Inscription d’office RCS

Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 2 décembre 2020, 18-26.709, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale

N° de pourvoi : 18-26.709
ECLI:FR:CCASS:2020:CO00734
Non publié au bulletin
Solution : Cassation sans renvoi

Audience publique du mercredi 02 décembre 2020
Décision attaquée : Cour d’appel de Toulouse, du 02 octobre 2018

Président
Mme Mouillard (président)
Avocat(s)
SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION


Audience publique du 2 décembre 2020

Cassation sans renvoi

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 734 F-D

Pourvoi n° D 18-26.709

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 DÉCEMBRE 2020

1°/ la société Trans inter Sud-Ouest de fret (Tisof), société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

2°/ la société Transports logistique internationale groupage affrètement, Liga, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° D 18-26.709 contre l’arrêt rendu le 2 octobre 2018 par la cour d’appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Uartranslogistika, dont le siège est [...],

2°/ à la société Svarina, dont le siège est [...],

3°/ à la société Vinctra, dont le siège est [...],

4°/ à la société Vzk Ratas, dont le siège est [...],

5°/ à la société Samarina, dont le siège est [...],

6°/ à la société Transtira, dont le siège est [...],

7°/ à la société Kvinto GR, dont le siège est [...],

8°/ à la société Trio T, dont le siège est [...],

9°/ à l’association de droit lituanien lietuvos - Linava, dont le siège est [...],

10°/ à l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) Midi-Pyrénées, dont le siège est [...] ,

11°/ à la société Lagera, dont le siège est [...],

défenderesses à la cassation.

Les sociétés Uartranslogistika, Svarina, Vinctra, Vzk Ratas, Samarina, Transtira, Kvinto GR, Lagera et l’association de droit lituanien lietuvos -Linava ont formé un pourvoi incident et provoqué contre le même arrêt.

Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l’appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les demanderesses au pourvoi incident et provoqué invoquent, à l’appui de leurs recours, un moyen unique identique annexé au présent arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat des sociétés Trans inter Sud-Ouest de fret et Transports logistique internationale groupage affrètement, Liga, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Midi-Pyrénées, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat des sociétés Uartranslogistika, Svarina, Vinctra, Vzk Ratas, Samarina, Transtira, Kvinto GR, Lagera et de l’association de droit lituanien lietuvos - Linava, et l’avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l’audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte aux sociétés Trans Inter Sud-Ouest de fret et Transports logistique internationale groupage affrètement du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société Trio T.

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 2 octobre 2018), les sociétés Trans Inter Sud-Ouest de fret (la société Tisof) et Transports logistique internationale groupage affrètement (la société Liga), dont les sièges sociaux sont respectivement situés à Mazamet (Tarn) et Aucamville (Haute-Garonne), exercent une activité de transport routier.

3. Courant 2014, la direction des transports de la Direction régionale de l’environnement de l’aménagement et du logement (la Dreal) a procédé au contrôle de l’activité des sociétés Tisof et Liga, portant notamment sur les conditions d’activité de leurs sous-traitants étrangers, de droit lituanien et letton.

4. Au terme de ce contrôle, la Dreal a informé les sociétés visées qu’elle retenait contre elles des infractions d’exécution de travail dissimulé par dissimulation de l’activité commerciale en France, pour défaut d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés et au répertoire des métiers, et d’exercice illégal de l’activité de transporteur public, pour défaut d’inscription au registre de cette profession.

5. Rendue destinataire des informations ainsi recueillies, l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Midi-Pyrénées (l’Urssaf) a, par lettre du 31 mars 2017, informé les sociétés Tisof et Liga qu’elle avait demandé à l’Institut national de la statistique et des études économiques (l’Insee) de procéder à l’inscription des sociétés sous-traitantes au répertoire national tenu par cet organisme en les domiciliant à l’adresse de leurs deux sièges sociaux.

6. Les sociétés Tisof et Liga ont saisi le juge des référés afin d’obtenir, sur le fondement de l’article 809 du code de procédure civile, qu’il soit enjoint à l’Urssaf de procéder à la désinscription et la radiation des sociétés sous-traitantes à l’adresse de leurs sièges sociaux respectifs.

7. Les sociétés sous-traitantes, à savoir les sociétés Uartranslogistika, Svarina, Vinctra, Vzk Ratas, Samarina, Transtira, Kvinto GR et Lagera, ainsi que l’association de droit lituanien Linava, sont intervenues volontairement à l’instance et se sont associées à ces demandes.

Sur le moyen relevé d’office

8. Après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 76, alinéa 2, du code de procédure civile, R. 123-224, 3°, et A. 123-81 du code de commerce, et la loi des 16-24 août 1790 :

9. Selon le premier de ces textes, le moyen pris de l’incompétence du juge judiciaire peut être relevé d’office par la Cour de cassation.

10. Il résulte de la combinaison du deuxième et du troisième de ces textes que les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale sont habilitées à demander à l’Insee l’inscription au répertoire national tenu par cet institut des personnes physiques ou morales exerçant une activité professionnelle sur le territoire.

11. La réquisition ainsi adressée à l’Insee par une Urssaf, personne privée chargée d’une mission de service public administratif, en ce qu’elle procède d’une décision unilatérale revêtant un caractère contraignant, prise dans la sphère de ses attributions, révèle la mise en œuvre, par cet organisme, de prérogatives de puissance publique.

12. Il en résulte que l’exercice d’une action en référé tendant à obtenir, sur le fondement des dispositions de l’article 809 du code de procédure civile, qu’il soit enjoint à l’Urssaf de procéder à la désinscription et à la radiation des établissements ainsi immatriculés ressortit à la compétence des juridictions administratives.

13. En statuant, pour la rejeter, sur la demande de radiation de l’inscription prise à l’égard des sociétés sous-traitantes de droit lituanien et letton, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé les trois derniers textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation prononcée impliquant qu’il ne peut être statué au fond par le juge judiciaire, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi principal ni sur le moyen unique des pourvois incident et provoqué, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 2 octobre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE les juridictions de l’ordre judiciaire incompétentes pour connaître de l’action ;

RENVOIE les parties à mieux se pourvoir ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour les sociétés Trans inter Sud-Ouest de fret et Transports logistique internationale groupage affrètement, Liga.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté les sociétés Tisof et Liga de leurs demandes, faute de justifier de l’existence d’un trouble manifestement illicite ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur les conditions de l’article 809 du code de procédure civile : en vertu de l’article 809, premier alinéa, du code de procédure civile, peuvent toujours être prescrites en référé, même en présence d’une contestation sérieuse, les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; le dommage imminent est celui « ’qui n’est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer’ »’ ; certain dans son principe le dommage imminent est celui qui, du fait de l’urgence inhérente à l’imminence, doit apparaître comme potentiellement illégitime ; le trouble manifestement illicite peut se définir comme "toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit" ; en l’espèce, suivant procès-verbaux des 15 et 29 janvier et 15 février 2015 la DREAL a relevé à l’encontre des sociétés de droit lituanien et letton, des faits de fraude à l’établissement en France en raison ’ : - du défaut d’immatriculation au RCS ou au répertoire des métiers, - défaut d’inscription en France au registre professionnel des transporteurs publics routiers de marchandises, - et du défaut d’application du droit social en France (non-déclaration des conducteurs salariés, des salaires et des cotisations auprès des organismes sociaux français) ; il leur était reproché l’exécution de transports routiers de marchandises de façon régulière, habituelle et continue, et non pas de façon temporaire ce qui n’était pas de nature à nuire au principe de libre prestation de service en France, sans être immatriculée et donc de façon occulte (R. 123-220 du code de commerce) et il était reproché aux SAS Tisof et Liga en leur qualité de donneurs d’ordre de ne pas avoir vérifié que les entreprises sous-traitantes étaient habilitées à exécuter les opérations qui leur étaient confiées (L. 8222-1 du code du travail) ; ces procès-verbaux ont été transmis au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulouse ; par courrier du 4 janvier 2016, la DREAL avisait les SAS Tisof et Liga qu’en application des articles L. 8222-1 à 5 du code du travail, en leur qualité de donneurs d’ordre elles devaient immédiatement informer les entreprises étrangères qu’elles devaient faire cesser sans délai les situations illégales constatées, à défaut de quoi elles engageaient elles-mêmes leur responsabilité au titre de la solidarité financière, des poursuites pénales pouvant également être engagées contre elles ; les SAS Tisof et Liga se sont exécutées suivant courriers des 20 janvier 2016 ; parallèlement l’URSSAF a saisi d’office l’INSEE pour l’inscription des sociétés lituaniennes et lettones en déclarant une domiciliation aux sièges sociaux des sociétés françaises donneurs d’ordre ; par courrier du 29 juin 2017, l’URSSAF indiquait avoir procédé ainsi « ’par mesure de simplification’ » ; et depuis, les SAS Tisof et Liga se plaignent de recevoir divers courriers voire des demandes de renseignements relatifs aux sociétés étrangères ne les concernant pas ; elles produisent les situations au répertoire Siren des sociétés étrangères, actualisées à la date du 28 novembre 2017 démontrant que la situation perdure ; elles produisent également la demande de renseignements de la DGFIP du 31 mars 2017 sollicitant des précisions quant à la domiciliation de ces sociétés à laquelle elle a répondu le 10 avril 2017, être dans l’incapacité d’y répondre ; pourtant, la cour relève qu’aux termes de l’article A 123-81 du code de commerce l’Urssaf est habilitée à demander l’inscription au répertoire national des personnes morales en ce qui concerne non seulement les professions libérales, les travailleurs indépendants, les non-salariés agricoles l’exclusion des employeurs de personnel domestique mais encore, tout employeur de personnel salarié ; l’Urssaf était donc bien habilitée à solliciter cette inscription d’office sans qu’il puisse lui être reproché un manquement au principe du contradictoire, que le texte n’exige pas ; il est également à préciser que contrairement à ce que les SAS Liga et Tisof indiquent, les sociétés étrangères n’ont pas été inscrites au titre de leurs établissements secondaires mais bien de façon distincte et autonome, seule leur domiciliation est commune aux sociétés françaises ; en revanche, il n’appartient pas à l’Urssaf mais aux SAS Tisof et Liga d’obtenir la suppression de la domiciliation des sociétés lituaniennes à l’adresse de leur siège social respectif et il appartient aux dites sociétés de déclarer une autre adresse que celles des sociétés Liga et Tisof en France où pourtant, il n’est pas contesté qu’elle réalise un volume d’affaires très conséquent (au cours des années 2013 et 2014 cf le PV de la DREAL) ; et une fois cette modification obtenue, les sociétés Liga et Tisof pourront saisir le centre de formalités des entreprises (CFE) dont elles dépendent pour faire enregistrer ces modifications ; dès lors, la preuve n’est pas rapportée d’un dommage imminent ni d’un trouble manifestement illicite dont l’Urssaf serait la cause, au préjudice des parties appelantes ; en réalité, au travers de ces demandes présentées contre l’Urssaf, ces dernières contestent l’obligation des sociétés étrangères de se déclarer en France et d’être inscrites auprès de l’INSEE comme ayant une activité régulière et continue en France ; or, ce contentieux ne relève pas des pouvoirs du juge des référés sachant que l’Urssaf précise que les sociétés étrangères font l’objet d’un redressement de cotisations sur le fondement de travail dissimulé dont la compétence relève du tribunal des affaires de sécurité sociale ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS DU PREMIER JUGE QUE sur le trouble manifestement illicite : en application des dispositions de l’article 809 3 du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remises en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; si le juge des référés peut s’affranchir de la contestation sérieuse, c’est à la condition toutefois que celle-ci ne concerne pas le caractère illicite du trouble ; l’article 809 est destiné à réprimer toute violation évidente de la règle de droit qui s’analyse en une voie de fait ; l’illicéité du trouble doit être manifeste ; il a été jugé à cet égard que la seule méconnaissance d’une réglementation est insuffisante ; il doit apparaître de manière évidente que la règle de droit, au sens large, a été violée dans des conditions justifiant, sans contestation possible, qu’il soit mis fin à l’acte perturbateur ; c’est à juste titre que l’Urssaf rappelle qu’en application de l’article L. 243-7-5 du code de la sécurité sociale, elle peut procéder aux redressements des cotisations sur la base de procès-verbaux de travail dissimulé qui en l’espèce ont été dressés par la DREAL ; c’est sur cette base que ces sociétés ont été immatriculées ; dans ces conditions, l’article 809 du code de procédure civile n’a pas vocation à s’appliquer ; seules les voies de recours susceptibles d’être exercées contre les redressements opérés permettront de les valider ou au contraire de les anéantir avec les inscriptions qui en résultent ;

1) ALORS QUE si les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales sont habilitées à demander l’inscription au répertoire national des entreprises et de leurs établissements d’une personne morale, elles ne peuvent solliciter d’office l’inscription audit répertoire d’une société de droit étranger et la domicilier au siège social d’une société de droit français juridiquement distincte et indépendante ; qu’en retenant, pour exclure l’existence d’un trouble manifestement illicite résultant de l’inscription au répertoire des entreprises et établissements, à la demande de l’Urssaf, de sociétés de droits lituanien et letton avec pour domiciliation le siège social des sociétés de droit français Tisof et Liga, juridiquement indépendantes des premières, que l’Urssaf avait la faculté de demander une telle inscription, la cour d’appel a violé les articles R. 123-224 et A. 123-81 du code de commerce, ensemble l’article 809 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE le président du tribunal de grande instance peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu’en excluant l’existence d’un trouble manifestement illicite tiré de l’inscription d’office au répertoire des entreprises et établissements à la demande de l’Urssaf de sociétés de droits lituanien et letton au siège social des sociétés Tisof et Liga, au motif que c’était à ces dernières qu’il appartenait d’obtenir la suppression de la domiciliation à l’adresse de leur siège social et aux sociétés de droit lituanien et letton de déclarer une autre adresse que celles des sociétés Tisof et Liga en France, quand il lui appartenait de se prononcer sur l’existence d’un trouble manifestement illicite créé par les inscriptions effectuées à la demande de l’Urssaf, et d’ordonner les mesures propres à le faire cesser, dont en particulier une injonction faite à l’Urssaf elle-même puisque c’est elle qui avait fait procéder aux inscriptions litigieuse, peu important que d’autres moyens soient éventuellement envisageables, la cour d’appel a violé l’article 809 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE la modification des renseignements d’identification mentionnés au répertoire concernant les personnes inscrites ou leurs établissements peut être faite à la demande des administrations ou organismes mentionnés à l’article R. 123-224 du code de commerce - les administrations ou organismes dont la liste est fixée par l’arrêté du Premier ministre codifié à l’article A. 123-81 du même code – soit à la demande des personnes inscrites ; qu’en retenant, pour exclure l’existence d’un trouble manifestement illicite, qu’il n’appartenait pas à l’Urssaf de demander la suppression de la domiciliation des sociétés lituaniennes à l’adresse du siège social des sociétés Tisof et Liga, quand l’Urssaf, qui avait cru pouvoir solliciter l’inscription desdites sociétés étrangères en application des dispositions des articles R. 123-224 et A. 123-81 du code de commerce, disposaient de la faculté de demander la modification de cette inscription, la cour d’appel a violé l’article R. 123-225 du code de commerce, ensemble l’article 809 du code de procédure civile ;

4) ALORS QUE le président du tribunal de grande instance peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu’en rejetant les demandes des sociétés Tisof et Liga tendant à ce qu’il soit enjoint à l’Urssaf de procéder à la désinscription auprès de l’INSEE des sociétés lituaniennes et lettonnes au lieu de leur siège social, au motif inopérant que les sociétés Tisof et Liga, au travers de ces demandes, contesterait en réalité l’obligation de ces sociétés étrangères d’être inscrites en France comme ayant une activité régulière et continue, la cour d’appel a violé l’article 809 du code de procédure civile ;

5) ALORS QUE les droits garantis sous l’angle de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – qui prévoit que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale de son domicile et de sa correspondance – incluent, pour une société, le droit au respect de son siège social, son agence ou ses locaux professionnels ; qu’en écartant l’existence d’un trouble manifestement illicite tirée de l’inscription d’office à la demande de l’Urssaf de sociétés étrangères au siège social des sociétés Tisof et Liga qui devaient supporter des contraintes matérielles et administratives liées à cette inscription, quand cette inscription méconnaissait manifestement leur droit au respect de leur siège social, la cour d’appel a violé l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article 809 du code de procédure civile. Moyen identique produit AUX POURVOIS INCIDENT ET PROVOQUÉ par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour les sociétés Uartranslogistika, Svarina, Vinctra, Vzk Ratas, Samarina, Transtira, Kvinto GR, Lagera et l’association de droit lituanien lietuvos - Linava.

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté les sociétés Uartranslogistika, Svarina, Vinctra, VZK Ratas, Samarina, Transtira, Kvinto GR et l’association Linava de leurs demandes, faute de justifier de l’existence d’un trouble manifestement illicite ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur les conditions de l’article 809 du code de procédure civile : en vertu de l’article 809, premier alinéa, du code de procédure civile, peuvent toujours être prescrites en référé, même en présence d’une contestation sérieuse, les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que le dommage imminent est celui « qui n’est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer » ; que certain dans son principe le dommage imminent est celui qui, du fait de l’urgence inhérente à l’imminence, doit apparaître comme potentiellement illégitime ; que le trouble manifestement illicite peut se définir comme « toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit » ; qu’en l’espèce, suivant procès-verbaux des 15 et 29 janvier et 15 février 2015 la DREAL a relevé à l’encontre des sociétés de droit lituanien et letton, des faits de fraude à l’établissement en France en raison : - du défaut d’immatriculation au RCS ou au répertoire des métiers, - défaut d’inscription en France au registre professionnel des transporteurs publics routiers de marchandises, - et du défaut d’application du droit social en France (non-déclaration des conducteurs salariés, des salaires et des cotisations auprès des organismes sociaux français) ; qu’il leur était reproché l’exécution de transports routiers de marchandises de façon régulière, habituelle et continue, et non pas de façon temporaire ce qui n’était pas de nature à nuire au principe de libre prestation de service en France, sans être immatriculée et donc de façon occulte (R. 123-220 du code de commerce) et il était reproché aux SAS Tisof et Liga en leur qualité de donneurs d’ordre de ne pas avoir vérifié que les entreprises sous-traitantes étaient habilitées à exécuter les opérations qui leur étaient confiées (L. 8222-1 du code du travail) ; que ces procès-verbaux ont été transmis au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulouse ; que par courrier du 4 janvier 2016, la DREAL avisait les SAS Tisof et Liga qu’en application des articles L. 8222-1 à 5 du code du travail, en leur qualité de donneurs d’ordre elles devaient immédiatement informer les entreprises étrangères qu’elles devaient faire cesser sans délai les situations illégales constatées, à défaut de quoi elles engageaient elles-mêmes leur responsabilité au titre de la solidarité financière, des poursuites pénales pouvant également être engagées contre elles ; que les SAS Tisof et Liga se sont exécutées suivant courriers des 20 janvier 2016 ; que parallèlement l’URSSAF a saisi d’office l’INSEE pour l’inscription des sociétés lituaniennes et lettones en déclarant une domiciliation aux sièges sociaux des sociétés françaises donneurs d’ordre ; que par courrier du 29 juin 2017, l’URSSAF indiquait avoir procédé ainsi « par mesure de simplification » ; et que depuis, les SAS Tisof et Liga se plaignent de recevoir divers courriers voire des demandes de renseignements relatifs aux sociétés étrangères ne les concernant pas ; qu’elles produisent les situations au répertoire Sirene des sociétés étrangères, actualisées à la date du 28 novembre 2017 démontrant que la situation perdure ; qu’elles produisent également la demande de renseignements de la DGFIP du 31 mars 2017 sollicitant des précisions quant à la domiciliation de ces sociétés à laquelle elle a répondu le 10 avril 2017, être dans l’incapacité d’y répondre ; que pourtant, la cour relève qu’aux termes de l’article A 123-81 du code de commerce l’Urssaf est habilitée à demander l’inscription au répertoire national des personnes morales en ce qui concerne non seulement les professions libérales, les travailleurs indépendants, les non-salariés agricoles l’exclusion des employeurs de personnel domestique mais encore, tout employeur de personnel salarié ; que l’Urssaf était donc bien habilitée à solliciter cette inscription d’office sans qu’il puisse lui être reproché un manquement au principe du contradictoire, que le texte n’exige pas ; qu’il est également à préciser que contrairement à ce que les SAS Liga et Tisof indiquent, les sociétés étrangères n’ont pas été inscrites au titre de leurs établissements secondaires mais bien de façon distincte et autonome, seule leur domiciliation est commune aux sociétés françaises ; qu’en revanche, il n’appartient pas à l’Urssaf mais aux SAS Tisof et Liga d’obtenir la suppression de la domiciliation des sociétés lituaniennes à l’adresse de leur siège social respectif et il appartient aux dites sociétés de déclarer une autre adresse que celles des sociétés Liga et Tisof en France où pourtant, il n’est pas contesté qu’elle réalise un volume d’affaires très conséquent (au cours des années 2013 et 2014 cf. le PV de la DREAL) ; et qu’une fois cette modification obtenue, les sociétés Liga et Tisof pourront saisir le centre de formalités des entreprises (CFE) dont elles dépendent pour faire enregistrer ces modifications ; que dès lors, la preuve n’est pas rapportée d’un dommage imminent ni d’un trouble manifestement illicite dont l’Urssaf serait la cause, au préjudice des parties appelantes ; qu’en réalité, au travers de ces demandes présentées contre l’Urssaf, ces dernières contestent l’obligation des sociétés étrangères de se déclarer en France et d’être inscrites auprès de l’INSEE comme ayant une activité régulière et continue en France ; qu’or, ce contentieux ne relève pas des pouvoirs du juge des référés sachant que l’Urssaf précise que les sociétés étrangères font l’objet d’un redressement de cotisations sur le fondement de travail dissimulé dont la compétence relève du tribunal des affaires de sécurité sociale ; que l’ordonnance déférée doit donc être confirmée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Sur le trouble manifestement illicite en application des dispositions de l’article 809 du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remises en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que si le juge des référés peut donc s’affranchir de la contestation sérieuse, c’est à condition toutefois que celle-ci ne concerne pas le caractère illicite du trouble ; que l’article 809 est destiné à réprimer toute violation évidente de la règle de droit qui s’analyse en une voie de fait ; que l’illicéité du trouble doit être manifeste ; qu’il a été jugé à cet égard que la seule méconnaissance d’une réglementation est insuffisante ; qu’il doit apparaître de manière évidente que la règle de droit, au sens large, a été violée dans des conditions justifiant, sans contestation possible, qu’il soit mis fin à l’acte perturbateur ; que c’est à juste titre que l’Urssaf rappelle qu’en application de l’article L. 243-7-5 du code de la sécurité sociale, elle peut procéder aux redressements des cotisations sur la base de procès-verbaux de travail dissimulé qui en l’espèce ont été dressés par la DREAL ; que c’est sur cette base que ces sociétés ont été immatriculées ; que dans ces conditions, l’article 809 du code de procédure civile n’a pas vocation à s’appliquer ; que seules les voies de recours susceptibles d’être exercées contre les redressements opérés permettront de les valider ou au contraire de les anéantir avec les inscriptions qui en résultent ;

1°) ALORS QUE les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales ne peuvent solliciter d’office l’inscription au répertoire national des entreprises et de leurs établissements d’une personne morale de droit étranger dont le siège social est situé à l’étranger et qui ne dispose d’aucune infrastructure en France, en la domiciliant « par mesure de simplification » au siège social d’une société de droit français juridiquement distincte et indépendante ; qu’en retenant, pour exclure l’existence d’un trouble manifestement illicite résultant de l’inscription au répertoire des entreprises et établissements, à la demande de l’Urssaf, de sociétés de droits lituanien et letton avec pour domiciliation le siège social des sociétés de droit français Tisof et Liga, juridiquement indépendantes des premières, que l’URSSAF avait la faculté de demander une telle inscription, la cour d’appel a violé les articles R. 123-224 et A. 123-81 du code de commerce, ensemble l’article 809 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales ne peuvent procéder à l’inscription d’office des employeurs de fait au répertoire national des entreprises et de leurs établissements ; qu’en retenant, pour exclure l’existence d’un trouble manifestement illicite résultant de l’inscription au répertoire des entreprises et établissements, à la demande de l’Urssaf, de sociétés de droits lituanien et letton avec pour domiciliation le siège social des sociétés de droit français Tisof et Liga, juridiquement indépendantes des premières, que l’URSSAF avait la faculté de demander une telle inscription, la cour d’appel a violé les articles R. 123-224 et A. 123-81 du code de commerce, ensemble l’article 809 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le président du tribunal de grande instance peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu’en excluant l’existence d’un trouble manifestement illicite tiré de l’inscription d’office au répertoire des entreprises et établissements à la demande de l’URSSAF de sociétés de droits lituanien et letton au siège social des sociétés Tisof et Liga, au motif que c’était à ces dernières qu’il appartenait d’obtenir la suppression de la domiciliation à l’adresse de leur siège social et aux sociétés de droit lituanien et letton de déclarer une autre adresse que celles des sociétés Tisof et Liga en France, quand il lui appartenait de se prononcer sur l’existence d’un trouble manifestement illicite créé par les inscriptions effectuées à la demande de l’Urssaf, et d’ordonner les mesures propres à le faire cesser, dont en particulier une injonction faite à l’Urssaf elle-même puisque c’est elle qui avait fait procéder aux inscriptions litigieuses, peu important que d’autres moyens soient éventuellement envisageables, la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, a violé l’article 809 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE la modification des renseignements d’identification mentionnés au répertoire concernant les personnes inscrites ou leurs établissements peut être faite à la demande des administrations ou organismes mentionnés à l’article R. 123-224 du code de commerce - les administrations ou organismes dont la liste est fixée par l’arrêté du Premier ministre codifié à l’article A. 123-81 du même code – soit à la demande des personnes inscrites ; qu’en retenant, pour exclure l’existence d’un trouble manifestement illicite, qu’il n’appartenait pas à l’URSSAF de demander la suppression de la domiciliation des sociétés lituaniennes à l’adresse du siège social des sociétés Tisof et Liga, quand l’URSSAF, qui avait cru pouvoir solliciter l’inscription desdites sociétés étrangères en application des dispositions des articles R. 123-224 et A. 123-81 du code de commerce, disposaient de la faculté de demander la modification de cette inscription, la cour d’appel a violé l’article R. 123-225 du code de commerce, ensemble l’article 809 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE le président du tribunal de grande instance peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu’en rejetant les demandes tendant à ce qu’il soit enjoint à l’Urssaf de procéder à la désinscription auprès de l’INSEE des sociétés lituaniennes et lettonnes au lieu de leur siège social, au motif inopérant que les sociétés exposantes, au travers de ces demandes, contesteraient en réalité l’obligation des sociétés étrangères de se déclarer en France et d’être inscrites auprès de l’INSEE comme ayant une activité régulière et continue, la cour d’appel a violé l’article 809 du code de procédure civile ;

6°) ALORS QUE les droits garantis sous l’angle de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – qui prévoit que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale de son domicile et de sa correspondance – incluent, pour une société, le droit au respect de son siège social, son agence ou ses locaux professionnels ; qu’en écartant l’existence d’un trouble manifestement illicite tirée de l’inscription d’office à la demande de l’Urssaf de sociétés étrangères au siège social des sociétés Tisof et Liga qui devaient supporter des contraintes matérielles et administratives liées à cette inscription, quand cette inscription méconnaissait manifestement leur droit au respect de leur siège social, la cour d’appel a violé l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article 809 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2020:CO00734