Prix insuffisant oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 25 juin 2013

N° de pourvoi : 12-83021

ECLI:FR:CCASS:2013:CR03502

Non publié au bulletin

Rejet

, président

SCP Boullez, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

 M. Jean-Luc X...,

 La société SCMA,

contre l’arrêt de la cour d’appel de CHAMBÉRY, chambre correctionnelle, en date du 9 février 2012, qui, pour recours aux services d’un travailleur dissimulé, a condamné le premier, à six mois d’emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d’amende et a ordonné une mesure de publication, la seconde, à 100 000 euros d’amende et cinq ans d’exclusion des marchés publics, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8221-5, L. 8222-1, L. 8224-1 et L. 8224-5 du code du travail et des articles 485, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale, défaut de motifs ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X... et la société SCMA coupables des faits de travail dissimulé et a, en conséquence, condamné la société SCMA à une amende de 100 000 euros et lui a fait interdiction de participer à tous marchés publics pendant cinq ans et condamné M. X... à six mois d’emprisonnement avec sursis, à une amende de 10 000 euros et a ordonné la publication, à ses frais de l’arrêt dans le journal “Le Dauphiné Libéré ;

”aux motifs qu’il a été parfaitement établi tant par l’enquête que l’instruction et reconnu encore devant les premiers juges par M. Y..., qu’il avait employé dans son entreprise, MM. Z..., Kadir et Mehmet Y... alors qu’il n’avait établi aucune formalité imposée par la loi et, notamment, la déclaration nominative préalable à l’embauche auprès des organismes sociaux et que ceux-ci, n’étaient pas déclarés et ne bénéficiaient d’ailleurs pas d’un contrat de travail, qu’ils étaient payés sans qu’il leur soit remis un bulletin de salaire ; qu’aucun document n’a été retrouvé au sein de la société SCMA démontrant que cette société avait cherché à connaître la situation des salariés de son sous-traitant au regard de l’URSSAF et la déclaration de M. X..., selon laquelle sa société prenait contact avec l’URSSAF, pour s’informer sur le personnel de ses sous-traitants est démentie par l’URSSAF qui a expressément indiqué ne jamais fournir d’informations directement aux donneurs d’ordre ; que la présence quasi-systématique constatée par tous les chefs de chantier et conducteurs de travaux et par M. A... de quatre ouvriers sur les chantiers (les trois frères Y... et leur père) alors que seulement deux salariés étaient mentionnés sur le listing fourni par l’entreprise Y... jusqu’en novembre 2006 démontre nécessairement que la société SCMA ne pouvait ignorer que l’entreprise Y... recourait à du travail dissimulé ; que cela est d’ailleurs corroboré par le fait que l’entreprise Y... travaillait exclusivement pour la SA SCMA ; que, dans des conditions de prix desquelles il se déduit que l’entreprise ne pouvait s’en sortir financièrement en respectant ses obligations légales en matière de droit du travail, ce que confirmaient d’ailleurs les expertises réalisées à partir des factures établies par la société SCMA ; qu’ainsi, en ne vérifiant pas effectivement les conditions d’emploi des salariés de leur sous-traitant, la société SCMA et M. X... ont sciemment eu recours à un employeur dissimulant l’emploi de ses salariés en sorte qu’ils se sont bien rendus coupables des faits qui leur sont reprochés ;

”et aux motifs réputés adoptés que la cour d’appel de Chambéry a condamné M. X... pour des faits identiques commis du 1er janvier 2002 aux 31 décembre 2003 et si celui-ci au terme de longues conclusions affirme que l’entreprise qu’il dirige a pris alors toutes les mesures nécessaires pour garantir la régularité de l’emploi de ses sous-traitants, force est de constater que ces mesures ont été soit inefficaces soit n’ont pas réellement été prises puisque le prévenu était encore condamné le même jour par la même juridiction pour des faits identiques ou voisins commis à la fois concomitamment mais également postérieurement aux faits présentement jugés ; que si cette constatation ne saurait à elle seule établir la mauvaise foi des prévenus elle laisse dubitatif quant aux mesures qu’ils auraient prises pour connaître de la situation sociale de leur sous-traitant, en l’espèce M. Y... et des salariés de celui-ci ; qu’il apparaît, au surplus, des pièces du dossier mais également des déclarations de M. Y..., qu’aucune vérification sérieuse sur les conditions de travail des salariés de ce dernier n’a été faite par les donneurs d’ordres et notamment qu’aucun justificatif n’a été produit par le premier à ces derniers concernant notamment la déclaration préalable à l’embauche des salariés, ce document qui à lui seul aurait permis au donneur d’ordre de connaître de cette situation n’ayant manifestement pas même été demandé ; qu’il convient d’ailleurs de constater que M. X... n’a pas hésité à mentir au juge d’instruction et aux enquêteurs en affirmant que sa société sollicitait directement de l’URSSAF les justificatifs nécessaires à l’établissement de la régularité de l’emploi des salariés du sous-traitant alors que cet organisme a clairement indiqué qu’il ne communiquait jamais directement aux donneurs d’ordres de tels documents, la piteuse rectification postérieure du prévenu affirmant que ces renseignements étaient donnés au téléphone venant de la même façon en contradiction totale des explications de l’organisme social ; que, quand bien même la société SCMA et son dirigeant auraient sollicité de leur sous-traitant les renseignements sur la régularité de l’emploi de ses salariés ce qui ne ressort aucunement des pièces du dossier, force est de constater que M. Y... ne pouvait produire à son donneur d’ordre ces justificatifs et qu’ainsi ce dernier en était dépourvu, ayant en conséquence l’obligation de renoncer à passer le contrat de sous-traitance ce que manifestement il n’a pas fait ; qu’ainsi, il apparaît qu’outre que les prévenus se sont bien rendus coupables des faits qui leur sont reprochés puisqu’en ne vérifiant pas effectivement les conditions d’emploi des salariés de leur sous-traitant, ils ont sciemment eu recours à un employeur dissimulant l’emploi de ses salariés ;

1°) “alors que l’absence de vérification d’une des formalités visées à l’article L.8222-1 du code du travail n’induit pas nécessairement l’intention frauduleuse du donneur d’ordre de recourir au service d’une personne qui dissimule l’emploi de ses ouvriers ; qu’en fondant sa décision sur cet élément, sans prendre en compte, ainsi qu’elle y était invitée ni la faible durée des rapports contractuels ni leur nature et notamment la grande autonomie de travail du sous-traitant et l’important nombre de chantiers par conducteurs de travaux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

2°) “alors que M. X... et la société SCMA faisaient valoir à la page 9 de leurs conclusions d’appel, avec documents comptables à l’appui, que les chiffres pris en compte par les experts étaient erronés et que le chiffre d’affaires réalisé par la société Y... sur la période incriminé étaient largement suffisant pour payer les salaires, charges sociales, matériels et autres charges diverses ; qu’en décidant au contraire qu’en travaillant exclusivement pour la société SCMA, M. Y... ne pouvait s’en sortir financièrement en respectant ses obligations en matière de droit du travail, sans s’expliquer sur ces faits établis qui démontraient précisément le contraire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

3°) “alors que M. X... et la société SCMA faisaient valoir à la page 9 de leurs conclusions d’appel que le listing fourni par l’entreprise Y... le 8 janvier 2007 mentionnait bien trois ouvriers en plus de M. Y..., ce qui correspondait aux déclarations des conducteurs de travaux et du chef de chantier ; qu’en déduisant néanmoins la connaissance par eux de la dissimulation de travail salarié par la société sous-traitante du fait que deux ouvriers seulement étaient mentionnés sur le listing fourni par l’entreprise Y... jusqu’en novembre 2006, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce n’est pas après janvier 2007 que les ouvriers de l’entreprise Y... étaient au nombre de quatre, comme indiqué sur les informations communiquées par l’entreprise Y..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale” ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 388, 485, 512 et 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a condamné solidairement M. X..., la société SCMA et M. Y... à payer à pôle emploi la somme de 3 500 euros à titre de dommages-intérêts ;

”aux motifs qu’en condamnant solidairement MM. Y..., X... et la société SCMA à payer à pôle emploi la somme de 3 500 euros, à titre de dommages-intérêts, les premiers juges, au vu des justificatifs produits, ont exactement apprécié l’importance du préjudice subi par la partie civile ;

”et aux motifs réputés adoptés que Pôle emploi s’est constitué partie civile et sollicite la condamnation solidaire MM. Y..., X... et de la société SCMA à lui payer la somme de 4 000 euros ; que ce service fait valoir qu’en dissimulant le recours à trois salariés, M. Y... s’est soustrait à l’obligation de contribution au régime d’assurance-chômage et qu’en ayant recours aux services de ce dernier la société SCMA et M. X... doivent être déclarés solidairement responsables du préjudice qui en est résulté ; qu’il apparaît que la constitution de partie civile de pôle emploi est parfaitement recevable ; que MM. Y..., X... et de la société SCMA sont entièrement responsables du préjudice résultant des infractions qu’ils ont respectivement commises ; qu’en conséquence, et au regard des pièces produites et de la de prévention le tribunal condamnera solidairement MM. Y..., X... et de la société SCMA à payer à pôle emploi la somme de 3 500 euros de dommages-intérêts ;

”alors que M. X... et la société SCMA faisaient valoir à la page 22 de leurs conclusions d’appel que les demandes en dommages-intérêts de Pôle emploi, évaluées en fonction des contributions qui auraient dû être réglées à l’assurance chômage, incluaient une période non comprise dans la prévention, dès lors qu’ils n’étaient prévenus que pour une période débutant courant 2006, vraisemblablement aux alentours d’avril 2006, date du premier contrat de sous-traitance, ce qui n’était pas le cas de M. Y... prévenu pour des faits survenus à compter du 1er janvier 2006 ; qu’en se bornant à évaluer le préjudice de Pôle emploi, sans aucunement s’expliquer sur ce moyen ni préciser les mois pris en compte pour le calcul des dommages-intérêts, la cour d’appel a privé sa décision de motif et de base légale” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables, et a ainsi justifié l’allocation, au profit de la partie civile, de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 3 000 euros la somme globale que M. X... et la société SCMA devront payer à Pôle emploi, au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Finidori conseiller rapporteur, Mme Guirimand conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Chambéry , du 9 février 2012