Vérification à portée générale

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 4 novembre 1997

N° de pourvoi : 96-86211

Publié au bulletin

Rejet

Président : M. Culié, président

Rapporteur : M. Desportes., conseiller apporteur

Avocat général : M. de Gouttes., avocat général

Avocat : la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

REJET du pourvoi formé par Israël Y..., dit Bernard Y..., contre l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre correctionnelle, en date du 17 septembre 1996, qui, pour tentative d’extorsion et travail clandestin, l’a condamné à 3 ans d’emprisonnement avec sursis et 100 000 francs d’amende et a ordonné la publication de la décision.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 400 ancien du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

” en ce que Franck Z... a été déclaré coupable de tentative d’extorsion de fonds ;

” aux motifs que l’analyse des relations contractuelles qui liaient Franck Z... à Jean-Claude X..., d’une part, de la pratique commerciale de Franck Z... telle qu’elle ressort des auditions de multiples intervenants sur la foire de Toulon et des propres déclarations de Franck Z..., d’autre part, révèle que le gérant de Var Expansion menait une politique commerciale très contraignante à l’égard de ses co-contractants qui le considèrent unanimement comme le patron, maître absolu sur la foire et dont la volonté et les exigences n’étaient pas remises en cause ; que cette position de force place d’emblée Jean-Claude X... en position de faiblesse confortée : 1° par le fait que, contre toute règle et à l’encontre de sa pratique habituelle, Franck Z... ne lui fera pas de contrat pour lui confier l’exploitation du restaurant ; 2° par le fait reconnu qu’il a fait attendre sa décision très longtemps sous prétexte de tester la qualité des mets ; 3° par le fait que l’obtention de ce marché était fondamentale à l’économie de la société de Jean-Claude X... ;

Ainsi se trouve mis en place par Franck Z... le conditionnement psychologique propice pour soumettre Jean-Claude X... à sa volonté :

à ce premier élément s’ajoute la contrainte effective exercée par Franck Z... sur la volonté de Jean-Claude X... lors des pourparlers dont la teneur et la violence ne peuvent s’inscrire dans le cadre de discussions d’affaires très âpres mais font ressortir au contraire l’utilisation délibérée par Franck Z... de sa position dominante pour imposer à son interlocuteur ses conditions les plus dures allant jusqu’à lui conseiller de “ sortir l’argent au black “ pour pouvoir satisfaire à ses exigences ; Franck Z... reconnaît d’ailleurs, même s’il en exclut toute notion de pression psychologique, avoir exigé et obtenu de Jean-Claude X..., hors toute clause contractuelle écrite, l’engagement de verser un pourcentage sur recette qui devait lui être versé personnellement ; que, dans le contexte qui vient d’être décrit, cette exigence équivaut à l’obtention par la contrainte de fonds qui n’auraient pu être obtenus sans l’exercice de cette contrainte à laquelle Jean-Claude X... n’a pu résister ;

” alors que, le délit d’extorsion de fonds n’est constitué que si l’avantage obtenu ou recherché est indu ou illégitime ; qu’en déclarant constitutives d’une tentative d’extorsion de fonds les conditions dans lesquelles Franck Z..., dirigeant de la société Var Expansion organisatrice de la foire de la ville de Toulon 1992, a négociée avec Jean-Claude X..., gérant de la société AISA à laquelle avait été concédé par la première le droit d’exploiter un restaurant inclus dans la foire et pendant la durée de celle-ci, une commission basée sur le chiffre d’affaires réalisé par ce restaurant sans rechercher comme elle y était invitée si le versement d’une telle redevance à titre de contribution aux frais de l’organisatrice ne constituait pas un avantage légitime que Franck Z... avait, dès lors, pu valablement obtenir dans le cadre des relations entre ces deux sociétés commerciales, moyennant l’autorisation d’exploitation qu’il avait accordée, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision “ ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que les juges du fond ont, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu’intentionnel la tentative d’extorsion de fonds dont ils ont déclaré Franck Z... coupable, ladite tentative ne pouvant être justifiée par le caractère prétendument légitime des exigences du prévenu à l’égard de la victime ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9 du Code du travail, 121-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

” en ce que Franck Z... a été déclaré coupable d’avoir recouru aux services de travailleurs clandestins ;

” aux motifs qu’il résulte des contrats signés que la société AISA a engagé pour le compte de Var Expansion et par l’intermédiaire d’Eric A... pour la période du 9 au 20 octobre 1992, la troupe des Mariachis pour une somme globale de 62 400 francs, que Jean-Claude X... ne peut être considéré comme le soutient Franck Z..., comme l’employeur des Mariachis et tenu à ce titre aux diverses déclarations ; qu’il résulte ainsi de la procédure et des débats que la société Var Expansion a bien procédé par l’intermédiaire de la société AISA à l’engagement de la troupe des Mariachis ; qu’il incombait, dès lors, bien à Franck Z... de s’assurer que l’entrepreneur de spectacle, responsable de cette troupe, avait bien procédé aux déclarations et à l’immatriculation lui incombant ; qu’en ayant recours à Eric A... sans s’être au préalable assuré que ce dernier exerçait une activité régulièrement déclarée, Franck Z... a bien commis le délit de recours aux services de travailleurs clandestins visé à la prévention, et ce d’autant que Var Expansion s’étant engagé aux dires mêmes de Franck Z... au paiement des charges sociales, il incombait à l’évidence à ce dernier de vérifier que les déclarations, base de leur calcul, avaient été effectivement effectuées ;

” alors qu’en statuant ainsi après avoir constaté qu’Eric A..., sous l’autorité et le contrôle duquel étaient demeurés les danseurs qu’il avait recrutés, était leur employeur et qu’il lui appartenait de procéder aux déclarations prévues par la loi, la cour d’appel, qui n’a pas constaté qu’Eric A..., rémunéré pour la prestation de ces danseurs, n’aurait été qu’un employeur interposé ou fictif, n’a pas légalement justifié sa décision et s’est contredite ;

” et alors qu’en déclarant le prévenu coupable d’avoir recouru aux services de travailleurs clandestins sans constater qu’il savait que les formalités et déclarations légales n’avaient pas été effectuées, la cour d’appel n’a pas constaté l’élément intentionnel du délit ainsi retenu “ ;

Attendu que, pour déclarer Franck Z..., gérant de la SARL Var Expansion, coupable de travail clandestin, l’arrêt confirmatif attaqué retient que cette société a eu recours, par l’intermédiaire de la société AISA, aux services d’Eric A..., entrepreneur de spectacle employant plusieurs artistes étrangers, sans avoir vérifié si ce dernier, condamné pour s’être soustrait aux obligations mentionnées à l’article L. 324-10 du Code du travail, avait procédé “ aux déclarations et à l’immatriculation lui incombant “ ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, qui caractérisent en tous ses éléments constitutifs tant matériels qu’intentionnel l’infraction dont le prévenu a été déclaré coupable, la cour d’appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Qu’en effet, commet sciemment le délit prévu par l’article L. 324-9, alinéa 2, du Code du travail, celui qui ne vérifie pas, alors qu’il y est tenu tant par ce texte que par l’article L. 324-14 du même Code, la régularité, au regard de l’article L. 324-10, de la situation de l’entrepreneur dont il utilise les services ;

D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

Publication : Bulletin criminel 1997 N° 372 p. 1252

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre correctionnelle), du 17 septembre 1996

Titrages et résumés : TRAVAIL - Travail clandestin - Recours aux services d’un entrepreneur clandestin (article L. 324-9, alinéa 2, du Code du travail) - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Définition. Commet sciemment le délit prévu par l’article L. 324-9, alinéa 2, du Code du travail, celui qui ne vérifie pas, alors qu’il y est tenu tant par ledit article que par l’article L. 324-14 du même Code, la régularité, au regard de l’article L. 324-10, de la situation de l’entrepreneur dont il utilise les services. .

Textes appliqués :
* Code du travail L324-9, L324-10, L324-14