Procédure régilière non

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 14 novembre 2017

N° de pourvoi : 17-81688

ECLI:FR:CCASS:2017:CR02842

Non publié au bulletin

Cassation

M. Soulard (président), président

SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

 La société X...,

 M. André X...,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de TOULOUSE, en date du 23 février 2017, qui, dans l’information suivie contre eux des chefs de travail dissimulé, recours à une personne exerçant un travail dissimulé, marchandage et blanchiment, a prononcé sur leur demande d’annulation d’actes de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 17 octobre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Parlos, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de M. le conseiller PARLOS, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI ET SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général GAILLARDOT ;

Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 12 juin 2017, joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;

Vu le mémoire, commun aux demandeurs, et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu’après un contrôle au sein de la société X... réalisé le 5 septembre 2012, par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), et des rapports des 25 février 2013 et 2 avril 2014 adressés au ministère public par cette administration sur l’importance prise, dans cette entreprise de transport routier de marchandises, par le recours à la sous-traitance auprès de sociétés de pays d’Europe de l’Est et de l’enquête ayant suivi ce signalement, le président du tribunal de grande instance, saisi par la requête du procureur de la République, a, par ordonnance en date du 13 novembre 2014, adoptant les motifs exposés dans la requête, autorisé, sur le fondement de l’article L. 8271-13 du code du travail, une perquisition, sans avoir à recueillir l’assentiment préalable de la société, au sein de ses locaux professionnels ; qu’après cette perquisition, réalisée le 26 novembre 2014, et l’ouverture d’une information, la société X... et M. X... ont été mis en examen des chefs sus-énoncés le 25 mars 2016, puis ont présenté une requête, le 21 septembre suivant, en annulation des actes de la procédure en invoquant, notamment, les moyens pris de l’irrégularité du contrôle du 5 septembre 2012, des rapports des 25 février 2013 et 2 avril 2014 ainsi que de la perquisition et de l’ordonnance qui l’a autorisée ;

En cet état ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 1451-1, L. 8271-7 à L.8271-12, du code des transports, préliminaire, 28, 591, 593 et 427 du code de procédure pénale ;

”en ce que la chambre de l’instruction a écarté la nullité des rapports du fonctionnaire de la DREAL des 25 février 2013 et 2 avril 2014 ;”

”aux motifs qu’« un détournement de pouvoirs suppose qu’il soit établi que le fonctionnaire à qui on le reproche a fait usage de pouvoirs qu’il détient dans le cadre d’une procédure spéciale pour les utiliser dans le cadre d’une autre procédure où il n’aurait pas pu accomplir de tels actes ; que la jurisprudence mise en avant dans son mémoire par les requérants en fournit des illustrations ; qu’or en l’espèce il n’existe aucun détournement de procédure, puisque la DREAL a enquêté avec les pouvoirs d’enquête dont elle dispose dans un domaine d’activité (droit du travail) qui est le sien, puisque l’article L.8271-1 du code du travail dispose que “les infractions de travail illégal sont recherchées et constatées par les agents de contrôle mentionnés à l’article L.8271-1-2 du code du travail”, et que cet article L 8271-1-2 2 édicte que “les agents de contrôle compétents en application de l’article L 8271-1 sont :….. 7.° les fonctionnaires ou agents de l’état chargés du contrôle des transports terrestres”(dont la DREAL bien entendu) ; que dans ces conditions les agents de la DREAL ont enquêté dans leur domaine de compétence avec les pouvoirs que la loi leur attribue pour l’exercice de leurs missions ( article L.3241-3 du code des transports) ; qu’il n’existe donc aucun détournement de pouvoir : chaque corps de fonctionnaire dispose, pour ce domaine spécifique du droit du travail de ses prérogatives et de ses compétences habituelles ; que la loi a donné, dans ce domaine, des compétences concurrentes à différentes administrations afin que chacune utilise ses pouvoirs propres et que l’on puisse croiser les renseignements ainsi obtenus ; et qu’il ne saurait leur être reproché comme le fait la défense, dans la mesure où ils n’ont pas outrepassé leurs pouvoirs, d’avoir présenté leur contrôle “comme un contrôle classique” destiné à vérifier l’application de la législation sur les transports : qu’en effet l’obligation de loyauté n’inclut pas l’obligation de naïveté, et il ne saurait être reproché à l’administration de ne pas avoir dès le début de son enquête, initialement inquisitoriale par nature, indiqué quelles étaient les infractions réellement recherchées ; qu’en outre, toute ambiguïté serait de toute façon levée par l’article L.8271-6-1 du code du travail qui précise “les agents de contrôle sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec son consentement, tout employeur ou son représentant ou toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l’employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d’emploi et le montant des rémunérations s’y rapportant, y compris les avantages en nature ; que de même, ils peuvent entendre toute personne susceptible de fournir des informations utiles à l’accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal “ et par l’article L.8271-6-2 du même code qui indique “pour la recherche et la constatation des infractions constitutives de travail illégal, les agents de contrôle peuvent se faire présenter et obtenir copie immédiate des documents justifiant du respect des dispositions du présent livre” ; que c’’est dire que le contrôle en entreprise rentre bien dans les pouvoirs des fonctionnaires chargés du contrôle des transports terrestres, même pour la recherche des infractions de travail illégal, et il n’y a donc eu aucun détournement de procédure ; »

”1°) alors que les pouvoirs d’investigation conférés aux officiers et agents de police judiciaire, ou à certains fonctionnaires par des lois spéciales, ne peuvent être exercés que dans les conditions et dans les limites fixées par les textes qui les prévoient, sans qu’il leur soit permis de mettre en oeuvre, par un détournement de procédure, des pouvoirs que la loi ne leur a pas reconnus ; que c’est en l’espèce au prix d’un détournement de pouvoirs prohibé par la loi que les agents de la DREAL ont utilisé les pouvoirs que la loi leur confère en matière d’infractions à la législation sur les transports pour rechercher des infractions en matière de travail illégal ;

”2°) alors que les pouvoirs des autorités publiques doivent être mis en oeuvre dans le respect du principe du principe de loyauté des preuves ; que la lecture du rapport de la DREAL du 25 février 2013, dans lequel les enquêteurs expliquent avoir fait usage d’un « contrôle classique » pour ne pas attirer l’attention sur leur véritable objectif révèle une déloyauté manifeste de la part des enquêteurs ; que la chambre de l’instruction ne pouvait rejeter ce moyen de nullité au motif inopérant selon lequel « l’obligation de loyauté n’inclut pas l’obligation de naïveté, et il ne saurait être reproché à l’administration de ne pas avoir dès le début de son enquête, initialement inquisitoriale par nature, indiqué quelles étaient les infractions réellement recherchées » ;

Attendu que, pour rejeter le moyen pris de l’irrégularité des rapports des 25 février 2013 et 2 avril 2014 transmis, en application de l’article 40 du code de procédure pénale, au procureur de la République, l’arrêt énonce, en substance, qu’il n’y a eu ni détournement de procédure ni déloyauté dans le recueil des preuves, puisque les agents de la DREAL ont enquêté avec les pouvoirs que leur confère l’article L. 8271-1 du code du travail, qui dispose que les infractions de travail illégal sont recherchées et constatées par les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du même code, aux termes duquel les agents de contrôle ainsi compétents en application de l’article L 8271-1 de ce code sont, notamment, les fonctionnaires ou agents de l’Etat chargés du contrôle des transports terrestres, dont font partie les agents de la DREAL ;

Attendu qu’en l’état de ces seules énonciations, la chambre de l’instruction a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 3241-2, L.3241-3 et L. 3241-4 du code des transports, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

”en ce que la chambre de l’instruction a écarté la nullité du contrôle en entreprise réalisé le 5 septembre 2012.

”aux motifs qu’« en l’état du droit positif, tant interne qu’européen, le régularité des contrôles en entreprise effectués par les administrations dans le cadre de leurs missions n’est soumise :

* ni à la présence d’un avocat, même si des projets de directive européenne préconisent le contraire ;

* ni à une autorisation judiciaire, l’article L.3241-4 du code des transports prévoyant seulement un avis préalable à parquet ; que, notamment il n’apparaît pas que la Cour européenne des droits de l’homme exige précisément dans sa jurisprudence une autorisation judiciaire préalable, seule étant requise la possibilité d’un contrôle juridictionnel a posteriori, ce qui est le cas en l’espèce comme le démontre le présent arrêt ; qu’il est évidemment vain d’évoquer à propos d’un tel contrôle des arguments concernant le droit des perquisitions, les agents de contrôle ne disposant pas du droit d’effectuer des perquisitions, mais seulement de celui de se faire présenter et d’obtenir copie des documents qu’ils réclament ; que le droit positif ainsi rappelé semble certes exempt d’angélisme, mais proportionné au but recherché et respectueux des droits de la défense ; »

”1°) alors qu’il résulte de l’article L. 3241-4 du code des transports l’obligation de recueillir l’avis préalable du procureur de la République à l’occasion d’un contrôle en entreprise ; qu’en l’espèce, aucun avis du parquet n’a été délivré ; que l’arrêt de la chambre de l’instruction, qui n’a pas répondu à ce moyen de nullité, encourt la censure ;

”2°) alors que la chambre de l’instruction était saisie d’un moyen tiré de l’inconventionnalité de la procédure de contrôle en entreprise prévue par l’article L. 3241-3 du code des transports, qui prévoit notamment un droit d’accès aux locaux de l’entreprise entre 8 heures et 20 heures, faute d’autorisation et de contrôle par un magistrat judiciaire, et de décision motivée ; que c’est en violation des articles précités que la chambre de l’instruction a considéré d’une part que la seule possibilité d’un contrôle a posteriori était suffisante, et d’autre part que les agents de contrôle ne disposent pas du droit d’effectuer des perquisitions « mais seulement de celui de se faire présenter et obtenir copie des documents qu’ils réclament » ;

Vu l’article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout arrêt de la chambre de l’instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que pour rejeter le moyen de nullité tiré de l’irrégularité du rapport du contrôle réalisé par les agents de la DREAL, le 5 septembre 2012, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions régulièrement déposées devant elle, qui invoquaient l’irrégularité de ce contrôle faute d’un avis préalable au ministère public, conformément à l’article L 3241-4 du code des transports, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, L.8271-13 ancien du code du travail, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

” en ce que la chambre de l’instruction a rejeté le moyen tiré de la nullité des perquisitions réalisées dans les locaux de la société X... le 26 novembre 2014 en raison du défaut de motivation de l’ordonnance du président du tribunal de grande instance ;

”aux motifs qu’en ce qui concerne le fait que la perquisition a été effectuée conformément à une procédure contraire aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme, le demandeur soulève un grand nombre de reproches à l’égard de la procédure utilisée fondé sur les dispositions de l’article L.8271-13 du code du travail, que le conseil constitutionnel a abrogé par décision du 4 avril 2014 avec date d’effet au 1er janvier 2015 ; qu’il soulève également le moyen tiré de l’inconventionnalité de l’article L.3241-3 du code des transports ; qu’il s’agit ici d’une perquisition en enquête préliminaire sur autorisation judiciaire spéciale en matière de droit du travail (ancien article 8271-13 code du travail, autorisation du président du tribunal de grande instance) ; que le demandeur reproche notamment l’absence de recours contre la décision du président du tribunal de grande instance autorisant la perquisition et la violation des droits de la défense résultant de l’absence d’un avocat lors de la perquisition ; qu’on observera liminairement que le Conseil constitutionnel lui-même, en abrogeant la disposition litigieuse pour le futur, l’a validée pour le passé, sur la base du principe de sécurité juridique auquel il donne force de façon régulière ; qu’il faut donc considérer, pour refuser d’appliquer sa décision, que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme a une force juridique supérieure (position contestée, bien qu’admise par la cour de cassation en assemblée plénière) ; qu’on remarquera surtout que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme exige en l’espèce un recours de pleine juridiction contre les autorisations judiciaires préalables : or, force est de constater, concrètement, que la personne chez laquelle a lieu la perquisition exerce un recours dans le cadre de la présente procédure en soulevant la nullité de la perquisition et qu’il lui est donc difficile de soutenir qu’il n’existe pas de recours ; que dans ce domaine, à l’évidence, on ne peut envisager de recours avant que la perquisition car il n’est pas envisageable de prévenir une personne que l’on va perquisitionner chez elle pour établir les éléments d’une ou plusieurs infractions ; que la Cour européenne des droits de l’homme a jugé à plusieurs reprises, comme le rappelle le requérant, que le fait de ne pouvoir contester la régularité de l’ordonnance que devant la juridiction saisie des poursuites, ne constituait pas une voie de recours suffisante et effective, mais tel n’est pas le cas en l’espèce : la chambre de l’instruction n’est pas saisie de poursuites exercées contre quiconque, les parties mises en cause ont pris l’initiative de la saisir pour qu’elle juge, conformément aux pouvoirs qui sont les siens, si la procédure a été régulière ou si certains actes doivent être annulés ; qu’il s’agit à l’évidence d’un recours effectif, très antérieur aux poursuites et au jugement de l’affaire, et qui a permis à ceux qui l’ont exercé d’avoir accès à un “tribunal” pour obtenir, à l’issue d’une procédure répondant aux exigences de l’article 6 de la Convention, une décision sur leur contestation ; quant à la violation des droits de la défense qui résulterait de l’absence d’avocat lors de la visite en entreprise, on relèvera d’abord, qu’aucune décision de la Cour européenne des droits de l’homme n’exige une telle présence (cf ci-dessus sur les projets de directive contraire), ensuite, que si M. X..., à qui les gendarmes ont demandé de désigner les personnes qui assisteraient en son nom aux opérations de perquisition dans les locaux de son entreprise n’a pas proposé d’avocat, il n’apparaît pas qu’on le lui ait interdit ; qu’il n’apparaît donc pas que la nullité de la procédure soit encourue de ce chef, étant précisé au surplus que le principe de proportionnalité des atteintes à la vie privée semble ici respecté, puisque, s’agissant de soupçons d’infractions de marchandage et de cabotage irrégulier, d’une ampleur toute particulière, mettant en jeu les conditions de travail dans les transports de chauffeurs de nationalité étrangère, il ne peut être nié qu’une visite au siège d’une entreprise pour s’y faire remettre et saisir des documents professionnels afférents à l’activité en cause est nécessaire et adaptée au but poursuivi ; qu’enfin, sur la question de la motivation de l’ordonnance du président du tribunal de grande instance qui s’est borné à renvoyer aux motifs énoncés dans la requête en autorisation, il y a lieu de constater que ce renvoi vaut motivation, puisqu’il adopte des motifs détaillés antérieurement dans le document qui lui est soumis, et la jurisprudence contraire fournie dans le mémoire en réponse du requérant (cass crim 23/11/2016, qui vise d’ailleurs un cas de figure différent, celui de l’article 76 al 4 du code de procédure pénale) constitue un revirement de jurisprudence consacrant un nouvel état du droit après accroissement des pouvoirs du juge des libertés et de la détention qu’il n’y a pas lieu d’étendre aux affaires anciennes telles que la présente affaire ;

”1°) alors qu’il résulte de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qu’une décision ordonnant une perquisition sans le consentement de la personne chez qui elle a lieu doit être motivée au regard des circonstances concrètes de chaque affaire ; qu’en l’espèce, dans le cadre d’une enquête préliminaire, des perquisitions ont été mises en oeuvre dans les locaux de la société demanderesse, en application des dispositions de l’article L. 8271-13 du code du travail, et au visa d’une ordonnance du président du tribunal de grande instance du 13 novembre 2014 dépourvue de motivation, se bornant à renvoyer aux éléments de fait énoncés dans la requête du parquet ; que la chambre de l’instruction ne pouvait refuser d’en prononcer la nullité en considérant qu’un tel renvoi valait motivation ;

”2°) alors que la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence qui l’interprète sont d’applicabilité directe et immédiate ; qu’en jugeant que la jurisprudence de la chambre criminelle du 23 novembre 2016 (n° 15-83.649) par laquelle a été posé en principe l’exigence de motivation adaptée et circonstanciée des perquisitions réalisées en enquête préliminaire sans l’assentiment de la personne chez qui elles ont lieu « constitue un revirement de jurisprudence consacrant un nouvel état du droit après accroissement des pouvoirs du juge des libertés et de la détention qu’il n’y a pas lieu d’étendre aux affaires anciennes telles que la présente affaire », la chambre de l’instruction a méconnu le principe précité” ;

Vu l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

Attendu que l’ordonnance du président du tribunal de grande instance décidant, sur le fondement de l’article L. 8271-13 du code du travail, déclaré, depuis lors, contraire à la Constitution par la Décision du Conseil constitutionnel en date du 4 avril 2014, cette décision d’inconstitutionnalité ne prenant effet qu’à compter du 1er janvier 2015, (Décision n° 2014-387 QPC du 4 avril 2014), et sur requête du procureur de la République à l’occasion d’une enquête préliminaire, que les opérations prévues par ce texte seront effectuées sans l’assentiment de la personne chez qui elles ont lieu, doit être motivée au regard des éléments de fait et de droit justifiant de leur nécessité ; que cette exigence d’une motivation adaptée et circonstanciée s’impose au regard des droits protégés par la Convention européenne des droits de l’homme et constitue une garantie essentielle contre le risque d’une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de la personne concernée, permettant au justiciable de connaître les raisons précises pour lesquelles ces opérations ont été autorisées ;

Attendu qu’il se déduit de l’ensemble de ces éléments que l’ordonnance du président du tribunal de grande instance, qui se borne à se référer à la requête présentée par le procureur de la République aux fins de perquisition, en application de l’article L. 8271-13 du code du travail, n’est pas conforme aux exigences de la stipulation conventionnelle susvisée ;

Attendu que, pour rejeter le moyen de nullité tirée de l’absence de motivation de l’ordonnance du président du tribunal autorisant la perquisition, l’arrêt énonce qu’il y a lieu de constater que le renvoi aux motifs de la requête du ministère public vaut motivation, puisqu’il adopte des motifs détaillés antérieurement dans le document qui lui est soumis ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que l’ordonnance ne contient aucune motivation justifiant de la nécessité de la mesure, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D’où il suit que la cassation est à nouveau encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens de cassation proposés :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Toulouse, en date du 23 février 2017, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Montpellier à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Toulouse et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze novembre deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Décision attaquée : Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Toulouse , du 23 février 2017