Prix dérisoires

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 19 décembre 2000

N° de pourvoi : 00-83820

Non publié au bulletin

Rejet Irrecevabilité

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf décembre deux mille, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général de Y... ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

 X... Alain,

 LA SOCIETE FRAMOD,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 12ème chambre, en date du 18 avril 2000, qui, pour recours aux services d’une entreprise exerçant un travail dissimulé, a condamné le premier à 100 000 francs d’amende ;

I - Sur le pourvoi en ce qu’il est formé par la société Framod :

Sur sa recevabilité :

Attendu que, la société Framod n’étant pas partie à la procédure dans laquelle a été rendu l’arrêt attaqué, son pourvoi est irrecevable ;

II - Sur le pourvoi en ce qu’il est formé par Alain X... :

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, R. 324-4 du Code du travail, 459, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a condamné Alain X... des faits de recours aux services d’une société qui exerce un travail dissimulé ;

”aux motifs que Alain X... n’a pas procédé à toutes les vérifications auxquelles il était tenu ; que la société Framod gérée par Alain X..., ne possédait ni les documents justifiant que la société aurait dû attester que le travail serait réalisé par des salariés employés régulièrement ; qu’il a été remis à la société Framod les bordereaux de déclarations trimestrielles à l’URSSAF mentionnant trois salariés alors que, compte tenu de la durée des relations commerciales, Alain X... aurait dû remarquer que les commandes passées nécessitaient le travail de 8 ouvriers ; que la société Framod imposait des prix dérisoires à son sous-traitant ;

”alors d’une part, que, dans ses conclusions régulièrement déposées, le demandeur a rappelé qu’il a bien accompli toutes les vérifications nécessaires en obtenant de son sous-traitant un extrait K.Bis, les statuts de la société, le bail, la carte de résidant du gérant, l’attestation de versement URSSAF et l’attestation sur l’honneur certifiant que le travail serait réalisé par des salariés employés régulièrement ; qu’en ne répondant pas à ce moyen péremptoire des conclusions du demandeur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

”alors d’autre part que, dans ses conclusions régulièrement déposées, le demandeur a également rappelé qu’il était bien en possession d’une déclaration sur l’honneur de la société Sylla attestant que son travail serait réalisé par des salariés employés régulièrement et que cette déclaration avait été adressée au tribunal correctionnel le 30 mars 1999 ; qu’en se bornant à énoncer que Alain X... n’était pas possession d’une telle déclaration sur l’honneur, sans se prononcer sur la valeur du document adressé au tribunal, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

”alors, en toute hypothèse, que les vérifications requises par l’article L. 324-9 du Code du travail sont satisfaites par le donneur d’ordre lorsque celui-ci a exigé de son sous-traitant un extrait K.Bis, les statuts de la société, le bail, la carte de résidant du gérant, l’attestation de versement URSSAF et l’attestation sur l’honneur certifiant que le travail a été réalisé par des salariés employés régulièrement ; que, de plus, l’arrêt attaqué constate que Alain X... possédait bien les bordereaux de déclarations trimestrielles à l’URSSAF des trois salariés déclarés de la société Sylla ; que l’arrêt attaqué ne pouvait dès lors exiger de Alain X... qu’il remarque que le travail effectué par la société Sylla nécessitait 8 salariés et non pas 3, sans violer les textes susvisés ;

”alors, enfin, que, dans ses conclusions régulièrement déposées, le demandeur fait valoir que le prix de chaque pièce est soigneusement calculé et que de nombreux ateliers qui fonctionnent toujours sont en règle avec leurs dettes fiscales et sociales tout en pratiquant des prix similaires ; que l’arrêt attaqué s’est borné à énoncer que la société Framod imposait des prix dérisoires à son client et n’a donc pas répondu à ce moyen péremptoire des conclusions d’Alain X...” ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9 du Code du travail, 121-3 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a condamné Alain X... des faits de recours aux services d’une société qui exerce un travail dissimulé ;

”aux motifs que Alain X... n’a pas procédé à toutes les vérifications auxquelles il était tenu ; que la société Framod gérée par Alain X..., ne possédait pas les documents justifiant que la société Sylla avait procédé aux déclarations qui doivent être faites à l’administration fiscale, ni la déclaration sur l’honneur par laquelle cette société aurait dû attester que le travail serait réalisé par des salariés employés régulièrement ; qu’il a été remis à la société Framod les bordereaux de déclarations trimestrielles à l’URSSAF mentionnant trois salariés alors que, compte tenu de la durée des relations commerciales, Alain X... aurait dû remarquer que les commandes passées nécessitaient le travail de 8 ouvriers ;

que la société Framod imposait des prix dérisoires à son sous- traitant ;

”alors que le délit de recours aux services d’une société qui exerce un travail dissimulé est un délit intentionnel ; qu’en l’espèce, l’arrêt attaqué s’est borné à énoncer que Alain X..., donneur d’ordre, n’était pas en possession de tous les documents nécessaires pour s’assurer de l’absence de travail dissimulé et n’a pas exposé en quoi demandeur aurait eu sciemment recours aux services d’une société sous-traitante dont certains employés étaient dissimulés ; que la cour d’appel n’a donc pas donné de base légale à sa décision” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué, incomplètement reprises aux moyens, mettent la cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs,

I - sur le pourvoi en ce qu’il a été formé par la société Framod :

Le déclare IRRECEVABLE ;

II - Sur le pourvoi en ce qu’il a été formé par Alain X... :

Le REJETTE ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Desportes conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Paris, 12ème chambre du 18 avril 2000