Dissimulation d’emploi salarié - une décision de relaxe s’impose aux organismes de recouvrement

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 12 mars 2020

N° de pourvoi : 18-21648

ECLI:FR:CCASS:2020:C200307

Publié au bulletin

Cassation partielle

M. Pireyre (président), président

SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Ohl et Vexliard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

CIV. 2

MY1

COUR DE CASSATION


Audience publique du 12 mars 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 307 F-P+B+I

Pourvoi n° C 18-21.648

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MARS 2020

La société Le Pactole, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° C 18-21.648 contre l’arrêt rendu le 22 juin 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l’opposant :

1°/ à l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Ile-de-France, dont le siège est département des contentieux amiables et judiciaires, [...] ,

2°/ au ministre des affaires sociales et de la santé, domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Taillandier-Thomas, conseiller, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Le Pactole, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Ile-de-France, et l’avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l’audience publique du 5 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Taillandier-Thomas, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Le Pactole du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 22 juin 2018), à la suite d’un contrôle inopiné l’ayant conduit à constater l’emploi de deux travailleurs non déclarés au sein de la société Le Pactole (la société), l’URSSAF de Paris et de la région parisienne, aux droits de laquelle vient l’URSSAF d’Ile-de-France (l’URSSAF), a procédé au redressement des cotisations de la société pour la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2012 et lui a notifié une mise en demeure, puis décerné une contrainte.

3. Poursuivis devant la juridiction correctionnelle du chef de travail dissimulé, les deux co-gérants de la société ont été relaxés pour l’un des deux salariés concernés et déclarés coupables pour l’autre.

4. La société a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale à la contrainte décernée à son encontre par l’URSSAF.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l’arrêt de déclarer bien fondé le redressement opéré par l’URSSAF au titre du travail dissimulé de deux salariés sur la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2012, de valider la contrainte délivrée le 4 janvier 2013 et signifiée le 16 janvier 2013, sauf à en ramener le montant à 16 942 euros pour les cotisations et à 3 257 euros pour les majorations de retard provisoires, pour la période du 1er janvier 2008 au 3 juin 2012 et de débouter la société de l’ensemble de ses demandes, alors, « que le délai de prescription en cas de redressement de l’URSSAF est de trois années civiles à compter de l’envoi de la mise en demeure ou, par exception, de cinq années civiles en cas d’infraction de travail illégal ; que cette prescription doit être ramenée à trois ans en cas de relaxe par le juge pénal ; qu’en retenant en l’espèce que le redressement pouvait porter sur la période contrôlée allant du 1er janvier 2008 au 30 juin 2012 dès lors qu’un procès-verbal avait été adressé au procureur de la République le 2 août 2012 bien qu’elle eût constaté que l’employeur avait été relaxé du chef d’exécution de travail dissimulé pour M. J..., d’où il s’évinçait que, pour celui-ci, le délai de prescription devait être ramené à trois ans, la cour d’appel a violé le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, ensemble, par fausse application, les dispositions de l’article L. 244-3 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l’article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la prescription quinquennale se substituant à la prescription triennale est seulement soumise à la constatation d’une infraction de travail illégal par procès-verbal établi par l’inspecteur du recouvrement.

7. Le jugement de relaxe étant sans incidence à cet égard, la cour d’appel qui a constaté l’établissement d’un procès-verbal pour travail dissimulé en date du 2 août 2012, adressé au procureur de la République, en a exactement déduit que la mise en demeure pouvait porter sur la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2012.

8. Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le même moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. La société fait le même grief alors « qu’en déclarant bien fondé le redressement opéré par l’URSSAF au titre du travail dissimulé de M. J... sur la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2012 cependant qu’elle constatait que Messieurs A... et C... P... avaient été relaxés du chef d’exécution de travail dissimulé pour M. J... le 6 juin 2012, tous deux en qualité d’employeurs, par jugement du tribunal correctionnel de Paris du 29 janvier 2014 statuant sur le fond de l’action publique, la cour d’appel a violé le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ;

10. Pour valider la contrainte, l’arrêt, après avoir relevé que par jugement correctionnel du 29 janvier 2014, MM. A... et C... P..., co-gérants de la société, avaient été relaxés des fins de la poursuite pour travail dissimulé s’agissant de M. J..., et déclarés coupables du même chef s’agissant de M. O..., retient que la motivation stéréotypée de cette décision ne permet pas de déterminer les motifs précis ayant conduit au prononcé de la relaxe et qu’en conséquence, seule doit être considérée définitivement établie leur culpabilité pour le travail de M. O....

11. En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que les dirigeants de la société avaient été relaxés du chef de travail dissimulé pour l’un des deux salariés par une décision définitive d’une juridiction de jugement statuant sur le fond de l’action publique, la cour d’appel a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déclare bien fondé le redressement opéré au titre du travail dissimulé de M. O... sur la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2012, l’arrêt rendu le 22 juin 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne l’URSSAF d’Ile-de-France aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l’URSSAF d’Ile-de-France et la condamne à payer à la société Le Pactole la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la vSCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la société Le Pactole.

En ce que l’arrêt attaqué, par confirmation du jugement dont appel a déclaré bien fondé le redressement opéré par l’URSSAF de Paris au titre du travail dissimulé de M. O... et M. J... sur la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2012, a validé la contrainte délivrée le 4 janvier 2013 et signifiée le 16 janvier 2013, sauf à en ramener le montant à 16 942 € pour les cotisations et à 3 257 € pour les majorations de retard provisoires pour la période du 1er janvier 2008 au 3 juin 2012 et a débouté la société Le Pactole de l’ensemble de ses demandes ;

Aux motifs propres, sur l’étendue de la période redressée, que l’article L. 244-3 du code de la sécurité sociale dispose que l’avertissement ou la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois années civiles qui précèdent l’année de leur envoi ainsi que les cotisations exigibles au cours de l’année de leur envoi (

), délai porté à 5 ans en cas de constatation d’une infraction de travail illégal. La mise en demeure adressée consécutivement au contrôle inopiné effectué dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, le 27 novembre 2012, pouvait donc porter sur l’année 2012 en cours et les cinq années précédentes, soit 2011, 2010, 2009, 2008 et 2007, sous réserve de constatation d’une infraction de travail illégal. En l’espèce, suite au contrôle, il y a bien eu établissement d’un procès-verbal en date du 2 août 2012 adressé au procureur de la République. Dès lors, le redressement peut porter sur la période ici contrôlée allant du 1er janvier 2008 au 30 juin 2012 ; et aux motifs propres, sur le principe du redressement, qu’il ressort de la lettre d’observations établie par l’URSSAF le 2 août 2012 que le redressement pour travail dissimulé visait deux personnes, à savoir M. J... et M. O... ; par jugement du tribunal correctionnel de Paris du 29 janvier 2014, M. A... P... et M. C... P... ont été relaxé du chef d’exécution de travail dissimulé pour M. J... le 6 juin 2012 et déclarés coupables pour le même chef s’agissant de M. O... le même jour, 6 juin 2012, tous deux en qualité d’employeur ; la motivation stéréotypée de la décision ne permet pas de déterminer le motif précis ayant conduit au prononcé de la relaxe ; en conséquence, seule doit être considérée comme définitivement établie la culpabilité de M. P... pour le travail de de M. O... le 6 juin 2012 ; la situation des deux intéressés sera examinée successivement ; A/ concernant M. O... ; il résulte de la lettre d’observations précitée, que lors du contrôle du 6 juin 2012, M. O... a indiqué qu’il travaillait en qualité de cuisinier depuis le 1er mars 2012, percevait une rémunération de 1 100 € par mois et bénéficiait de deux jours de repos hebdomadaires ; si M. P... continue, comme il l’avait fait dans son audition, d’affirmer que M. O... n’a commencé à travailler que le 1er mai 2012, il ne saurait en justifier par des documents établis par lui seul postérieurement au contrôle, tels que les fiches de paie, DADS ou bordereaux de télé-déclaration ; aucun contrat de travail n’est produit comportant la signature du salarié pas plus qu’une attestation de celui-ci ou de tiers venant conforter la position de l’employeur ; il convient donc de considérer que le travail dissimulé de M. O... est établi sur la période du 1er mars au 30 juin 2012, objet du redressement ; B/concernant M. J... (également appelé Iaichcho dans le jugement correctionnel ou Iachouchen dans une partie des conclusions de la société), dans la lettre d’observations, il est précisé que lors du contrôle du 6 juin 2012, il était présent derrière le bar, et a indiqué qu’il donnait un coup de mains, sans rémunérations en espèces, habitait au-dessus du restaurant dans une chambre d’hôtel et prenait ses repas au restaurant de l’entreprise ; il était par ailleurs constaté qu’il ne réglait pas le montant du loyer, 680 €, au vu des relevés de recettes, que la chambre ne disposait pas d’infrastructures pour préparer les repas et qu’il était nourri gratuitement par l’entreprise ; dans son audition, M. C... P... indiquait que les chambres étaient louées de 680 à 900 €, et au sujet de M. J... qu’il « se considère comme membre de la famille, que quand il a besoin de lui, il l’appelle pour lui donner un coup de main et le remplacer au bar, le dédommageant de cette aide par des repas » et à la question « si vous deviez évaluer la durée du travail par mois au sein de l’entreprise », il répondait « entre 20 et 30 heures » ; si la notion de travail est aujourd’hui contestée, il n’en demeure pas moins que cette seule audition suffit à caractériser que M. P... demandait à M. J... de le remplacer au bar et ce, pour une période de 20 à 30 heures par mois. Cela caractérise tout à la fois la subordination de M. J..., qui vient quand on l’appelle pour tenir le bar, ce qui constitue un travail, et pour une durée de 20 à 30 heures par mois, suffisamment régulière pour exclure l’entraide familiale par nature occasionnelle ; l’absence de rémunération est un moyen inopérant en l’espèce, la contrepartie du travail étant apportée par le gîte et le couvert qui étaient assurés à M. J... ; enfin, l’apport de ce travail est nécessairement profitable à l’entreprise ; enfin, si parlant probablement de M. J..., la société relevait que le redressement de 2008 à 2011 devait être mis à néant pour M. B... car il n’a pas travaillé sur cette période, elle n’apporte aucun élément à ce sujet, tout comme cela a déjà été relevé dans le cas de M. O... ; là encore, le travail dissimulé doit être considéré comme démontré ; sur le montant du redressement : A/ concernant M. O..., le travail dissimulé ayant été établi, en ce qui le concerne du 1er mars au 30 juin 2012, le redressement n’a ni à être mis à néant, ni limité sur une période plus courte ; en revanche, il sera tenu compte des versements de régularisations opérés pour lui, qui ont justifié une modification par l’URSSAF du montant de la contrainte, laquelle n’a pas fait l’objet de critique de la part de la société ; B/concernant M. J..., la référence à la convention collective des employés au pair importe peu, dès lors qu’il est établi que M. J... travaillait 20 à 30 heures par mois, bénéficiant en échange d’une chambre et de repas gratuits ; seul est contesté l’avantage logement, par rapport à la convention collective des hôtels cafés restaurants ; or, celle-ci ne saurait recevoir application car elle suppose avant tout, outre des avantages en nature, une rémunération, ce qui n’est pas le cas de M. J... ; c’est donc à bon droit et sur la base de la valeur réelle de location de la chambre occupée gratuitement par M. J..., soit 680 € par mois comme l’indiquaient les relevés de recette pour des chambres équivalentes et M. P... dans son audition, que l’inspecteur a procédé à la régularisation par réintégration de ce montant dans l’assiette de cotisations ; quant au montant de cotisations réclamées, là encore l’URSSAF a tenu compte des versements de régularisations opérés pour lui, amenant à une modification du montant de la contrainte ; ainsi, au vu de l’ensemble de ces éléments, le jugement entrepris sera confirmé sauf à ramener le montant de la contrainte à une somme de 16 942 € en cotisations et 3 257 € de majorations de retard, au lieu d’un montant global de 21 563 € (arrêt, pages 4 à 6) ;

Et aux motifs, adoptés des premiers juges, que sur le bien-fondé du redressement : aux termes de l’article L 311-2 du code de la sécurité sociale, « sont affiliés obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d’une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l’un ou de l’autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme ou la nature ou la validité de leur contrat » ; en outre, selon l’article L 8221-3 du code du travail, « est réputé travail dissimulé par dissimulation d’activité, l’exercice à but lucratif d’une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l’accomplissement d’actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations : 1°/ soit n’a pas demandé son immatriculation au répertoire des métiers ou, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, au registre des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d’immatriculation, ou postérieurement à une radiation ; 2°/ soit n’a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d’une partie de son chiffre d’affaires ou de ses revenus ou de la continuation d’activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l’article L 133-6-7-1 du code de la sécurité sociale ». Enfin, aux termes de l’article L 8221-5 du même code « est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : 1°/ soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; 2°/ soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3°/ soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales » ; est ainsi réputé travail dissimulé le fait de ne pas avoir procédé à la déclaration préalable à l’embauche d’une personne en situation de travail salarié ; si le délit pénal de travail dissimulé suppose la réunion de plusieurs éléments à savoir le défaut de réalisation des formalités déclaratives prescrites et le caractère intentionnel de l’infraction, les juges civils, en revanche, n’ont pas à rechercher ce caractère intentionnel ; en outre, la charge de la preuve de l’inexistence du travail dissimulé incombe à l’employeur ; en l’espèce, lors d’un contrôle effectué le 6 juin 2012 au sein du restaurant géré par la société Le Pactole, il a été constaté la présence de deux personnes en situation de travail qui n’avaient pas fait l’objet d’une déclaration préalable à l’embauche ; à la suite de poursuites pénales, le tribunal correctionnel de Paris a établi le 29 janvier 2014 la culpabilité des deux gérants de la société pour des faits, commis le 6 juin 2012, d’exécution de travail dissimulé concernant M. O... T... ; les gérants ont en revanche été relaxés des faits d’exécution de travail dissimulé concernant J... G... ; sur le plan civil, il est établi que M. O... a été employé par la société Le Pactole sans être préalablement déclaré et que le travail dissimulé est caractérisé le concernant ; lorsqu’il a été entendu par les services de l’URSSAF, M. O... a indiqué avoir commencé à travailler le 1er mars 2012 ; M. P... a pour sa part fait état d’une embauche en mai 2012 ; la société se prévaut aujourd’hui de la production de bulletins de paie datés de mai à juillet 2012 pour soutenir qu’elle ne peut être condamnée à un rappel de cotisations pour les mois de mars et avril 2012 ; cependant, cette production tardive de bulletins de paie n’est pas probante ; la société a parfaitement pu se constituer cette preuve à l’appui de sa tentative de démonstration d’une embauche en mai 2012 ; faute pour la société d’avoir régularisé un contrat de travail, une déclaration préalable à l’embauche et alors, par ailleurs, qu’aucun bulletin de paie n’a été communiqué au contrôleur en juin 2012, il convient de se fonder sur les déclarations du salarié pour apprécier la durée de sa période de travail et l’assiette du calcul des cotisations ; en conséquence, il convient de valider le redressement opéré sur la période de mars à juin 2012 concernant le travail dissimulé de M. O... ; ni les DADS ni les bordereaux récapitulatifs ni enfin les relevés de compte laissant apparaître des chèques débités du compte de la société ne permettent de prouver que la société s’est acquittée du paiement des cotisations en cause ; il sera donc procédé à la validation de la contrainte concernant les sommes liées au redressement de la société au titre du travail dissimulé de M. O... ; concernant M. J..., la société Le Pactole invoque l’aide occasionnelle et l’entraide familiale dès lors que l’intéressé est presque devenu un membre de la famille des gérants de la société qui l’aident dans ses démarches administratives et le logent gratuitement ; cependant, dès lors qu’une relation de travail est caractérisée, l’employeur ne peut invoquer l’aide occasionnelle ou l’entraide familiale pour se soustraire à ses obligations sociales découlant de l’emploi de personnel salarié ; par ailleurs, peu importe qu’il n’y ait pas eu versement effectif d’une rémunération ni véritable lien de subordination entre l’employeur et le travailleur si les faits démontrent que l’activité visée est constitutive d’un emploi salarié et qu’elle génère un profit financier permettant de requalifier la relation en salariat ; en l’espèce, la société Le Pactole tire pour conséquence de la formulation de la question posée à M. P... lors de son audition qu’il n’a pas eu l’intention d’affirmer que M. J... travaillait pendant 20 à 30 heures par mois ; cependant, à la question « si vous deviez évaluer la durée du travail par mois de M. J... au sein de votre entreprise, de combien de temps serait-il ? », M. P... a bien répondu « entre 20 et 30 heures grand maximum par mois » ; s’il avait effectivement contesté la réalité de l’activité de M. J..., M. P... aurait répondu que l’aide de son ami n’était pas chiffrable ; il indique par ailleurs en réponse à la question suivante que M. O... travaillait à temps complet sur la base de 39 heures hebdomadaires ce qui signifie bien que lorsqu’il a répondu à la question précédente, il indiquait le temps de travail effectif de M. J... ; cette activité de 20 à 30 heures par mois ne constitue pas une aide occasionnelle alors qu’en contrepartie, M. J... ne réglait pas le coût de son logement et de ses repas, puisqu’il était hébergé gratuitement dans l’hôtel ce que les contrôleurs ont découvert après l’audition de M. P... qui s’était gardé d’en faire état ; même si M. J... est un ami de la famille, ce qui est allégué par la société, mais non démontré, sa présence pour tenir le bai profite financièrement à la société ; par ailleurs, le jugement rendu par le tribunal correctionnel n’est pas suffisamment motivé pour permettre de déterminer si les juges ont considéré que sur le plan pénal l’existence d’un travail n’était pas caractérisée ou que seul l’élément intentionnel n’était pas établi ; cette relaxe ne lie donc pas le juge civil ; au regard de ces éléments, le travail dissimulé de M. J... est donc bien caractérisé ; par ailleurs, la société soutient que M. J... n’aurait pas bénéficié d’une chambre d’hôtel à titre gratuit depuis 2008 dans la mesure où il résulte d’un procès-verbal d’audition que l’intéressé habitait auparavant chez les parents de M. P... ; cependant, si M. P... indique en effet que M. J... habitait chez ses parents, il précise avoir repris la gestion du restaurant en 2007 et aucun élément du dossier ne permet de caractériser que M. J... ne résidait pas dans la chambre mise à sa disposition dès 2008 ; en outre, en application de l’article L 244-3 du code de la sécurité sociale, compte tenu de la caractérisation du travail dissimulé, l’URSSAF était bien fondée à délivrer une mise en demeure le 27 novembre 2012 comprenant les cotisations pour l’année 2008, le délai de prescription étant de cinq ans et non de trois ans ;

enfin, le montant à réintégrer dans l’assiette des cotisations a été déterminé, concernant M. J..., en tenant compte du montant du loyer de sa chambre d’hôtel et de deux repas pris en charge par jour ; l’inspecteur a donc opéré un chiffrage au réel pour être au plus près de la réalité de la contrepartie financière que représentait la mise à disposition du logement et la prise en charge de repas, soit 680 € d’avantage en nature logement et 145,64 € d’avantage en nature repas par mois ; la société retient que le contrôleur a retenu une qualification d’employé au pair et l’URSSAF évoque l’application de la convention collective du particulier employeur alors que ni le procès-verbal de contrôle ni la lettre d’observations ne font référence à une qualification d’employé au pair pour M. J... qui était en réalité employé comme commis de bar ; depuis le 1er janvier 2012, la société Le Pactole établit des fiches de paie au nom de M. J... W... en qualité de commis de bar et en application de la convention collective des hôtels café et restaurants, alors que le conseil de la société a fait état à l’audience de bulletins de paie établis pour le salarié en tant qu’employé au pair

 ; la plus grande confusion subsiste donc sur les intentions des parties ; quoi qu’il en soit, elles s’accordent sur le montant de l’évaluation forfaitaire de l’avantage en nature logement (71 €) et de l’avantage en nature repas (4,71 €), la société soutenant que ces montants forfaitaires doivent servir de base pour le chiffrage du redressement ; cependant, faute pour la société et son salarié dissimulé d’avoir signé un contrat de travail mentionnant la valeur des avantages fournis, largement supérieure à ces forfaits, compte de la dissimulation de l’activité de M. J..., il convient de retenir la valeur réelle de l’avantage en nature logement et nourriture pour calcul de l’assiette du redressement ; enfin, la société ne rapporte pas la preuve qu’un abattement de 30 % doit être pratiqué au motif que le salarié était logé par nécessité de service ; dans ces conditions, le redressement opéré au titre du travail dissimulé de M. J... est bien fondé ; il convient donc de débouter la SARL Le Pactole de sa contestation et de valider la contrainte en son entier montant (jugement, pages 5 à 9) ;

1°/ Alors que le délai de prescription en cas de redressement URSSAF est de trois années civiles à compter de l’envoi de la mise en demeure ou, par exception, de cinq années civiles en cas d’infraction de travail illégal ; que cette prescription doit être ramenée à trois ans en cas de relaxe par le juge pénal ; qu’en retenant en l’espèce que le redressement pouvait porter sur la période contrôlée allant du 1er janvier 2008 au 30 juin 2012 dès lors qu’un procès-verbal avait été adressé au procureur de la République le 2 août 2012 bien qu’elle eût constaté que l’employeur avait été relaxé du chef d’exécution de travail dissimulé pour M. J..., d’où il s’évinçait que, pour celui-ci, le délai de prescription devait être ramené à trois ans, la cour d’appel a violé le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, ensemble, par fausse application, les dispositions de l’article L. 244-3 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable ;

2°/ Alors en tout état de cause qu’en déclarant bien fondé le redressement opéré par l’URSSAF au titre du travail dissimulé de Monsieur J... sur la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2012 cependant qu’elle constatait que MM. A... et C... P... avaient été relaxés du chef d’exécution de travail dissimulé pour M. J... le 6 juin 2012, tous deux en qualité d’employeurs, par jugement du tribunal correctionnel de Paris du 29 janvier 2014 statuant sur le fond de l’action publique, la cour d’appel a violé le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ;

3°/ Et alors enfin qu’en relevant que le travail dissimulé de M. J... devait également être considéré comme démontré pour la période de 2008 à 2011 motif pris que l’employeur n’apportait aucun élément pour établir le contraire, cependant qu’en l’état de la relaxe prononcée par le tribunal correctionnel du chef de travail dissimulé, il appartenait à l’URSSAF d’apporter la preuve de l’existence d’un travail salarié de l’intéressé sur cette période, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l’article 1315 du code civil, devenu l’article 1353 du même code. Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 22 juin 2018