 et remplacé par l’URSSAF dans la collecte des cotisations des travailleurs indépendants ; qu’en statuant ainsi quand elle devait, pour apprécier si l’URSSAF Midi-Pyrénées avait qualité pour demander réparation du préjudice subi par le RSI, se placer à la date de la constitution de partie civile de l’URSSAF, aucune régularisation n’étant possible a posteriori, la cour d’appel a violé l’article 2 du code de procédure pénale. »

7. Le deuxième moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a reçu l’URSSAF Midi-Pyrénées en sa constitution de partie civile, d’avoir fait droit à ses demandes pour le préjudice financier et d’avoir condamné MM. H..., B..., Y... et S... O... à lui payer chacun une somme en réparation de son préjudice financier, alors « que l’URSSAF doit, lorsqu’elle se voit transmettre par des agents chargés de la prévention des fraudes un procès-verbal de travail dissimulé, procéder à la mise en recouvrement des cotisations et contributions qui lui sont dues sur la base des informations contenues dans ce procès-verbal ; qu’en l’espèce, en déclarant la constitution de partie civile de l’URSSAF Midi-Pyrénées recevable, quand elle ne visait qu’à obtenir le paiement de cotisations prescrites de par la faute de l’URSSAF, cette dernière ayant omis, sauf pour M. W... O..., de mettre en oeuvre à réception des procès-verbaux de travail dissimulé la procédure de mise en recouvrement prévue par la loi, la cour d’appel a violé les articles L. 243-7-5 du code de la sécurité sociale et L. 8271-8-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige. »

8. Le troisième moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a fait droit aux demandes de l’URSSAF Midi-Pyrénées pour le préjudice financier et d’avoir condamné MM. H..., W..., B..., Y... et S... à lui payer, chacun, une somme en réparation de son préjudice financier, alors « que le principe de la réparation intégrale du préjudice interdit que la victime puisse être indemnisée au-delà du préjudice qu’elle a personnellement subi ; qu’en l’espèce, en condamnant les prévenus à verser à l’URSSAF Midi-Pyrénées une indemnité correspondant aux cotisations qu’ils auraient du payer non seulement à l’URSSAF Midi-Pyrenées mais aussi au RSI, la cour d’appel a violé les articles 1382 ancien, devenu 1240, du code civil, 591 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. »

Réponse de la Cour

9. Les moyens sont réunis.

10. Pour déclarer recevable la constitution de partie civile de l’URSSAF et écarter le moyen pris de l’absence de mise en oeuvre par cet organisme à réception des procès-verbaux de travail dissimulé de l’action en recouvrement prévue par la loi, l’arrêt énonce que le RSI a été supprimé à compter du 1er janvier 2018 et remplacé par l’URSSAF pour le recouvrement des cotisations et contributions des travailleurs indépendants.

11. Les juges relèvent que l’URSSAF tient de l’article L.114-9 du code de la sécurité sociale l’obligation de se constituer partie civile aux fins de recouvrer les cotisations éludées dont elle est chargée d’assurer le recouvrement et la redistribution.

12. Ils ajoutent que la faute susceptible d’être imputée à l’URSSAF à raison de sa négligence à mettre en oeuvre la procédure de recouvrement prévue par les articles L. 244-2 et suivants du code de la sécurité sociale, ne saurait être opposée à cet organisme dès lors que, intervenue postérieurement à la commission des faits, elle n’a pu, d’une quelconque manière, concourir à la réalisation de son dommage.

13. En prononçant ainsi, la cour d’appel a fait l’exacte application des textes visés aux moyens.

14. En effet, d’une part, il se déduit de l’article 15, VII, 4° de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2018 que l’URSSAF s’est substituée activement et passivement, à titre universel, aux droits et obligations de la caisse nationale et des caisses locales du RSI.

15. En conséquence, l’URSSAF, venant aux droits du RSI à compter du 1er janvier 2018, était recevable à se constituer partie civile devant le tribunal correctionnel, tant au nom de ce dernier qu’en son nom personnel et à demander réparation du dommage résultant du défaut de paiement des cotisations éludées à son préjudice et au préjudice du RSI.

16. D’autre part, les articles L. 8271-8-1 du code du travail et L. 243-7-5 du code de la sécurité sociale sont étrangers à l’action civile exercée devant la juridiction pénale en réparation du dommage né de l’infraction.

17. Les moyens ne peuvent dès lors être accueillis.

18. Par ailleurs l’arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 3 000 euros la somme globale que MM. B... O..., Y... O..., H... O..., S... O... et W... O... devront payer à l’URSSAF Midi-Pyrénées en application de l’article 618-1 du code de procédure pénale.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize octobre deux mille vingt.