Placement illégal oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 11 mars 2003

N° de pourvoi : 02-83007

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mars deux mille trois, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN, les observations de Me RICARD, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" X... Franck,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 29 mars 2002, qui, pour tenue sans autorisation administrative d’un bureau de placement payant, l’a condamné à 25 000 francs d’amende avec sursis ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 39, 40, 82, 86 (anciennement art. 48, 49, 60, 86 et 90) du Traité du 25 mars 1975 instituant la Communauté européenne, L. 312 et suivants, L. 361-1 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que Franck X... a été déclaré coupable de maintien sans autorisation ou cession d’un bureau de placement payant, faits commis entre septembre 1998 et septembre 1999, à Paris et en région parisienne, et a été condamné avec sursis à une amende délictuelle de 25 000 francs ;

”aux motifs que les premiers juges ont procédé à une analyse pertinente de ces faits en relevant, à juste titre, que cette activité s’analysait en placement payant prohibé par l’article L. 312-7 du Code du travail ; qu’en effet, il ne peut être contesté que la société Top Profs sert d’intermédiaire entre les personnes désireuses de dispenser des cours et les parents qui recherchent des enseignants pour assurer un soutien scolaire à leurs enfants ;

que cette société met à la disposition des enseignants qu’elle a sélectionnés les coordonnées des familles cherchant à faire donner des cours particuliers à leurs enfants ; que d’un côté, comme cela est clairement indiqué dans sa plaquette publicitaire, destinée aux parents, la société Top Profs définit sa mission comme consistant à mettre en relation ceux-ci avec des enseignants, qualifiés dans ce document d’intervenants indépendants ; que l’enseignant mis en relation avec une famille pour assurer les cours et rémunéré au moyen de chèques emploi-service directement par celle-ci, devient ainsi son employé occasionnel, de telle sorte qu’il se crée une relation de travail entre l’enseignant et les parents plaçant le premier sous la subordination des seconds ; que par nature, les personnes qui souhaitent dispenser des cours et s’adressent à cette fin à la société Top Profs sont à la recherche d’un emploi, fut-il à temps partiel ou simplement occasionnel ; que cela est d’autant plus vrai en l’espèce que les enseignants sont contactés notamment par le biais d’agences ANPE sur les listes desquels ils figurent en qualité de demandeurs d’emploi ; que la société, comme il est précisé dans la plaquette ci-dessus mentionnée, dispose d’un fichier d’enseignants susceptibles d’assurer des cours ; que, comme l’a relevé le tribunal, la qualification de placement payant n’implique pas que ceux qui recherchent un emploi aient été d’abord recrutés par l’intermédiaire, avant que celui-ci les mette en relation avec ceux qui peuvent fournir l’emploi ; qu’en l’occurrence, la recherche des parents et des enseignants apparaît être assurée de façon concomitante par les membres du personnel de la société ;

”alors qu’est incompatible avec le Marché Commun et interdit, le fait de réserver le marché des prestations afférentes au placement des travailleurs au monopole de l’ANPE et aux seuls bureaux de placements créés avant 1945 et de l’interdire sous peine de sanction pénale à toute autre entreprise intermédiaire entre les demandes et offres d’emploi ; qu’en l’espèce, il résulte des propres constatations des juges du fond que Franck X... en offrant aux parents un service de qualité pour un prix attractif remplissait réellement un besoin social ; que, dès lors, en condamnant l’exécution de cette activité d’intermédiaire, entre des professeurs et des familles, prohibée par la loi, alors que manifestement l’ANPE n’était pas en mesure de satisfaire les demandes spécifiques que présente le marché de placement à domicile de professeurs d’enseignement auprès des familles, activité qui est susceptible de s’étendre à des ressortissants d’autres états membres, notamment pour l’enseignement de langues étrangères, la cour d’appel a violé les textes européens susvisés” ;

Attendu que le moyen, qui n’indique pas à quelle disposition précise du traité CE le texte visé à la poursuite serait contraire, est inopérant ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 312-7 et L. 361-1 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale, défaut de motifs ;

”en ce que Franck X... a été déclaré coupable de maintien sans autorisation d’un bureau de placement payant de septembre 1998 à septembre 1999, et condamné avec sursis à une amende de 25 000 francs ;

”aux motifs que cette activité de mise en relation est payante, contrairement à ce que soutient le prévenu ; qu’à cet égard, il y a lieu de noter que le versement de 250 francs réclamé aux parents au titre de droit d’accès à l’époque du contrôle de l’Inspection du Travail, porté ensuite à 340 francs suivant les énonciations de la plaquette publicitaire produite par le prévenu, est justifié par la même plaquette par les frais administratifs et aussi par l’accès au fichier des enseignants de la société ; que ce seul élément suffit à démontrer le caractère payant de l’activité de mise en relation ; qu’en outre, la cotisation d’entrée perçue par la société auprès des enseignants constitue bien une contrepartie à la mise à leur disposition des coordonnées des parents, même si le prévenu prétend que les enseignants auraient la faculté de ne régler leur cotisation d’entrée qu’après avoir pris contact avec les familles et donné des cours ; que la lettre produite du dénommé Ngoc Y... Z... postérieure de dix mois au procès-verbal de l’Inspection du Travail, tend certes à démontrer que cette cotisation n’a été versée par cet enseignant qu’après qu’il ait donné des cours ; que toutefois, en cas de non paiement de cette somme forfaitaire par l’enseignant, celui-ci à l’évidence ne disposerait plus de coordonnées de nouvelles familles ; que, sans minimiser les prestations de secrétariat et de soutien pédagogique fournies par la société Top Profs aux enseignants ainsi que la mise à leur disposition de matériels scolaires et d’un site internet ni faire abstraction de la qualité du service assuré aux parents, et en admettant même que la rétrocession par les enseignants d’une partie de leur rémunération corresponde intégralement à ces prestations, il n’en demeure pas moins que l’activité d’intermédiaire payant entre les enseignants et les familles assurée par cette société se heurte à la prohibition des bureaux de placement payants édictée par l’article L. 312-7 du Code du travail ; qu’il importe peu sur ce point que cette activité ne constitue qu’une partie de celle déployée par la société, l’article L. 312-7 ne faisant aucune distinction à cet égard ;

”alors que seule est prohibée la rémunération versée en contrepartie d’un service placement d’emploi ; qu’en l’espèce, il est constant et constaté que la société Top Profs servait non seulement à mettre en relation les familles avec des professeurs sélectionnés, mais en outre apportait tant aux familles qu’aux professeurs des services spécifiques notamment en secrétariat, conseils, encadrement et réunions pédagogiques et moyens matériels, et que ces services ayant un coût, il était supporté tant par les uns que les autres ; qu’eu égard au montant limité de la cotisation unique des familles et du paiement échelonné et a posteriori de leur cotisation par les professeurs, déjà placés, il appartenait à la cour d’appel de rechercher si ces cotisations ne rémunéraient pas en fait exclusivement les services mis à la disposition des deux parties intéressées par cette entreprise, que la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision” ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Pometan conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Paris, 11ème chambre du 29 mars 2002