Partie civile accès au dossier

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 2 novembre 2016

N° de pourvoi : 16-83778

ECLI:FR:CCASS:2016:CR05343

Non publié au bulletin

Rejet

M. Guérin (président), président

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" M. Patrick X...,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 16e chambre, en date du 18 mai 2016, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs d’exécution de travail dissimulé, prêt illicite de main d’oeuvre et marchandage, a prononcé sur sa demande d’annulation d’actes de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 18 octobre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Larmanjat, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller LARMANJAT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;
Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 28 juillet 2016, prescrivant l’examen immédiat du pourvoi ;
Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu’à la suite d’une dénonciation, formulée au visa de l’article 40 du code de procédure pénale, émanant de l’Union de recouvrement de cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) des Bouches-du-Rhône, relative à des faits de travail dissimulé mettant en cause plusieurs sociétés appartenant au groupe CEGIP ou sous-traitants de celles-ci, assurant la sécurité et le gardiennage de divers administrations, collectivités, juridictions et organismes, dont son propre siège, à Marseille, après une enquête préliminaire et ouverture d’une information, le 17 novembre 2010, M. X..., gérant de la société GIS, depuis juin 2010, a été mis en examen des chefs précités ; que le 17 novembre 2015, il a déposé une requête en annulation de pièces de la procédure ;
En cet état :
Sur le premier moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 8271-1, L. 8271-7, L. 8271-8 et L. 8271-11 du code du travail dans leur version applicable au moment des faits, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la demande d’annulation de la dénonciation de la société GIS adressée au procureur de la République de Marseille le 14 septembre 2009 ;
” aux motifs que l’Urssaf n’est pas une autorité constituée au sens du deuxième alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale, mais un organisme privé délégataire d’un service public dont l’une des missions, par le contrôle des employeurs, est de lutter contre le travail dissimulé ; que le document adressé par l’Urssaf des Bouches du Rhône au procureur de la République le 14 septembre 2009, dont l’objet indiqué est : « article 40 du code de procédure pénale dossier GIS » constitue une dénonciation au sens du premier alinéa de ce texte et les renseignements fournis, faisant présumer l’existence d’une infraction, ne sont astreints à aucune condition de forme susceptible d’annuler le droit du procureur de la République de requérir l’ouverture d’une information, le réquisitoire introductif en date du 17 novembre 2010, daté et signé, satisfaisant en la forme aux conditions essentielles de son existence légale en visant les faits juridiquement qualifiés résultant de la procédure d’enquête préliminaire ordonnée le 21 décembre 2009 suite à la dénonciation et annexée au réquisitoire ; qu’il s’ensuit que la circonstance que les salariés de l’entreprise de gardiennage n’auraient pas donné leur consentement à leur audition par un agent de contrôle de l’Urssaf n’est pas de nature à fonder l’annulation des procès-verbaux d’audition dès lors que joints à une dénonciation, ils ne valent qu’à titre de renseignement ; qu’en outre, les dispositions abrogées de l’article L. 8271-11 du code du travail n’exigeaient pas que le consentement soit expressément donné, l’établissement d’un procès-verbal étant facultatif, sa preuve pouvant résulter de tout autre document (cass. 2e civ. 9 octobre 2014, pourvoi n° 13-19. 493), alors qu’il se déduit des circonstances que les salariés ont été entendus sans convocation, sur le site où ils étaient affectés, après avoir discuté de façon informelle avec un agent de l’Urssaf en indiquant, notamment, qu’ils avaient saisi le conseil des prud’hommes, remis des documents (planning, bulletins de paies, contrat de travail) après avoir déclaré qu’ils pouvaient les fournir ou les avoir remis spontanément et reproché à l’employeur d’avoir profité de sa précarité pour le déclarer partiellement, qu’ils ont consenti à leur audition ; que l’Urssaf, dont le directeur s’est limité à fournir des renseignements en signalant les discordances constatées entre les heures de travail accomplies et celles figurant sur les bulletins de paie remis par des salariés affectés sur le site de ses propres locaux et à indiquer l’existence d’autres sites susceptibles d’être concernés, dont différents tribunaux du ressort de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, n’a pas effectué de contrôle de l’employeur, ni du groupe auquel il appartient, de sorte que cet organisme n’était pas tenu d’établir le procès-verbal prévu par l’article L. 8271-8 du code du travail, constatant une infractions aux interdictions du travail dissimulé et faisant foi jusqu’à preuve du contraire ;
” 1°) alors que l’Urssaf est une autorité privée dotée de prérogatives de puissance publique, dont les agents se voient reconnaître par les articles L. 8271-1 et suivants du code du travail des pouvoirs d’enquête spécifiques en matière de travail dissimulé ; que ces pouvoirs ne peuvent être exercés de manière légale que dans les conditions prévues par les textes ; qu’en affirmant que les agents de contrôle de l’Urssaf pouvaient agir hors du cadre procédural prévu par le code du travail pour rechercher des infractions de travail dissimulé, entendre des témoins et saisir le parquet de ces faits, la chambre de l’instruction a méconnu les principes généraux de la procédure pénale, les droits de la défense et les articles L. 8271-1 et suivants du code du travail dans leur version en vigueur en 2009 ;
” 2°) alors que faute de procès-verbal constatant les faits dénoncés au parquet, comme le prévoit l’article L. 8271-8 du code du travail, la chambre de l’instruction n’était pas en mesure de contrôler la régularité des actes de recherche de preuve effectués par les agents de contrôle ni les conditions dans lesquelles ceux-ci avaient été amenés à s’intéresser aux pratiques de la société GIS ; qu’en considérant, néanmoins, que la procédure transmise par l’Urssaf au parquet était régulière, la chambre de l’instruction a violé les droits de la défense et privé sa décision de base légale ;
” 3°) alors que l’article L. 8271-11 du code du travail dans sa version applicable en 2009 ne permet d’entendre les personnes rémunérées par l’employeur qu’avec leur consentement ; qu’en considérant que cette exigence ne s’appliquait pas aux auditions des employés de la société GIS à l’origine de la présente procédure, la chambre de l’instruction a violé les dispositions susvisées ;
” 4°) alors que la chambre de l’instruction, qui se borne à constater que le consentement des personnes entendues résulterait de ce qu’elles ont discuté de manière informelle puis remis des documents aux agents de l’Urssaf, sans rechercher si elles avaient eu connaissance de la qualité de leurs interlocuteurs et si elles avaient été informées de la nécessité de donner leur consentement à leur audition et de la possibilité en découlant de refuser d’être entendues, n’a pas suffisamment justifié sa décision “ ;
Attendu que pour rejeter le moyen pris de la nullité de la dénonciation susvisée et des procès-verbaux d’auditions de deux salariés du groupe précité, l’arrêt retient que, d’une part, l’Urssaf est un organisme privé, délégataire d’un service public, ayant pour mission la lutte contre le travail clandestin, d’autre part, les renseignements que cette dénonciation contenait ne sont astreints à aucune condition de forme et, enfin, que les procès-verbaux d’auditions des salariés, résultant de discussions informelles avec un agent de l’organisme de contrôle, desquelles se déduisent leur consentement à être entendus, et les pièces qui y sont jointes ne valent qu’à titre de simples renseignements et dispensaient celui-ci d’établir le procès-verbal prévu par l’article L. 8271-8 du code du travail ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, dés lors que, d’une part, les documents joints à la dénonciation de l’Urssaf, organisme habilité, selon les dispositions des articles L. 8271-1 et suivants du code du travail, à rechercher et constater les infractions de travail illégal consistaient seulement en des informations, portées à leur connaissance, de nature à constituer des irrégularités relevant de leur domaine de compétence et justifiant de les dénoncer au procureur de la République, d’autre part, ces documents n’ont nullement constitué la base de la poursuite engagée par ce dernier, la chambre de l’instruction a, sans insuffisance ni contradiction, justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 11, 114, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la demande d’annulation tirée de l’accès prématuré au dossier par les parties civiles ;
” aux motifs que le droit d’accès à la procédure est ouvert aux avocats de la partie civile et de la personne mise en examen dans les mêmes conditions prévues à l’article 114 du code de procédure pénale, quatre jours ouvrables au plus tard avant leur première comparution et première audition respectives ; que cette disposition légale autorise en conséquence qu’il puisse être pris connaissance de la procédure par l’avocat avant le début de ce délai, avec l’accord du juge d’instruction, et en ce qui concerne la partie civile, dès qu’elle est régulièrement constituée, l’Urssaf en se constituant partie civile par lettre en date du 29 mars 2012 ayant acquis à compter de cette date la qualité de partie à la procédure ; qu’en conséquence, la circonstance qu’il se déduit effectivement d’une note de l’avocat de l’Urssaf adressée au juge d’instruction le 5 novembre 2013, en ce qu’elle mentionne expressément des analyses tirées des pièces de l’instruction, que la partie civile avait eu accès au dossier, alors que le procès-verbal de première audition de partie civile est en date du 23 janvier 2015, n’est pas de nature à entacher de nullité cette pièce, ni le procès-verbal de première audition, dès lors que cet accès n’est pas illégal et ne contrevient pas aux dispositions conventionnelles relatives au procès équitable, les mêmes droits naissant successivement en fonction de la date d’acquisition de partie à la procédure ; que si le droit de se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces et des actes du dossier n’est ouvert qu’après l’interrogatoire de première comparution ou la première audition, aucune disposition légale n’interdit qu’avant sa première audition, une copie soit délivrée à sa demande à la partie civile, comme n’en disconvient pas l’avocat de l’Urssaf qu’elle l’a été ; que cette faculté laissée à l’appréciation du juge d’instruction n’est pas de nature à faire bénéficier à cette partie à la procédure d’un avantage dont le mis en examen serait privé et qui, en outre, ne justifie pas en quoi il a été porté atteinte à ses intérêts, d’autant que Mme Palma Z... et M. Ioan A..., mis en examen les 10 et 11 mars 2011, bénéficiaient déjà de ce droit avant même la constitution de partie civile de l’Urssaf ;
” 1°) alors que l’article 114 du code de procédure pénale ne prévoit la mise à disposition des parties du dossier de la procédure qu’à compter de la convocation des avocats des parties à leur première comparution ou leur première audition ; que le respect de l’équilibre des droits des parties impose, en outre, de ne reconnaître à la partie civile de droit d’accès au dossier qu’à compter de sa convocation, à défaut de quoi elle bénéficierait d’un accès de plein droit au dossier de la procédure du seul fait de sa propre décision de se constituer partie civile là où la personne mise en cause est tributaire d’une décision du juge d’instruction ; qu’en affirmant que la partie civile pouvait avoir accès au dossier dès lors qu’elle était régulièrement constituée, la chambre de l’instruction a méconnu le sens et la portée de l’article 114 du code de procédure pénale ensemble l’équilibre des droits des parties ;
” 2°) alors que la mise à disposition du dossier de la procédure et la délivrance de copies des pièces et actes qui le composent, lorsqu’elles ne sont pas autorisées par la loi, sont constitutives d’une violation du secret de l’instruction ; qu’il ressort de l’article 114 du code de procédure pénale d’une part que le dossier de la procédure ne peut être mis à la disposition des avocats des parties qu’à compter de leur convocation, et d’autre part que des copies des pièces et actes du dossier ne peuvent être délivrées qu’après la première comparution ou la première audition des parties ; qu’en affirmant que le juge d’instruction pouvait décider de mettre à disposition le dossier avant la convocation à la première audition et de délivrer des copies des pièces et actes de la procédure avant la première audition, la chambre de l’instruction a violé les articles 11 et 114 du code de procédure pénale ;
” 3°) alors que faute d’avoir recherché quelles étaient les conséquences des violations du secret de l’instruction ainsi caractérisées, la chambre de l’instruction n’a pas donné de base légale à sa décision “ ;
Attendu que pour rejeter le moyen de nullité pris de ce que le dossier aurait été mis à la disposition de la partie civile avant son audition et l’interrogatoire de première comparution, l’arrêt énonce que, dés lors que la constitution de partie civile de l’Urssaf était régulière et non contestée, l’avocat de la partie civile pouvait, même avant l’audition de celle-ci, sans contrevenir aux dispositions conventionnelles et légales invoquées, avoir accès au dossier ; que les juges ajoutent que le juge d’instruction avait également la faculté d’autoriser cette partie à obtenir une copie du dossier ;
Attendu qu’en statuant ainsi, dès lors qu’aucun texte n’interdit au juge d’instruction de délivrer à l’avocat d’une partie civile, avant l’audition de celle-ci, dont la constitution n’a pas été contestée par le ministère public, une copie de la procédure, la chambre de l’instruction a justifié sa décision au regard des dispositions conventionnelles et légales invoquées ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 62-2 et 591 du code de procédure pénale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la demande d’annulation de la garde à vue de M. X... ;
” aux motifs que les dispositions de l’article 63-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à la loi du 2 juin 2014 ne prévoyaient pas que la personne placée en garde à vue devait aussi être informée des motifs énumérés aux 1° à 6° de l’article 62-2 justifiant son placement en garde à vue ; que cependant en application de l’article 112-4 alinéa 1 du code pénal ces dispositions n’étaient pas applicables à la garde à vue de M. X..., qui, est, en date du 11 octobre 2011 ; que les dispositions de la directive 2012/ 13/ EU du 22 mai 2012 invoquées sont également postérieures à la mesure de garde à vue contestée ; que l’application des dispositions combinées des articles 62-2 et 63-1 du code de procédure pénale applicables au moment du placement en garde à vue de l’intéressé n’ont pas contrevenu à l’article 5, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme qui prévoit que « toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle », en ce que ces raisons s’entendent de celles juridiques et factuelles de la privation de liberté afin que la personne puisse en discuter la légalité, la détermination de la suffisance de l’information donnée devant avoir égard aux particularités de l’espèce ; que dès lors que placé en garde à vue M. X... a été immédiatement informé de la nature, de la date présumée de l’infraction ainsi que de l’existence de raisons plausibles de soupçonner qu’il les avait commises ou tenté de commettre, cette information figurant au procès-verbal de notification de la mesure signé de la personne gardée à vue et dont il n’est pas contesté qu’elle était conforme aux dispositions légales alors en vigueur, apparaît suffisante au regard des exigences conventionnelles ;
” alors que l’article 5, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme impose aux autorités d’informer la personne arrêtée non seulement des accusations portées contre elle, mais également des raisons de son arrestation ; que l’existence de raisons plausibles de soupçonner qu’une personne a commis une infraction n’impliquant pas par elle-même d’enfermement, elle ne peut être invoquée comme seule raison justifiant l’arrestation ; qu’il s’en déduit qu’en application de l’article 5, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme, M. X... devait également être informé de l’objectif de son arrestation au sens de l’article 62-2 du code de procédure pénale ; que la chambre de l’instruction a ce faisant méconnu le sens et la portée des dispositions susvisées “ ;
Attendu que, pour rejeter la requête en nullité de la garde à vue de M. X... et des actes subséquents, l ‘ arrêt statue par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, dés lors que l’article 63-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 14 avril 2011, alors applicable, en ce qu’il prévoyait l’information de la personne gardée à vue, d’une manière détaillée, sur les infractions qui justifiaient son audition dans ce cadre coercitif, était conforme aux exigences de l’article 5, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme, la cour d’appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles précitées et légales invoquées ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 6. 1 de la directive 2012/ 13/ UE du 22 mai 2012, préliminaire, 80-1, 80-2, 114, 116, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la demande d’annulation de l’interrogatoire de première comparution de M. X... ;
” aux motifs que M. X... ayant exercé son droit de se taire, n’a fait aucune déclaration au fond, de sorte que l’absence éventuelle de certaines pièces au dossier au moment de sa consultation par l’avocat ne peut entraîner l’annulation de l’interrogatoire de première comparution ; l’absence au dossier de certains procès-verbaux de synthèse n’est pas de nature à entraîner la nullité de la procédure en ce qu’ils ne constituent pas des pièces probantes et ne justifie pas que soit mise en oeuvre la procédure prévue aux articles 648 et suivants du code de procédure pénale, dès lors qu’il résulte du procès-verbal d’investigation en date du 22 juin 2015 établi à la demande du juge d’instruction par l’officier de police judiciaire de la section de recherche de gendarmerie de la région PACA, que ces procès-verbaux n’ont pas été égarés, car n’ayant pas été rédigés en accord avec le juge d’instruction en charge de l’information au moment de l’exécution de la commission rogatoire dont il a été fait retour en 2011 ; que les dispositions de l’article 80-2 du code de procédure pénale imposent que la convocation donne connaissance à la personne de chacun des faits dont le juge d’instruction est saisi et pour lesquels la mise en examen est envisagée, tout en précisant leur qualification juridique et qu’aux termes des dispositions de l’article 116 du même code il lui fait connaître expressément lors de la première comparution les mêmes éléments pour lesquels la mise en examen est envisagée, puis après avoir, le cas échéant, recueilli ses déclarations, le juge d’instruction porte à sa connaissance les faits ou la qualification juridique des faits qui lui sont reprochés, si ces faits ou ces qualifications diffèrent de ceux qui lui ont déjà été notifiés ; que les informations figurant dans la convocation et en début d’interrogatoire de première comparution sont suffisantes au regard des exigences de l’article 80-2 du code de procédure pénale en ce que :

"-" le fait que ne soit pas mentionnée la date précise du début de commission des faits reprochés ne fait pas grief dès lors qu’elle est nécessairement délimitée par les règles de la prescription de l’action publique et que figure la date à laquelle l’infraction a cessé,

"-" l’absence des noms d’une part des salariés concernés par les infractions de travail dissimulé, marchandage et prêt illicite de main d’oeuvre et d’autre part des sociétés appartenant au groupe CEJIP, permet de considérer que toutes les sociétés du groupe sont concernées ainsi que tous les salariés affectés sur sites au gardiennage par ces sociétés ;
” 1°) alors que l’interprétation des articles 80-2 et 116 du code de procédure pénale à la lumière des articles 80-1 du même code, 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l’homme et 6. 1 de la directive du 22 mai 2012 implique que l’information relative aux faits pour lesquels une mise en examen est envisagée soit suffisamment précise pour permettre à la personne qui en fait l’objet d’identifier les faits reprochés et leur qualification juridique, le juge d’instruction devant particulièrement s’attacher, lorsque l’information porte sur des faits multiples, à les distinguer le plus clairement possible ; que la chambre de l’instruction constate que la notification faite à M. X... avant son interrogatoire de première comparution ne contenait pas de précision quant à la date de début des faits reprochés et visait l’ensemble des sociétés du groupe CEJIP et tous ses salariés ; que M. X..., salarié du groupe puis gérant de la société GIS à partir de juin 2010, ne s’est, dès lors, pas trouvé en mesure de savoir en quelle qualité il était susceptible d’être mis en examen ni précisément pour quels faits ; qu’en considérant que l’information du suspect sur les faits pour lesquels sa mise en examen était envisagée avait été suffisamment précise, la chambre de l’instruction n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’ensemble des dispositions susvisées ;
” 2°) alors que l’avocat de la personne convoquée à un interrogatoire de première comparution doit, en vertu de l’article 114 du code de procédure pénale, avoir accès à l’intégralité du dossier de la procédure ; que la violation de cette prescription porte atteinte aux droits de la défense et fait ainsi nécessairement grief à la personne mise en examen ; que, constatant que des pièces de la procédure manquaient au dossier, la chambre de l’instruction ne pouvait sans violer les dispositions susvisées et les droits de la défense du mis en examen se refuser à constater l’irrégularité de l’interrogatoire de première comparution ;
” 3°) alors que les garanties prévues aux articles 80-2, 116 et 114 du code de procédure pénale s’appliquent à toutes les personnes dont la mise en examen est envisagée, sans égard pour leur choix, lors de l’interrogatoire, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui leur sont posées ou de se taire ; qu’en affirmant que le choix par M. X... de garder le silence au cours de son interrogatoire de première comparution faisait obstacle à l’annulation de celui-ci, malgré les irrégularités constatées, la chambre de l’instruction a encore violé les droits de la défense du mis en examen et notamment son droit de garder le silence “ ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 80, 648, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la demande d’annulation de l’entière procédure à compter des pièces manquantes au dossier de l’instruction ;
” aux motifs que l’absence au dossier de certains procès-verbaux de synthèse n’est pas de nature à entraîner la nullité de la procédure en ce qu’ils ne constituent pas des pièces probantes et ne justifie pas que soit mise en oeuvre la procédure prévue aux articles 648 et suivants du code de procédure pénale, dès lors qu’il résulte du procès-verbal d’investigation en date du 22 juin 2015 établi à la demande du juge d’instruction par l’officier de police judiciaire de la section de recherche de gendarmerie de la région PACA, que ces procès-verbaux n’ont pas été égarés, car n’ayant pas été rédigés en accord avec le juge d’instruction en charge de l’information au moment de l’exécution de la commission rogatoire dont il a été fait retour en 2011 ;
” alors que les procès-verbaux de synthèse, dont l’existence d’une part et l’absence au dossier de la procédure d’autre part ne sont pas contestées, sont des pièces de la procédure au sens des articles 81 et 648 du code de procédure pénale ; qu’en affirmant que ces procès-verbaux n’étaient pas des pièces de la procédure et en s’abstenant en conséquence de rechercher quelles devaient être les conséquences de leur absence sur la régularité de la procédure, la chambre de l’instruction a méconnu les dispositions susvisées et privé sa décision de base légale “ ;
Les moyens étant réunis ;
Sur le quatrième moyen pris, en sa première branche ;
Attendu que, pour rejeter la requête en nullité de l’interrogatoire de première comparution de la mise en examen de M. X..., l’arrêt retient que les informations, dont les termes ont été précédemment rappelés, figurant dans la convocation et détaillées oralement en début d’interrogatoire, sont suffisantes au regard des exigences de l’article 80-2 du code de procédure pénale en ce que, d’une part, le fait que ne soit pas mentionnée la date précise du début de la commission des faits reprochés ne fait pas grief dès lors qu’elle est nécessairement délimitée par les règles de la prescription de l’action publique et que figure la date à laquelle l’infraction a cessé, d’autre part, l’absence des noms des salariés et des sociétés appartenant au groupe Cegip, permet de considérer que toutes les sociétés du groupe sont concernées ainsi que tous les salariés affectés sur sites au gardiennage par ces sociétés ;
Attendu que, par ces énonciations, exemptes d’insuffisance comme de contradiction, d’où il résulte que M. X... avait été clairement informé par le juge d’instruction de la date, du lieu et de la qualification juridique des faits lui étant reprochés, la chambre de l’instruction a justifié sa décision au regard des principes et textes invoqués ;
D’où il suit que le grief allégué ne saurait être encouru ;
Sur le quatrième moyen pris en ses deux dernières branches et sur le cinquième moyen ;
Attendu que, pour rejeter le grief tiré du caractère incomplet du dossier mis à la disposition de l’avocat de M. X... avant son interrogatoire de première comparution et la demande d’annulation de l’ensemble de la procédure, l’arrêt statue par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où il se déduit que le dossier auquel a eu accès l’avocat de M. X..., préalablement à l’interrogatoire de première comparution de celui-ci, était celui qui était constitué, en l’état, au cabinet d’instruction, la chambre de l’instruction a justifié sa décision ;
Qu’ainsi, les griefs ne sont pas fondés ;
D’où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. X... devra payer à l’Urssaf des Bouches-du-Rhône au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux novembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Décision attaquée : Chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-En-Provence , du 18 mai 2016