Saisie et remise à l’AGRASC validée oui

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 1 décembre 2021, 21-81.651, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle

N° de pourvoi : 21-81.651
ECLI:FR:CCASS:2021:CR01463
Non publié au bulletin
Solution : Rejet

Audience publique du mercredi 01 décembre 2021
Décision attaquée : Chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Orléans, du 03 décembre 2020

Président
M. Soulard (président)
Avocat(s)
SCP Spinosi
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

N° K 21-81.651 F-D

N° 01463

GM
1ER DÉCEMBRE 2021

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER DÉCEMBRE 2021

Mmes [V] [U] et [F] [B] et M. [D] [K] ont formé des pourvois contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Orléans, en date du 3 décembre 2020, qui, dans la procédure suivie, notamment, contre eux, des chefs de travail dissimulé et blanchiment, a confirmé la décision de remise à l’[2] rendue par le procureur de la République.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit.

Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [V] [U], M. [D] [K], Mme [F] [B] [K], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l’audience publique du 4 novembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Au début de l’année 2019, le procureur de la République a diligenté une enquête du chef de travail dissimulé à l’encontre de M. [D] [K], de sa compagne, Mme [U], et de sa mère, Mme [B], soupçonnés de se livrer à des activités non déclarées d’achat-vente de véhicules automobiles qui leur procureraient des revenus importants alors qu’ils bénéficient des minimas sociaux.

3. L’enquête a révélé que M. [K] avait immatriculé au RCS de Tours le 27 novembre 2013 un commerce de véhicules légers neufs et d’occasion à l’enseigne « [K] », dont le siège social est situé à son domicile et a loué un box depuis le 1er juillet 2016, sans toutefois le déclarer comme nouveau siège social ou établissement secondaire du garage, que quatre-vingt dix véhicules ont été mis en vente sur internet au cours des années 2018-2019, soit sous le nom de l’entreprise [K], soit sous celui de Mme [U] et que, depuis 2014, le produit de ces ventes a été versé sur deux comptes bancaires dont est titulaire Mme [B], le chiffre d’affaires global, en l’état des éléments exploités, s’établissant à la somme de 655 552,13 euros.

4. Le 25 avril 2019, au cours d’une perquisition, les enquêteurs ont procédé à la saisie, au domicile de Mme [U], de quatre véhicules automobiles et d’une motocyclette, celle-ci et deux des véhicules étant au nom de Mme [B], et dans un box loué par M. [K], un véhicule Porsche Boxter au nom de M. [E] [W], qui selon les enquêteurs servirait de prête-nom aux activités de M. [K].

5. Le 27 mai 2019, le procureur de la République a ordonné la remise des véhicules saisis à l’[2] ([2]) en vue de leur aliénation, par une décision à l’encontre de laquelle les demandeurs ont interjeté appel.

Examen des moyens

Enoncé des moyens

6. Le premier moyen critique l’arrêt en ce qu’il a confirmé la décision du procureur de la République de remise à l’[2] des six véhicules saisis et d’avoir rejeté la demande de restitution de ces biens, alors :

« 1°/ que la remise d’un bien à l’[2] en vue de son aliénation n’est possible que si la conservation en nature de ce bien n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité ; qu’en se bornant à énoncer, pour dire cette condition remplie et confirmer la décision entreprise, que les « six véhicules, hormis les renseignements administratifs recueillis à leur propos et leur saisie, n’ont fait l’objet d’aucune autre investigation », sans rechercher si la manifestation de la vérité n’impliquait pas des investigations futures sur ces biens, s’agissant notamment de leurs conditions d’acquisition et de revente, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision au regard de l’article 41-5, alinéa 2, du code de procédure pénale ;

2°/ que seuls les biens meubles dont la confiscation est prévue par la loi peuvent être remis à l’[2] en vue de leur aliénation ; que les biens qui sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction ne sont confiscables que sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi ; que, dès lors, en confirmant la décision de remise à l’[2] du véhicule Porsche Boxter, sans répondre à l’articulation essentielle du mémoire qui soutenait que ce véhicule appartenait à M. [W], et sans avoir constaté la mauvaise foi de celui-ci la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision au regard de l’article 41-5, alinéa 2, du code de procédure pénale ;

3°/ que la remise d’un bien meuble à l’[2] en vue de son aliénation n’est possible que si le maintien de la saisie est de nature à diminuer la valeur de ce bien ; qu’en se bornant à affirmer péremptoirement, pour confirmer la décision entreprise, que les six véhicules saisis « ne peuvent que se déprécier du fait de leur non-usage qui se prolonge et de leur décote financière qui s’accroît les mois passant », sans mieux s’en expliquer, et alors que les véhicules de luxe ne perdent pas nécessairement de la valeur quand ils sont immobilisés, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision au regard de l’article 41-5, alinéa 2, du code de procédure pénale. »

7. Le second moyen critique l’arrêt en ce qu’il a confirmé la décision du procureur de la République de remise à l’[2] du véhicule Porsche Boxter, alors « que la décision de remise à l’[2] aux fins d’aliénation d’un bien meuble saisi peut être contestée devant la chambre de l’instruction par les personnes ayant des droits sur le bien et les personnes mises en cause, afin de demander, le cas échéant, la restitution du bien saisi ; qu’en l’espèce, les exposants soutenaient que le véhicule Porsche Boxter appartenait à M. [W] ; qu’en confirmant la décision de remise à l’[2] de ce véhicule, sans se prononcer sur la contestation de la propriété de ce véhicule soulevée devant elle, et sans rechercher si cette décision avait été notifiée à M. [W], la chambre de l’instruction a méconnu l’article 41-5, alinéa 5, du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. Les moyens sont réunis.

Sur le premier moyen pris en sa deuxième branche et le second moyen

9. Les demandeurs sont sans qualité pour critiquer la décision de refus de restitution du véhicule Porsche Boxter immatriculé [Immatriculation 1] au nom de M. [W], placé sous main de justice au cours de l’enquête préliminaire, et sa remise à l’[2] en vue de son aliénation, dès lors qu’ils contestent en être les propriétaires.

Sur le premier moyen pris en ses première et troisième branches

10. Pour confirmer l’ordonnance de remise à l’[2] de cinq des biens saisis lors de la perquisition opérée le 25 avril 2019, l’arrêt attaqué énonce, notamment, que trois conditions cumulatives doivent être remplies afin que l’article 41-5 alinéa 2 du code de procédure pénale puisse s’appliquer à un bien saisi en cours d’enquête : le maintien de la saisie est de nature à diminuer la valeur du bien, la conservation du bien saisi n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité et la confiscation du bien saisi est prévue par la loi.

11. Les juges relèvent que la première condition est remplie dès lors qu’il n’est pas contestable que les véhicules saisis ne peuvent que se déprécier du fait de leur non-usage qui se prolonge et de leur décote financière qui s’accroît les mois passant.

12. Ils ajoutent que la deuxième condition est remplie dès lors que ces six véhicules, hormis les renseignements administratifs recueillis à leur propos et leur saisie, n’ont fait l’objet d’aucune autre investigation.

13. Ils constatent que les personnes physiques coupables de travail dissimulé encourent les peines complémentaires visées par l’article L. 8224-3 du code du travail, soit, jusqu’au 8 août 2015, la confiscation des objets ayant servi directement ou indirectement à commettre l’infraction ou qui ont été utilisés à cette occasion, ainsi que de ceux qui en sont le produit et qui appartiennent au condamné, et, à compter du 8 août 2015, la peine de confiscation dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article 131-21 du code pénal.

14. En se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction a justifié sa décision.

15. Le moyen doit donc être écarté.

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier décembre deux mille vingt et un