Opj - procédure incidente de flagrance

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 12 novembre 2008

N° de pourvoi : 08-81378

Non publié au bulletin

Rejet

M. Joly (conseiller doyen faisant fonction de président), président

Me Haas, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

 B... Mario,

contre l’arrêt de la cour d’appel de LIMOGES, chambre correctionnelle, en date du 19 décembre 2007, qui, pour travail dissimulé, l’a condamné à 1500 euros d’amende ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 5. 2, 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, L. 611-13 du code du travail, et des articles préliminaire, 76, 78-3, 591, 593 et 802 du code de procédure pénale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité de la procédure soulevées par Mario B..., l’a déclaré coupable de travail dissimulé par dissimulation de salariés et, en répression, l’a condamné à une amende de 1. 500 euros ;
” aux motifs que les gendarmes ont qualité pour enquêter sur les infractions de travail dissimulé et les dispositions spécifiques du code du travail ne dérogent pas aux règles de droit commun relatives à la constatation des infractions par les officiers et agents de police judiciaire ; qu’en l’espèce, les gendarmes n’étaient nullement tenus de recourir aux dispositions de l’article L. 611-13 du code du travail et les dispositions de l’article 78-2-1 du code du procédure pénale n’avaient pas lieu de s’appliquer ; que les gendarmes ont agi dans le cadre d’une enquête préliminaire concernant les infractions de travail dissimulé ; qu’ils étaient fondés à contrôler l’identité des trois polonais qui circulaient en voiture sans porter la ceinture de sécurité ; qu’ils n’étaient pas tenus d’appliquer les dispositions de l’article 78-3 du code de procédure pénale puisque les trois polonais ont accepté que les gendarmes les suivent jusqu’à leur logement où se trouvaient leurs pièces d’identité ; que, le 10 août 2006 à 16 heures, les gendarmes se sont présentés pour y effectuer une perquisition à domicile de Mario B... ; qu’ils ont été reçus par lui qui, informé des présomptions le concernant, a donné par écrit son assentiment exprès ; que la perquisition est, en conséquence, régulière et fait suite à l’audition de Mario B... dont rien ne permet de dire qu’il ne maîtrisait pas la langue française ; que la perquisition a été faite conformément aux dispositions du code de procédure pénale relatives à l’enquête préliminaire, en la présence constante de Mario B..., afin de prendre des clichés photographiques et que les dispositions de l’article L. 611-13 du code du travail n’avaient pas vocation à s’appliquer ; que les infractions relevées ne s’appuient pas sur cette perquisition mais sur les déclarations des personnes entendues dont il n’est pas démontré qu’elles l’aient été de manière irrégulière ; que tant la perquisition que les auditions des ressortissants polonais dans le cadre de la procédure de flagrance diligentée pour séjour irrégulier sont régulières ;
” alors, en premier lieu, qu’à l’occasion d’un contrôle d’identité, si la personne contrôlée se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité, les agents ou officiers de police judiciaire doivent, en principe, retenir la personne sur place ou dans le local de police où elle est conduite aux fins de vérifications de son identité ; qu’elle ne peut être suivie à son domicile, aux mêmes fins, qu’avec son accord exprès, valablement donné ; qu’en l’espèce, la cour d’appel ne pouvait pas, pour estimer régulier le contrôle d’identité de Maciej X..., Rafal Y... et Franciszek Z... et valider la procédure subséquemment suivie à l’encontre de Mario B..., retenir que les personnes contrôlées avaient consentis à être suivies par les gendarmes jusqu’au domicile de Mario B... ; qu’en effet, en l’absence d’interprète, ces personnes de nationalité polonaise et ne parlant pas le français n’avaient pas pu valablement donné un consentement libre et éclairé, que la cour d’appel n’a, du reste, nullement caractérisé ;
” alors, en deuxième lieu, qu’en matière de travail dissimulé, si les officiers et les agents de police judiciaire sont compétents pour rechercher et constater les infractions, ils ne peuvent, dans le cadre d’une enquête préliminaire, procéder à une mesure de perquisition et saisie que sur autorisation du président du tribunal de grande instance, les perquisitions de droit commun étant, en cette matière, exclues ;
” alors, en troisième lieu, qu’en déduisant la régularité de l’audition de Mario B... et de la perquisition effectuée à son domicile de la circonstance qu’il avait donné par écrit son assentiment et que rien ne permettait de dire qu’il ne maîtrisait pas suffisamment la langue française, cependant qu’il résultait de ses propres constatations qu’au cours des débats, Mario B... était assisté d’un interprète, ce qui établit qu’il ne comprend pas le français, la cour d’appel s’est contredite “ ;
Attendu que le moyen, qui se borne à reprendre l’argumentation que, par une motivation exempte d’insuffisance comme de contradiction, la cour d’appel a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 143-3, L. 320, L. 324-9, L. 324-10, L. 362-3 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Mario B... coupable de travail dissimulé par dissimulation de salariés et, en répression, l’a condamné à une amende de 1. 500 euros ;
” aux motifs que, le 9 août 2006, les gendarmes de Brive ont suivi trois ressortissants polonais jusqu’à leur logement à Yssandon afin qu’ils présentent leurs pièces d’identité de manière à relever une infraction de circulation sans port de la ceinture de sécurité ; qu’au bout d’une voie publique, ils ont constaté qu’une résidence était en cours de rénovation et que, devant celle-ci, se trouvaient de nombreux matériaux ; que les polonais se sont dirigés vers une caravane dans laquelle ils semblaient loger sur un terrain jouxtant la résidence et ont présenté leurs pièces d’identité ; que les gendarmes ont relevé les infractions ; qu’en considération de leurs constatations, les polonais ayant des traces de plâtre sur les mains, et de leur mode de logement, les gendarmes ont déduit qu’ils effectuaient les travaux de restauration de la résidence qu’ils apercevaient depuis la voie publique ; qu’ils leur ont demandé le motif de leur séjour ; qu’ils ont expliqué en anglais qu’ils étaient en vacances chez le propriétaire de la résidence qui les hébergeait en contrepartie de travaux sur la maison ; que les polonais sont entrés en contact téléphonique avec lui et il les a rejoints ; que Mario B... a déclaré qu’il s’agissait d’amis qu’il hébergeait dans une caravane et des toiles de tente sur son terrain ; qu’en contrepartie, ils effectuaient pour son compte des travaux à l’intérieur et à l’extérieur de sa résidence ; qu’il les rémunérait en espèces mais ne les avait pas déclarés ; que les gendarmes en déduisaient que le délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié était constitué ; qu’en considération de la situation des ressortissants polonais, une procédure distincte de flagrance était ouverte pour séjour irrégulier ; qu’entendu le lendemain, Mario B... a précisé que quatre polonais logeaient actuellement chez lui ; qu’il avait acquis un véhicule en Hollande qu’il avait mis à leur disposition afin qu’ils viennent en France ; qu’il leur prêtait le véhicule pour leurs déplacements ; qu’ils étaient en vacances mais qu’ils l’aidaient dans la rénovation de sa résidence ; qu’il leur versait en espèce 150 euros chacun par semaine pour ces travaux mais ne les avait pas déclarés et ne leur remettait pas de bulletins de paie ; qu’une perquisition était effectuée dans la maison et des clichés photographiques étaient réalisés ; que les polonais étaient entendus dans le cadre de la procédure de flagrance ; qu’Andrzej A... précisait qu’il séjournait depuis le 11 juin 2006 chez Mario B... et l’aidait à la rénovation de son habitation ; qu’il bénéficiait des repas, de l’hébergement et d’entrées pour des manifestations sportives ; que Maciej X... précisait qu’il séjournait chez Mario B... depuis le 22 juin 2006, qu’il le logeait, le nourrissait, mettait à sa disposition son véhicule avec le plein de carburant et qu’il lui avait acheté le billet d’avion pour repartir en Pologne fin août ; qu’il était plombier et avait effectué des travaux de plomberie dans la résidence ; que Mario B... le payait en espèces 150 euros par semaine pour les travaux ; que Franciszek Z... précisait qu’il était arrivé en compagnie d’Andrzej A..., Rafal Y... et Lukas C... chez Mario B... le 9 juin 2006 avec un véhicule prêté par ce dernier ; qu’il était venu pour un séjour touristique ; qu’en contrepartie de l’hébergement, des repas, du prêt d’un véhicule, il devait aider Mario B... à la rénovation de sa résidence ; qu’il était payé en espèces 150 euros par semaine et que, depuis le début de son séjour il avait perçu 900 euros ; que Rafal Y... précisait qu’il était venu chez Mario B... le 9 juin 2006 accompagné de Franciszek Z..., Lukas C... et Andrzej A... ; qu’ils avaient fait le trajet depuis la Hollande avec le véhicule Mazda mis à leur disposition par Mario B... ; qu’ils étaient logés et nourris ; que Mario B... mettait à leur disposition un véhicule avec le carburant ; qu’en contrepartie ils l’aidaient à la rénovation de sa résidence ; que lui-même s’occupait plus particulièrement du carrelage et de l’entretien ; que Mario B... lui remettait 150 euros par semaine en numéraire ; qu’il avait perçu en tout 1 200 euros et que Mario B... avait acheté le billet d’avion pour le retour ; que les constatations des gendarmes et l’ensemble des déclarations recueillies établissent que Mario B... a employé les ressortissants polonais en se soustrayant intentionnellement aux formalités de remise de bulletins de paie et de déclaration préalable à l’embauche ;
” alors, en premier lieu, qu’il ne peut y avoir de travail dissimulé au sens des articles L. 324-9 et L. 324-10 du code du travail qu’autant que le prévenu est lié aux prétendus salariés dissimulés par un contrat de travail ; que tel n’est pas le cas en l’absence de lien de subordination ; qu’en retenant Mario B... dans les liens de la prévention, sans rechercher, comme l’y invitaient les conclusions d’appel du prévenu, si les ressortissants polonais ne travaillaient pas à la rénovation de sa maison en toute indépendance, sans être soumis à aucun horaire ni directive, de sorte que leur relation ne pouvait être qualifiée de contrat de travail, la cour d’appel n’a caractérisé les éléments constitutifs du délit ;
” alors, en second lieu, que et de la même façon, en ne recherchant pas si Mario B..., de nationalité hollandaise, installé en France depuis seulement quelques années, connaissait ou aurait dû connaître l’obligation pour un employeur de déclarer ses salariés préalablement à toute embauche et de leur délivrer des bulletins de paie, tandis qu’en tout état de cause, à le supposer avéré, l’emploi des polonais n’avaient été que ponctuel et ne s’inscrivait pas dans le cadre de son activité principale, la cour d’appel n’a pas caractérisé l’élément intentionnel du délit “ ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit de travail dissimulé par dissimulation de salariés dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve conttradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Palisse conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Limoges , du 19 décembre 2007