Procédure régulière oui - contrôle conjoint

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 28 mai 2013

N° de pourvoi : 12-80538

ECLI:FR:CCASS:2013:CR02819

Non publié au bulletin

Rejet

M. Louvel (président), président

SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" M. Roger X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 20 octobre 2011, qui, pour travail dissimulé, emploi irrégulier d’étrangers et rétribution inexistante ou insuffisante de personnes vulnérables ou dépendantes, l’a condamné à deux mois d’emprisonnement avec sursis et 2 000 euros d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme et des pièces de procédure que le 17 novembre 2010, lors d’une opération réalisée sous l’égide d’un comité opérationnel départemental anti-fraude, les fonctionnaires de l’inspection du travail ont procédé au contrôle d’une entreprise de “casse automobile” exploitée par M. X... à Spycker (Nord) ; que sur place, il a été constaté que trois personnes, dont deux de nationalité roumaine qui séjournaient depuis quelques mois sur le territoire national et étaient dépourvues de tout titre de travail, étaient en train de travailler pour le compte de M. X..., sans avoir fait l’objet de déclarations préalables à l’embauche ni avoir reçu de bulletins de paie ; qu’il a aussi été relevé que les deux travailleurs étrangers concernés étaient rémunérés à raison de 4 euros de l’heure ; qu’à la suite de ces faits, M. X... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs de travail dissimulé par dissimulation de salariés, d’emploi irrégulier d’étrangers, de soumission de personnes dépendantes ou vulnérables à des conditions d’hébergement indignes et de rétribution inexistante ou insuffisante de ces personnes ; que les premiers juges, après avoir rejeté des exceptions de nullité de procédure, ont dit le prévenu coupable des infractions poursuivies, à l’exception du délit de soumission de personnes dépendantes ou vulnérables à des conditions d’hébergement indignes ; que M. X... et le ministère public ont relevé appel de la décision ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, 78-2-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, excès de pouvoirs ;

”en ce que l’arrêt attaqué a rejeté les moyens soulevés, in limine litis, relatifs à l’incompétence des officiers de police judiciaire à la nullité de la réquisition du ministère public et à sa notification et au procès-verbal des opérations de contrôle ;

”aux motifs propres qu’il est tout d’abord soutenu que les officiers de police judiciaire de la BMRZ de Lille étaient incompétents pour procéder aux contrôles d’identité en l’absence de réquisitions écrites et spécifiques les désignant en application des dispositions de l’article 78-2-1 du code de procédure pénale ; que, c’est par des motifs pertinents, que la cour adopte expressément que ce premier moyen a été rejeté par les premiers juges et que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ; qu’il est ensuite soutenu que les réquisitions visées par les enquêteurs ne satisfont pas aux exigences de l’article 78-2-1 du code de procédure pénale en ce qu’elles ne précisent pas les infractions concernées par le contrôle mais font une référence imprécise aux infractions à la législation du travail ; que, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que ce second moyen a été rejeté par les premiers juges et que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ; que la réquisition n° 158, établie le 16 novembre 2010, en vue d’une opération de contrôle d’identité aux fins de rechercher les auteurs d’infractions à la législation du travail détaille, en effet, les divers objectifs des contrôles requis de telle sorte que les exigences de précision formulées par l’article précité sont en l’espèce respectées ; qu’il est également soutenu que les réquisitions du ministère public n’ont été notifiées à aucune des personnes présentes sur les lieux du contrôle, contrairement aux dispositions de l’article 78-2-1 du code de procédure pénale et que le procès-verbal des opérations de contrôle n’a pas été notifié à M. X..., contrairement aux exigences de l’article 78-2-2 du même code ; que, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que ce troisième moyen a été rejeté par les premiers juges et que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ; qu’il est en outre soutenu, que le cadre juridique de l’enquête ne pouvait être que la flagrance alors que les différents procès-verbaux visent expressément les dispositions relatives à l’enquête préliminaire et que le cadre juridique ayant présidé aux opérations de contrôle ainsi que celui des différents procès-verbaux est radicalement inadapté ; que, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que ce moyen a été rejeté par les premiers juges et que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

”et aux motifs adoptés que, si la réquisition du procureur de la République prise dans le cadre du comité opérationnel départemental anti-fraude vise un service spécifique, celui-ci a toute liberté pour s’adjoindre d’autres services spécialisés ayant au demeurant la compétence territoriale comme c’est le cas en l’espèce ; que l’objet des réquisitions est parfaitement déterminé en visant les infractions à la législation sur le travail, l’absence de précision particulière à ce stade renvoyant finalement à l’ensemble des infractions de travail visés aux articles L. 324-9 et L. 341-6 du code du travail ; qu’il convient, par ailleurs, de préciser qu’une spécification précise d’une infraction particulière dans la réquisition n’empêcherait aucunement le constat sur place lors du contrôle de l’existence d’une autre infraction relevant des articles L.324-9 et L. 341-6 du code du travail et qui n’aurait pas été précisément mentionnée dans la réquisition ; qu’enfin, l’absence de notification des réquisitions n’est pas sanctionnée à peine de nullité et force est de constater que la remise du procès-verbal des opérations de contrôle n’était pas possible puisque le prévenu était absent au moment du contrôle ; que l’indication sur le procès-verbal d’une enquête en mode préliminaire alors qu’il s’agit en réalité d’une enquête de flagrance relève d’une simple erreur matérielle sans portée juridique puisqu’en l’espèce, aucun acte de contrainte comme la perquisition dans un domicile ou l’appréhension d’un prévenu pour le placer en garde à vue n’est intervenu lors du contrôle ; que M. X... a été convoqué et s’est présenté ultérieurement et librement aux autorités pour être entendu ; qu’en outre, alors qu’il n’y a pas de nullité sans grief, s’agissant des moyens ci-dessus analysés, le prévenu ne démontre aucunement l’existence d’un quelconque grief ;

1°) “alors que, selon l’article 78-2-1 du code de procédure pénale, les réquisitions écrites du procureur de la République doivent préciser les infractions parmi celles visées aux articles L. 8221-1, L. 8221-2, L. 5221-8, L. 5221-11 et L. 8251-1 du code du travail, qu’il entend faire rechercher et poursuivre ; qu’ayant constaté, en l’espèce, que les réquisitions du procureur de la République se bornaient à viser les infractions à la législation du travail, ce dont il résultait que les réquisitions, générales et imprécises, ne pouvaient qu’être annulées, la cour d’appel qui a retenu, pour rejeter la demande de nullité, que l’objet des réquisitions était néanmoins parfaitement déterminé, a méconnu l’article susvisé ;

2°) “alors que, selon l’article 78-2-1 du code de procédure pénale, un exemplaire du procès-verbal d’investigation doit être remis à l’intéressé ; que la méconnaissance de cette exigence constitue, en soi, une atteinte aux droits de la défense, entachant de nullité la procédure pénale qui a suivi ; qu’en retenant que la remise du procès-verbal des opérations de contrôle n’était pas possible puisque le prévenu était absent au moment du contrôle, la cour d’appel, qui a statué par un motif inopérant, n’a pas légalement justifié sa décision ;

3°) “alors que, si une infraction flagrante et étrangère au droit du travail peut être constatée et poursuivie à l’occasion d’une visite réalisée sur le fondement de l’article 78-2-1 du code de procédure pénale, encore faut-il qu’une procédure incidente d’enquête de flagrance soit ouverte ; qu’en l’espèce, il résulte des procès-verbaux de l’affaire qu’aucune procédure incidente n’a été ouverte, le délit prévu par l’article 225-13 du code pénal ayant été constaté dans le cadre du contrôle mené sur le fondement de l’article 78-2-1 du code de procédure pénale ; qu’ainsi, en utilisant hors de son champ d’application une procédure leur permettant d’entrer dans un domicile privé, les enquêteurs ont excédé leurs pouvoirs ; que l’irrégularité qui touche ainsi à la compétence et fait grief à la personne concernée dès lors qu’elle constitue une violation de son domicile devait être sanctionnée par la nullité du procès-verbal dressé dans ces conditions et de toute la procédure subséquente” ;

Attendu que, pour écarter l’argumentation de M. X... qui invoquait de nouveau la nullité de la procédure aux motifs qu’en méconnaissance de l’article 78-2-1 du code de procédure pénale, les réquisitions écrites prises par le procureur de la République et tendant à la recherche des infractions à la législation du travail étaient générales et imprécises, qu’un exemplaire du procès-verbal des opérations de contrôle ne lui avait pas été remis, et que l’enquête n’avait pas été menée en flagrance, ce qui rendait irrégulière, selon lui, la constatation du délit prévu par l’article 225-13 du code pénal, les juges du fond prononcent par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en cet état, et dès lors que les dispositions de l’article 78-2-1 du code de procédure pénale ne sont pas exclusives de celles du code du travail, et que, selon l’article L. 8113-1 de ce code, régulièrement appliqué en l’espèce, les fonctionnaires de l’inspection du travail ont, afin d’assurer les contrôles relatifs aux conditions de travail dont ils sont chargés, un droit d’entrée dans tous les établissements où doivent être respectées les prescriptions du même code, les griefs allégués par le demandeur ne sont pas encourus ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 121-3 du code pénal, L. 8221-1, L. 8221-5, L. 8224-1 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d’exécution d’un travail dissimulé, d’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail salarié et de rétribution inexistante ou insuffisante de plusieurs personnes vulnérables ou dépendantes et l’a condamné à une peine de deux mois d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à une amende de 2 000 euros ;

”aux motifs que, sur les infractions de travail dissimulé, d’emploi de salarié étranger démuni de titre et maintien à son service d’une salarié étranger démuni de titre et de rétribution inexistante ou insatisfaite à plusieurs personnes vulnérables ou dépendantes, les constatations opérées par l’inspection du travail et par l’ensemble des intervenants lors du contrôle effectué le 17 novembre 2010 et les explications fournies par les différentes personnes entendues sont suffisantes pour établir la matérialité des infractions poursuivies relativement à l’embauche par le prévenu de MM. Y..., Z... et Z... ; qu’il est, en effet, plus particulièrement établi que : il n’a pas procédé aux déclarations nominatives préalables à l’embauche de MM. Y..., Z... et Z... : il ne leur a pas délivré de bulletins de paie : il n’a pas procédé aux déclarations sociales pour les premier, second et troisième trimestre de l’année 2010 : il a engagé et conservé à son service MM. Z... et Z..., étrangers démunis du titre les autorisant à exercer une activité salariée en France : il a versé une rétribution inexistante ou insuffisante à MM. Z... et Z..., personnes vulnérables ou dépendantes, les intéressés étant, ainsi que le tribunal l’a souligné, étrangers sans titre de travail, sans moyens financiers ni famille sur le sol français et rémunérés par lui en dessous du smic ; que les seules dénégations du prévenu à l’audience et les attestations versées par lui sont insuffisantes pour ôter à ces divers éléments leur force probante ; qu’il en résulte que c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu sa culpabilité et que le jugement entrepris sera confirmé sur ces points ;

1°) “alors qu’il ne peut y avoir de travail dissimulé au sens des textes susvisés qu’autant que le prévenu est lié aux prétendus salariés par un contrat de travail ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements ; qu’en se bornant à énoncer, pour retenir le délit de travail dissimulé pour défaut de déclaration à l’embauche, que les constatations opérées et les explications fournies étaient suffisantes pour établir la matérialité des infractions poursuivies relativement à l’embauche par le prévenu de MM. Y..., Z... et Z..., sans constater que ces derniers se seraient trouvés dans un lien de subordination juridique vis-à-vis de M. X..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

2°) “alors que, le délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié est une infraction intentionnelle qui nécessite, pour être constituée, que le prévenu se soit délibérément et en toute connaissance de cause soustrait à l’accomplissement des formalités imposées par le code du travail ; que dès lors qu’il est constant que M. X... ne s’est jamais considéré comme l’employeur de MM. Y..., Z... et Z..., ceux-ci s’étant bornés à lui rendre des services ponctuels en contrepartie de quoi il leur avait permis de travailler pour leur compte propre dans sa casse, la cour d’appel qui n’a pas constaté le caractère délibéré du défaut d’accomplissement des obligations légales reprochées, a privé sa décision de base légale” ;

Attendu que, pour dire M. X... coupable des délits de travail dissimulé, d’emploi irrégulier d’étrangers et de rétribution inexistante ou insuffisante de personnes vulnérables ou dépendantes, les juges du fond retiennent notamment qu’il résulte de l’ensemble des pièces de la procédure que M. X... a, en omettant intentionnellement de respecter les formalités de déclaration préalable à l’embauche et sans délivrer de bulletins de paie, fait travailler M. Y... ainsi que deux ressortissants roumains, MM. B... et C... Z..., qui étaient démunis de titre de travail comme de toute attache sur le sol français et auxquels il a versé une rémunération insuffisante ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, fondés sur son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Beauvais conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Douai , du 20 octobre 2011