Agents Dreal - CTT - articulation code des transports/code du travail - procédure régulière oui

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 13 octobre 2020, 20-82.160, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle

N° de pourvoi : 20-82.160
ECLI:FR:CCASS:2020:CR01925
Non publié au bulletin
Solution : Cassation

Audience publique du mardi 13 octobre 2020
Décision attaquée : Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Poitiers, du 25 février 2020

Président
M. Soulard (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

N° T 20-82.160 F-D

N° 1925

SM12
13 OCTOBRE 2020

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 OCTOBRE 2020

Le procureur général près la cour d’appel de Poitiers a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de ladite cour, en date du 25 février 2020, qui, dans l’information suivie contre personne non dénommée du chef de travail dissimulé en bande organisée, a prononcé sur des nullités de procédure.

Par ordonnance en date du 8 juin 2020, le président de la chambre criminelle a prescrit l’examen immédiat du pourvoi.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Seys, conseiller, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l’audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Seys, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué, du procès-verbal des fonctionnaires du service des transports routiers de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement des pays de la Loire (la DREAL) en date du 5 avril 2017 et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Dans le cadre d’une enquête portant sur les conditions d’emploi par la société de transport routier TSM esport (la société TSM), de chauffeurs d’une entreprise polonaise ayant la même activité, les agents de contrôle de la DREAL se sont présentés à deux reprises au siège de la société, pour obtenir communication de divers documents, qu’ils avaient préalablement sollicitée par courrier.

3. Dans la dernière phase des investigations, le gérant de l’entreprise a été entendu par ces fonctionnaires.

4. Les agents susvisés ont dressé, au visa notamment des articles L. 8221-1 et L. 8271-7 du code du travail, L. 3315-1 et L. 3315-2 du code des transports, un procès-verbal pour travail dissimulé aggravé, en raison notamment de manquements réitérés en matière de rémunération des heures de travail et d’indemnisation des frais de déplacement, daté du 5 avril 2017, qui a été transmis le 11 septembre 2017 au procureur de la République.

5. Une information judiciaire a été ouverte le 12 mars 2018 du chef susvisé contre personne non dénommée.

6. Par ordonnance en date du 5 juillet 2019, le juge chargé de l’information a saisi la chambre de l’instruction d’une requête aux fins d’annulation de pièces de la procédure aux motifs que le procès verbal établi par les contrôleurs de la DREAL, agissant en réalité dans le cadre des articles L. 3241-1 à L. 3241-5 du code des transports, ne portait pas mention de sa transmission aux personnes mises en cause ni d’un avis préalable au procureur de la République et avait en outre été adressé tardivement à ce dernier.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen est pris de la violation des articles 28 du code de procédure pénale, L. 8171-7 et L. 8221-1 du code du travail, L. 3241-1, L. 3315-1 et L. 3315-2 du code des transports.

8. Le moyen, en deux branches, reproche à l’arrêt attaqué d’avoir annulé le procès-verbal rédigé par les contrôleurs de la DREAL le 5 avril 2017 et les pièces subséquentes de la procédure, au motif que les dispositions de l’article L. 3241-4 du code des transports, applicables à tous les contrôles effectués par les agents de la DREAL, qui prévoient un avis préalable au procureur de la République, la transmission sans délai à ce magistrat du procès-verbal et l’envoi d’une copie à la personne mise en cause, n’avaient pas été respectées, alors :

« 1°/ que, d’une part, le procès-verbal a été établi en réalité sur le fondement des articles 28 du code de procédure pénale, L. 8271-7 et L. 8221-1 du code du travail, L. 3315-1 et L.3315-2 du code des transports ; qu’en effet l’article L. 8271-1-2 7°, du code du travail donne compétence aux fonctionnaires ou agents de l’Etat chargés du contrôle des transports terrestres pour rechercher et constater les infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l’article L. 8211-1 et que les dispositions des articles L.3315-1 et L.3315-2 du code des transports déclinent cette compétence en matière de contrôle de la réglementation du travail spécifique au transport routier, auquel le livre III du code des transports est consacré et que les exigences procédurales imposées aux fonctionnaires ou agents de l’Etat chargés du contrôle des transports terrestres par l’article L.3241-4 du code des transports ne concernent que la recherche des infractions aux dispositions de l’article L.3221-3 du même code que ces mêmes agents sont habilités également à rechercher et à constater aux termes de l’article L.3241-2 ;

2°/ que, d’autre part, dans l’hypothèse même où l’article L. 3241-4 du code des transports aurait vocation à s’appliquer, aucune disposition légale n’indique que les formalités qu’il prévoit sont prescrites à peine de nullité ; que, par ailleurs, aucun grief ne saurait être retiré de l’absence d’avis préalable du ministère public, à visée purement informative, les droits de la défense ayant été préservés tout au long de la procédure de contrôle, et aucune mesure coercitive n’ayant été prise à l’encontre des mis en cause. »

Réponse de la cour

sur le moyen pris en sa première branche

Vu les articles L. 3315-1 du code des transports, L. 8271-1, L. 8271-1-2,
L. 8271-6-1, deuxième alinéa, L. 8113-7 et L. 8271-8, deuxième alinéa, du code du travail :

9. Il résulte du premier de ces textes que la recherche et le constat des infractions au code du travail en matière de réglementation de la durée du travail, des repos et congés relèvent des attributions des agents de contrôle du service des transports routiers de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement.

10. Selon les deux suivants, lorsqu’ils agissent dans la limite de leurs compétences, ces mêmes agents sont investis d’une mission de même nature en matière de travail illégal.

11. Selon le quatrième, toute personne entendue dans ce cadre, à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction, bénéficie des dispositions de l’article 61-1 du code de procédure pénale régissant l’audition libre.

12. Il se déduit du cinquième de ces textes que dans l’exercice de leurs pouvoirs en matière de travail dissimulé, ces fonctionnaires sont tenus, avant la transmission de leur procédure au procureur de la République, d’informer la personne visée au procès-verbal des faits susceptibles de constituer une infraction pénale ainsi que des sanctions encourues.

13. Le dernier prévoit que les procès-verbaux sont transmis directement au procureur de la République.

14. Pour annuler le procès verbal dressé par les agents de la DREAL, l’arrêt retient que tous les contrôles réalisés par les fonctionnaires du service régional des transports routiers d’une direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement dans les locaux d’une entreprise et aux fins d’obtenir communication de documents sont soumis aux exigences de l’article L. 3241-4 du code des transports.

15. Les juges ajoutent qu’en prévoyant l’information préalable du procureur de la République d’une visite des locaux professionnels, le législateur a donné à celui-ci, en sa qualité de garant des libertés, le pouvoir d’assister aux opérations afin d’en vérifier la légalité ou de s’opposer à leur mise en oeuvre.

16. Les juges précisent que la transmission rapide des procès-verbaux de constatation a pour finalité de permettre au ministère public de se prononcer rapidement sur l’opportunité de mettre en oeuvre l’action publique.

17. Ils observent enfin que l’obligation de transmettre à la partie concernée une copie de la procédure a pour finalité de la mettre en mesure de faire valoir ses moyens de défense après s’être, le cas échéant, fait assister par un avocat, l’omission de cette formalité étant constitutive d’un grief tiré de l’impossibilité pour la personne mise en cause de se prévaloir de l’absence d’avis au parquet.

18. La chambre de l’instruction en déduit la nullité du procès verbal et de l’ensemble de la procédure subséquente.

19. En se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés, pour les motifs qui suivent.

20. En premier lieu, les agissements relevés étant au nombre de ceux visés à l’article L. 3315-1 alinéa 1, 2°) du code des transports, les agents de contrôle agissaient dans la limite de leurs compétences et pouvaient en conséquence rechercher et constater les infractions en matière de travail illégal.

21. En deuxième lieu, dès lors qu’il ne résulte pas de la procédure que les fonctionnaires, qui se sont limités à l’exercice de leur droit de communication, ont procédé à une visite des locaux professionnels, aucune disposition n’impose un avis préalable au procureur de la République.

22. En troisième lieu, la transmission à ce dernier des procès verbaux établis dans l’exercice d’une telle mission n’est soumise à aucune condition de délai.

23. Enfin, la Cour de cassation est en mesure de s’assurer que le représentant de la société TSM esport, mis en cause, entendu dans le cadre des dispositions de l’article 61-1 du code de procédure pénale, a été dûment avisé de la nature des faits poursuivis et des sanctions encourues, l’article L. 8113-7 du code du travail ne soumettant la délivrance de cette information à aucun formalisme spécifique.

24. La cassation est dès lors encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Poitiers, en date du 25 février 2020, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Angers, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Poitiers et sa mention en marge de l’arrêt annulé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize octobre deux mille vingt.