Régularité procédure oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 4 mai 2010

N° de pourvoi : 09-84248

Non publié au bulletin

Rejet

M. Blondet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

 X... Guillaume,

 LA SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE LA VILLA DES ROSES,

contre l’arrêt de la cour d’appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 2 juin 2009, qui, pour infractions au code de l’urbanisme, les a condamnés, chacun, à 6 000 euros d’amende avec sursis, a ordonné, sous astreinte, la remise en état des lieux et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société civile immobilière (la SCI) La Villa des Roses, dont Guillaume X... est le gérant, a acquis, au mois de juin 2005, des terrains situés à Pompey (Meurthe-et-Moselle) comportant notamment un hangar et plusieurs garages ; que, les 26 et 28 juillet 2006, des agents de police municipale ont constaté l’exécution de travaux tendant à transformer certaines de ces constructions en immeubles d’habitation pour être loués ; qu’ils ont dressé deux procès-verbaux auxquels ils ont annexé des clichés photographiques des bâtiments litigieux ; que, le 27 août 2006, les gendarmes, intervenant en exécution de réquisitions prises sur le fondement de l’article 78-2-1 du code de procédure pénale, ont relevé qu’un chalet en bois était en cours d’installation sur une dalle de béton ; que la SCI et Guillaume X... ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel, à l’initiative du ministère public, pour avoir effectué ces travaux sans avoir obtenu, au préalable, un permis de construire ; qu’ils ont été déclarés coupables par jugement qui les a condamnés, chacun, à une amende avec sursis ainsi qu’à une mesure de remise en état sous astreinte, et qui a prononcé sur les intérêts civils ; qu’ils ont relevé appel de cette décision que la cour d’appel a confirmée, en relevant le montant de l’astreinte ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 480-1, L. 460-1 et R. 160-1 du code de l’urbanisme, 171, 385, 592, 593 et 802 du code de procédure pénale ;

” en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a refusé de constater la nullité des procès-verbaux des agents de police municipale de la commune de Pompey des 26 et 28 juillet 2006, ainsi que de toute procédure subséquente ;

” aux motifs adoptés des premiers juges que l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme prévoit que certains fonctionnaires et agents de l’Etat et des collectivités publiques, commissionnés à cet effet et assermentés, sont habilités à dresser procès-verbal des infractions qu’ils constatent ; qu’en l’espèce, il n’est pas démontré que pour effectuer les constats litigieux les agents municipaux concernés auraient pénétré sur la propriété privée ; qu’en outre, compte tenu des possibilités de zoom des objectifs photographiques, les photos versées au dossier ne démontrent pas plus la réalité d’une pénétration sur la propriété privée ; ce d’autant par exemple que le constat du 26 juillet 2006 précise que le chef de police municipale s’est rendu devant les propriétés de Guillaume X... ; qu’en tout état de cause, la rédaction de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme ne conditionne pas la constatation des infractions aux règlements d’urbanisme à l’autorisation de pénétrer sur les lieux privés donnée par le propriétaire concerné ; que la jurisprudence de la Cour de cassation a d’ailleurs estimé que le droit de visite prévu par l’article L. 460-1 du code de l’urbanisme permet des visites sans autorisation du propriétaire ;

” 1°) alors que la captation d’images d’un domicile privé au moyen d’un téléobjectif constitue une ingérence de l’autorité publique dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et du domicile qui ne peut comme telle être effectuée que dans un cadre légal ; que dès lors, la cour d’appel, qui constatait que des agents de police municipaux, agissant en dehors du champ d’application de l’article 706-96 du code de procédure pénale, avaient fixé au moyen d’un téléobjectif des photographies du domicile de Guillaume X..., ne pouvait refuser d’annuler ces mêmes photographies sans méconnaître les dispositions de droit interne et conventionnel visés au moyen ;

” 2°) alors, en tout état de cause, que l’ingérence par les autorités publiques dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et du domicile ne peut être effectuée que sous le contrôle du juge judiciaire, gardien des libertés individuelles ; qu’en refusant d’annuler la captation au moyen d’un téléobjectif, par des agents de police agissant en dehors de tout contrôle d’un juge, d’images du domicile de Guillaume X... relevant de la vie intime, la cour d’appel a de plus fort méconnu la portée du droit au respect de la vie privée et du domicile ;

” 3°) alors, de surcroît, que les représentants de l’autorité publique ne peuvent pénétrer au domicile d’une personne privée sans l’autorisation de cette dernière, sauf dans les cas expressément prévus par la loi ; qu’en jugeant que l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme qui se borne à prévoir que certains agents de l’Etat et des collectivités publiques peuvent par procès-verbal constater les infractions au code de l’urbanisme, autoriserait lesdits agents à pénétrer dans un domicile privé, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen ;

” 4°) alors, enfin, que l’article L. 460-1 du code de l’urbanisme, s’il autorise le maire ou ses délégués à visiter les constructions en cours, n’autorise pas pour autant ces mêmes personnes à pénétrer dans un domicile sans l’accord préalable et exprès de l’occupant ; qu’en jugeant que l’article L. 460-1 du code de l’urbanisme autorisait le maire ou ses délégués à pénétrer dans un domicile sans l’autorisation de la personne concernée, la cour d’appel a violé les textes susvisés “ ;

Attendu que les demandeurs ne sauraient se faire grief de ce les juges du second degré aient écarté l’exception tendant à l’annulation des procès-verbaux des agents de police municipale et des clichés photographiques qui y étaient annexés, dès lors, d’une part, qu’il ressort des motifs propres et adoptés de l’arrêt qu’il n’est pas démontré que les agents verbalisateurs aient pénétré sur la propriété privée de la SCI, que, d’autre part, les magistrats ne se sont pas fondés sur les photographies mais sur les constatations visuelles des agents verbalisateurs pour établir la matérialité des faits reprochés au prévenu et qu’enfin, il ne ressort d’aucune énonciation que les bâtiments photographiés aient constitué le domicile de Guillaume X... ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 78-2-1, 53, 385, 592 et 593 du code de procédure pénale ;

” en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a refusé de constater la nullité des procès-verbaux des gendarmes du 27 août 2006 et de la procédure subséquente ;

” aux motifs qu’il est de même argué de la nullité des constats effectués sur réquisitions du procureur de la République établies en vue de procéder à une enquête concernant un éventuel travail clandestin : les prévenus estiment que les enquêteurs ont excédé le cadre de leur mission ; or, le tribunal a parfaitement établi qu’aucune disposition du code de procédure pénale n’empêche des enquêteurs de relever des infractions éventuelles qu’ils seraient amenés à constater, et notamment au code de l’urbanisme, qui ne requièrent pas l’établissement de réquisitions préalables du parquet ;

” et aux motifs adoptés que l’application des dispositions de l’article 78-2-1 du code de procédure pénale n’exclut pas que puissent être mises en oeuvre celles relatives à la constatation et à la poursuite des infractions flagrantes, notamment au code de l’urbanisme ; que cette interprétation a d’ailleurs été retenue par la jurisprudence de la Cour de cassation ;

” alors que, si une infraction flagrante et étrangère au droit du travail peut être constatée et poursuivie à l’occasion d’une visite faite sur le fondement de l’article 78-2-1 du code de procédure pénale, encore faut-il qu’une procédure incidente d’enquête de flagrance soit ouverte ; qu’en l’espèce, il résulte des procès-verbaux de l’affaire qu’aucune procédure incidente n’a été ouverte, les infractions au droit de l’urbanisme ayant été constatées dans le cadre de la perquisition menée sur le fondement de l’article 78-2-1 du code de procédure pénale ; qu’ainsi, en utilisant hors de son champ d’application une procédure leur permettant d’entrer dans un domicile privé, les enquêteurs ont excédé leurs pouvoirs ; que l’irrégularité qui touche ainsi à la compétence et fait grief à la personne concernée dès lors qu’elle constitue une violation de son domicile devait être sanctionnée par la nullité des procès-verbaux dressés dans ces conditions et de toute la procédure subséquente “ ;

Attendu que, pour écarter l’exception tendant à l’annulation du procès-verbal des gendarmes, l’arrêt retient qu’en relevant une infraction au code de l’urbanisme à l’occasion de l’exécution de la réquisition délivrée par le procureur de la République sur le fondement de l’article 78-2-1, ils n’ont pas excédé leurs pouvoirs ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 78-2-1, 53, 592 et 593 du code de procédure pénale ;

” en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré Guillaume X... et la SCI La Villa des Roses coupables d’avoir édifié un chalet en bois sans avoir obtenu, au préalable, un permis de construire, de les avoir chacun condamné à une amende de 6 000 euros avec sursis, et d’avoir ordonné la démolition du chalet sous astreinte ;

” aux motifs qu’il résulte des pièces versées au dossier que ces travaux implantés au..., faisaient l’objet d’une demande de permis de construire déposée le 22 juin 2006 par Guillaume X...,... ; que par courrier du 14 août 2006, le maire de Pompey a avisé Guillaume X... du refus de délivrer le permis de construire au motif que les habitations légères de loisirs en zone UM du POS sont interdites ; que ce refus a été notifié par LRAR ; que le cadre relatif à la distribution de cet envoi daté du 17 août 2006, adressé à Guillaume X... ..., porte la mention “ non réclamé “ ; que Guillaume X... estime qu’il peut se prévaloir de l’obtention d’un permis de construire tacite au motif qu’il n’a reçu aucune notification de la mairie l’informant du refus de délivrance du permis de construire ; mais que l’audition par la gendarmerie de l’agent de police municipal chargé de remettre à Guillaume X... tous les courriers qui lui ont été envoyés en recommandé et qui sont revenus à la mairie avec la mention “ retour à l’envoyeur “, fait apparaître que Guillaume X... a refusé d’accepter la remise de ces envois de la main à la main de la part de ce policier municipal missionné à cette fin ; qu’il est joint à l’audition notamment l’AR du 17 août 2006 portant la mention non réclamé ; qu’en agissant ainsi Guillaume X... s’est volontairement mis dans la situation de ne pas connaître le contenu des envois de la mairie dont il ne pouvait méconnaître qu’ils étaient liés aux divers travaux entrepris ; que, pour sa part, en procédant à une notification par lettre recommandée, la mairie s’est acquittée de ces obligations légales relatives à la notification du refus de permis de construire, l’article R. 424-10 du code de l’urbanisme prévoyant que la décision refusant le permis est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception postale ;

” 1°) alors que lorsque la notification de la décision de rejet d’une demande de permis de construire est faite par lettre recommandée, la date de la notification est celle de la réception par son destinataire ; qu’en refusant de reconnaître l’existence d’un permis de construire tacite, alors qu’elle constatait que Guillaume X... avait déposé une demande de permis de construire le 22 juin 2006, et qu’il n’avait jamais reçu la lettre recommandée par laquelle la mairie de Pompey l’informait du rejet de sa demande, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen ;

” 2°) alors, en tout état de cause, que la décision de rejet d’une demande de permis de construire doit être notifiée avant l’expiration du délai d’instruction, à défaut de quoi le pétitionnaire bénéficie d’un permis implicite ; qu’en l’espèce, le délai d’instruction expirait le 22 août 2006 ; que la cour d’appel s’est contentée de relever, d’une part, que l’avis de distribution de la lettre recommandée opposant un refus à la demande de Guillaume X... était daté du 17 août 2006, et portait la mention « non réclamé » ; que, d’autre part, l’audition de l’agent de police chargé de remettre à Guillaume X... tous les courriers revenus avec la mention « retour à l’envoyeur », faisait apparaître que Guillaume X... a refusé d’accepter la remise de ces envois de la main à la main, sans toutefois préciser la date de cette tentative ; qu’en déduisant de ces constatations que Guillaume X... s’était volontairement mis dans la situation de ne pas connaître le contenu des envois de la mairie, sans constater qu’à la date de l’expiration du délai d’instruction, soit le 22 août 2006, Guillaume X... s’était volontairement abstenu d’aller chercher le recommandé distribué le 17 août 2006, ni que la tentative de remise des courriers de la main à la main avait eu lieu avant l’expiration dudit délai, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen “ ;

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables d’avoir entrepris la construction du chalet sans autorisation préalable, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que, par arrêté du 14 août 2006, régulièrement notifié, le maire a refusé la demande de permis de construire déposée par Guillaume X... ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, et dès lors qu’aucun permis tacite n’a été délivré aux prévenus, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Blondet conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Chaumont conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Nancy , du 2 juin 2009