Audition après envoi lettre d’observations - consentement obligatoire non

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 19 septembre 2019

N° de pourvoi : 18-19847

ECLI:FR:CCASS:2019:C201127

Publié au bulletin

Cassation

Mme Flise (président), président

SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Donne acte à l’URSSAF de Provence-Alpes-Côte d’Azur du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé à l’encontre du ministre chargé de la sécurité sociale ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article L. 8271-6-1 du code du travail ;

Attendu, selon ce texte, que les agents de contrôle sont habilités, pour la recherche et le constat des infractions en matière de travail illégal, à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec leur consentement, tout employeur ou son représentant et toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l’employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d’emploi et le montant des rémunérations s’y rapportant, y compris les avantages en nature ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’agissant en vue de la recherche et de la constatation d’infractions constitutives de travail illégal, l’URSSAF du Var, aux droits de laquelle vient l’URSSAF de Provence-Alpes-Côte d’Azur (l’URSSAF), a effectué, le 30 avril 2013, un contrôle dans les locaux de la société Hôtel Parc Azur (la société), à la suite duquel elle lui a adressé une lettre d’observations en date du 23 mai 2013 opérant un redressement ; qu’après mise en demeure, la société a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour annuler les auditions, le contrôle, le redressement et la mise en demeure, l’arrêt retient que l’agent de contrôle, après auditions de M. U..., gérant de la société, et de M. D..., a établi, le 23 mai 2013, un procès-verbal pour dissimulation de l’emploi salarié de ce dernier ainsi que de trois autres personnes dont Mme M... ; qu’à la suite de la réponse de la société à la lettre d’observations, l’agent de contrôle a procédé, le 16 juillet 2013, soit postérieurement à la clôture des opérations de contrôle, à l’audition de cette dernière, suivant procès-verbal ne mentionnant pas, toutefois, son consentement ; que des éléments de cette audition ont été cités dans la réponse de l’URSSAF du 26 juillet 2013 ; que la société n’a pu y répondre puisqu’il s’agissait d’une réponse à ses propres contestations postérieures à la lettre d’observations ; que ces circonstances de fait constituent des manquements graves et caractérisés au principe du contradictoire ; que la société a été privée d’une garantie de fond viciant le redressement ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait que l’audition litigieuse était intervenue après la notification de la lettre d’observations consécutive au procès-verbal de constatation d’infraction, ce dont il résultait qu’elle n’entrait pas dans le champ d’application des opérations de recherche et de constat d’infraction, la cour d’appel a violé par fausse application le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 16 mai 2018, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Hôtel Parc Azur aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Hôtel Parc Azur à payer à l’URSSAF de Provence-Alpes-Côte d’Azur la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, et par Mme Rosette, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l’arrêt, en l’audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l’URSSAF de Provence-Alpes-Côte d’Azur

Il est fait grief à la décision attaquée d’AVOIR annulé les auditions et le contrôle de l’URSSAF PACA ayant entraîné la mise en demeure du 29 août 2013 et D’AVOIR annulé le redressement intervenu et la mise en demeure du 29 août 2013 notifiée à la société Hôtel Parc Azur, avec toutes conséquences de droit ;

AUX MOTIFS QUE la Cour rappelle qu’en vertu des textes applicables en 2013, lorsque le contrôle est engagé sur le fondement de la recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionnées à l’article L8221-1 du code du travail, comme en l’espèce (voir lettre d’observations du 23 mai 2013), les personnes auditionnées doivent donner leur consentement ; qu’à défaut, et de par la jurisprudence constante citée par l’appelante, le redressement encourt l’annulation ; que la signature du procès-verbal d’audition par la personne entendue ne vaut pas consentement à l’audition ; que l’audition de Madame M... W... (juillet 2013) a été réalisée postérieurement à la clôture des opérations de contrôle (mai 2013) mais en précisant pourtant qu’elle était recueillie sur le fondement de la recherche des infractions de travail dissimulé ; que force est de constater que le procès-verbal de cette audition ne mentionne pas le consentement de Madame M... ; que de plus, les éléments de cette audition ont été cités dans la lettre de l’Urssaf du 26 juillet 2013 qui ne permettait pas de laisser M. U... y répondre puisqu’il s’agissait d’une réponse à ses propres contestations postérieures à la lettre d’observations ; que ces circonstances de fait constituent des manquements graves et caractérisés au principe du contradictoire ; que l’appelante est donc fondée à se prévaloir de la nullité des auditions et de la mise en demeure ayant suivi la procédure de contrôle, motif pris de la privation d’une garantie de fond viciant le redressement, au surplus validé par la commission de recours amiable de l’Urssaf qui s’est expressément référée à l’audition de Madame M... pour justifier les sommes retenues au titre du rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale depuis 2009, alors que M. D..., seul concerné par la poursuite pénale devant le tribunal correctionnel de Toulon, n’a été hébergé dans le studio de l’hôtel qu’à partir du 8 mars 2012, gratuitement et en contrepartie d’une activité de gardiennage, sans que l’Urssaf n’ait recherché quelle était la valeur locative du studio ; que la condamnation pénale du 24 septembre 2014 est indifférente dès lors que la validité de la procédure de contrôle ne peut être appréciée que par la juridiction de sécurité sociale ; qu’en conséquence, la Cour infirme le jugement dont appel ;

1) ALORS QU’un procès-verbal d’audition ne mentionnant pas le consentement de la personne auditionnée ne saurait entraîner la nullité d’un redressement en présence d’autres éléments démontrant la réalité des faits reprochés ; qu’en l’espèce, l’URSSAF a pratiqué régulièrement diverses investigations dans les locaux de la société Hôtel Parc Azur, qui ont permis d’établir l’infraction de travail dissimulé ; que dans sa lettre d’observations, qui fait foi jusqu’à preuve du contraire, l’URSSAF a ainsi indiqué avoir consulté des documents montrant que les heures déclarées au titre des gardiens de nuit embauchés par la société Hôtel Parc Azur étaient nettement inférieures aux heures devant être réellement effectuées pour ce poste ; que dans son procès-verbal d’audition consentie, le gérant de la société Hôtel Parc Azur, M. U..., a lui-même reconnu, d’une part, que les heures déclarées pour ses gardiens de nuit successifs étaient inférieures aux heures nécessaires pour ce poste et, d’autre part, que l’emploi de salarié de M. D... avait été dissimulé ; qu’en se fondant uniquement sur l’irrégularité du PV d’audition de Mme M... pour annuler la procédure de contrôle pour travail dissimulé, sans prendre en compte les autres éléments de la procédure susceptibles à eux seuls de la valider, comme le redressement qui a suivi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L 8221-1 du code du travail, ainsi que des articles L 136-2 § I, L 242-1, L 311-2, R 242-1 et R 242-5 du code de la sécurité sociale ;

2) ALORS QU’en toute hypothèse, un procès-verbal d’audition établi irrégulièrement ne peut donner lieu à annulation des opérations de contrôle que pour autant qu’il ait été établi antérieurement à la clôture desdites opérations de contrôle ; qu’en constatant que l’audition de Mme M... avait été irrégulièrement réalisée postérieurement à la clôture des opérations de contrôle pour néanmoins annuler la procédure de contrôle pour travail dissimulé et le redressement subséquent, la cour d’appel a violé les articles L 8221-1 et L 8221-11 du code du travail, ainsi que les articles L 136-2 § I, L 242-1, L 311-2, R 242-1, R 242-5 et R 243-59 du code de la sécurité sociale ;

3) ALORS QUE la réponse de l’URSSAF aux contestations émises par l’employeur à la réception de la lettre d’observation n’est soumise à aucun formalisme ; qu’elle n’a qu’une valeur d’information du cotisant et n’impose ni l’envoi d’une nouvelle lettre d’observations ni le respect d’une nouvelle procédure contradictoire ; qu’en l’espèce la lettre de l’URSSAF du 26 juillet 2013 ne faisait que répondre aux contestations de l’employeur à la réception de la lettre d’observations du 23 mai 2013 ; que cette lettre n’appelait aucune procédure contradictoire quand bien même elle aurait visé un témoignage complémentaire établi après la clôture de l’instruction terminée par la lettre d’observations qui n’en faisait par hypothèse pas état ; qu’en considérant que le contradictoire n’avait pas été respecté du seul fait que l’employeur n’avait pu répliquer à la lettre du 26 juillet 2013 faisant état d’un témoignage complémentaire obtenu après la clôture de l’instruction sur lequel l’employeur n’avait pas pu s’exprimer, la cour d’appel a violé l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale ;

4) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’en ce qui concerne M. D..., la société Hôtel Parc Azur invoquait l’absence de bien-fondé du redressement opéré par l’URSSAF, se bornant à faire valoir que l’intéressé « assurait (

) des gardes de nuit, mais facturait ses prestations en tant que travailleur indépendant, et émettait des factures à ce titre » ; qu’en reprochant à l’URSSAF de ne pas avoir recherché quelle était la valeur locative du studio fourni gratuitement et en contrepartie de l’activité de gardiennage, sans avoir préalablement invité les parties à s’expliquer sur ce point, la cour d’appel a violé le principe du contradictoire et, partant, l’article 16 du code de procédure civile ;

5) ALORS QU’en toute hypothèse, un redressement pour travail dissimulé repose sur le fait pour un employeur de ne pas avoir déclaré intentionnellement tout ou partie d’un emploi salarié ; qu’en reprochant de manière inopérante à l’URSSAF de n’avoir pas recherché quelle était la valeur locative du studio fourni à M. D... gratuitement et en contrepartie de l’activité de gardiennage, pour annuler l’entier redressement pour travail dissimulé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L 8221-1 du code du travail. Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence , du 16 mai 2018